DERMATOLOGIE CANINE ET FÉLINE
Article de synthèse
Auteur(s) : Charline Pressanti
Fonctions : Service de dermatologie
INP-ENVT
23, chemin des Capelles
31000 Toulouse
Les dermatoses nodulaires non tumorales regroupent des affections plutôt rares dont le diagnostic est parfois délicat. La connaissance de ces lésions et une démarche diagnostique rigoureuse permettent de faciliter leur identification.
Les nodules (ou masses) cutanés et souscutanés se définissent comme des surélévations bien circonscrites, à la consistance ferme, rondes et de grande taille (plus de 1 cm de diamètre). Ce relief est lié à une infiltration du tissu sain par des cellules, ou encore par des substances amorphes. Ces infiltrations peuvent intéresser l’épiderme, le derme ou l’hypo derme. Les cellules qui infiltrent le territoire cutané sont d’origine tumorale ou non. Il peut également s’agir, dans de rares cas, de dépôts de substances amorphes telles que le calcium, les lipides, la substance amyloïde, etc. Parfois, l’accumulation de liquide, par exemple lors de mucinose, peut donner à distance un aspect de lésions nodulaires. L’examen lésionnel rapproché permet alors de distinguer les lésions vésiculeuses. L’identification de l’origine de ces masses est essentielle, car elle détermine leurs comportements biologiques. Ces derniers, éclectiques, expliquent la variabilité de leur prise en charge et du pronostic associé. Souvent, les masses cutanées isolées ou multiples évoquent en premier lieu un processus néoplasique. Toutefois, de très nombreuses dermatoses nodulaires ne sont pas d’origine tumorale. Ces maladies, rares voire très rares pour certaines, doivent pourtant être suspectées et explorées (tableau). La connaissance et la maîtrise des examens à mettre en œuvre pour les diagnostiquer et les traiter sont essentielles. Cet article aborde les aspects cliniques et diagnostiques des principales masses cutanées et sous-cutanées non tumorales (figure 1). Vu leur nombre, cette présentation n’est pas exhaustive et toutes les dermatoses nodulaires ne sont pas abordées.
La démarche diagnostique liée à l’observation de nodules doit être menée de façon rigoureuse et complète. Les aspects épidémiocliniques de ces nodules et leur comportement biologique doivent toujours être éclairés par des examens complémentaires, cytologiques ou histopathologiques, afin d’établir le diagnostic.
Certains critères épidémiocliniques permettent au praticien d’orienter son diagnostic. Des éléments de l’anamnèse et des commémoratifs (race, apparition soudaine, caractère itératif, réponse aux traitements antérieurs, contagiosité éventuelle), la topographie ou les signes accompagnateurs peuvent l’y aider et faciliter le choix des examens complémentaires.
À titre d’illustration, certaines races sont prédisposées au granulome éosinophilique (husky, par exemple), tandis que le mode de vie favorise parfois la contraction de certaines dermatoses virales (poxvirus chez le chat en milieu rural) ou parasitaires (straelensiose chez le chien de chasse). Les lieux de vie ou de villégiature peuvent également orienter le diagnostic vers des dermatoses parasitaires (leishmaniose, dirofilariose).
Certains nodules ont tendance à s’ulcérer en laissant sourdre du pus. La présence de pus peut être informative. Ainsi, du pus “à grains” est retrouvé lors de dermatoses infectieuses qualifiées de mycétomes ou de pseudo-mycétomes. Ce phénomène immunitaire est observé dans le cadre de certaines infections sous-cutanées avec des bactéries telles que Nocardia, Actinomyces, Actinobacillus, mais également avec des dermatophytes ou encore des champignons opportunistes.
Ce pus à grains correspond à des agents infectieux entourés par du matériel de l’hôte (photo 1). Il s’agirait d’une réaction antigène/anticorps appelée, en histopathologie, phénomène de Splendore-Hoeppli (photo 2). Ces grains prennent plus volontiers une coloration brun noir en cas d’infection fongique via des champignons opportunistes qui produisent des pigments, tels que les dématiés (agents des phaeohyphomycoses). L’observation de ces grains à l’œil nu n’est pas systématique.
Lors de panniculite d’origine infectieuse ou stérile, l’atteinte du tissu graisseux provoque une libération de lipides, lesquels génèrent la formation d’un pus huileux.
Exception faite de ces cas particuliers, le pus est souvent sanguinolent et son aspect macroscopique peu informatif. L’examen cytologique permet de préciser sa cellularité et d’identifier d’éventuels agents infectieux. Cependant, la prudence est de mise lors de l’interprétation de ces examens s’il s’agit de lésions nodulaires ouvertes qui ont pu être contaminées secondairement.
La palpation des nodules apporte aussi certaines informations. Par exemple, une consistance très indurée oriente vers des dépôts calciques ou de lipoprotéines. Ces derniers ont également une couleur pâle, jaunâtre (xanthomes cutanés).
De manière générale, les lésions qui ont une origine inflammatoire peuvent être confondues avec des tumeurs, et vice versa. Sauf dans de très rares cas (adénome sébacé notamment), il n’est pas recommandé de se contenter des aspects épidémiocliniques pour confirmer ou infirmer le caractère tumoral d’une lésion nodulaire.
La cytologie est un outil très intéressant dans le cadre de la prise en charge des nodules cutanés chez le chien et le chat. La technique de choix pour la réalisation d’un examen cytologique est la cytoponction à l’aiguille fine. Elle permet d’établir un diagnostic ou d’annoncer une orientation diagnostique dans de nombreux cas. Lorsque les nodules sont accessibles, cette technique peut être réalisée chez un animal vigile. Les colorations de terrain sont classiquement utilisées au chevet de l’animal (colorations rapides de type Romanowsky, RAL 555).
Le polymorphisme cellulaire permet d’orienter le cytologiste vers une origine inflammatoire de la lésion. Cependant, il convient d’être prudent car certaines dermatoses non tumorales revêtent parfois un caractère monomorphe. À l’inverse, un phénomène tumoral qui s’accompagne d’une nécrose ou d’une suppuration peut être associé à un contingent inflammatoire abondant qui masque le phénomène sous-jacent. Dans tous les cas, il est utile de faire appel à un cytologiste qualifié et, pour certaines présentations, de compléter cet examen par une analyse histopathologique.
La nature des cellules observées peut également contribuer à dégager une orientation diagnostique (figure 2). Lorsque la dermatose nodulaire est d’origine infectieuse, l’observation des agents infectieux (bactéries, leishmanies, filaments fongiques, cryptocoques, etc.) permet en effet d’établir un diagnostic. Elle est facilitée par l’utilisation de colorations complémentaires (Ziehl-Neelsen pour les bacilles acido-alcoolo-résistants, Gram, encre de Chine pour les cryptocoques, etc.) qui seront le plus souvent mises en œuvre en seconde intention, par des laboratoires de cytologie qui disposent desdits colorants.
L’examen histopathologique est souvent indispensable face à ce type de dermatoses. Il confirme la cellularité observée à la cytologie et permet de préciser l’architecture de la lésion. Le diagnostic de certitude de certaines dermatoses nodulaires, comme la panniculite nodulaire stérile, le syndrome granulome pyogranulome stérile ou l’histiocytose réactionnelle, passe par un examen histopathologique en plus de l’examen cytologique. Pour d’autres lésions, l’observation d’un agent infectieux suffit parfois pour établir le diagnostic (Cryptoccocus neoformans, filaments fongiques) ou nécessite une culture, une analyse par réaction de polymérisation en chaîne (PCR), etc. Ces examens peuvent en outre s’accompagner de colorations spécifiques, utiles pour la détection d’agents infectieux notamment (Fite-Faraco, Gram, Ziehl-Neelsen, colorations argentiques, etc.), et de marquages immunohistochimiques qui permettent d’identifier des cellules ou des agents pathogènes.
Selon les résultats des examens cytologique et histopathologique, des cultures fongiques ou bactériennes, la recherche d’agents infectieux par PCR, voire des analyses sérologiques sont indiquées. Ces examens sont à choisir suivant l’agent pathogène causal suspecté pour la dermatose observée. L’observation d’agents fongiques de type dermatophytes à l’examen histologique oriente vers la mise en culture d’un fragment de tissu frais pour rechercher et identifier les dermatophytes (photos 3).
Les granulomes à corps étranger sont fréquents chez le chien. Ils sont très souvent liés à la migration d’épillets. Lorsqu’il est maîtrisé, l’examen échographique permet de localiser et de retirer plus facilement le corps étranger.
Cette dermatose, fréquente chez le chien, se traduit classiquement par des furoncles dont la coalescence entraîne la formation de véritables placards cellulitiques. Dans certains cas, lorsque l’infiltration cellulaire dermique est importante, une lésion surélevée, nodulaire, se forme. Ces lésions ont une tendance à l’ulcération, qui laisse sourdre un pus sanguinolant. L’examen cytologique de ce pus montre une infiltration à dominante pyogranulomateuse au sein de laquelle de rares bactéries phagocytées sont observées. Il s’agit la plupart du temps de bactéries coccoïdes du genre Staphylococcus sp.
Une analyse bactériologique conventionnelle, sur un fragment biopsique, permet de préciser la nature de l’agent infectieux, ainsi que son profil de résistance. En cas de doute, l’analyse histopathologique vient confirmer l’existence d’une furonculose.
Les pseudo-mycétomes bactériens (également appelés botryomycoses) sont des infections granulomateuses dues à des bactéries non filamenteuses. Elles sont le plus souvent causées par Staphylococcus sp. et, plus rarement, par Pseudomonas, Actinobacillus, Proteus et Streptococcus. Les colonies bactériennes et la réaction de l’hôte forment des grains autour desquels se développe une réaction granulomateuse. Ces infections sont la conséquence d’un traumatisme ou de la migration d’un corps étranger. L’aspect lésionnel est celui d’une dermatose nodulaire, avec des lésions fermes dans un premier temps qui s’ulcèrent et tendent à former des fistules par la suite. L’identification des bactéries est facilitée par la culture bactérienne (tissus et grains), laquelle s’appuie sur une analyse cytologique préalable à l’examen histopathologique.
L’actinomycose et la nocardiose sont des affections bactériennes cutanées, sous-cutanées et viscérales rares, provoquées par des actinomycètes variés. Ces agents sont cosmopolites. Présents dans l’environnement, ils sont inoculés à la suite de traumatismes. Ces infections forment des nodules qui s’ulcèrent et laissent sourdre du pus à grains (appelés “grains de sulfure”) lors d’actinomycose.
Les examens cytologique et histologique permettent parfois de mettre en évidence des éléments bactériens filamenteux et une infiltration cellulaire pyogranulomateuse. Ces deux agents sont Gram positif. Nocardia est acido-résistant. Aussi, une coloration spécifique de type Fite-Faraco permet de le distinguer de Actinomyces. Une culture bactérienne est indispensable [13].
Parmi toutes les mycoses profondes existantes, certaines sont fréquemment rencontrées en Europe chez les carnivores domestiques.
Les formes nodulaires de dermatophytose sont rares. Il s’agit notamment du mycétome dermatophytique, rencontré préférentiellement et presque exclusivement chez le chat persan [10]. Chez le chien, quelques cas sont rapportés chez le yorkshire [1].
Ces formes doivent être différenciées de la furonculose dermatophytique (kérion), assez fréquente, qui peut induire des lésions nodulaires (photos 3a et 3b). Si, classiquement, la lésion est suintante ronde et légèrement ulcérée, elle prend parfois l’aspect d’un nodule bien circonscrit. Le diagnostic des formes nodulaires de dermatophytose repose le plus souvent sur les résultats de l’examen histopathologique et la nature de l’agent est confirmée après la culture d’un fragment biopsié (photo 3c).
Également appelés eumycétomes, ils sont dus au développement d’espèces de champignons très diverses. En effet, il s’agit de champignons telluriques variés et souvent cosmopolites. Les espèces recensées sont, entre autres, Pseudallescheria sp, Acremonium sp., Fusarium sp., Geotrichum sp., Alternaria sp., Cladosporium sp. et Curvularia sp. Le mode de contamination se fait probablement par une inoculation accidentelle. Les lésions sont majoritairement rencontrées sur la face et les membres thoraciques (photos 4). Les nodules, des lésions tuméfiées, pseudo-tumorales, se développent progressivement avant de s’ulcérer et de laisser sourdre un pus à grains. Les champignons filamenteux et la réaction de l’hôte forment ces grains noirâtres ou blanchâtres.
Ces entités sont rares et leur diagnostic est délicat. Les cas sont surtout rapportés et décrits dans l’espèce féline. Des comorbidités, qui facilitent le développement de ces agents infectieux, doivent être recherchées [8].
Le diagnostic de mycose est assez facilement établi via les examens cytologiques et histopathologiques. La réaction à l’acide périodique de Schiff (PAS) ou les colorations argentiques aident à leur visualisation. Cependant, l’identification précise du champignon est plus délicate et nécessite la mise en culture de grains préalablement rincés au soluté physiologique ou de tissus prélevés par biopsie de manière stérile. La PCR sur les tissus ou les grains est très sensible, mais cette technique n’est pas disponible en routine pour la détection des champignons.
La cryptococcose est une infection rare, le plus souvent liée à Cryptococcus neoformans. Cette levure est cosmopolite. Elle est retrouvée en grande quantité dans les fientes d’oiseaux dans lesquelles elle peut survivre pendant plusieurs années. L’infection se développerait dans les zones où vivent de nombreuses espèces d’oiseaux, en particulier des pigeons. La voie respiratoire constitue le principal mode de pénétration de l’agent pathogène. Celui-ci serait capté au niveau des cornets nasaux, ce qui expliquerait la rareté des formes pulmonaires, contrastant avec la fréquence d’isolement de formes nasales, ou cutanées et nasales. La dissémination sanguine et lymphatique est fréquente. Elle explique les formes systémiques, nerveuses, méningées, oculaires et cutanées [5].
Comme pour les mycoses profondes, les comorbidités peuvent favoriser l’infection et doivent être recherchées. Les formes rhinosinusales, les plus courantes, sont souvent associées à une lésion du chanfrein qui déforme le profil de l’animal (photo 5a). Les formes cutanées concernent au moins un animal sur deux. Elles sont liées soit à l’extension de la forme rhinosinusale, soit à une dissémination par voie hématogène. Il s’agit de nodules qui ont tendance à s’ulcérer en laissant sourdre un pus sanglant.
L’identification de cette levurose est assez aisée, car les cryptocoques sont généralement nombreux. La cytoponction à l’aiguille fine est généralement informative et révèle la présence de macrophages et de nombreux éléments ronds de 3,5 à 20 µm de diamètre, avec une paroi épaisse qui correspond à la capsule polysaccharidique (photo 5b). Cette capsule est mise en évidence avec la coloration à l’encre de Chine. L’examen histopathologique est également très évocateur. La culture fongique permet de connaître l’espèce de cryptocoque en cause. Le diagnostic peut aussi reposer sur la recherche d’antigènes capsulaires dans le sérum ou le liquide cérébrospinal. En outre, la sérologie est un outil informatif pour le suivi des animaux [20].
La sporotrichose, une mycose profonde occasionnellement rapportée en France et en Europe, est une zoonose potentielle. Elle est provoquée par Sporothrix schenckii, un agent fongique environnemental et ubiquitaire [6]. Sa pathogénicité est liée à son développement dimorphique (transformation de l’état de levure à celui de filament). Les chats se contaminent via l’environnement par voie cutanée (blessures, effractions, corps étrangers).
Trois formes sont recensées : la forme cutanée localisée ou disséminée, la forme lymphocutanée et la forme multifocale. Les formes cutanées et lymphocutanées sont les plus fréquentes. Après leur inoculation, les levures se disséminent par voie lymphatique (forme lymphocutanée) ou sanguine (lésions cutanées, pulmonaires, hépatiques, etc.). Les nodules ainsi formés s’ulcèrent et laissent sourdre un pus épais, rouge brunâtre. Les lésions sont également localisées sur les zones d’inoculation (chanfrein, tête, cou, membres thoraciques).
Chez le chat, le grand nombre de levures présentes dans les zones atteintes constitue une particularité qui rend le diagnostic cytologique assez facile. Ces organismes, dont la forme est ronde à ovalaire, sont décrits comme ayant l’aspect de cigares. Chez le chien, les lésions se développent surtout sur le tronc, la tête et les oreilles. Il s’agit alors de nodules qui ont tendance à s’ulcérer.
Il convient de rappeler l’existence d’un risque zoonotique élevé : les propriétaires doivent minimiser les contacts avec l’animal affecté et porter des gants.
L’histoplasmose est plus commune chez le chat que chez le chien. Elle sévit surtout dans l’est des États-Unis, mais aussi en Amérique du Sud, en Inde, en Asie du Sud-Est, et quelques rares cas sont rapportés en Europe.
L’infection se produit par l’inhalation des conidies issues des formes filamenteuses. Le principal réservoir est constitué par les déjections de chauves-souris et d’oiseaux. Histoplasma capsulatum est ensuite phagocyté et hébergé sous la forme de levure dans le cytoplasme des macrophages. À l’origine de signes généraux respiratoires et digestifs, des formes cutanées strictes sont également décrites chez le chat en Europe (Suisse et France). Il s’agit alors de lésions nodulaires sur la face et les membres. Les éléments fongiques sont visibles au sein des macrophages. Dans les deux cas rapportés, le diagnostic a été confirmé par la PCR [7, 9].
Parmi les mycobactéries cutanées du chien et du chat, il faut distinguer celles du complexe tuberculose, les agents de la lèpre et les mycobactéries à croissance rapide [16]. Parmi les agents de la tuberculose, l’incidence des formes de mycobactériose liées à Mycobacterium bovis ou à Mycobacterium tuberculosis a considérablement diminué. Dans l’espèce féline, il s’agit essentiellement de M. bovis, via un contact entre le chat et les bovins infectés. Les lésions sont surtout pulmonaires et/ou digestives, plus rarement cutanées.
Le cas de Mycobacterium microti requiert une attention particulière. Cette mycobactérie ubiquitaire a pour hôte naturel le campagnol. Le chat, de par son activité de chasse, est souvent affecté par cet agent via des morsures. Il s’agit d’une forme essentiellement cutanée et très rarement pulmonaire. Sa prévalence n’est pas négligeable et certaines zones géographiques (sud-ouest de la France, Grande-Bretagne) sont particulièrement concernées. L’infection par M. microti est une zoonose très occasionnelle qui touche surtout les individus immunodéprimés. Chez l’animal, les lésions consistent en des nodules localisés sur les membres, la face, le périnée, la base de la queue, le thorax ventral et l’abdomen. Ces nodules ont tendance à s’ulcérer et à former des fistules (photos 6).
La lèpre concerne essentiellement l’espèce féline. L’agent le plus souvent impliqué est Mycobacterium lepraemurium. La contamination s’effectue par contact avec des rongeurs ou par le sol via une blessure. Les lésions sont également des nodules cutanés, semblables à ceux observés lors de tuberculose. Le diagnostic est parfois complexe, car ces bacilles acido-alcoolo-résistants peuvent être peu nombreux et nécessitent de recourir à des colorations spécifiques (Fite-Faraco, Ziehl-Neelsen) pour être visualisés lors des examens cytologique et histopathologique.
L’absence de visualisation des bacilles ne permet pas d’exclure la maladie. Leur culture est également difficile, voire impossible. L’examen complémentaire de choix est donc la PCR sur une biopsie de nodules intacts [16].
Lors de leishmaniose canine, deux présentations nodulaires sont décrites :
– la forme papuleuse, pauci-parasitaire, rapportée dans quelques rares cas, se traduit par la présence de papules ombiliquées sur la face, les oreilles et l’abdomen (photos 7). Ces papules sont associées à une bonne réponse immunitaire de l’hôte et un traitement leishmanicide est généralement efficace [19]. Dans cette présentation clinique, comme les formes amastigotes sont peu visibles à la cytologie ou à l’histologie, la réalisation d’une PCR sur tissus, doublée d’une sérologie, permet de confirmer le diagnostic de leishmaniose papuleuse ;
– la forme nodulaire est associée à une moins bonne réponse de l’hôte. Les nodules sont de grande taille. Les examens cytologique et histopathologique révèlent de nombreux parasites ainsi que des macrophages de grande taille, dits épithélioïdes.
Le diagnostic peut être établi à partir d’une analyse cytologique après une cytoponction. Les formes amastigotes sont surtout présentes dans les cytoplasmes des macrophages et sont d’autant plus visibles lors de formes nodulaires riches en parasites. L’infiltration est pyogranulomateuse. Une analyse histopathologique vient compléter l’examen cytologique. L’analyse par PCR d’un fragment cutané confirme la présence de parasites au sein de la lésion. Dans tous les cas, une sérologie (immunofluorescence indirecte, Elisa) est indispensable pour déterminer le pronostic lié à la maladie et permettre le suivi du traitement. Il convient de garder à l’esprit que les formes nodulaires sont associées à un moins bon pronostic que les formes papuleuses [10].
Provoquée par Straelensia cynotis, cette dermatose parasitaire est dominée par la présence de papules indurées et douloureuses [23]. Parce qu’elle est parfois qualifiée de nodulaire dans la littérature, elle est détaillée dans ce paragraphe [14]. Elle sévit dans certaines régions de France (Sud-Ouest avec des cas récents rapportés dans le Sud-Est), en Espagne et au Portugal [21]. Les zones touchées sont très limitées. Seule la larve est un parasite. Elle coloniserait les terriers de renard, qui représente l’hôte naturel. La voie d’inoculation est cutanée et a lieu lorsque le chien pénètre dans le terrier. Cette dermatose affecte donc principalement la tête et l’avant du corps.
La pénétration de la larve au sein du follicule pileux induit la formation d’une papule érythémateuse, indurée, surmontée d’un pertuis (photos 8). Des suintements peuvent survenir, ainsi que des croûtes et des surinfections bactériennes secondaires. La larve s’élimine naturellement s’il n’y a pas de nouvelle contamination.
Cette dermatose peut parfois s’accompagner d’une léthargie et d’une douleur importante. Elle est rarement prurigineuse. Théoriquement, il est possible d’extraire la larve du nodule par le pertuis à l’aide d’une aiguille fine. Cependant, il s’agit d’une méthode difficile et il n’est pas certain que la papule choisie soit colonisée par une larve. La méthode de choix pour confirmer le diagnostic reste l’analyse histopathologique d’une biopsie qui inclut une ou plusieurs papules.
La dirofilariose cutanée regroupe essentiellement des formes liées à une infection par Dirofilaria repens, un nématode endémique dans de nombreuses régions européennes qui se transmet via une grande variété de moustiques. Le plus souvent, la filaire cutanée est asymptomatique et localisée dans les plans cutanés et sous-cutanés. Parfois, elle peut occasionner la formation de nodules sous-cutanés, mobiles, non inflammatoires et non douloureux. Des formes nodulaires inflammatoires et douloureuses sont néanmoins décrites sur le scrotum chez le chien [4].
Le nématode peut être observé par échographie ou après le prélèvement d’un nodule. Des sections du parasite sont visibles à l’examen histopathologique ou après la cytoponction d’un nodule contenant un adulte fertile (œuf, utérus, microfilaires visibles).
La recherche sanguine de microfilaires, après concentration, constitue une aide au diagnostic [2].
Bien qu’elles puissent appartenir au groupe des dermatoses nodulaires, les papillomaviroses ne sont pas abordées ici. Leur aspect macroscopique typique (pour la forme orale et le papillome inversé) en fait des lésions faciles à identifier cliniquement.
Cette infection est due au virus cowpox, du genre Orthopoxvirus. Endémique en Europe, sa prévalence chez les carnivores domestiques est faible. Les rongeurs sauvages (campagnols, mulots) représentent le réservoir naturel.
Le virus est principalement inoculé par voie transcutanée. L’incidence de l’infection est donc calquée sur le calendrier de reproduction et d’activité de ces animaux sauvages (été et automne). Cette affection touche majoritairement le chat, même si quelques cas sont rapportés chez le chien [24]. Les individus exposés sont des animaux d’extérieur, vivant en milieu rural et ayant un fort comportement de prédation. Cette infection virale est également une zoonose.
La lésion primitive est généralement fugace, il s’agit d’un nodule, le plus souvent unique (“pock”), qui laisse rapidement place à un ulcère recouvert de croûtes (photo 9a). De nombreuses lésions secondaires se développent par la suite. Les zones touchées sont celles de contact avec l’animal réservoir : la face, le cou et les membres thoraciques. Le prurit est inconstant et 20 % des animaux développent des vésicules et des ulcères dans la cavité buccale. Certains individus montrent des signes généraux peu spécifiques tels qu’un abattement, une hyperthermie, une diarrhée. Les lésions guérissent spontanément et lentement en quatre à cinq semaines. Seuls les chats immunodéprimés peuvent présenter une pneumonie, qui est alors souvent fatale.
Le diagnostic est essentiellement fondé sur deux examens : l’analyse histologique d’un fragment biopsique et la PCR. Les lésions histologiques sont plus ou moins faciles à reconnaître. Elles consistent en une dégénérescence hydropique et une nécrose de coagulation de l’épiderme, des follicules pileux et des glandes sébacées, et sont surtout caractérisées par la présence d’inclusions virales cytoplasmiques éosinophiles à leur niveau (photo 9b). Les lésions de nécrose épidermique sont étendues et des vésicules de petite taille sont également parfois notées. Une violente inflammation dermique neutrophilique accompagne en outre ces lésions.
Les inclusions intracellulaires typiques de l’infection à poxvirus peuvent être décelées grâce à un examen cytologique après un prélèvement sur des lésions récentes.
Les dermatoses nodulaires stériles regroupent des affections de nature éosinophilique, pyogranulomateuse et histiocytaire, en plus de la panniculite nodulaire stérile. La xanthomatose et l’amyloïdose, considérées comme rares, ne sont pas abordées.
Prédominant dans l’espèce féline, le granulome éosinophilique est plus rarement décrit chez le chien. Chez le chat, cette lésion fait partie d’un syndrome inflammatoire : le complexe granulome éosinophilique félin. Elle est préférentiellement localisée sur le menton et dans la cavité buccale. La forme linéaire est plus souvent observée le long des membres. La forme interdigitée est plus rare. La forme mentonnière déforme la peau et prend une coloration particulière, saumonée à jaunâtre (photos 10) [3]. Chez le chien, cette entité plus rare forme des plaques et des nodules localisés dans la cavité orale, les pavillons, les plis inguinaux et axillaires, le museau, le prépuce et le scrotum. Ils sont rarement douloureux et prurigineux. Les lésions de grande taille ont tendance à s’ulcérer. Dans la bouche, elles prennent un aspect jaunâtre et affectent plus volontiers les parties latérales et la face ventrale de la langue. Le husky est prédisposé à cette dernière forme. Les aspects cliniques et une analyse cytologique sont suffisants pour identifier la lésion chez le chat. Dans un second temps, il est nécessaire de déterminer la cause qui favorise l’apparition du granulome. Chez le chien, une analyse cytologique, voire histopathologique, est recommandée.
C’est une entité décrite chez le chien. Il s’agirait d’une réaction allergique engendrée par des piqûres d’insectes notamment. Elle affecte surtout les jeunes chiens qui ont un fort comportement exploratoire et touche essentiellement le museau, les paupières et les pavillons auriculaires. L’affection est suraiguë et les lésions apparaissent en quelques heures. Il s’agit de lésions furonculeuses suintantes qui épargnent parfaitement la truffe. Dans certains cas, la coalescence de furoncles peut engendrer la formation de nodules suintants (photos 11). Cette affection est très prurigineuse.
Un examen cytologique de surface ou une ponction des nodules permet de mettre en évidence un infiltrat majoritairement éosinophilique. Des surinfections bactériennes secondaires peuvent apparaître. La cytologie suffit à confirmer le diagnostic. En cas de doute, une analyse histopathologique est à envisager [3].
Cette affection, peu fréquente chez le chien et rare chez le chat, touche préférentiellement les jeunes chiens (moins de 2 ans) de race de grande taille (prédisposition du berger allemand) [15].
La plupart du temps, l’origine de cette calcinose reste inconnue. Le dépôt calcique est localisé sur les zones de contact, ce qui suggère que des traumatismes répétés pourraient faciliter sa survenue (saillies osseuses, coudes, métatarses latéraux, coussinets).
Les lésions sont surélevées, fermes, mobilisables, et peuvent atteindre 7 cm de diamètre. Si la peau qui surplombe la lésion est souvent intacte en début d’évolution, celle-ci tend à s’ulcérer avec le temps. L’examen complémentaire de choix est l’analyse histopathologique, tandis que des radiographies de la zone touchée mettront en évidence la partie minéralisée.
Le syndrome granulome/pyogranulome stérile correspond à des lésions dont la taille va de quelques millimètres à plusieurs centimètres (photos 12). Les zones affectées sont le plus souvent la face, le museau, les paupières, les pavillons auriculaires et les extrémités [11, 22]. Il s’agit d’une affection dite “stérile”, dont le diagnostic ne peut être établi qu’après avoir écarté les dermatoses pyogranulomateuses d’origine infectieuse.
Il est notamment nécessaire d’exclure les leishmanies, ou encore les mycobactéries qui pourraient jouer un rôle dans l’apparition de ces lésions. Aucun signe général associé n’est rapporté. Le diagnostic est avant tout histopathologique, après l’exclusion des causes infectieuses.
L’histiocytose réactionnelle est liée à une prolifération non tumorale de cellules de la lignée histiocytaire. Ces dernières, des cellules dendritiques superficielles, sont les cellules présentatrices “professionnelles” d’antigènes localisées dans le derme [17]. Deux formes sont connues, l’une cutanée, l’autre systémique. Dans ces deux cas, la peau et les nœuds lymphatiques sont touchés. L’origine de cette affection reste inconnue. Une stimulation antigénique est suspectée, bien qu’aucun agent infectieux n’ait jamais été retrouvé.
Les lésions se présentent sous la forme de nodules cutanés à l’évolution fluctuante, qui mesurent jusqu’à 4 cm de diamètre. L’ulcération à leur surface est fréquente (photos 13). Les nodules sont disséminés sur tout le corps et la truffe est souvent affectée. Elle apparaît gonflée, tel un “nez de clown”. Le diagnostic repose sur les résultats de l’examen histopathologique, après l’exclusion des causes infectieuses. La confirmation de la lignée histiocytaire dendritique par des marquages immunohistochimiques permet d’asseoir le diagnostic. Cependant, les marqueurs spécifiques des cellules dendritiques superficielles sont peu disponibles en routine.
La panniculite nodulaire stérile est une affection canine qui se traduit par la formation de nodules de grande taille, adhérents au plan profond. Ils sont en général inflammatoires et douloureux.
Les lésions ont tendance à se regrouper sur le tronc. Les nodules évoluent pour former des lésions ulcératives profondes jusqu’au plan musculaire sousjacent, laissant sourdre un pus huileux (photos 14). L’état général de l’animal est fréquemment altéré de manière peu spécifique : il présente une hyperthermie, une douleur, un abattement, une dysorexie [5, 18].
La cytologie, après la ponction des nodules, est un piège diagnostique et les cellules observées peuvent conduire à un diagnostic erroné de sarcome. Un examen histopathologique est donc indispensable. Dans tous les cas, le diagnostic ne peut être établi qu’après avoir exclu toutes les causes infectieuses, ce qui permet de confirmer le caractère stérile de la dermatose (cultures et PCR) [12].
Conflit d’intérêts : Aucun
• Une analyse cytologique doit être systématique après la ponction d’un nodule. Si elle n’est pas diagnostique, elle permet a minima d’orienter le praticien vers la mise en œuvre d’examens complémentaires adaptés.
• L’examen histopathologique de biopsies cutanées est indispensable. Il permet d’exclure un processus tumoral, de confirmer la cellularité et l’architecture de la lésion et, dans certains cas, d’aider à la visualisation des agents infectieux.
• Lors de dermatoses infectieuses, des cultures et/ou des examens par réaction de polymérisation en chaîne (PCR) sont indiqués. Ils sont réalisés à partir de biopsies cutanées, de préférence intactes.
• Les nodules d’origine infectieuse sont à distinguer des dermatoses nodulaires stériles.
Les dermatoses nodulaires non tumorales du chien et du chat présentent de nombreuses similitudes sur le plan lésionnel. Il est donc important de connaître l’étiologie de ces affections, afin de mettre en place les examens complémentaires adaptés.