DORSALGIE CHEZ UNE CHIENNE BOXER ADULTE - Le Point Vétérinaire n° 415 du 01/03/2021
Le Point Vétérinaire n° 415 du 01/03/2021

NEUROLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Pierre Guigo*, Nora Bouhsina**, Marion Fusellier***

Fonctions :
*TouraineVet
12, rue des internautes
37210 Rochecorbon
pierre.guigo@gmail.com

PRÉSENTATION CLINIQUE

Une chienne boxer stérilisée, âgée de 2 ans, est présentée en consultation pour des raideurs lombaires intermittentes qui évoluent depuis deux semaines, sans antécédent de traumatisme.

L’examen clinique révèle un animal en bon état général avec des constantes biologiques dans les valeurs usuelles.

À l’examen orthopédique, la chienne présente une démarche raide. La manipulation du rachis thoraco-lombaire, lombaire et lombosacré est douloureuse. L’évaluation de la proprioception et des réflexes médullaires ne montre pas d’anomalie. Aucune amyotrophie n’est mise en évidence.

Des radiographies de profil du rachis thoraco-lombaire et lombaire sont réalisées (photos 1 et 2). En l’absence de sédation, les radiographies de face ne sont pas effectuées en première intention.

Qualité et description des images radiographiques

→ L’exposition, le contraste et la netteté des images radiographiques sont corrects. La qualité des clichés est suffisante pour l’interprétation. L’examen des structures extraosseuses ne révèle pas d’anomalie. Celui des structures osseuses montre la présence d’une prolifération osseuse lisse et homogène majeure qui s’étend de la neuvième vertèbre thoracique jusqu’au sacrum, sans anomalie associée des corps et des plateaux vertébraux ni des espaces intervertébraux.

Interprétation

→ Les images radiographiques sont caractéristiques d’une hyperostose squelettique diffuse idiopathique. Une spondylose déformante est moins probable, compte tenu du jeune âge de l’animal, de l’absence d’antécédent en faveur d’une atteinte rachidienne, de l’étendue des lésions et de la préservation apparente des espaces intervertébraux.

Références

  • 1. Kranenburg HC, Voorhout G, Grinwis GC et coll. Diff use idiopathic skeletal hyperostosis (DISH) and spondylosis deformans in purebred dogs: a retrospective radiographic study. Vet. J. 2011;190:84-90.
  • 2. Langeland M, Lingaas F. Spondylosis deformans in the Boxer: estimates of heritability. J. Small Anim. Pract. 1995;36:166-169.
  • 3. Togni A, Kranenburg HJC, Morgan JP et coll. Radiographic and MRI characteristics of lumbar disseminated idiopathic spinal hyperostosis and spondylosis deformans in dogs. J. Small Anim. Pract. 2014;55:343-349.
  • 4. Towle HA, Breur GJ. Miscellaneous orthopedic conditions. In: Tobias KM, Johnston SA’s Veterinary Surgery: Small animal, ebook 2-volume set. Elsevier Saunders. 2011:1123.
  • 5. Widmer WR, Thrall DE. The canine and feline vertebrae. In: Thrall DE’s Textbook of Veterinary Diagnostic Radiology, 7th edition. Elsevier Saunders. 2017:267-268.

Conflit d’intérêts : Aucun

DISCUSSION

L’hyperostose squelettique diffuse idiopathique (diffuse idiopathic skeletal hyperostosis, ouDish), également connue en médecine humainesous les appellationsde maladie de Forestier ou d’hyperostose vertébrale engaînante, est une affection peu fréquente chez le chien qui a également été décrite chez un chat [5]. Il s’agit d’une maladie non inflammatoire diffuse du squelette axial et appendiculaire, caractérisée par une ossification de certains tissus mous (ligament longitudinal ventral, zones d’insertion des tendons et des capsules articulaires). Les chiens de grand gabarit, voire de taille géante, peuvent être affectés, quel que soit leur âge[4]. La cause n’est pas connue, mais un support héréditaire est suspecté, notamment pour le boxer chez lequel l’incidence semble plus élevée que dans les autres races (jusqu’à 40,6 % versus 3,8 %) [1, 2]. Des origines métaboliques, endocriniennes et génétiques sont également suspectées chez l’homme [3].

Le plus souvent, les animaux sont asymptomatiques et, dans ce cas, la découverte des lésions est fortuite. Cependant, les individus sévèrement atteints peuvent présenter une dorsalgie, des raideurs, ainsi qu’une diminution de l’amplitude des mouvements du rachis [4]. Chez le chien, bien que ces deux entités puissent être associées, l’hyperostose squelettique diffuse idiopathique se distingue de la spondylose déformante par la présence de plusieurs critères : une prolifération osseuse lisse et homogène extensive ventro-latéralement à au moins trois corps vertébraux contigus, une préservation relative des espaces intervertébraux sans signe de dégénérescence discale, une arthrose des processus articulaires dorsaux, une pseudo-arthrose de la base des processus épineux, une enthésopathie(1) des sites d’insertion ligamentaires et tendineux du squelette axial et appendiculaire, une arthrose des articulations sacro-iliaques et une ankylose de la symphyse pelvienne [5]. Le développement de lésions au niveau des segments intervertébraux adjacents est une complication possible des fusions vertébrales spontanées lors d’hyperostose squelettique diffuse idiopathique (dégénérescences discales notamment) [3]. En cas de signes cliniques, des examens d’imagerie en coupe (tomodensitométrie ou imagerie par résonance magnétique) sont recommandés afin d’effectuer un bilan lésionnel complet et d’exclure d’autres affections (protrusions discales concomitantes, par exemple) susceptibles de participer à la symptomatologie. Le traitement est avant tout conservateur et repose sur la prise en charge de la douleur. Le pronostic dépend de l’étendue et de la localisation des lésions [4].

(1) Atteinte des insertions des ligaments, des tendons, des fascias et des capsules articulaires sur les structures osseuses.

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