HERNIE PHRÉNICO-PÉRICARDIQUE CHEZ UN JEUNE CHIEN - Le Point Vétérinaire n° 413 du 01/01/2021
Le Point Vétérinaire n° 413 du 01/01/2021

CHIRURGIE

Cas clinique

Auteur(s) : Mélissa Pottier*, Kévin Minier**

Fonctions :
*Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq
**(dipl. ECVS)

La hernie diaphragmatique phrénico-péricardique est une affection congénitale associée à des signes cliniques variés qui peuvent apparaître à tout âge. Lorsqu’elle est symptomatique, son traitement est chirurgical.

Un chien braque de weimar, âgé de 7 mois, est référé en raison d’un abattement sévère survenu brutalement. À l’examen clinique, l’animal présente une vigilance normale, mais une hypotonie générale.

Lors de l’auscultation, des modifications majeures sont audibles, avec des bruits cardiaques fortement diminués, associés à des bruits respiratoires normaux. Une distension abdominale est également notée, mais n’est pas douloureuse à la palpation.

DIAGNOSTIC

Afin de préciser le diagnostic différentiel, plusieurs examens complémentaires sont réalisés. Le bilan sanguin, qui inclut une numération et une formule sanguines ainsi qu’un bilan biochimique de base, est dans les normes. L’examen radiographique du thorax révèle une silhouette cardiaque de taille très augmentée, superposée à des images aériques longitudinales qui évoquent des anses intestinales. La cavité pleurale ne montre pas d’anomalie particulière. Les images radiographiques sont en faveur d’une hernie diaphragmatique phrénico-péricardique.

Le chien présente le tableau clinique d’une insuffisance cardiaque droite à l’origine d’un choc cardiogénique. Un examen échocardiographique est réalisé afin d’évaluer la fonction cardiaque, et met en évidence un épanchement péricardique en quantité importante, associé à la présence d’anses intestinales et de tissu hépatique au sein de la cavité péricardique, ce qui confirme la suspicion radiographique d’une hernie phrénico-péricardique. Des signes de tamponnade cardiaque sont également notés (compression majeure du cœur droit). L’examen échographique abdominal est rendu difficile par la présence d’un épanchement volumineux, mais ne décèle aucune anomalie au niveau des organes intra-abdominaux.

TRAITEMENT

Après six heures de stabilisation médicale à l’aide d’une perfusion de cristalloïdes (au débit de 2 ml/kg par heure) et d’une oxygénothérapie, il est décidé de procéder à une laparotomie.

Le chiot est prémédiqué avec un bolus de fentanyl, à la dose de 5 µg/kg par voie intraveineuse, puis son abdomen est tondu alors qu’il est encore vigile afin de réduire le temps anesthésique. L’induction est ensuite réalisée à l’aide de propofol (à raison de 3 mg/kg en bolus, puis à la demande), et un relais par anesthésie gazeuse (oxygène et isoflurane) est mis en place après l’intubation endotrachéale. L’analgésie est assurée par la perfusion continue d’un mélange de fentanyl et de lidocaïne (aux doses de 5 µg/kg/heure et 2 mg/kg/heure respectivement) mise en place après l’injection d’un bolus (5 µg/kg pour le fentanyl, 2 mg/kg pour la lidocaïne par voie intraveineuse lente).

L’animal est positionné en décubitus dorsal et préparé pour une laparotomie. La zone sternale est également préparée pour une éventuelle conversion en sternotomie. Une ventilation contrôlée par pression positive est mise en place en prévision d’un potentiel pneumothorax peropératoire. Une laparotomie xipho-ombilicale est réalisée.

À l’ouverture, environ 1 litre d’un épanchement abdominal à l’aspect séro-hémorragique est aspiré. L’exploration abdominale montre l’engagement au travers du diaphragme du lobe hépatique latéral gauche qui semble étranglé (photo 1). La réduction douce de ce dernier permet l’écoulement du liquide péricardique sous pression. Une partie du jéjunum engagée dans la hernie est réduite également, suivie par le lobe carré et la vésicule biliaire (photo 2). Le lobe hépatique médial droit présente une adhérence au niveau de la face dorso-craniale du péricarde : une fois levée, l’hémostase de la zone lésée du lobe est assurée par une électrocoagulation bipolaire.

La hernie phrénico-péricardique est confirmée visuellement : elle est située sur la partie sternale charnue du diaphragme et le tendon central. Les bords de la hernie sont disséqués, et la cavité pleurale est ouverte à droite au cours de la dissection. Un drain thoracique est placé sous contrôle visuel. La hernie diaphragmatique est ensuite fermée par un surjet simple apposant avec un fil PDS 2/0 (photo 3). Le pneumopéricarde créé est ponctionné à l’aide d’un microperfuseur épicrânien jusqu’à l’obtention du vide. Les autres organes abdominaux sont inspectés et aucune anomalie n’est remarquée.

La cavité abdominale est rincée avec 10 ml/kg de solution physiologique stérile, puis la paroi est suturée de manière conventionnelle. Un contrôle radiographique postopératoire du thorax ne montre ni pneumothorax ni pneumopéricarde.

La perfusion antalgique est maintenue pendant vingt-quatre heures jusqu’au retrait du drain thoracique (très peu productif), puis elle est progressivement diminuée.

Le chien est rendu à ses propriétaires après quarante-huit heures d’hospitalisation. Son état général à la sortie est très bon, et sa respiration normale.

DISCUSSION

La hernie diaphragmatique phrénico-péricardique est une malformation congénitale due à une communication entre les cavités abdominale et péricardique qui se maintient au cours de l’embryogenèse. Les signes cliniques secondaires à cette malformation sont de nature et d’intensité très variables, allant de troubles asymptomatiques (découverte fortuite de la maladie) à des insuffisances circulatoires avec des syncopes et la présence d’ascite lors de tamponnades, en passant par des signes gastro-intestinaux [1]. Un cas de hernie phrénico-péricardique associé à un chylothorax est rapporté, probablement dû à la compression cardiaque par une masse graisseuse liée à l’engagement de l’omentum [3].

Le braque de weimar est une race canine prédisposée à cette malformation, même si elle est plus fréquente dans l’espèce féline [1]. L’examen clinique complet des animaux présentant cette affection est capital, car jusqu’à 39 % des individus atteints présentent au moins une autre anomalie congénitale (hernie ombilicale, déformation sternale, malformation cardiaque, agénésie rénale, etc.) [2].

Le traitement de ces hernies particulières est chirurgical. S’il est indiqué en présence de signes cliniques, son intérêt est controversé chez les animaux asymptomatiques [1]. Le taux de complications peropératoires est en effet non négligeable (22 % en période peropératoire et 47 % en phase postopératoire, tous types de complications confondus), bien que la plupart d’entre elles soient qualifiées de “minimes” et n’influent pas sur le pronostic à long terme. Comme les signes cliniques associés à une hernie diaphragmatique phrénico-péricardique peuvent survenir à tout âge, en l’absence d’une intervention chirurgicale correctrice, un engagement ou un étranglement des organes abdominaux restent possibles tout au long de la vie de l’animal.

Le pronostic après une herniorraphie est très bon, avec un taux de survie de 97 % et de rares récidives [2]. Les adhérences des organes dans le péricarde sont observées dans 15 % des cas, ce qui justifie la préparation systématique de l’animal pour une extension chirurgicale en sternotomie parfois nécessaire lors d’adhésiotomie [1]. Toutefois, les adhérences sont dans la plupart des cas facilement levées par une laparotomie via la hernie, et le recours à une sternotomie reste très rare.

La plupart des complications peropératoires graves étant liées à un pneumothorax engendré pendant l’intervention, il convient de placer un drain thoracique avant le réveil du chien en cas de suspicion de pénétration de l’espace pleural. Si aucune brèche n’est créée lors de la réduction des organes abdominaux, la cavité abdominale communique alors seulement avec la cavité péricardique et n’engendre donc pas de pneumothorax.

Toutefois, il est recommandé de réaliser a minima un examen radiographique au réveil afin d’exclure un pneumothorax (et/ou un pneumopéricarde) qui peut se révéler létal [2].

Références

  • 1. Burns CG, Bergh MS, McLoughlin MA. Surgical and nonsurgical treatment of peritoneopericardial diaphragmatic hernia in dogs and cats: 58 cases (1999-2008). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2013;242(5):643-650.
  • 2. Morgan KRS, Singh A, Giuffrida MA et coll. Outcome after surgical and conservative treatments of canine peritoneopericardial diaphragmatic hernia: a multi-institutional study of 128 dogs. Vet. Surg. 2020;49(1):138-145.
  • 3. Schmiedt CW, Washabaugh KF, Rao DB et coll. Ch ylothorax associated with a congenital peritoneopericardial diaphragmatic hernia in a dog. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2009;45(3):134-137.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

La hernie diaphragmatique phrénico-péricardique est une affection congénitale relativement fréquente chez le chien et le chat. Son pronostic est bon, après la réalisation d’une herniorraphie, et les récidives sont rares

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