ARYTHMIE ET DYSPNÉE CHEZ UN CHAT EUROPÉEN - Le Point Vétérinaire n° 413 du 01/01/2021
Le Point Vétérinaire n° 413 du 01/01/2021

CARDIOLOGIE

Cas clinique

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq

La présence d’une arythmie sinusale respiratoire chez un chat n’est pas une découverte fortuite et “bénigne”. Elle est presque systématiquement associée à une affection pulmonaire majeure.

Un chat européen à poil court mâle, stérilisé et âgé de 5 ans, est référé pour l’exploration d’une polypnée et d’une dyspnée associées à une arythmie évoluant depuis plusieurs semaines. Un examen radiographique du thorax a montré un parenchyme pulmonaire modifié, avec une densification tissulaire craniale sans cardiomégalie nette.

DIAGNOSTIC

Examen clinique

À l’examen général, l’animal apparaît légèrement amaigri (score d’état corporel de 3 sur 9) et présente une dyspnée expiratoire majeure. L’auscultation ne décèle pas de bruit cardiaque anormal surajouté. En revanche, une arythmie nette est constatée, au rythme “régulièrement irrégulier”, avec une augmentation de la fréquence cardiaque à l’inspiration et une diminution à l’expiration. De plus, l’existence de fins crépitements est notée sur l’ensemble de l’aire d’auscultation pulmonaire. Une toux sèche, forte et non quinteuse est déclenchée par la palpation trachéale.

Examens complémentaires

Un examen échocardiographique préanesthésique montre un ventricule et un atrium gauches d’une taille et d’une morphologie normales, visualisés sur la coupe 2D transaortique obtenue par voie parasternale droite. Cela exclut une origine cardiaque des signes cliniques observés. La densification tissulaire craniale ne correspond pas à une masse médiastinale ou pulmonaire, mais à une atélectasie pulmonaire. L’examen électrocardiographique concomitant permet de confirmer l’existence d’une arythmie sinusale respiratoire (photo 1). Un examen tomodensitométrique du thorax révèle la présence de multiples zones de densification tissulaire, le plus souvent en localisation péribronchique, avec des images d’obstruction bronchique associées (photo 2).

Cet aspect évoque en priorité une bronchopneumopathie inflammatoire (éosinophilique) ou infectieuse (bordetellose, mycoplasmose, voire aélurostrongylose). Une atélectasie du lobe cranial droit est également visualisée, expliquant l’image observée. Une origine “iatrogène” (corps étranger végétal notamment) ne peut être exclue.

Un examen cytologique par aspiration trachéale est réalisé. Le liquide de lavage est clair, avec une accumulation marquée de mucus. L’examen cytologique identifie une population très abondante de polynucléaires neutrophiles, avec de plus rares éosinophiles et lymphocytes, en faveur a minima d’une trachéobronchite inflammatoire subaiguë à chronique modérée. De nombreux éléments bactériens sont visibles (photo 3). L’examen bactériologique identifie plusieurs germes de surinfection, sensibles à la plupart des antibiotiques, notamment à l’association amoxicilline-acide clavulanique et à la céfalexine.

Une recherche par polymerase chain reaction (PCR) de la bordetellose et de mycoplasmes identifie la présence de ces derniers.

Un diagnostic d’infection bronchique est établi, compliquée d’une obstruction bronchique et d’une arythmie sinusale secondaires, avec plusieurs germes associés à la présence de mycoplasmes.

Traitement

Un traitement antibiotique “local” par voie pulmonaire (association de gentamicine en inhalation quotidienne et de corticoïdes à dose anti-inflammatoire) est mis en place, combiné à une antibiothérapie par voie orale pendant au moins quinze jours (à base de doxycycline, pour couvrir simultanément les germes d’une surinfection et les mycoplasmes), afin d’augmenter les chances de guérison et de limiter les séquelles pulmonaires.

Un contrôle radiographique après trois semaines de traitement montre une nette amélioration, en lien avec une quasi-normalisation clinique.

DISCUSSION

Chez le chien et le chat, l’arythmie sinusale respiratoire est associée à un effet du tonus vagal (issue du nerf vague droit) sur le nœud sinusal. Elle est considérée comme physiologique chez le chien, mais elle peut être majorée, notamment lors d’affection touchant le système respiratoire, les voies digestives ou le système nerveux central [3].

Une arythmie sinusale respiratoire “physiologique” n’est habituellement pas observée chez le chat en consultation, probablement en raison d’un haut tonus adrénergique chez cette espèce, particulièrement dans les situations de stress. Cette arythmie est en général détectée chez des chats anesthésiés et/ ou présentant une affection respiratoire ou viscérale [2, 3]. Elle peut également être observée chez le chat sain via un examen Holter réalisé à domicile [1]. Son identification dans l’espèce féline justifie la recherche d’une affection respiratoire ou digestive, a minima. Dans certains cas, l’arythmie sinusale respiratoire peut être liée à des modifications subtiles de la morphologie des ventriculogrammes [2].

Références

  • 1. Hanås S, Tidholm A, Egenvall A et coll. Twenty-four hour Holter monitoring of unsedated healthy cats in the home environment. J. Vet. Cardiol. 2009;11:17-22.
  • 2. Lewis KA, Scansen BA, Aarnes TK. ECG of the month. Respiratory sinus arrhythmia in an anesthetized cat. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2013;242:623-625.
  • 3. Thorn CL, Oyama MA. ECG of the month. Sinus arrhythmia. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2015;247:1244-1246.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

À la différence du chien, l’identification d’une arythmie sinusale respiratoire chez un chat doit motiver la réalisation d’une exploration complémentaire, notamment pour rechercher une atteinte respiratoire, digestive ou neurologique centrale.

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