CANCERS CHEZ LE LAPIN : PRINCIPES D’UNE PRISE EN CHARGE ADAPTÉE - Le Point Vétérinaire n° 412 du 01/12/2020
Le Point Vétérinaire n° 412 du 01/12/2020

ONCOLOGIE DES NAC

Dossier

Auteur(s) : David Sayag*, José Rosas Navarro**, Jean-François Quinton***

Fonctions :
*(Ipsav, dipl. Ecvim-CA oncology)
1. Service d’oncologie
CHV Advetia
9, avenue Louis Bréguet
78140 Vélizy-Villacoublay
**2. ONCOnseil, expertise en oncologie
vétérinaire
www.onconseil.com
***3. Consultation d’oncologie
Chuv de l’ENV de Toulouse
23, chemin des Capelles
31300 Toulouse
****(Résid. ECZM, small mammals)
*****(Dipl. ECZM, small mammals)
Service des nouveaux animaux
de compagnie
CHV Advetia

Une approche comparative et collégiale est souvent indispensable face au cancer chez le lapin de compagnie, afin d’offrir la meilleure prise en charge, sous la forme d’une stratégie thérapeutique adaptée et personnalisée.

La prise en charge des néoplasies chez le lapin en est encore à ses balbutiements. Cependant, avec l’augmentation de l’espérance de vie, la hausse du taux de médicalisation et l’amélioration globale des connaissances médicales sur cette espèce, elle s’est beaucoup développée. Les spécialistes oncologues peuvent aider à mieux appréhender le comportement biologique de chaque tumeur, à déterminer la stratégie thérapeutique la plus adaptée, au-delà de l’application de “recettes” standardisées, et à offrir une vision globale de la maladie chez le lapin de compagnie atteint d’un cancer.

1. LES NÉOPLASIES CHEZ LE LAPIN

Selon une récente étude, les maladies néoplasiques sont responsables de près de 5 % de la mortalité chez le lapin de compagnie [1, 4]. En pratique quotidienne, les affections tumorales les plus fréquentes sont les adénocarcinomes utérins, les carcinomes mammaires, les lymphomes, les thymomes, et enfin les tumeurs cutanées (adénomes, carcinomes ou mélanomes). Les propriétaires de lapins sont de plus en plus demandeurs de traitements contre ces cancers, en lien avec le développement d’une véritable connexion émotionnelle avec leur animal. Malgré tout, les connaissances en oncologie du lapin restent souvent parcellaires, bien que cette espèce soit l’objet de nombreuses études en tant que modèle induit de certains cancers humains(1). Le développement de réseaux d’étude, tels que l’Exotic Species Cancer Research Alliance (Escra), participe grandement à l’amélioration globale des connaissances.

2. DÉMARCHE CLINIQUE CHEZ LE LAPIN DE COMPAGNIE

La démarche clinique lors de suspicion d’une maladie néoplasique chez un lapin est identique à celle qui est appliquée pour les autres espèces (figure 1).

Diagnostic

Lors de suspicion clinique, une confirmation est recherchée via l’obtention d’un diagnostic de (quasi)-certitude (cytologique), voire de certitude(2) (histopathologique). Ce dernier permet de définir le comportement biologique de la tumeur et de déterminer le bilan d’extension le plus adapté. En pratique, le manque de données dans la littérature rend la caractérisation du comportement biologique spécifique souvent difficile. Pour le moment, une approche comparative transversale est donc nécessaire. À ce titre, une excellente connaissance des comportements biologiques dans les autres espèces est requise (chien, chat et homme principalement), en l’appliquant avec prudence. En effet, l’évolution d’un cancer peut fortement varier d’une espèce à l’autre, et les critères de malignité (index mitotique, degré de différenciation, etc.) diffèrent systématiquement.

Bilan d’extension et pronostic

Le bilan d’extension s’effectue à partir des examens d’imagerie. Il peut nécessiter des radiographies cliché du thorax d’un lapin sain, le bord cranial du cœur n’est pas visible en raison de la persistance du thymus et de la présence de graisse médiastinale), un examen tomodensitométrique thoraco-abdomino-pelvien, voire un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) dans certains cas.

En complément, les explorations ciblées suivantes sont parfois utiles, afin de gagner en précision dans la recherche de métastases et de s’assurer de l’absence de comorbidités susceptibles d’altérer la tolérance aux traitements et d’assombrir le pronostic global :

– un examen cytologique des nœuds lymphatiques régionaux et des organes cibles (foie et rate idéalement) lors d’hémopathie ou de lésions suspectes découvertes à l’imagerie. Si la ponction échoguidée du foie est réalisable dans la plupart des situations, la petite taille de la rate du lapin dans les conditions physiologiques (1 à 2 cm) rend cet acte impossible. En revanche, elle est indiquée lors de splénomégalie objectivée ;

– un bilan hématobiochimique complet, éventuellement associé à un rapport protéines/créatinine urinaires ;

– et/ou un myélogramme, la ponction de mœlle osseuse hématopoïétique ayant lieu au niveau de la crête iliaque. Des normes spécifiques sont disponibles dans la littérature [3].

Stratégie thérapeutique

L’établissement de la stratégie thérapeutique doit veiller, comme chez toutes les espèces, au respect des trois piliers fondamentaux : l’animal, le propriétaire et l’équipe médicale (figure 2).

Le lapin de compagnie adopte un comportement spécifique durant les soins (coopération généralement bonne, important niveau de stress, dissimulation de la douleur, etc.) (photos 1 et 2). De plus, des maladies particulières peuvent interférer avec les traitements (figure 3). Ainsi, un dépistage sérologique d’Encephalitozoon cuniculi doit systématiquement être réalisé afin d’évaluer les risques avant la mise en œuvre d’une chimiothérapie potentiellement immunodépressive. Par ailleurs, en tant qu’herbivore, le lapin possède des voies métaboliques spécifiques. Une attention toute particulière doit être portée à la capacité d’excrétion rénale avant l’administration d’un agent cytotoxique à élimination rénale, car la prévalence des néphrolithes, qui peuvent altérer le fonctionnement des reins, est importante chez cette espèce [2].

  • (1) Études des cancers réalisées chez des lapins de laboratoire.

  • (2) Le diagnostic de certitude repose sur l’examen morphologique (gold standard) et sur le tableau clinique.

Références

  • 1. Espinosa J, Ferreras MC, Benavides J et coll. Causes of mortality and disease in rabbits and hares: a retrospective study. Animals. 2020;10:158.
  • 2. Quesenberry K, Mans C, Orcutt C. Ferrets, rabbits, and rodents clinical medicine and surgery. 4th edition, James Carpenter Saunders. 2020:656p.
  • 3. Riedel RM, De Matos R, S chaefer DMW. Bone marrow cell composition and morphology in healthy juvenile female New Zealand White rabbits (Oryctolagus cuniculus). Am. J. Vet. Res. 2017;78 (8):910-918.
  • 4. Van Zeeland Y. Rabbit oncology: diseases, diagnostics, and therapeutics. Vet. Clin. North Am. Exot. Anim. Pract. 2017;20 (1):135-182.

Conflit d’intérêts : Aucun

CONCLUSION

Une approche adaptée, voire individualisée, est indispensable à l’établissement d’une stratégie thérapeutique rationnelle chez le lapin. Face aux lacunes de la littérature scientifique internationale et à l’impossibilité d’établir des standards de prise en charge, la concertation pluridisciplinaire tient une place importante dans l’établissement du meilleur protocole thérapeutique pour traiter une maladie cancéreuse chez le lapin.

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