INTOXICATION PAR L’EAU DE PISCINE CHEZ UN CHIEN - Le Point Vétérinaire n° 409 du 01/09/2020
Le Point Vétérinaire n° 409 du 01/09/2020

TOXICOLOGIE

Fiche toxicologie

Auteur(s) : Ludivine Mathisse*, Martine Kammerer**

Fonctions :
*Clinique du Golfe
5, rue Camille Claudel
56890 Plescop
**Capae-Ouest
Oniris, site de La Chantrerie
44300 Nantes

Un teckel âgé de 2 ans présente un abattement et des troubles digestifs et nerveux à la suite d’une intoxication par l’eau de la piscine.

CAS CLINIQUE

Un teckel mâle, âgé de 2 ans et pesant 5,6 kg, est présenté en consultation au début du mois de juin pour un abattement soudain, après avoir passé la journée dans la piscine. Il présente en même temps un épisode de diarrhée et semble nauséeux. À l’examen clinique, il est normotherme (38 °C), l’auscultation cardio-respiratoire ne révèle pas d’anomalie, la palpation abdominale est souple et non douloureuse avec un contenu intestinal liquidien caudalement, et ses muqueuses sont légèrement pâles.

Un traitement symptomatique est initié en première intention, à base de maropitant (Prevomax, à la dose de 1 mg/kg par voie sous-cutanée) et de phosphate d’aluminium (Phosphaluvet, à raison de 145 mg/kg par voie orale). Cependant, deux heures plus tard, la propriétaire rappelle car l’animal présente désormais des tremblements et un ptyalisme. Il convulse dans la voiture. À son arrivée, le chien est hypotherme (36,9 °C) et hypovigilant.

La numération formule sanguine et l’iono­gramme révèlent une légère anémie (globules rouges : 5,22.1012/l, hématocrite : 35,2 %), une hyponatrémie (128 mmol/l), une hypokaliémie (3 mmol/l), ainsi qu’une hypochlorémie (105 mmol/l) (figures 1 et 2). L’animal est hospitalisé afin d’être réchauffé et mis sous perfusion de Ringer lactate. Lors de la prise de température, deux heures plus tard, il convulse à nouveau et ne répond pas rapidement à l’injection intrarectale de diazépam, à la posologie de 1 mg/kg. Une complémentation en potassium de la poche de perfusion à 30 mEq/l est effectuée et, trois heures après, le chien retrouve un état normal. Il est rendu à ses propriétaires le lendemain, après un ionogramme de contrôle qui montre le retour à des valeurs usuelles.

Références

  • 1. Kawahara N, Ofuji S, Abe S et coll. Water intoxication in adult cattle. Jpn J. Vet. Res. 2016;64:159-164.
  • 2. Lee JY, Rozanski E, Anastasio M et coll. Iatrogenic water intoxication in two cats. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2013;23 (1):53-57.
  • 3. Metheny NA, Meert KL. Water intoxication and child abuse. J. Emerg. Nurs. 2018;44 (1):13-18.
  • 4. Toll J, Barr SC, Hickford FH. Acute water intoxication in a dog. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 1999;9:19-23.

Conflit d’intérêts : Aucun

DISCUSSION

Les troubles cliniques et les anomalies révélées à l’analyse sanguine, associés à l’anamnèse, permettent d’établir le diagnostic d’intoxication par l’eau de la piscine. À l’origine d’une hypo­natrémie sévère, cette intoxication peut se produire dans deux situations distinctes :

• la première, bien connue en médecine humaine, correspond au syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (ou syndrome de Schwartz-Bartter) qui conduit à une réabsorption excessive de l’eau au niveau du tube collecteur. Ce syndrome peut être primaire, lié à une affection de l’hypophyse, ou secondaire à des maladies très variées (traumatisme crânien, cancers, infections, etc.) ;

• la deuxième circonstance est la conséquence d’une absorption excessive d’eau, à un niveau qui dépasse les capacités d’excrétion rénale. Ce cas de figure est généralement associé, chez l’homme, à des troubles psychiatriques et est également connu lors de maltraitance infantile. En médecine vétérinaire, il est rencontré lors de l’administration excessive de solutions de perfusion, et est aussi décrit chez des chats réhydratés par une sonde gastrique [2].

Il existe cependant une situation d’abreuvement volontaire méconnue chez les animaux, particulièrement le chien, qui est la baignade prolongée [4]. En effet, lorsque le chien reste immergé pendant un certain temps dans une piscine, un plan d’eau ou une rivière, parce qu’il se baigne avec ses maîtres ou parce qu’il y est tombé accidentellement et ne peut en sortir rapidement, il avale beaucoup d’eau, spontanément et en « buvant la tasse ». La résorption conduit alors à une dilution des électrolytes, donc à une hyponatrémie, une hypochlorémie et une hypokaliémie, qui peuvent être accentuées par la survenue fréquente de vomissements répétés. Une hypo-osmolarité plasmatique s’installe, et le gradient osmotique favorise alors l’entrée de l’eau dans les cellules, ce qui conduit à un œdème cérébral et à une compression, car la boîte crânienne limite le gonflement de l’organe. La présence de produits de traitement dans une piscine (désinfectant, algicide, correcteur de pH) est sans conséquences toxicologiques, car ces substances sont trop peu concentrées pour exercer des effets néfastes.

Les symptômes sont d’autant plus sévères que la natrémie est basse. Au départ, des nausées et des vomissements sont observés, accompagnés de léthargie. Chez l’homme, des céphalées et des troubles de la vision sont également rapportés. Puis l’encéphalopathie s’exprime par l’ataxie, les convulsions et le coma. Un œdème pulmonaire peut aussi apparaître. L’évolution est le plus souvent favorable si l’ingestion d’eau est arrêtée à temps, mais elle peut être fatale brutalement, par défaillance respiratoire.

Le traitement repose sur la correction du déséquilibre électrolytique. Dans les cas bénins, la seule restriction hydrique peut suffire à un retour à la normale. Mais lors d’apparition de troubles nerveux, l’administration d’électrolytes est justifiée. Chez l’enfant, il est recommandé d’administrer en perfusion, pendant dix minutes, une solution hypertonique de chlorure de sodium (3 %) à raison de 2 ml/kg [3]. La correction ne doit pas être trop brutale, car un changement trop rapide de l’osmolarité plasmatique conduit à des lésions irréversibles de la myéline.

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