GESTION CHIRURGICALE D’UNE TUMEUR MÉTASTATIQUE DU SAC ANAL - Le Point Vétérinaire n° 409 du 01/09/2020
Le Point Vétérinaire n° 409 du 01/09/2020

ONCOLOGIE

Expert canin

Auteur(s) : Melissa Pottier*, Kevin Minier**

Fonctions :
*Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq
**(Dipl. ECVS)
Oncovet
Avenue Paul Langevin
59650 Villeneuve d’Ascq

Lors de certaines affections tumorales, l’exérèse de lésions ganglionnaires métastatiques est à envisager et peut être associée à un pronostic favorable.

xUn chien-loup tchèque femelle, âgé de 7 ans, est référé en consultation pour l’exploration d’une polyuro-polydipsie qui évolue depuis plusieurs semaines. Le vétérinaire traitant a mis en évidence une masse située dans la région du sac anal droit. La chienne ne présente pas de perte de poids, son état général reste bon et son appétit est conservé.

DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT MÉDICAL

À l’admission, l’auscultation cardio-respiratoire et la palpation abdominale sont normales. Un toucher rectal permet de palper une masse d’environ 3 cm de diamètre, centrée sur le sac anal droit, indurée et adhérente aux tissus environnants, sans autre atteinte apparente.

Comme les résultats de la prise de sang réalisée par le vétérinaire référent ne révè­lent aucune anomalie, un dosage de la calcémie ionisée est effectué. Une nette hypercalcémie est alors mise en évidence (1,75 mmol/l, valeurs normales entre 1,25 et 1,50 mmol/l).

Un bilan d’extension local, régional et à distance, via un examen tomodensitométrique, est entrepris. Localement, l’existence d’une lésion du sac anal droit est confirmée. Des adénomégalies sacrées (20 mm de diamètre) et iliaques (30*35 mm) sont également observées.

Le bilan thoracique et le reste du bilan abdominal ne décèlent rien d’anormal. La chienne est donc classée en stade clinique 3a (figure) [2].

De la prednisolone est prescrite (à la dose de 1 mg/kg par voie orale une fois par jour) dans le cadre de la prise en charge de l’hyper­calcémie. Après une semaine de traitement, la calcémie revient à la limite supérieure des valeurs usuelles (1,5 mmol/l). En accord avec les propriétaires, il est décidé de procéder au retrait chirurgical du sac anal, ainsi qu’à une laparotomie en vue d’une exérèse des nœuds lymphatiques iliaques et sacrés hypertrophiés.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Une laparotomie ombilico-pubienne est réalisée par la ligne blanche. Les nœuds lymphatiques iliaques hypertrophiés sont isolés par des compresses à laparotomie (photo 1). Leur exérèse est effectuée par une dissection digitée et au coton-tige, en prenant soin de préserver la vascularisation iliaque (photo 2).

La même technique est utilisée pour retirer les nœuds lymphatiques sacrés. Après une vérification de l’absence de saignement et le rinçage de la zone opératoire, l’abdomen est refermé de façon conventionnelle.

La chienne est ensuite positionnée en décubitus ventral, avec les membres pelviens dans le vide. Une suture en bourse de l’anus est pratiquée, et le sac anal droit est cathétérisé à l’aide d’un cathéter de 22 G. Une incision para-anale droite est réalisée en regard de la masse palpable, afin de retirer le sac anal de manière marginale par une technique fermée, puis il est extrait après la ligature du canal (photos 3 et 4). La zone est reconstruite par l’apposition des muscles sphincters anaux interne et externe, et fermée par un plan sous-cutané et un surjet intradermique.

SUIVI ET CONFIRMATION DIAGNOSTIQUE

Tous les nœuds lymphatiques prélevés sont adressés pour analyse au laboratoire de pathologie.

La calcémie ionisée, contrôlée douze heures après l’exérèse, est normalisée (1,1 mmol/l). Un second contrôle, trente-six heures après l’intervention, confirme cette stabilisation (1 mmol/l). La chienne présente un état général postopératoire satisfaisant. Elle est rendue à ses propriétaires après quarante-huit heures d’hospitalisation. Le traitement prescrit comprend du métronidazole (à raison de 15 mg/kg per os deux fois par jour), du tramadol (à la dose de 3,5 mg/kg per os deux fois par jour) et du prednisolone (à 1 mg/kg une fois par jour), ainsi que l’application locale de Bétadine Gel (matin et soir et après chaque émission de fèces).

Lors du contrôle réalisé une semaine après l’opération, les propriétaires rapportent un bon état général, ainsi qu’une normalisation de la prise de boisson et des mictions. L’examen général de la chienne est normal et la cicatrisation des plaies satisfaisante.

Les résultats histologiques révèlent un adénocarcinome des glandes apocrines du sac anal droit, avec des marges étroites localement (2 à 3 mm) et un envahissement métastatique massif des quatre nœuds lymphatiques retirés. Un protocole de radiothérapie (10*3,6 Gy) est initié sur la zone périanale et la totalité de la chaîne ganglionnaire de la voûte sous-lombaire, après la réalisation d’un scanner de dosimétrie. Un protocole de chimiothérapie cytotoxique à base de carboplatine est également discuté et mis en place (300 mg/m2 par voie intraveineuse lente durant quinze minutes, toutes les trois semaines, six séances effectuées).

Lors du contrôle tomodensitométrique réalisé à un an, la chienne est en rémission complète, sans récidive locale ni progression métastatique.

Références

  • 1. Barnes DC, Demetriou JL. Surgical management of primary, metastatic and recurrent anal sac adenocarcinoma in the dog: 52 cases. J. Small Anim. Pract. 2017;58(5):263-268.
  • 2. Polton G, Brearley M. Clinical stage, therapy, and prognosis in canine anal sac gland carcinoma. J. Vet. Intern. Med. 2007;21:274-280.
  • 3. Withrow SJ, Vail DM, Page RL. Perianal tumors. In: Small animal clinical oncology, 5th edition. Withrow & MacEwen’s Eds. Saunders Elsevier. 2014:423-431.

Conflit d’intérêts :

Aucun

DISCUSSION

L’adénocarcinome des glandes apocrines du sac anal est une tumeur courante chez le chien (17 % des masses périanales) [3]. Elle fait partie des causes les plus fréquentes de l’hypercalcémie, très souvent à l’origine d’un syndrome paranéoplasique de polyuro-polydipsie qui mène à la découverte de la tumeur (dans 25 à 53 % des cas) [2].

Au moment du diagnostic, des métastases ganglionnaires locorégionales sont présentes dans la moitié des cas en moyenne, bien que les chiffres diffèrent d’une étude à l’autre (de 46 à 96 %). Un examen tomodensitométrique est indiqué dans le cadre du bilan d’extension, avec l’explo­ration des nœuds lymphatiques de la voûte sous-lombaire (sacrés et iliaques en priorité), puis du reste de la cavité abdominale et du thorax.

Lorsque l’exérèse de la lésion est possible, elle constitue la première étape du traitement à mettre en place. Le retrait des nœuds lymphatiques abdominaux, le cas échéant, doit également être envisagé afin d’améliorer le pronostic [1, 2].

Pour les animaux initialement hypercalcémiques, il est important de suivre la calcémie en période postopératoire immédiate, car la diminution soudaine du volume tumoral peut entraîner des hypocalcémies brutales à corriger par une supplémentation en carbonate de calcium et/ou en vitamine D.

L’adénocarcinome des glandes apocrines du sac anal est une tumeur agressive, et le traitement chirurgical, même s’il joue un rôle clé dans cette maladie, est rarement suffisant. Selon le stade clinique de la lésion et les marges de l’exérèse, une irradiation locale peut être conseillée (souvent associée à une irradiation concomitante des nœuds lymphatiques de la voûte sous-lombaire, qu’ils aient été retirés ou non). Un traitement par chimiothérapie est presque toujours à envisager, le risque métastatique de ce type de lésion étant élevé (26 à 93 % des cas dans la littérature) [3].

Le pronostic dépend du stade clinique. Les animaux au stade 1 bénéficient d’un pronostic relativement bon à long terme (médianes de survie allant de 1 205 à 1 237 jours). Au stade 2, les médianes sont rapportées à 722 jours, versus 335 jours pour le stade 3 (à nuancer suivant les traitements entrepris). Au stade 4, le pronostic est mauvais à court terme (71 jours) et la prise en charge vise le plus souvent à assurer un confort de vie [3].

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