Cardiologie
Cas clinique
Auteur(s) : Christian Meyer*, Christine Haelewyn**, François Serres***
Fonctions :
*Clinique vétérinaire, avenue Paul-Langevin, 59650 Villeneuve-d’Ascq
**Clinique vétérinaire, avenue Paul-Langevin, 59650 Villeneuve-d’Ascq
***Clinique vétérinaire, avenue Paul-Langevin, 59650 Villeneuve-d’Ascq
Une chienne labrador âgée de 7 mois est référée à la suite de l’apparition d’une ascite, d’une dysrythmie et de la détection d’un souffle cardiaque.
L’examen clinique montre une forte distension abdominale. La chienne présente un retard de croissance, et ses propriétaires rapportent une fatigabilité à l’effort et des séquences de jeu inhabituellement courtes pour un chiot. La palpation abdominale montre un signe du flot positif. L’auscultation cardiaque met en évidence une dysrythmie importante et rapide et un souffle systolique apexien droit de grade V/VI. Un examen électrocardiographique confirme la présence d’une fibrillation atriale de fréquence élevée.
L’association d’une fibrillation atriale à des symptômes d’insuffisance cardiaque congestive motive la réalisation d’un examen échocardiographique. Il met en évidence un cœur très modifié, avec une importante dilatation de l’atrium droit (AD) (photos 1 et 2). Le ventricule droit (VD) est également légèrement dilaté et la valve tricuspide, épaissie, s’attache aux parois ventriculaires en position très apicale. En systole, un large jour est visible entre les valvules, à l’origine d’une fuite tricuspide majeure, de base large et de vélocité mesurée à 3 m/s. Le ventricule gauche (VG) est de petite taille et paraît écrasé par le cœur droit, l’atrium gauche (AG) est de taille normale.
Un diagnostic d’insuffisance cardiaque droite liée à la décompensation d’une malposition et d’une dysplasie des valvules tricuspides, appelée maladie d’Ebstein, associées à une fibrillation atriale, est établi. Cette malformation est de pronostic sombre en raison des signes de décompensation droite.
La maladie d’Ebstein est une malformation congénitale de la valve tricuspide, rarement rencontrée chez le chien (présentant un caractère héréditaire chez le labrador) et jamais décrite chez le chat, bien que citée chez les grands félins [1, 3]. Elle se caractérise sur le plan anatomique par une malposition et la présence ou non d’une dysplasie de la valve tricuspide [4]. La valvule septale est systématiquement implantée apicalement par rapport à l’anneau tricuspidien et adhère au myocarde septal [2]. Un défaut de position et d’implantation de la valvule caudale a contrario de la valvule craniale est généralement observé. Les muscles papillaires et les cordages sont habituellement courts et malformés, voire absents [6].
Ces modifications valvulaires entraînent une insuffisance tricuspidienne qui conduit à la dilatation de l’AD puis du VD. La position apicale anormale de la valve tricuspide s’accompagne de facto de “l’atrialisation” d’une partie du VD qui se retrouve alors dilaté avec des parois amincies. La dilatation atriale peut s’accompagner de l’apparition de dysrythmies supraventriculaires, telle la fibrillation atriale.
Le diagnostic est aisé par échocardiographie, l’implantation et la morphologie atriale droite étant mieux visualisées sur les coupes quatre cavités par voie parasternale gauche ou droite. Le mode Doppler permet de mettre en évidence une régurgitation tricuspidienne [2, 5].
Dans le cas présenté, le pronostic est sombre en raison de la présence d’une fibrillation atriale et de l’installation précoce d’une insuffisance cardiaque droite [2].