Stérilisation du furet avec un analogue de la GnRH - Le Point Vétérinaire n° 303 du 01/03/2010
Le Point Vétérinaire n° 303 du 01/03/2010

Reproduction des NAC

Infos

FOCUS

Auteur(s) : Didier Boussarie

Fonctions : Centre hospitalier vétérinaire
43, avenue Aristide-Briand
94110 Arcueil
didier.boussarie@wanadoo.fr

Il est désormais possible de stériliser chimiquement les furets à l’aide d’un analogue de synthèse de la GnRH : la desloréline (Suprelorin®).

Particularités des stéroïdes sexuels du furet

La GnRH (gonadotropin-releasing hormone, gonadolibérine) stimule la sécrétion des gonadostimulines hypophysaires FSH (hormone de stimulation folliculaire) et LH (hormone lutéinisante). Ces dernières activent la production de stéroïdes sexuels par les glandes surrénales.

Chez un furet entier, mâle ou femelle, les sécrétions hormonales d’origine gonadique (œstrogènes et testostérone) exercent un effet de feedback négatif sur l’axe hypothalamo-hypophysaire. Il en résulte une faible stimulation des glandes surrénales. Chez le furet stérilisé, le feedback négatif des hormones gonadiques ne s’exerce plus, et les glandes surrénales sont alors surstimulées par les gonadostimulines FSH et LH. Une étude récente a démontré par des méthodes immuno-histochimiques la présence de récepteurs LH dans le cortex surrénalien des furets [2].

Mode d’action de la desloréline chez le furet

Suprelorin® est un implant contenant 4,7 mg d’acétate de desloréline, un analogue de synthèse de la GnRH. La desloréline est le 6-D-tryptophane-9-(N-éthyl-L-prolinamide)-10 déglycinamide GnRH.

La libération continue de cet analogue de la GnRH entraîne une inhibition paradoxale de l’axe hypophyso-gonadique. Il en résulte une incapacité pour l’hypophyse de synthétiser ou de libérer les hormones LH et FSH.

Le mécanisme d’action n’est pas encore clairement défini sur le plan pharmacologique. L’analogue de la GnRH semble provoquer, dans un premier temps, une stimulation de la production de LH et de FSH, ce qui se traduit par une augmentation du taux des stéroïdes sexuels plasmatiques. Mais cette élévation est transitoire et de courte durée. La stimulation continue des récepteurs hypophysaires par l’analogue GnRH exogène (c’est-à-dire l’implant) provoque rapidement, dans un second temps, une désensibilisation de ces récepteurs et une absence de libération de LH et de FSH par l’hypophyse. Il en résulte une inhibition de la fonction reproductrice aussi bien chez le mâle que chez la femelle : absence de libido, régression des organes génitaux externes, inhibition de la spermatogenèse chez le mâle, diminution des taux plasmatiques de stéroïdes sexuels. Plusieurs études et le suivi des furets traités ont mis en évidence que l’activité de l’implant est réversible dans les deux sexes, et sans effet secondaire.

Solution alternative à la chirurgie

Dans une étude réalisée aux Pays-Bas depuis 2005, des furets mâles et femelles de tous stades physiologiques (en période d’activité sexuelle ou non) ont reçu un implant de 4,7 mg de desloréline [1]. Les effets ont été évalués par un dosage des stéroïdes sexuels dans la phase dite normale de reproduction, la mesure des testicules et l’appréciation du comportement avec les autres furets. Un questionnaire a également été envoyé aux propriétaires. Ils se sont dits très satisfaits de l’implant. Les mesures des concentrations plasmatiques des stéroïdes sexuels (œstradiol, 17-α-hydroxyprogestérone, androstènedione) ont révélé des taux persistants très faibles, comparables à ceux des furets stérilisés. La libido et les comportements sexuels liés à la période de rut étaient inexistants et les testicules très petits. L’odeur forte du mâle a diminué de façon spectaculaire.

Modalités de la pose de l’implant

Suprelorin®(1) est utilisable aussi bien chez le furet mâle que chez la femelle, et quel que soit le stade physiologique (période d’activité ou de repos sexuel) [1]. Chez le jeune, l’implant peut être utilisé à partir de l’âge de 4 à 5 mois, avant l’apparition de l’activité sexuelle ou pendant la période de rut.

L’implant peut être posé chez le furet vigile, s’il est calme et coopératif. Chez les individus turbulents ou en rut, une anesthésie gazeuse flash à l’isoflurane est préférable.

L’implant est administré par voie sous-cutanée avec une aseptie de rigueur (gants stériles, désinfection de la peau), sur la droite de l’encolure ou dans l’espace interscapulaire pour éviter une confusion avec la puce électronique implantée à gauche de l’encolure (photo).

Il n’est pas nécessaire d’enlever un implant qui arrive au terme de son activité, en raison de son caractère biocompatible. Sa résorption est presque complète.

Le furet peut bénéficier d’une réimplantation dès qu’un dispositif cesse d’agir. L’âge de l’animal et son état de santé sont à prendre en considération lors du renouvellement. Chez le furet encore jeune, il est préférable d’assurer le remplacement en prévention de la maladie surrénalienne.

Informations du propriétaire

Le propriétaire doit être prévenu des effets transitoires qui peuvent survenir aussi bien chez le mâle que chez la femelle dans les 15 jours qui suivent la pose de l’implant.

L’odeur et le comportement sexuel du furet mâle en rut augmentent dans les 10 à 15 jours qui suivent l’injection, ce qui correspond à une élévation transitoire des stéroïdes sexuels après l’implantation. Ces derniers diminuent par la suite, pour presque disparaître en l’espace de 3 semaines.

Si une femelle en chaleur fait l’objet d’une implantation, un écoulement vaginal discret est observé dans les jours qui suivent l’injection. L’œdème vulvaire régresse en 15 jours et la vulve retrouve sa taille normale 3 semaines après la pose de l’implant. Aucun effet secondaire (comportement modifié, prise de poids, alopécie, etc.) n’est noté par la suite.

L’effet de Suprelorin® est réversible. Un furet femelle implanté retrouve une fertilité normale lorsque le dispositif n’agit plus. La durée d’action est de 1 à 2 ans [1]. Comme l’activité sexuelle du furet est saisonnière, la durée effective du repos de celle-ci est de 2 ans si l’implantation est réalisée pendant le rut, à la fin de l’hiver ou au printemps. En pratique, la pose d’un nouvel implant est motivée par le retour en chaleur de la femelle (vulve hypertrophiée) et la reprise de l’activité sexuelle du mâle (les testicules recouvrent leur taille normale en position scrotale, la séborrhée est réactivée, donc l’odeur forte).

Autres solutions alternatives

D’autres techniques existent, mais elles sont à l’origine d’effets secondaires. De plus, elles présentent des contre-indications ou des difficultés de mise en œuvre (encadré).

L’utilisation de Suprelorin® hors autorisation de mise sur le marché chez le furet permet une stérilisation chimique prolongée de 1 à 2 ans, réversible et sans effet secondaire, aussi bien chez le mâle que chez la femelle. Elle ouvre aussi de nouvelles pistes dans la prévention de la maladie surrénalienne. Elle répond ainsi à la demande des propriétaires, sans les conséquences hormonales de la stérilisation, qui joue un rôle avéré dans l’apparition de cette affection.

  • (1) La commercialisation de ce produit a pour seule indication légale la stérilisation du chien mâle. Chez le furet, il est utilisé hors autorisation de mise sur le marché, sous la responsabilité du praticien.

  • (2) Médicament humain.

Références

  • 1 – Schoemaker NJ, Kuijten A, Moorman H et coll. Alternative à la castration des furets (traduction). Frettensymposium, Maarssen, 28 octobre 2006.
  • 2 – Schoemaker NJ, Teerds KL, Mol JA and coll. The role of luteinising hormone in the pathogenesis of hyperadrenocorticism in neutered ferrets. EJCAP. 2004;14:69-76.

Encadré : Alternatives à l’implant de desloréline

• Progestagènes (médroxyprogestérone et surtout proligestone)

Leur mode d’action n’est pas clairement défini chez la furette, mais ils sont utilisables :

– en prévention de l’œstrus. Cependant, les injections doivent être renouvelées car les chaleurs reviennent en 3 à 5 mois ;

– pour arrêter les chaleurs, avant d’effectuer une ovariohystérectomie de convenance.

• Injection d’HCG ou de GnRH

Une injection d’HCG (human chorionic gonadotropin) ou de GnRH 10 jours après le début de l’œstrus provoque l’ovulation chez la furette. Toutefois, celle-ci va développer le plus souvent une pseudogestation (pendant 40 à 60 jours), avec des effets indésirables (agressivité, nervosité, lactation nerveuse, etc.).

• Utilisation d’un mâle vasectomisé

Cette technique assure l’ovulation et prévient l’hyperœstrogénisme. Cependant, elle s’accompagne d’une pseudogestation (pendant 40 à 60 jours).

• Gestion de la photopériode

Cela consiste à maintenir les furets en jours courts (8 heures de lumière par 24 heures). En pratique, cette méthode permet de reporter les chaleurs seulement de quelques semaines.

• Injections renouvelées d’analogues de la GnRH à libération prolongée (ou GnRH agonistes dépôt)

L’acétate de leuprolide (médicament humain disponible aux États-Unis, mais non en France) (Lupron®(1)) ou les présentations de médecine humaine disponibles en France (Enantone®(2), Décapeptyl®(2), etc.) sont efficaces, mais doivent être renouvelés tous les mois. Ces injections sont à débuter avant la période de reproduction et leur coût est prohibitif.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr