Escherichia coli, une bactérie à réservoir mammaire ? - Le Point Vétérinaire n° 303 du 01/03/2010
Le Point Vétérinaire n° 303 du 01/03/2010

Infections mammaires

Infos

QUESTION DE LECTEUR

Auteur(s) : Nathalie Bareille

Fonctions : Unité Zootechnie-Économie
ONIRIS
BP 40706, 44307 Nantes Cedex 3

Les infections colibacillaires peuvent persister jusqu’à 100 jours avant l’expression d’une mammite clinique.

Depuis une dizaine d’années, des données épidémiologiques sont en faveur de la persistance de certaines souches d’Escherichia coli dans les mamelles infectées chez la vache laitière [3, 5, 10]. Ces connaissances ont été produites par une démarche d’épidémiologie moléculaire (typage par DNA fingerprinting). Ainsi, en 1999, sur 300 troupeaux incluant 22 000 vaches, Dopfer et coll. ont recensé 2 250 cas de mammites cliniques avec un isolement d’Escherichia coli. 4,8 % des mammites cliniques sont dues à des souches identiques retrouvées dans des cas récurrents sur un même quartier et 3 % sur des quartiers différents d’une vache [5]. Pour Bradley et Green, en 2001, ces taux atteignent respectivement 20,5 et 8,5 % sur seulement 6 troupeaux, 810 vaches et 117 cas avec un isolement d’Escherichia coli, les cas cliniques récurrents étant espacés de 12 à 110 jours [3]. Des souches persistent donc dans la mamelle et peuvent être transmises d’un quartier à un autre lors de la traite, l’agent pathogène se comportant alors comme une bactérie à réservoir mammaire.

De plus, dans les troupeaux suivis par Bradley et Green, la moitié des mammites cliniques de début de lactation avec un isolement d’entérobactéries sont liées à des infections contractées dans la période sèche. Cette information ne peut être transposée à l’ensemble des cheptels laitiers. Ainsi, dans les élevages étudiés à faible concentration en cellules somatiques du lait, le risque de nouvelles infections est très élevé pendant la période tarie et faible en lactation, d’où une certaine surreprésentation des mammites à entérobactéries en début de lactation [2]. Toutefois, cet essai a confirmé la persistance d’infections à E. coli à l’état subclinique jusqu’à 100 jours avant l’expression d’une mammite clinique.

Bradley et Green ont également souligné que les souches d’Escherichia coli persistantes dans la mamelle ne sont jamais impliquées dans des cas cliniques avec des signes généraux, contre 13 % des cas pour les autres souches [3]. Cela suggère que les souches concernées dans les infections persistantes sont moins pathogènes que les autres, comme avec Streptococcus uberis (les souches à persistance intramammaire sont surtout impliquées dans des infections subcliniques, alors que celles à l’origine des mammites cliniques sont plus variées, suggérant une contamination environnementale) [11].

Depuis lors, le mécanisme de persistance d’Escherichia coli dans la glande mammaire a été exploré in vitro [4, 8]. Les souches persistantes ont une capacité d’invasion des cellules épithéliales mammaires en moyenne 13 fois supérieure aux souches transitoires. Elles sont internalisées dans une vacuole d’endocytose sans être soumises à l’attaque des lysosomes. Elles s’y multiplient, alors que les souches impliquées dans les infections transitoires montrent une décroissance nette dès 48 heures de culture.

En pratique, des mammites cliniques à E. coli peuvent survenir en début de lactation alors que l’origine de la contamination se situe pendant la période sèche. Des mesures de prévention adaptées doivent être mises en œuvre sur l’environnement des vaches taries, et non sur celui des vaches en lactation.

Toutefois, même si la possibilité d’une persistance mammaire d’Escherichia coli est indéniable, la grande majorité des souches ne donnent lieu qu’à des infections transitoires à expression clinique fréquente [5]. E. coli représente encore le prototype de bactérie à réservoir d’environnement fréquemment isolée lors de mammite clinique (20 à 30 % des bactéries isolées), mais très rarement en cas de mammite subclinique (0,4 à 1,3 %) [1, 6, 7, 9].

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