Le mavacoxib, un AINS “cox-2” à très très longue durée d’action analgésique - Le Point Vétérinaire n° 300 du 01/11/2009
Le Point Vétérinaire n° 300 du 01/11/2009

TRAITEMENTS DE LONGUE DURÉE AUX AINS

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Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville, 44470 Carquefou

Avec une demi-vie de 40 jours en moyenne, le mavacoxib ne s’administre qu’une fois par mois contre les douleurs chroniques de type arthrosique chez les chiens.

Pfizer lance actuellement un nouvel anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) “coxib” vétérinaire : le mavacoxib ou Trocoxil®.

Quel est l’arsenal thérapeutique existant ?

Le mavacoxib est le quatrième “coxib” (encadré complémentaire sur www.WK-Vet.fr) développé pour lutter contre la douleur chronique chez le chien, le troisième en France et en Europe après le firocoxib (Previcox®, Merial), le robenacoxib (Onsior®, Novartis), et, aux États-Unis, le deracoxib (Deramaxx®, Novartis).

Au moins deux autres molécules, le carprofène (Rimadyl®, Pfizer) et le méloxicam (Boehringer Ingelheim), sont aussi indiquées contre ces douleurs chroniques de type arthrosique. Le succès de ces produits un peu plus anciens et qui ne sont plus protégés par leurs brevets a conduit au développement récent d’un grand nombre de génériques de ces molécules sur la base d’études de bioéquivalence. Huit d’entre eux sont commercialisés en France.

Enfin, un autre AINS, dit “dual”, le tépoxalin (Zubrin®, Intervet), est aussi indiqué contre ces douleurs chroniques avec un mode d’action original d’inhibiteur à la fois des cox (cyclo-oxygénases) et des lox (lipo-oxygénases).

En quelques années, l’offre est ainsi devenue à la fois pléthorique et très souvent appétente pour les chiens par l’ajout d’arôme dans les comprimés.

Cependant, les praticiens français, contrairement à leurs confrères européens ou américains, prescrivent ces AINS seulement sur quelques jours, et non pas sur de très longues durées. Les experts hexagonaux et européens sont pourtant désormais unanimes pour recommander des traitements au long cours, au minimum 6 semaines selon les experts français qui ont travaillé sur ce sujet (groupe Panda).

Qu’apporte le mavacoxib par rapport aux autres AINS ?

Dans cet environnement concurrentiel, les comprimés de mavacoxib apportent une nouveauté majeure : un rythme d’administration mensuel (après les deux premières prises espacées de 2 semaines). Cela signifie qu’avec seulement deux comprimés espacés de 14 jours, il est possible de respecter les recommandations françaises du groupe Panda avec une durée de traitement analgésique d’au moins 6 semaines. Puis la prise mensuelle d’un comprimé équivaut à traiter le chien pendant 1 mois supplémentaire.

Toutes les études démontrent qu’il existe toujours un bénéfice additionnel à allonger la durée du traitement à base d’AINS pour diminuer la douleur chronique et le score de boiteries. Par exemple, 70 % des chiens ne présentent plus aucune douleur (sur un mouvement forcé de l’articulation) après 4 mois de traitement par un AINS, contre 62 % après 3 mois, 50 % après 2 mois ou 35 % après 1 mois dans un essai sur le carprofène.

Le mavacoxib est un AINS préférentiel cox-2. « Les doses cliniques de mavacoxib conduisent à un faible degré d’inhibition de la cox-1 et un haut degré d’inhibition de la cox-2 », selon l’Agence européenne du médicament, avec un rapport IC50cox-1/IC50cox-2 de 21,2, assez proche de celui du carprofène (17,8). Le taux de liaison aux protéines plasmatiques (98 %) est élevé, comme pour tous les AINS. Cette action préférentielle sur les cox-2 permet aussi de prévenir l’hypersensibilisation centrale qui « exacerbe la perception de douleur et accélère le cercle vicieux de l’arthrose et d’aggravation progressive de la douleur chronique ».

Comment s’explique la longue durée d’action du mavacoxib ?

Ce schéma posologique ne s’explique non pas par une forme galénique particulière, mais par la seule cinétique d’élimination de la molécule. Il ne s’agit donc pas d’un comprimé à libération retardée ou prolongée, mais d’une nouvelle molécule avec une clairance très faible. L’injection intraveineuse de mavacoxib dans les études de cinétique a la même durée d’action que la prise de comprimés par voie orale (figure).

Quelle est la demi-vie d’élimination du mavacoxib ?

L’élimination très lente du mavacoxib par voie biliaire s’explique par une très faible clairance. Les demi-vies d’élimination sont de 14 à 19 jours chez les jeunes chiens adultes de laboratoire et, en moyenne, de 39 jours dans les études de cinétique de population chez des chiens âgés en moyenne de 9 ans. C’est la première fois qu’un nouvel AINS bénéficie d’une telle étude de cinétique de population dans les conditions réelles d’emploi sur le terrain, et non pas seulement de travaux sur des animaux de laboratoire, qui sont souvent de jeunes adultes ne souffrant ni d’arthrose, ni d’autres maladies liées à l’âge.

Comment la dose thérapeutique de 2 à 2,5 mg/kg par prise a-t-elle été fixée ?

Des modèles de boiterie expérimentale (notamment de synovite induite) chez des beagles ont permis de déterminer la fenêtre “thérapeutique” des concentrations plasmatiques efficaces : entre 400 ng/ml (concentration minimale efficace) et 5 000 ng/ml (concentration maximale “safe”).

Dans ces modèles sur de jeunes chiens adultes, c’est la dose de 4 mg/kg qui s’avère la plus efficace pour une analgésie de 28 jours.

Mais les études de cinétique de population démontrent que l’élimination est plus lente chez les “vrais” chiens arthrosiques, souvent âgés et “préinsuffisants” rénaux ou hépatiques, comparés à de jeunes beagles de laboratoire. Elles ont donc conduit à diminuer la dose entre 2 et 2,5 mg/kg par prise afin de bien tenir compte de l’élimination environ deux fois plus lente chez les individus plus âgés. Chez environ 5 % des chiens, la demi-vie d’élimination moyenne peut même dépasser 80 jours, selon le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP) publié par l’Agence européenne du médicament.

Pourquoi limiter la durée du traitement à 6,5 mois ou à sept prises ?

La durée d’administration a été limitée à sept prises consécutives (soit 6,5 mois de traitement), pour tenir compte des simulations pharmacocinétiques chez les 5 % de chiens âgés qui éliminent très lentement cet AINS. Dans les scénarios les plus défavorables (the worst cases), le seuil de 5 000 ng/ml est dépassé à long terme par 4,5 à 6,7 % des chiens qui reçoivent entre 2 et 2,5 mg/kg de mavacoxib (avec une biodisponibilité proche de 100 %). En pratique, Pfizer recommande de faire une pause de 1 mois supplémentaire tous les 6,5 mois, afin de s’assurer de l’élimination du produit avant de reprendre un cycle complet.

Ces études révèlent aussi que, si la biodisponibilité est faible, par exemple lorsque ces comprimés sont administrés à jeun, 2,5 % des chiens n’atteignent pas le seuil minimal de 400 µg/ml. La prise avec les repas est donc conseillée pour améliorer la biodisponibilité, donc la persistance des effets analgésiques sur un mois.

Le mavacoxib est-il plus efficace ou plus sûr que les autres AINS ?

Les études cliniques ou de tolérance à 4 puis à 2 mg/kg de mavacoxib ne relèvent pas de différence significative d’efficacité et de tolérance par rapport au carprofène (4 mg/kg/j). Les essais de tolérance au surdosage réalisés chez des chiens de laboratoire mettent en évidence une intolérance à partir de 15 mg/kg (selles molles) ou des signes de toxicité digestive à partir de 25 mg/g (soit 12,5 fois la dose thérapeutique).

La longue persistance du mavacoxib dans l’organisme présente-t-elle un risque ?

Le risque lié à la persistance du mavacoxib dans l’organisme est la question essentielle de l’évaluation de cet AINS par les experts de l’Agence européenne du médicament. Pour eux, une prise mensuelle représente un « bénéfice additionnel » par rapport à une administration quotidienne, qui doit être comparé à un « risque additionnel potentiel puisqu’il n’est pas possible d’arrêter immé-diatement l’exposition au médicament par l’arrêt du traitement si des effets indésirables surviennent ».

En approuvant ce médicament fin 2008, l’Agence européenne de médicament a donc pris des précautions inhabituelles en demandant à Pfizer de réaliser une étude supplémentaire après l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché, mais avant la phase de marketing pour étudier précisément la pharmacovigilance en ce qui concerne la gravité et la durée des effets indésirables. Cet essai incluant plus de 3 000 chiens arthrosiques n’a pas mis en évidence le risque additionnel recherché. L’incidence des effets indésirables est similaire à celle d’autres AINS, comme le carprofène. Ils surviennent surtout en début de traitement, avant la prise du deuxième comprimé. Leur gravité et leur durée ne sont pas accrues par la persistance de l’exposition. Néan-moins, en cas d’intolérance, le RCP recommande de ne pas poursuivre le traitement et d’attendre un mois après la dernière prise pour prescrire un autre AINS.

Quels sont les présentations et le coût du traitement ?

La gamme Trocoxil® de comprimés non sécables de forme triangulaire comprend 5 dosages présentés en boîtes de 2 unités : 6 mg (2 comprimés pour les chiens de 5 à 6 kg), 20 mg (1 comprimé pour ceux de 7 à 10 kg), 30 mg (1 comprimé pour ceux de 11 à 15 kg), 75 mg (1 comprimé pour ceux de 31 à 37 kg) et 95 mg (1 comprimé pour ceux de 38 à 47 kg). Le coût d’un comprimé pour 1 mois de durée d’action correspond à environ 20 jours de traitement à base de carprofène Rimadyl®.

La formulation inclut un facteur d’appétence (arôme bœuf).

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