Responsabilités du vétérinaire expert de justice - Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009
Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009

Expertise

Pratique

LÉGISLATION

Auteur(s) : Christian Diaz

Fonctions : 7, rue Saint-Jean, 31130 Balma

Contrairement au juge, qui bénéficie d’une impunité relative dans l’exercice de ses fonctions, l’expert doit répondre des actes qu’il commet au cours des opérations d’expertise.

Responsabilités civiles

L’expert de justice ne travaille pas dans le cadre d’un contrat avec les parties au procès, il est désigné par le juge. Sa responsabilité contractuelle ne peut donc être recherchée. Il n’en est pas de même de la responsabilité délictuelle. Elle s’appuie sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, article fondateur de la responsabilité civile : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

L’expert peut commettre deux sortes de fautes :

- le manquement aux règles régissant l’expertise judiciaire : non-respect des délais, non-respect du contradictoire, manquements à l’obligation d’impartialité ;

- la faute technique. L’expert a, bien entendu, droit à l’erreur, mais l’erreur fautive, « celle qu’un expert normalement avisé, consciencieux et attentif n’aurait pas commise » engage sa responsabilité. Il ne saurait être reproché à l’expert de ne pas avoir découvert la vérité s’il a mis en œuvre les moyens pour y parvenir (obligation de moyens).

Si cette faute est mise en évidence avec retard, la décision du juge ayant l’autorité de la chose jugée ne peut être remise en question. Si le juge a suivi l’avis de l’expert et qu’il en résulte un préjudice pour une partie, ce dernier peut être condamné à verser des dommages et intérêts à cette partie, à l’appréciation du juge, au titre de la perte de chance.

L’action en responsabilité civile de l’expert se prescrit avec un délai de 5 ans à partir de la fin de sa mission.

Les compagnies d’experts proposent une assurance-groupe destinée à couvrir ces risques spécifiques.

Responsabilité pénale

Si un préjudice est indispensable pour engager la responsabilité civile, il n’en est pas de même pour les responsabilités pénale et disciplinaire qui nécessitent uniquement une infraction à un texte, et ce, même en l’absence de préjudice.

Ainsi est citée la violation du secret professionnel en vertu de l’article 226-13 du Code pénal qui sanctionne « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, […] ».

Cette responsabilité pénale peut être également engagée en cas de corruption, de commission de faux et d’usage de faux, d’usage d’un faux titre, etc.

Responsabilité disciplinaire

L’expert peut être poursuivi, d’une part, en tant qu’expert judiciaire, d’autre part, en tant que vétérinaire :

- devant les autorités judiciaires, selon la loi du 11 février 2004. « Toute contravention aux lois et règlements relatifs à sa profession ou à sa mission d’expert, tout manquement à la probité ou à l’honneur, même se rapportant à des faits étrangers aux missions qui lui ont été confiées expose l’expert qui en serait l’auteur à des poursuites disciplinaires. » Les sanctions prononcées par l’autorité judiciaire sont disciplinaires, et elles vont de l’avertissement à la radiation ;

- devant les Chambres de discipline vétérinaires. L’expert vétérinaire est soumis aux dispositions du Code de déontologie, comme tout vétérinaire. L’article R. 242-82 du Code rural traite plus particulièrement cette activité : « Le vétérinaire ne doit pas entreprendre ou poursuivre des opérations d’expertise dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose. Il ne doit pas accepter de mission d’expertise concernant l’un de ses clients. D’une manière générale, il doit veiller à ce que son objectivité ne puisse être mise en cause par les parties. » Même si les sanctions sont uniquement disciplinaires (de l’avertissement à la suspension), une telle procédure, gratuite, peut être engagée en préambule à l’action judiciaire, le plaignant pouvant ainsi à moindres frais obtenir une condamnation de l’expert pour faute, et agir ensuite en responsabilité civile selon la procédure de droit commun s’il estime avoir subi un préjudice en relation avec cette faute.

L’expert est uniquement un collaborateur occasionnel de la justice. Même si les actions en responsabilité contre un expert sont peu fréquentes, elles constituent désormais une réalité. Il est loin le temps où un chroniqueur écrivait : « Experts, dormez en paix, la Justice veille sur vous. »

Référence

  • Michel Baussier, La responsabilité de l’expert. Enseignement du diplôme d’expertise vétérinaire de l’ENV de Toulouse, Septembre 2008.
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