Le premier vaccin contre la maladie de West Nile en Europe - Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009
Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009

Zoonose

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FOCUS

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville
44470 Carquefou

Face à une menace d’encéphalite équine de West Nile grave ou mortelle émergente en Europe, il devient possible de vacciner les chevaux dès cet été.

Pour une fois, il est possible de protéger des animaux contre une affection vectorielle émergente (la maladie de West Nile) qui menace l’Europe, dont la France, sans être contraint par l’urgence d’une situation épidémiologique mal maîtrisée.

Dès ce mois de juin 2009, un vaccin équin contre l’encéphalite de West Nile (ou fièvre du Nil occidental) devrait être commercialisé par Fort Dodge sous le nom de Duvaxyn® WNN. La maladie de West Nile est une zoonose grave et réglementée en France et en Europe. Sa déclaration est obligatoire, avec des mesures de police sanitaire qui visent à contrôler les foyers. Toutefois, la vaccination n’est ni interdite, ni réglementée. Il est donc possible de “vacciner préventivement”, avant l’introduction potentielle de ce virus en France.

L’expérience nord-américaine

Le vaccin inactivé et adjuvé bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne délivrée le 21 novembre 2008 par la Commission européenne et, surtout, de l’expérience américaine du vaccin de Fort Dodge autorisé aux États-Unis depuis début 2003. Il est présenté en boîte de cinq seringues unidoses prêtes à l’emploi à un prix centrale d’achat d’environ 30 € HT la seringue unidose, soit 150 € la boîte de cinq seringues. Ce coût peut apparaître élevé, mais il n’est pas très éloigné du prix des vaccins West Nile commercialisés aux États-Unis.

La souche virale vaccinale, isolée en 1999 dans l’État de New York au début de l’épizootie de West Nile aux États-Unis, est pertinente vis-à-vis des souches européennes car les flavivirus isolés en Carmargue, en Roumanie, en Italie et aux États-Unis appartiennent à la même lignée 1 que celle du vaccin (figure 1, et figures complémentaires “La maladie de West Nile s’étend de la côte est à la côte ouest des États-Unis” sur www.WK-Vet.fr).

Les chevaux vaccinés diffèrent des chevaux infectés

La primovaccination requiert deux injections (1 ml) intramusculaires espacées de 3 à 5 semaines « chez les chevaux âgés de six mois et plus ». Les rappels sont annuels. Les effets indésirables mentionnés dans la notice sont ceux des vaccins inactivés adjuvés : une réaction locale bénigne et/ou une hyperthermie transitoire de 48 heures. Le vaccin peut donc être prescrit chez les juments gestantes ou allaitantes. Il est à l’origine d’IgG, mais pas d’IgM, ce qui permet de différencier les animaux vaccinés (IgG sans IgM) de ceux qui ont été infectés assez récemment (IgG + IgM). La vaccination ne conduit donc pas à restreindre les transports internationaux des chevaux. La vaccination West Nile peut être réalisée le même jour que les autres vaccins (grippe ± tétanos) en deux points d’injection séparés.

Une efficacité prouvée par les épreuves du terrain

Le délai d’apparition de l’immunité est de 3 semaines après la seconde injection de primovaccination, et la durée d’immunité d’au moins 12 mois. Ces données ont été établies lors d’études comportant un challenge expérimental (avec une souche sauvage de West Nile isolée chez des oiseaux). Même si le vaccin est indiqué, selon son résumé des caractéristiques du produit, « pour réduire la virémie », les expériences américaines et canadiennes démontrent indéniablement que la vaccination protège à la fois de la virémie, mais aussi des signes cliniques et de la mort.

Un essai canadien de 2005 conclut qu’environ 97 % des chevaux vaccinés ne développent aucun signe clinique (soit un risque de maladie clinique de 31 fois inférieur par rapport aux animaux non vaccinés).

En France, quels chevaux vacciner ?

Jusqu’à présent, les cas sporadiques détectés (presque) chaque année sont limités à 10départements dits à risque sur tout le pourtour méditerranéen (Alpes-Maritimes, Var, Bouches-du-Rhône, Vaucluse, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales et Corse) (encadré 1). Dans ces départements, une circulation virale à bas bruit est très probable, avec 35 à 55 % de chevaux séropositifs dans certaines zones (figure 2). Le risque d’encéphalite de West Nile sévère est réel. En Europe, et en France, il est impossible d’exclure son émergence en fin d’été et en début d’automne dans les zones humides fréquentées par les oiseaux (et les mous-tiques) (encadré 2 complémentaire sur www.WK-Vet.fr). Lorsque la maladie se déclare, étant alors grave, voire mortelle, le propriétaire de chevaux se doit au moins d’être informé par son vétérinaire de l’existence de ce vaccin et de son coût. Pour les chevaux de haute valeur, ou voyageant beaucoup dans le sud de la France ou à l’étranger, cette vaccination est recommandée. Pour les autres, son rapport coût/ bénéfice mérite d’être discuté avec les propriétaires.

Références

  • 1 - Afssa. Rapport sur la surveillance de l’infection à virus West Nile en France. 2004.
  • 2 - Agence européenne du médicament (EMEA). Rapport public d’évaluation Duvaxyn® WNV. 2009.
  • 3 - Epp TY et coll. Efficacy of vaccination for West Nile virus in Saskatchewan Horses. AAEP Proceedings. 2005;51.
  • 4 - Ministère de l’Agriculture. Note de service DGAL/SDSPA/N2008-8286 du 17/11/2008. Surveillance de West Nile : nécessité de renforcer la vigilance au niveau national. Arrêté du 27 juillet 2004 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la police sanitaire des encéphalites virales des équidés.
  • 5 - Sites de référence aux États-Unis (sites officiels des administrations américaines). Cas équins : http://www.aphis.usda.gov/vs/nahss/equine/wnv/wnv_distribution_maps.htm. Cas humains : http://www.cdc.gov/ncidod/dvbid/westnile/surv&controlCaseCount08_detailed.htm

Encadré 1 : L’encéphalite de West Nile circule à bas bruit dans le sud de la France et en Europe

Depuis l’apparition du virus en Camargue en 1999-2000 chez des oiseaux sauvages et des équidés (76 cas dont 21 morts), le virus de West Nile (VWN) circule à bas bruit (sous des formes asymptomatiques) en Camargue, dans le Var et, de manière plus générale, dans les 10 départements du pourtour méditerranéen français.

• En 2000, sur 5 133 chevaux prélevés dans les trois départements des Bouches-du-Rhône, du Gard et de l’Hérault, 428 (8,5 %) sont séropositifs (IgG), dont 248 (4,8 %) en IgM (résultats traduisant une infection récente).

• En 2001 et en 2002, aucun cas n’a été détecté chez des équidés. Chez des chevaux sentinelles, 7 séroconversions (sur 149 chevaux, soit 4,7 %) ont été observées en 2001 et 3 en 2002 (sur 214 chevaux, soit 1,4 %). Une seule séroconversion a été notée en 2001 chez un canard domestique (appelant pour la chasse) et une seule en 2002 chez une volaille du Gard.

• En 2003, 7 cas cliniques ont été confirmés chez les équidés, principalement dans le Var. Selon une enquête de séroprévalence réalisée chez les équidés de 43 centres équestres du Var, 906 individus présentent une séroprévalence de 34 % en IgG et de 7,5 % en IgM. Dans certaines écuries, la séroprévalence est de 55 % et d’autant plus élevée que les animaux sont âgés. Ces résultats plaident pour une circulation virale ancienne (depuis plusieurs années) et pérenne dans la région.

• En 2004, 32 cas cliniques équins (dont 7morts) ont été confirmés en Camargue ou à proximité dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Gard (+ 1 cas dans l’Hérault à proximité du Gard). 13 séroconversions ont été notées dans l’avifaune.

• En 2006, 5 cas cliniques équins (dont une mort) ont été confirmés dans les Pyrénées-Orientales (dans la région de Perpignan). Aucun cas n’a été révélé chez les oiseaux ni chez l’homme.

• En 2008, la maladie de West Nile a été signalée dans plusieurs pays européens :

- en Italie (province d’Émilie-Romagne) avec 3 cas humains, 68 chez des équidés et de nombreux cas chez des oiseaux sauvages (au moins 45 morts) ;

- en Roumanie, avec 2 cas cliniques humains en août et en octobre 2008 ;

- en Autriche, avec 3 oiseaux infectés par le VWN (septembre 2008) ;

- en Hongrie, avec 14 cas humains (en août et septembre 2008) et 3 cas cliniques, et de nombreux cas chez des oiseaux depuis 2003.

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