Le colostrum chez le chien et le chat - Le Point Vétérinaire n° 291 du 01/12/2008
Le Point Vétérinaire n° 291 du 01/12/2008

Néonatalogie canine et féline

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Vincent Segalini

Fonctions : 48, rue de la Côte-du-Nord
93100 Montreuil

Le colostrum est nécessaire à l’ acquisition de l’ immunité du nouveau-né. Il peut toutefois avoir un rôle néfaste : transmission d’ agents pathogènes, de substances toxiques, isoérythrolyse.

Chez le chien et le chat, la placentation est endothéliochoriale, le chorion pénètre jusqu’ à l’ endothélium des vaisseaux sanguins maternels. Ce type de placenta comporte trois ou quatre couches cellulaires, ce qui permet le passage de seulement 5 à 10 % des immunoglobulines (Ig) de la mère au fœtus. Le colostrum représente la première source d’ Ig. Il joue donc un rôle essentiel pour la nutrition et l’ immunité du nouveau-né. La composition du colostrum évolue d’ heure en heure pour se transformer progressivement en lait ().

Composition et absorption

1. Période de formation

Le colostrum est élaboré et stocké dans la mamelle, principalement lors du dernier tiers de gestation. Il est sécrété lors des 24 à 72 heures qui suivent la mise bas. La quantité produite par animal varie en fonction de la taille de la portée ou du format du chien. Peu de données publiées concernent la quantité de colostrum produite par une chienne et les variations de production entre les mamelles. Il n’ existe pas non plus de tests pour déterminer si un colostrum est qualitativement bon ou s’ il est insuffisant pour la protection du nouveau-né.

2. Composition

La composition détaillée du colostrum est mal connue, elle varie selon les auteurs [1, 2, 13, 14]. En plus des composés ordinaires du lait, tels que des protéines, des acides aminés, des lipides, des minéraux, le colostrum contient des Ig en quantités importantes ( ). Il comporte aussi des antitrypsines qui protègent les IgG de la dégradation protéolytique et qui contribuent à une plus grande absorption intestinale de l’ hormone de croissance (GH). La concentration maximale de GH est atteinte juste après le part, elle est environ dix fois plus faible quatre jours plus tard.

Les activités des enzymes phosphatases alcalines (PAL) et gamma-glutamyl-transférases (GGT) sont respectivement dix et mille fois supérieures dans le colostrum que dans le sérum maternel [7]. Le taux sanguin de ces enzymes est donc, chez le chiot de moins de dix jours, supérieur à celui de l’ adulte. La mesure de ces valeurs permettrait de vérifier que la prise colostrale a bien eu lieu. L’ inconvénient majeur d’ un taux de PAL et de GGT naturellement élevés chez le nouveau-né est que le dosage de ces enzymes ne peut servir au diagnostic des troubles hépato-biliaires chez les jeunes.

3. Absorption

Perméabilité intestinale

Une fois le colostrum absorbé, certaines molécules doivent traverser la barrière intestinale pour être actives. Chez le chien, les Ig ne peuvent plus la franchir au-delà d’ un délai de 15 à 36 heures [6]. L’ absorption maximale se produit à 8 heures post-partum. Chez le chat, elle n’ est plus possible après 16 à 18 heures post-partum.

Mécanisme

Pendant les 24 heures qui suivent la naissance, un transport macromoléculaire non sélectif permet le passage des Ig de la lumière de l’ intestin grêle à la circulation sanguine par pinocytose. Un mécanisme sélectif existe aussi pour les IgG qui se fixent à des récepteurs de la membrane apicale des entérocytes. Cette fixation entraîne leur transport jusqu’ à la membrane baso-latérale par endocytose où elles sont relarguées pour atteindre la circulation [8]. Le pH gastrique du nouveau-né est neutre pendant quelques jours après le part. Cela prévient la dégradation des protéines par l’ acidité gastrique. La présence des antitrypsines a également un rôle protecteur pour les protéines apportées par le colostrum. Le taux de ces antitrypsines décroît rapidement pour devenir négligeable après un jour et demi de lactation.

Rôles physiologiques

1. Maturation du tube digestif

Le colostrum apporte au chiot des facteurs de croissance qui favorisent l’ acquisition, le développement et l’ évolution de l’ équipement enzymatique de la muqueuse intestinale. Chez les chiots ayant reçu du colostrum, la muqueuse se développe à la fois par hyperplasie et par hypertrophie cellulaire. Un accroissement de 75 % de la masse de la muqueuse intestinale et de 93 % de la quantité de protéines dès 24 heures après la naissance est observé. Ce phénomène est absent chez les chiots privés de colostrum. Le retard pris par des chiots qui ont reçu un substitut lacté est rattrapé en cinq jours [3]. Ce type d’ évolution n’ est pas retrouvé chez les chatons dont l’ intestin croît lentement pendant les premières semaines de vie. Aucune hypothèse n’ est proposée pour expliquer de telles différences entre le chien et le chat.

2. Colostrum et immunité

Le colostrum est aussi composé d’ autres facteurs protecteurs que les Ig. Il comprend des concentrations élevées d’ autres types d’ anticorps, de médiateurs chimiques du système immunitaire (interférons notamment), mais aussi plusieurs sortes de cellules immunitaires fonctionnelles (lymphocytes, cellules dendritiques, macrophages et polynucléaires neutrophiles). Ces cellules sont ingérées par le nouveau-né et aident à la mise en place d’ une immunité locale à médiation cellulaire. Les Ig non absorbées, IgA et IgM, présentes dans le colostrum, exercent une action locale sur toute la longueur du tube digestif. Elles protègent le nouveau-né des agents pathogènes entéritiques. Leur demi-vie est de quatre à huit jours chez le chiot et de deux à huit jours chez le chaton.

Transfert d’ immunité chienne-chiot

L’ immunité systémique est acquise par le transfert des IgG (demi-vie de 5 à 10 jours) par voie intestinale. La quantité transférée est fonction de celle ingérée par chaque chiot, de la richesse du colostrum et du moment d’ ingestion.

Les anticorps contre le parvovirus canin sont transmis à 90 % par le colostrum. Vers 6 à 12 semaines, c’ est la “période critique” où ces derniers sont suffisants pour contrecarrer une bonne efficacité vaccinale, sans pour autant protéger l’ animal (encadré 1). Lors de la tétée, les chiots acquièrent un taux d’ anticorps circulants contre l’ adénovirus de l’ hépatite de Rubarth égal à 99 % de celui de leur mère et un taux d’ anticorps circulants contre le paramyxovirus de la maladie de Carré égal à 77 % du taux d’ anticorps maternels. La perte de la protection immunitaire vis-à-vis de ce dernier virus se situe vers six à huit semaines. Le colostrum apporte des anticorps contre Neospora caninum et entraîne une séropositivité jusqu’ à la cinquième semaine de vie. Pour prévenir les faux positifs, les tests sériques doivent être réalisés avant la prise colostrale ou après la cinquième semaine de vie.

Transfert d’ immunité chatte-chaton

Chez les chatons nouveau-nés, les lymphocytes spléniques contiennent des IgG ou des IgM. Les IgG détectées chez le fœtus proviennent de l’ absorption intestinale du liquide amniotique qui comporte des IgG venant du sang de la mère.

Les chats semblent être une espèce à part. Le titre d’ anticorps du nouveau-né est augmenté d’ environ cinq fois après la prise de colostrum et atteint un niveau proche de celui de la mère, supérieur à celui du colostrum lui-même. Ces anticorps protègent les chatons pendant 6 à 10 semaines.

Il existerait une transmission des anticorps anti-FIV pour des chatons nés de mères séropositives. Ainsi, 100 % des chatons qui n’ ont pas bu de colostrum et qui sont exposés au FIV développent des signes cliniques, contre seulement 40 % de ceux qui en ont absorbé. La transmission des anticorps anti-FeLV par le colostrum permet une protection des chatons contre la leucose féline pendant les 12 premières semaines de vie. La protection des anticorps maternels contre le coronavirus entéritique félin ne dure que quatre à six semaines.

3. Colostrum et santé des nouveau-nés

Absence de prise colostrale

De nombreux facteurs peuvent être responsables d’ une absence de production ou d’ une mauvaise prise de colostrum. Certains d’ entre eux sont liés à la mère et en relation avec la production lactée, d’ autres concernent l’ environnement ou les nouveau-nés ().

Les conséquences d’ un défaut de prise colostrale sont nombreuses. Elles incluent surtout l’ hypoglycémie, les troubles cardiovasculaires (dont la déshydratation) et l’ hypothermie.

Les besoins en glucose du nouveau-né sont deux à quatre fois supérieurs à ceux de l’ adulte en raison de l’ importance de la masse cérébrale par rapport au poids corporel. Le chiot est particulièrement sensible au jeûne. Le chaton possède de faibles réserves glycogéniques, ce qui le rend sensible à l’ hypoglycémie.

L’ absorption du colostrum joue un rôle important dans l’ établissement du volume circulatoire postnatal. Un nouveau-né en bonne santé doit consommer entre 130 et 220 ml d’ eau/kg de poids vif/j. La déshydratation se manifeste par une perte de vitalité, un refroidissement, un rejet par la mère, un pli cutané persistant (difficile à évaluer chez le jeune), une élévation de la densité urinaire au-delà de 1,017 (valeur normale entre 1,006 et 1,007 pour cet âge). Une insuffisance d’ apport hydrique provoque une diminution sévère de la volémie et est à l’ origine de troubles cardiovasculaires. Les signes cliniques sont identiques à ceux d’ une septicémie néonatale. Un traitement d’ urgence doit être rapidement mis en place (encadré 2).

La température du chiot est liée à la précocité de la première tétée, à la quantité de colostrum ingérée et à la température de l’ environnement. Cette hypothermie associée à une immunodépression, toutes deux avec pour origine un défaut de prise colostrale, augmente les risques de septicémie.

Transmission d’ agents pathogènes

Lors de mammites, il est fréquent de retrouver des staphylocoques ou des streptocoques dans le colostrum, qui peuvent entraîner la mort des chiots ou des chatons.

Les larves enkystées de Toxocara cati chez une chatte peuvent infecter les chatons par l’ intermédiaire du colostrum, et cela pendant les dix jours qui suivent la production colostrale par le lait. Le passage des tachyzoïtes responsables de la transmission de la toxoplasmose par le colostrum est suspecté.

Chez les chiennes, les larves L3 d’ Ankylostoma caninum peuvent être en diapause dans les mamelles et secondairement transmises au chiot par le colostrum pour se développer chez celui-ci et l’ infecter. De la même manière que chez le chat, les larves de Toxocara canis peuvent passer par le colostrum.

Transmission d’ agents médicamenteux

Chez le nouveau-né, l’ immaturité des fonctions organiques (péristaltisme intestinal faible, pH gastrique neutre, activité des enzymes digestives faibles) contribue à augmenter les risques de toxicité des médicaments ingérés avec le lait. Cependant, peu de composés sont potentiellement toxiques en raison des faibles quantités qui atteignent le lait et qui sont ingérées par le nouveau-né. En pratique, un produit qui ne peut pas être utilisé directement chez le nouveau-né ne doit pas être administré à la mère allaitante.

De plus, l’ excrétion d’ une molécule dans le lait est aléatoire, il est donc déconseillé d’ essayer de traiter les nouveau-nés allaités en administrant le médicament à la mère. L’ allaitement est contre-indiqué pour une mère sous chimiothérapie anticancéreuse. Pour limiter les risques, les nouveau-nés ne doivent pas téter dans les cinq heures qui suivent la prise d’ un médicament. La chienne est traite avant de remettre les petits à la tétée pour vidanger les citernes mammaires.

4. Isoérythrolyse

L’ iso-erythrolyse néonatale est une maladie du nouveau-né caractérisée par la destruction des hématies de ce dernier. Elle est due à des anticorps transmis par le colostrum (encadré 3).

Conduite à tenir lors de production colostrale déficitaire

1. Traiter la cause primaire

La cause primaire doit être identifiée pour pouvoir être gérée. Si une mammite est diagnostiquée et traitée précocement, il est possible de laisser les chiots téter. Ils ingèrent les antibiotiques avec le lait et aident à drainer les mamelles.

En cas d’ abcédation, les chiots doivent être retirés, traités et nourris à part, et un drainage de la mamelle est effectué. Des antibiotiques non toxiques pour la mère et les chiots sont choisis (céfalexine par exemple).

Une primipare peut accepter plus difficilement les chiots qu’ une mère expérimentée. Un lieu calme pour la caisse de mise bas est recommandé car la mère doit être rassurée. Elle peut être tranquillisée avec de l’ acépromazine (Calmivet®), à la dose de 0,55 à 2,2 mg/kg, par voie intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée ou orale (à utiliser avec précaution). Cela permet aux chiots de téter et d’ activer l’ arc réflexe nécessaire à la sécrétion lactée [16].

Le défaut d’ éjection du lait ne doit pas être confondu avec une agalactie vraie ou une mammite (mamelles congestionnées, souvent tendues et douloureuses). Le traitement du défaut d’ éjection consiste en l’ administration d’ ocytocine à raison de 2 à 5 UI par femelle quatre fois par jour, par voie intraveineuse, intramusculaire ou sous-cutanée. Le massage des mamelles permet de stimuler l’ arc reflexe qui entraîne la sécrétion lactée.

La prolactine, bien qu’ elle permette le maintien de la lactation chez une chienne, n’ est pas disponible sous forme galénique et présente, de plus, un risque élevé de toxicité. En cas d’ agalactie vraie, la sécrétion de prolactine peut être stimulée par une injection de métoclopramide (Primperid®) de 0,5 à 1 mg/kg par voie sous-cutanée, intraveineuse ou intramusculaire. Le métoclopramide est une molécule antidopaminergique qui active les cellules lactotrophes hypophysaires par blocage du rétrocontrôle négatif de la dopamine sur la sécrétion de prolactine. Un neuroleptique, le véralipride (Agreal®(1)), peut être administré per os à la dose de 5 mg/kg/j. De plus, les chiots doivent être mis fréquemment à la mamelle pour stimuler le réflexe d’ éjection.

2. Mère de substitution

Lorsqu’ une chienne meurt lors de la mise bas, les chiots doivent être placés sous une femelle qui a mis bas en même temps. Cette technique n’ est possible que dans de grands élevages et la mère ne doit pas avoir un nombre élevé de chiots à nourrir.

En revanche, si la mère meurt après la prise colostrale, les chiots peuvent être mis sous une femelle qui vient de sevrer ses petits.

3. Substitut colostral

Si des éleveurs désirent conserver du colostrum pour une utilisation différée, il doit être prélevé immédiatement après la mise bas, dès que la portée a absorbé la première prise. Même s’ il est possible de récolter du colostrum sur une femelle morte récemment, cette pratique est dangereuse car les éleveurs ne disposent que de peu de moyens pour juger de sa qualité. Il est préférable de le prélever chez une femelle vaccinée et bien nourrie.

Le colostrum peut être stocké au congélateur pendant douze mois sans perte d’ activité [18]. Pour le réchauffer, l’ usage d’ un four à micro-ondes est déconseillé. Les ondes peuvent détruire les anticorps et les bactéries commensales (lactobacilles et bifidobactéries). Le colostrum doit être réchauffé au bain-marie à 37 °C.

L’ utilisation de colostrum bovin est intéressante sur le plan nutritionnel, mais son intérêt immunitaire reste à démontrer.

4. Allaitement artificiel

Le lait de chatte, prélevé à n’ importe quel moment de la lactation, possède un taux d’ Ig élevé, ce qui permet de l’ utiliser en tant que substitut colostral pour des chatons nouveau-nés. Cependant, il est conseillé de donner du colostrum qui contient certains composés cellulaires et des protéines absentes dans le lait(2). En aucun cas, un substitut lacté ne peut remplacer entièrement la prise colostrale, surtout pour les apports en Ig.

5. Utilisation de plasma sanguin

Lorsqu’ il est impossible d’ avoir accès à du colostrum pour compléter l’ apport immunologique du lait de substitut, du plasma sanguin peut être administré en complément au nouveau-né.

Chez le chaton

L’ administration de 150 ml/kg de sérum d’ un chat adulte vacciné et en bonne santé permet d’ atteindre un taux sérique d’ IgG identique à celui d’ un chaton qui a tété du colostrum () [12]. L’ administration se réalise par voie sous-cutanée ou intrapéritonéale. La voie orale est en général impossible car le volume à administrer est supérieur à ce que peut contenir l’ estomac d’ un chaton lors des premiers jours de vie. De plus, le praticien reçoit le plus souvent le chaton le lendemain de la mise bas et il est alors trop tard pour que les Ig soient absorbées par voie digestive.

Chez le chiot

Pour l’ administration de sérum chez le chiot, la voie orale semblerait la plus adaptée car elle se rapproche davantage des conditions naturelles. Cependant, les études montrent que, lors des premiers jours de vie, les chiots ont un taux d’ IgG supérieur avec une administration par voie sous-cutanée par rapport à la voie orale [15]. En ce qui concerne les quantités, certains auteurs rapportent une augmentation non significative des IgG avec 22 ml de sérum (administrés par voie orale, sous-cutané ou intramusculaire) par chiot (type beagle), alors que d’ autres mentionnent une hausse significative dès 16 ml par chiot par voie sous-cutanée. Dans aucun des cas étudiés, la complémentation n’ apporte un taux d’ anticorps sériques équivalent à celui d’ une prise colostrale.

6. Préparations colostrales commerciales

Il existe une présentation commerciale de préparation colostrale avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les chiens et les chats (Immustrum®). Elle est fabriquée à partir de colostrum bovin et n’ apporte donc que des Ig non spécifiques. Elle peut cependant être utile pour lutter contre la déshydratation ou l’ hypovolémie. Son intérêt immunitaire reste discuté.

Lors des 24 premières heures de vie du chaton, une absorption orale d’ anticorps d’ autres espèces est possible [8]. Ainsi, il peut être intéressant d’ utiliser des préparations commerciales d’ IgG hétérologues pour remplacer le colostrum. Chez le chat, l’ ingestion de 400 ou 800 mg d’ Ig félines ou équines par voie orale donne le même résultat sur l’ augmentation des IgG sériques. Cependant, ces valeurs restent inférieures à celles observées après la prise de colostrum. Lors d’ administration de ces mêmes quantités par voie sous-cutanée, les IgG équines procurent une augmentation supérieure à celle des IgG félines [8]. Ces apports sont suffisants pour protéger le chaton, mais ils donnent des résultats inférieurs à la prise colostrale et ne stimulent pas assez l’ activité d’ opsonisation des bactéries.

Il existe de nombreuses préparations commerciales avec des AMM pour d’ autres espèces et qui n’ ont pas été testées chez les carnivores. Elles peuvent être des précurseurs de composés immunitairement actifs comme compléments colostraux industriels. Aucune recherche n’ est effectuée à l’ heure actuelle pour savoir si ces composés sont actifs, ce qui rend les complémentations complexes.

La prise colostrale est nécessaire pour l’ apport d’ éléments nutritifs, le maintien de la volémie et le transfert d’ immunoglobulines au nouveau-né. Elle permet une protection immunitaire systémique (IgG) ou locale (IgA, IgM). Son activité peut être remplacée de manière plus ou moins efficace par l’ administration de sérum ou de compléments lactés. Le colostrum peut cependant être dommageable par l’ apport de toxines ou de certains anticorps. Malgré ces risques associés à son administration, l’ évaluation de sa qualité et de sa compatibilité avec le groupe sanguin des nouveau-nés est presque inexistante chez le chien et le chat. Aucun test n’ est utilisé ni même utilisable sur le terrain. Ces tests restent à être mis au point chez les carnivores domestiques. Il serait aussi judicieux de déterminer la composition précise du colostrum pour fabriquer des substituts colostraux spécifiques et efficaces.

  • (1) Médicament humain.

  • (2) Voir l’ article “Les caractéristiques du lait chez le chien et le chat”, du même auteur dans ce même numéro.

Encadré 1 : Vaccination des chiots

La vaccination des chiots rencontre des échecs liés aux interférences avec les anticorps maternels transmis par le colostrum. Après 12 semaines, ce risque est très faible. Pour les cas extrêmes, il est toutefois nécessaire d’ adapter les protocoles. Ainsi, il convient de connaître le statut immunitaire des chiots et la situation sanitaire de l’ élevage. La première vaccination s’ effectue le plus souvent à l’ âge de six semaines et est pratiquée sur l’ ensemble des chiots. Ces injections sont répétées, à intervalle régulier de deux à quatre semaines jusqu’ à ce que la probabilité que les chiots soient non protégés en raison des interférences soit nulle. En milieu infecté, l’ intervalle entre les injections doit être de 15 jours pour protéger les chiots qui ne répondent pas encore aux vaccins. Quel que soit le nombre de vaccinations depuis l’ âge de six semaines, la primovaccination n’ est efficace que lorsque l’ animal a atteint l’ âge de trois mois. Ces trois mois correspondent à la période critique pendant laquelle le taux d’ anticorps apportés par le colostrum est suffisant pour inactiver les vaccinations mais insuffisant pour protéger l’ animal ().

Les anticorps acquis par le colostrum décroissent régulièrement et de manière exponentielle avec le temps. Le titre d’ anticorps du jeune peut être estimé en connaissant celui de la mère et l’ âge du chiot. Une fois les procédures standardisées et validées, il est possible de déterminer le titre minimal qui interfère avec la vaccination et de prédire l’ âge minimal auquel les chiots peuvent être vaccinés. Ces méthodes ne sont pas encore utilisées en raison de la variété des tests sérologiques disponibles. Néanmoins, les chiots qui présentent un titre en anticorps antiparvovirus supérieur à 1/20 ne répondent pas, en général, à la vaccination.

Outre l’ immunité colostrale, l’ immunité postinfection peut interférer avec la vaccination. Les chiots de chiennes qui ont survécu à l’ infection au parvovirus présentent un échec de vaccination jusqu’ à l’ âge de 14 à 16semaines.

POINTS FORTS

• Le colostrum peut être absorbé uniquement lors des 18 à 24 premières heures de vie avec une prise maximale à 8 heures.

• L’ immunité colostrale peut interférer avec la vaccination jusqu’ à l’ âge de trois mois.

• L’ absence de prise colostrale provoque un déficit immunitaire, une hypoglycémie, une déshydratation et une hypovolémie.

• Une chatte peut transmettre à ses petits des anticorps responsables de la destruction de leurs hématies.

• En cas de non-prise colostrale, en plus d’ un complément lacté, le sérum d’ un adulte peut compléter l’ apport immunitaire.

Encadré 2 : Traitement des troubles cardiovasculaires chez le nouveau-né

Le traitement d’ urgence des troubles cardiovasculaires comprend un apport en oxygène, une réhydratation à l’ aide d’ un sérum glucosé, un réchauffement lent et progressif, l’ injection d’ adrénaline pour lutter contre la vasodilatation, ainsi que l’ administration de plasma [9]. En cas de déshydratation, le propriétaire peut proposer de l’ eau sucrée dès qu’ une perte de poids de 10 % est constatée. Si celle-ci n’ est pas stoppée en 48 heures, le chiot doit être allaité artificiellement avec de l’ eau sucrée et perfusé à l’ aide d’ une solution isotonique de NaCl à raison de 1ml toutes les 5 à 10 minutes par voie intraveineuse jusqu’ au rétablissement de l’ hydratation, ou 20 ml/100 g/j par voie sous-cutanée. Lorsqu’ il est impossible de poser un cathéter intraveineux, un cathéter intra-osseux doit être placé dans les fûts des os longs (fût fémoral). Le rythme d’ administration peut alors atteindre 11 ml/min au maximum.

Encadré 3 : Isoérythrolyse

L’ isoérythrolyse néonatale est une maladie hémolytique du nouveau-né. Elle se caractérise par la destruction des hématies intra- et extravasculaires. Bien que tous les groupes sanguins puissent produire des anticorps spécifiques dirigés contre les autres groupes, les chats du groupe B présentent de forts taux d’ hémagglutinines et d’ hémolysines contre les cellules de type A, sans stimulation préalable. Les chatons des groupes A et AB nés d’ une mère de type B risquent de développer une isoérythrolyse par l’ absorption du colostrum qui contient des anticorps anti-A [5].

Il existe des kits rapides de typage sanguin chez le chien et le chat (Alvedia kit®).

Les signes cliniques peuvent apparaître au moment de l’ ingestion ou quelques jours plus tard, ou être absents. Les signes majeurs sont une urine rouge à marron foncé (hémoglobinurie), une anémie, une chromoprotéinurie, une néphropathie, une coagulation intravasculaire disséminée, un ictère ou une pâleur des muqueuses, une tachypnée, une tachycardie, un collapsus cardiovasculaire et une acidose métabolique. Les chatons survivants peuvent développer une nécrose du bout de la queue.

Les chatons qui présentent ces signes doivent être séparés de leur mère pour prévenir l’ ingestion supplémentaire d’ anticorps et placés avec une mère de substitution de type A pendant 16 à 24 heures. Ils peuvent aussi être nourris avec des suppléments lactés et remis avec leur mère par la suite. L’ ingestion du colostrum peut être prohibée pendant les 72 premières heures, avec ce que cela comporte de risques. Si l’ anémie est trop sévère, le remplacement des érythrocytes est nécessaire pour permettre l’ oxygénation des tissus. La source de transfusion doit être choisie afin que les érythrocytes soient compatibles avec le groupe B de la mère (la perfusion avec des érythrocytes de groupe A aurait pour conséquence d’ accroître dans la circulation le nombre de cellules vulnérables). Le sang doit être “lavé” des anticorps anti-A (les hématies sont séparés des anticorps, pour être administrés seuls). Si une autre transfusion est requise après trois jours, un sang A “lavé” est utilisé car le chaton commence alors à former ses propres allo-anticorps.

Le même phénomène existe chez le chien mais est plus rare. Il survient lorsqu’ une mère a déjà reçu une transfusion avec un groupe autre que le sien. Cela entraîne la production d’ anticorps de ce groupe sanguin, qui sont transmis par le colostrum.

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