Risques infectieux émergents et changement climatique - Le Point Vétérinaire n° 289 du 01/10/2008
Le Point Vétérinaire n° 289 du 01/10/2008

Maladies émergentes

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Michel Pépin

Fonctions : Afssa Lyon
31, avenue Tony-Garnier
69364 Lyon Cedex 07
Email : m.pepin@afssa.fr

Les rares vraies émergences sont souvent liées à des activités humaines, mais les facteurs climatiques peuvent en accroître les conséquences, à l’instar de la fièvre catarrhale ovine.

L’apparition de la fièvre catarrhale ovine (FCO) en Corse, en 2000 et, plus récemment, dans le nord de l’Europe et en France métropolitaine, en 2006, mais aussi de maladies nouvelles chez l’homme (335 infections émergentes ont ainsi été recensées entre 1940 et 2004, dont celles dues aux virus de l’immunodéficience humaine, ou VIH, le syndrome respiratoire aigu sévère, ou SRAS, et le chikungunya) a conduit à réviser sensiblement le risque d’émergence de maladies infectieuses chez l’homme et les animaux domestiques [7, 24, 34, 73]. Le concept de maladie infectieuse émergente s’est ainsi renforcé au cours des dix dernières années. Cette sensibilisation déjà ancienne au risque d’émergence a été accentuée par le phénomène, d’abord controversé, puis désormais admis, du réchauffement climatique lié aux activités humaines et susceptible de modifier la carte de répartition des maladies infectieuses, qu’elles soient zoonotiques ou non [22, 28, 85].

Dans l’espèce ovine, sur laquelle nous nous appuyons en priorité dans cet article en raison de notre expérience, diverses maladies infectieuses et parasitaires sont susceptibles d’émerger ou de réémerger en France en liaison avec le réchauffement climatique (tableau 1) [60]. L’exemple de la FCO peut être développé, en tant que maladie qui a émergé en France et en Europe. La fièvre de la vallée du Rift (FVR) représente, quant à elle, une maladie infectieuse susceptible d’émerger en France et en Europe et/ou dans les départements et territoires d’outre-mer(1).

Au préalable, un point s’impose sur la notion d’émergence appliquée à une maladie infectieuse.

Émergence infectieuse : définition

1. Points essentiels

• Dans la définition de l’émergence figurent les notions d’augmentation brutale de l’incidence dans le temps et/ou dans l’espace et d’incertitude sur l’ampleur du phénomène nouveau (encadré 1).

• Parmi les nombreux exemples récents de maladies infectieuses émergentes, deux types se distinguent selon que leur cause est nouvelle ou non (encadré 2).

• La notion d’émergence médiatique mérite aussi d’être mentionnée. Par amplification auprès du public et des décideurs, un phénomène déjà bien identifié auparavant peut émerger. L’exemple de la listériose est instructif : d’un statut plutôt confidentiel à l’origine, cette grave maladie a acquis un écho majeur, alors que son incidence a peu varié au cours du temps, de 4,5 cas à 4,6 cas par million respectivement en 1999 et en 2006 en France [27, 47, 72].

2. Les virus, champions des émergences

Dans une analyse récente, Woolhouse et coll. ont recensé quelque 1 407 agents infectieux visant l’homme(2), dont 177 peuvent être considérés comme émergents et réémergents (soit 13 %) [86]. Les virus regroupent significativement plus d’agents émergents ou réémergents que les autres groupes, les familles les plus représentées étant les Bunyaviridae (incluant le virus de la FVR), les Flaviviridae, les Togaviridae et les Reoviridae (incluant les virus de la FCO et de la peste équine) [31].

Dans une autre étude, la part des bactéries et des rickettsies est plus importante (54 % sur un total de 335 agents pathogènes recensés) car l’émergence des bactéries résistantes aux antibiotiques est incluse [34].

3. Place majeure des agents zoonotiques

Parmi les 177 agents infectieux émergents identifiés par Woolhouse et coll., 130 sont des agents zoonotiques, soit près des trois quarts. La plupart ne sont pas transmissibles d’homme à homme (notion de cul-de-sac épidémiologique) ; c’est le cas de la rage ou encore du virus de la FVR(1). Seule une minorité est fortement (10 %) ou faiblement (25 % environ) transmissible de personne à personne.

Les ongulés représentent la principale source d’agents pathogènes zoonotiques, émergents ou non ; ils sont porteurs de 250 agents zoonotiques au total, dont 50 sont émergents.

Causes de l’émergence infectieuse

1. Modifications de l’environnement

Les émergences liées aux changements climatiques relativement récents (global warming) ne figurent pas parmi les causes les plus usuelles d’émergences infectieuses (encadré 3). Ce sont les modifications d’utilisation des sols agricoles ou non agricoles et les changements démographiques et/ou sociétaux qui tiennent les premières places. Par exemple, l’ouverture d’une nouvelle route, la construction de barrages ou d’oléoducs(3) ou toute autre modification importante d’un écosystème peuvent engendrer des évolutions dans les populations de vecteurs, accroître les contacts entre l’homme et la faune sauvage, à l’origine d’émergences liées à des franchissements de barrières d’espèce [18, 33, 63]. Cela a été le cas pour les virus de l’immunodéficience acquise, les VIH-1 et 2 [32]. Récemment, le même processus a été mis en cause pour le simian foamy virus, un autre rétrovirus retrouvé chez des chasseurs de singes en Afrique de l’Ouest [21, 83, 84]. La faune sauvage serait ainsi à l’origine de 72 % des émergences apparues entre 1940 et 2004 dans la population humaine [34].

Une compilation des émergences survenues au cours des quarante dernières années a conduit certains auteurs à identifier des régions à hauts risques émergents (“emerging disease hotspots”). Celles-ci se superposent souvent aux zones en voie de développement [34]. À nouveau, le rôle de la faune sauvage comme un réservoir important d’agents pathogènes émergents est mis en avant [9, 34]. Ainsi, le coronavirus responsable du SRAS a pour réservoir naturel des chauves-souris frugivores qui ont transmis le virus à l’homme via la civette [37, 56].

Les guerres et les guérillas restent un facteur favorisant l’émergence ou, plus fréquemment encore, la réémergence des maladies infectieuses, par la dégradation des conditions d’hygiène et la disparition des services de santé et/ou de contrôle des aliments.

2. Émergences liées à l’agent pathogène

Coefficient Ro

L’ampleur d’une épidémie ou d’une épizootie liée à un agent pathogène émergent est fonction du nombre initial de cas (I0) et d’un coefficient de reproduction basique (R0, ou basic reproduction number). Ce R0 dépend de la capacité de l’agent pathogène à se transmettre de personne à personne dans le cas d’un agent infectieux humain et/ou de la dynamique de transmission via un vecteur (à l’exemple des arboviroses). Le R0 mesure ainsi le nombre moyen d’infections secondaires engendrées par un individu infecté au sein d’une population sensible [4]. Un foyer de rage humaine reste limité : le facteur R0 du virus de la rage est proche de 0. Une épidémie de grippe liée à un passage réussi chez l’homme d’un virus d’influenza aviaire (IA) hautement pathogène peut devenir dramatique (exemple de la pandémie de grippe espagnole en 1918) : le R0 inférieur à 1 devient alors très supérieur à 1.

Modifications du génome

Les émergences consécutives à des modifications de l’agent pathogène sont liées à des variations dans le génome de l’agent infectieux :

- par acquisition de gènes de virulence ou de résistance aux antibiotiques. Le pouvoir toxinogène de souches de Clostridium difficile a ainsi augmenté et cette bactérie a émergé dans certains pays [79] ;

- par une perte de gène(s) d’avirulence. Ce phénomène est décrit dans le monde des nématodes parasites des végétaux et pour certaines bactérioses ;

- ou par réarrangement de gènes à l’origine d’agents qualifiés de “superbugs”, comme le virus de la grippe espagnole de 1918 [75].

3. Émergences liées à l’hôte

La multiplicité des hôtes pour les agents pathogènes accroît la probabilité d’émergence et la facilité à franchir la barrière d’espèce, notamment chez l’homme. Ainsi, plus de 40 % des agents infectieux impliquant au moins trois hôtes non humains sont émergents ou réémergents [86].

D’autres conditions liées à l’hôte favorisent ce processus :

- les changements dans les habitudes alimentaires et la recherche d’aliments plus ou moins exotiques ;

- le développement des voyages touristiques (écotourisme en particulier) ou professionnels en relation avec la mondialisation.

Les voyages entraînent la mise en contact d’individus naïfs avec des agents pathogènes locaux ou l’introduction de vecteurs dans le pays de retour. Ainsi s’expliquent les foyers de paludisme autour des aéroports dans des états indemnes. En santé animale, l’importation illégale d’animaux ou de produits animaux en provenance de pays infectés constitue le risque le plus important pour l’émergence d’agents pathogènes exotiques ou la réémergence d’agents pathogènes éradiqués.

Les progrès de la médecine ont engendré a contrario des populations à risque accru, tels les hémophiles ou les transplantés, plus sensibles aux agents infectieux, y compris émergents.

De plus, certains individus dits “superexcréteurs” (“superspreaders”) semblent jouer un rôle épidémiologique important dans la propagation d’une épidémie ou d’une épizootie. De telles variations individuelles doivent donc être considérées pour comprendre et/ou prédire le déroulement d’une épidémie, comme cela a pu être démontré lors de l’épidémie liée au virus émergent du SRAS en Chine [41, 67].

La FCO : une émergence infectieuse réussie

La brutale apparition de la FCO, ou blue-tongue (BTV), dans les pays du Bénélux, en Allemagne, puis en France durant l’été 2006 est l’illustration claire de la capacité des agents infectieux à apparaître là où a priori ils n’étaient pas attendus.

1. Rappel des faits

Les experts prévoyaient une émergence de la BTV plutôt dans le sud de l’Europe, car l’Italie et l’Espagne déclarent régulièrement de nouveaux cas (encadré complémentaire sur www.WK-Vet.fr). Jusqu’en 2006, le sérotype 8 (BTV8) en cause était inconnu, sauf dans son aire d’origine en Afrique centrale [19, 74]. Il a émergé au cours de l’été 2006, impliquant plus de 2 000 fermes, dont sept en France le long de la frontière belge. L’hiver qui a suivi a été clément et s’est révélé être le deuxième hiver le plus chaud en Europe du Nord depuis la mise en place des relevés de température [25]. Ensuite, une dissémination explosive a été observée durant l’été et l’automne 2007, pour arriver à plus de 50 000 foyers recensés dans de nombreux pays européens, dont la France, la Grande-Bretagne, le Danemark, la Suisse, etc. (figure 1) [25, 81]. L’automne et l’été 2008 ont vu la situation s’aggraver en France avec une nouvelle progression de l’épizootie due au sérotype 8 et se compliquer avec l’émergence d’un autre sérotype, le BTV1, apparu d’abord en Espagne puis dans les départements frontaliers pyrénéens fin 2007, avant de se diffuser vers le nord, dans les départements limitrophes (tableau 2 et figure 2).

L’épizootie due au sérotype 8 a été marquée par un impact sévère sur les populations animales atteintes, chez les ovins (taux de mortalité de 30 à 50 % chez les animaux qui présentent des signes cliniques), mais aussi chez les bovins (ce qui est plutôt inhabituel), et par des foyers chez des ruminants sauvages [39].

C’est l’ampleur de l’épizootie qui a permis d’identifier des conséquences connues, mais jusqu’alors peu signalées chez les femelles infectées au moment de leur gestation : malformations fœtales et transmission verticale, contrastant avec les épizooties antérieures dues à d’autres sérotypes [44, 87]. Pour la première fois, une transmission par contact direct aurait été aussi mise en évidence [51].

Ces épisodes illustrent donc parfaitement la notion d’émergence pour un agent infectieux connu auparavant, avec une apparition dans des régions jusque-là indemnes.

2. Facteurs en cause au sud et au nord

• Dans des zones indemnes du bassin méditerranéen, l’émergence de la FCO a été vraisemblablement liée à la modification progressive de la répartition géographique du vecteur principal, Culicoides imicola, elle-même sûrement en relation avec le réchauffement climatique global [58]. Ensuite, la propagation et la pérennisation des différents sérotypes en cause (1, 2, 4, 9, 16) ont été facilitées par des facteurs humains (transport plus ou moins contrôlé d’animaux virémiques) et environnementaux comme :

- la propagation par le vent de moucherons infectés sur des distances parfois importantes, comme cela avait déjà été largement démontré au cours d’épisodes de BTV antérieurs ou avec d’autres virus et vecteurs [1, 13, 24, 25, 52, 66] ;

- l’implication de moucherons compétents locaux comme Culicoides obsoletus ou C. scoticus qui, alliés à C. imicola, ont permis la dissémination et la pérennisation de la maladie dans les pays méditerranéens, et en Italie en particulier [10, 12, 64].

• En Europe du Nord, en revanche, l’émergence du sérotype 8 a été sûrement due à une convergence de facteurs, avec en premier lieu un élément humain et/ou environnemental dont l’origine reste inconnue à ce jour.

Différentes hypothèses ont été émises :

- transport illicite ou non d’animaux infectés mais vivants vers les régions indemnes ;

- transfert de moucherons infectés via des supports inertes, comme des fleurs ou des légumes ;

- importation dans des pays d’Europe centrale d’un vaccin atténué multivalent contenant le sérotype8, entre autres, suivie d’une exportation d’animaux vaccinés et virémiques vers l’Europe du Nord. Cette dernière hypothèse semble avoir été écartée [42].

Au début de l’épizootie, la possible incursion en Europe du Nord de C. imicola, le vecteur principal du virus de la FCO dans le bassin méditerranéen, en liaison avec le réchauffement climatique, a été avancée, mais les entomologistes ont rapidement montré que cet agent pathogène n’est pas présent sous ces latitudes et que des moucherons connus pour être des vecteurs potentiels du virus de la FCO sont déjà présents en grand nombre localement, comme ceux du groupe Obsoletus (C. obsoletus et C. scoticus) ou C. chiopterus et C. dewulfi [5, 15, 46, 48, 71].

3. Changement climatique ou “superbug” ?

Tant pour l’épizootie de FCO dans le bassin méditerranéen que pour l’épizootie due au sérotype 8 en Europe du Nord, les facteurs climatiques n’expliquent pas tout, mais ils ont certainement une part de responsabilité dans l’émergence et, surtout, dans la pérennisation de cette maladie animale [19, 49].

La pullulation de moucherons vecteurs est liée à des facteurs climatiques favorables qui ont permis, une fois le sérotype 8 introduit au cours de l’été 2006, la dissémination fulgurante du virus durant la période 2007-2008, y compris en Grande-Bretagne. Ce sont également des circonstances climatiques (hivers doux) qui auraient permis en partie au virus d’hiberner (“overwintering”), contribuant au redémarrage de l’épizootie début 2007 et au printemps 2008 [70, 80, 82]. Des températures et des niveaux d’humidité plus élevés sont susceptibles, parmi d’autres facteurs, d’amplifier la capacité vectorielle des Culicoides [62]. Une autre hypothèse pourrait expliquer la formidable propagation du virus, non exclusive des conditions climatiques favorisantes, à savoir l’émergence d’un sérotype 8 avec des caractéristiques de virulence et d’adaptation aux vecteurs modifiées (“superbug ?”), à l’image de ce qui a été démontré pour le virus du chikungunya lors de l’épidémie dans l’île de la Réunion [65, 77].

4. De la FCO à la peste équine

Il convient de rappeler que les vecteurs du virus de la FCO sont également ceux du virus de la peste équine ou African Horse Sickness (ce virus est un Orbivirus comme celui de la FCO), redoutable maladie pour les chevaux, d’où la nécessité d’une vigilance accrue sur cette virose exotique [50].

L’expérience de l’introduction du sérotype 8 en Europe du Nord révèle que les virus peuvent se jouer des prévisions. Devant ce risque, faible, voire négligeable, mais non nul, il convient de se tenir prêt pour identifier une incursion de tout autre virus, dont celui de la FVR, pour lequel le lien avec le climat est également évident(2) (encadré 4).

Ainsi, il importe de maintenir un réseau de surveillance et d’alerte associant, pour la partie animale, les vétérinaires présents sur le terrain et les laboratoires d’analyse et de recherche, avec le maintien des compétences sur les différents familles et groupes d’agents pathogènes [56, 78]. Cette vigilance permet aussi de ne pas oublier les maladies anciennes ne demandant qu’à réémerger, à l’exemple de la fièvre aphteuse, des infections à mycobactéries ou de la brucellose.

Compte tenu de la mondialisation à la fois du réchauffement climatique et des politiques de santé publique et animale, cette vigilance doit être planétaire, avec des initiatives dans ce sens des organisations internationales telles que l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) [8, 16].

  • (1) Voir “La fièvre de la vallée du Rift peut-elle émerger en France ?”, du même auteur, dans ce numéro.

  • (2) Liste disponible sur le site suivant : http//www.cdc.gov/ncidod/eid/vol11no12/05-0997_app.htm<http//www.cdc.gov/ncidod/eid/vol11no12/05-0997_app.htm>

  • (3) Voir le site de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les études d’impact sur la santé ou “heath impact assessment” : www.who.int/hia/ examples/en.

  • (4) La modélisation des conditions météorologiques et des particularités géographiques de l’Afrique australe a permis de développer un programme d’alerte capable d’anticiper la survenue des épizooties [40]. D’après [11, 14, 59, 68, 76].

Encadré 1 : Définition d’une maladie infectieuse émergente

• Selon la définition adoptée par la Cellule permanente des maladies infectieuses émergentes (CP-MIE), mise en place sous l’égide du ministère de la Recherche en 2006, une maladie infectieuse émergente est un phénomène infectieux inattendu touchant l’homme, l’animal ou les deux.

• Il peut s’agir d’une entité clinique d’origine infectieuse nouvellement apparue ou identifiée, d’une entité pathologique infectieuse connue dont l’incidence augmente dans un espace ou dans un groupe de population donné, ou d’une modification qualitative et/ou quantitative des caractéristiques de l’agent, de la maladie ou de la population touchée et de son environnement. Dans une optique d’anticipation, il peut s’agir d’une maladie identifiée dont les conditions d’expression deviennent favorables. Habituellement, une incertitude réelle ou perçue sur le potentiel évolutif, la maîtrise du phénomène et son impact en santé publique humaine et/ou animale est présente.

Encadré 2 : Les deux types de maladies infectieuses émergentes

• Celles dont la cause est nouvelle.

Par exemple :

- le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) apparu en Chine en novembre 2002, dû à un nouveau coronavirus [88] ;

- l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH-1) apparue au début des années 1980 ;

- l’ESB chez les bovins et son équivalent chez l’homme, le variant de la maladie de Creutzfeld-Jakob.

• Celles dont la cause était connue, mais dont l’incidence a augmenté ou augmente considérablement.

L’incidence de certaines affections s’élève lorsqu’elles apparaissent dans un endroit, une région, un pays dans lequel l’agent pathogène n’était pas présent jusqu’à l’émergence.

Par exemple :

- les viroses dues au virus West Nile en Amérique du Nord [45] ;

- plus récemment, celles dont l’origine est le virus du chikungunya dans l’île de La Réunion [35] ;

- celles dues au virus de la fièvre catarrhale ovine dans le Nord de l’Europe [74] ;

- la maladie de Lyme due à Borrelia burgdoferi [57].

Encadré 3 : Quel est l’impact du réchauffement climatique en santé publique ?

• Les émergences liées aux changements climatiques relativement récents n’arrivent qu’en dixième position dans le tableau établi par Woolhouse et coll. [86]. Il reste très difficile d’établir une relation directe entre le réchauffement général de la planète (contesté par certains spécialistes, de moins en moins nombreux au fil de l’accumulation des chiffres et des faits) et l’émergence de maladies infectieuses nouvelles [30].

• Les nombreux experts dépêchés sur ce sujet s’accordent néanmoins pour dire que les changements climatiques vont accroître l’incidence des affections déjà présentes, telles que les affections cardiovasculaires, respiratoires ou liées à la malnutrition [54].

De plus, le risque d’émergence de nouvelles maladies infectieuses va aller croissant si la tendance climatique continue [28, 29, 36, 54, 55, 62]. De nombreuses évaluations des risques ont été réalisées, soulignant la nécessité de réactualiser périodiquement ces données [23].

Encadré 4 : Un lien évident entre la fièvre de la vallée du Rift et le climat

• Les conditions météorologiques et particulièrement les pluies abondantes sont fortement associées au développement des épizooties actuelles et présentes notamment en Afrique australe ; les pluies contribuent ainsi à la pullulation des vecteurs du virus de la fièvre de la vallée du Rift (FVR) en permettant l’éclosion d’œufs de moustiques infectés(4).

• Le changement climatique, comme exposé ci-dessus, conduit à des modifications significatives de la distribution et de la densité des vecteurs potentiels de ce virus.

• Le moustique Aedes albopictus, vecteur important du virus chikungunya dans l’île de La Réunion et du virus de la dengue, est désormais parfaitement installé en Europe et en France. Ce moustique, dont la compétence vectorielle pour le FVRV a été démontrée en laboratoire, a ainsi pu bénéficier de conditions climatiques favorables pour son expansion depuis 1995, à savoir des hivers doux et des étés pluvieux et chauds.

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