MALADIES INFECTIEUSES DES BOVINS
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QUESTION DE LECTEUR
Auteur(s) : Clara Marcé
Fonctions : ENSV, 1, avenue Bourgelat, 69280
Marcy-L’Étoile
Le lien causal entre l’agent de la paratuberculose et la maladie de Crohn humaine reste sans fondement.
Les similarités cliniques entre la paratuberculose des ruminants et la maladie de Crohn humaine ont amené, par le passé, à suspecter l’implication commune de Mycobacterium avium paratuberculosis (Map). Ce sujet a été évoqué au cours du Colloque international sur la paratuberculose, du 29 octobre au 2 novembre dernier, à Tsukuba, au Japon. L’hypothèse d’une implication de la bactérie dans l’étiologie de la maladie de Crohn est de plus en plus mise en sourdine, alors que le sujet continue de susciter de nombreux travaux. La prudence scientifique semble à l’ordre du jour.
Certes, des associations peuvent être trouvées entre la présence de Map dans les lésions intestinales et la maladie de Crohn. C’est le cas dans deux récents travaux de méta-analyse(1) présentés lors de ce symposium : l’un d’Abubakar et coll., l’autre de Feller et coll, parus en 2007 [1]. Toutefois, aucun lien causal n’est avéré. La bactérie peut être à l’origine de la maladie ou bien en être la conséquence ; elle pourrait ainsi s’implanter dans l’intestin déjà lésé par l’affection et soumis à l’exposition fréquente à Map. Les résultats de méta-analyse doivent être interprétés avec prudence. D’après l’Américain Raizman, un article est plus difficile à publier si aucune association n’est trouvée entre la présence de Map et la maladie de Crohn. Il est impossible de savoir combien d’études “négatives” ont ainsi été refusées, donc d’apprécier ce biais essentiel pour la méta-analyse.
Malgré cela, les diverses voies potentielles d’exposition de l’homme à Map continuent d’être explorées, par précaution.
Les travaux portent notamment sur l’eau potable, car la chloration ne tue pas (suffisamment) la bactérie Map (travaux de Collins et Shin). Des associations statistiques entre l’alimentation et la maladie de Crohn sont aussi explorées. Une enquête cas-témoin britannique d’Abubakar et coll. montre ainsi une association (positive) entre la maladie de Crohn et l’ingestion de viande, et une autre, négative, pour le lait pasteurisé (d’après les réponses à un questionnaire). Si ces résultats sont confirmés dans d’autres populations, les mécanismes biologiques potentiellement impliqués seraient à étudier. En définitive, bien d’autres domaines que les liens avec la maladie de Crohn ont été abordés à ce colloque. Le temps est globalement à la synthèse, sans grande avancée sur cette affection. Certaines précisions pourraient toutefois avoir des conséquences sur les plans de lutte en plein développement dans différents pays, y compris en Europe [2, 3, 4]. Des programmes coordonnés de recherche américains et européens de grande envergure sont en cours sur cette maladie. Les résultats devraient enrichir la prochaine édition de cet événement international, fixée en 2009 à l’université du Minnesota, à Minneapolis (États-Unis), du 9 au 14 août.
(1) La méta-analyse est une démarche consistant à rassembler les résultats de plusieurs expérimentations conduites séparément sur un sujet donné.