L’impact de la paratuberculose et sa transmission sont mieux cernés - Le Point Vétérinaire n° 288 du 01/09/2008
Le Point Vétérinaire n° 288 du 01/09/2008

INFECTION À MYCOBACTERIUM AVIUM PARATUBERCULOSIS

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FOCUS

Auteur(s) : Clara Marcé

Fonctions : ENSV, 1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile
marce_clara@yahoo.fr

Effet sur la (re)production, transmission au fœtus et passage dans le sperme : l’action de Mycobacterium avium paratuberculosis est manifeste et parfois paradoxale.

À l’occasion du Colloque international sur la paratuberculose qui s’est déroulé au Japon, à l’automne 2007, divers aspects épidémiologiques concernant la transmission verticale de Mycobacterium avium paratuberculosis (Map) et l’impact de l’infection chez les bovins ont été abordés [3].

Une transmission in utero à ne pas négliger

Map pourrait être présent dans le flux sanguin et passer dans le fœtus via le placenta. L’infection ne semble pas fatale pour le fœtus. Les Australiens Whittington et Windsor ont proposé une revue d’articles rapportant une transmission in utero de Map [3]. Les critères d’inclusion des cinq articles retenus pour ce travail de méta-analyse(1) comportaient des exigences sur la description détaillée des méthodes utilisées pour confirmer l’infection et sur les précautions prises pour prévenir la contamination accidentelle des fœtus (par exemple lors de leur collecte à l’abattoir).

L’estimation synthétique est de 9 % de fœtus infectés issus de vaches infectées subcliniquement et de 39 % chez ceux qui sont portés par des mères cliniquement infectées. Pour une prévalence de vaches détectées infectées dans un troupeau de 5 %, entre 0,44 et 1,2 veau serait infecté in utero pour 100 vaches. Cette valeur est plus élevée pour des troupeaux à prévalence plus forte.

Cette transmission in utero de Map pourrait retarder le succès des programmes de contrôle dans lesquels les possibilités de contamination via l’ingestion de colostrum ou de lait ou via l’environnement sont contrôlées de façon adéquate (photos 1a et 1b). Se pose alors la question du choix d’adjoindre de nouvelles mesures aux plans de maîtrise actuellement proposés. La réforme systématique de la descendance des vaches positives pourrait ainsi être justifiée dans certains cas, mais une étude coût/bénéfice reste à entreprendre. En République tchèque, par exemple, cette mesure est incluse dans des programmes de grande envergure [4].

Effet surprise sur la fertilité

Il convient d’évaluer les effets de l’infection par Map sur la production, afin de chiffrer l’impact économique de la maladie ou la rentabilité d’un éventuel plan de maîtrise. Les résultats de l’étude réalisée à Nantes sur des troupeaux du Grand-Ouest (Côtes-d’Armor, Finistère, Morbihan et Seine-Maritime) ont été présentés [3]. Celle-ci visait à apprécier la variation de la fertilité des vaches laitières selon leur statut vis-à-vis de Map. La fertilité a été estimée par le taux de non-retour après une insémination de rang 1 ou 2. Un non-retour est défini par l’absence de nouvelle insémination artificielle (IA) après une première IA, lorsque la vache n’a pas été réformée ou a été gardée dans le troupeau. À partir des statuts individuels et de troupeau ont été distinguées les vaches positives, les vaches négatives dans des troupeaux négatifs et les vaches négatives dans des troupeaux positifs. Une régression logistique a été effectuée après ajustement sur les facteurs connus pour influencer la reproduction.

De façon surprenante, le taux de non-retour est supérieur chez les vaches positives, comparées aux vaches négatives de troupeaux négatifs : + 3,2 points de pourcentage, en taux de non-retour (figure). Ce même constat ressort, mais avec un écart plus faible, entre les vaches positives et négatives de troupeaux positifs. L’effet est plus important pour les vaches primipares que pour les multipares, et va en se réduisant avec l’accroissement de la parité.

La discussion a amené à formuler l’hypothèse d’une interaction entre infection, production laitière et reproduction, au bénéfice de cette dernière. La diminution de l’absorption de protéines dans l’intestin (liée aux lésions intestinales) entraîne une baisse de la production laitière. Ce résultat est rapporté dans d’autres études [2, 5]. L’absorption énergétique n’est probablement pas affectée (car elle est localisée au rumen). Au stade subclinique, la chute de production laitière observée pourrait alors jouer en faveur d’un moindre déficit énergétique, donc d’une meilleure fertilité.

Un effet délétère confirmé sur la production laitière

Les travaux de l’équipe canadienne de Sorge ont confirmé l’effet négatif de l’infection par la paratuberculose sur la production de lait [3]. Dans cet essai, les vaches (principalement de race holstein) testées comme positives ont produit 750 kg ou 7,7 % de lait en moins sur une lactation, comparées aux vaches négatives. Ces auteurs ont également étudié l’impact de la race, dans le contexte actuel où la notion de résistance génétique à la bactérie suscite beaucoup d’intérêt. Les guernésiaises et les jersiaises ont ainsi respectivement 3,9 et 2,3 fois plus de risque d’être positives que les holsteins. Des dissemblances de conduite d’élevage chez des vaches de races différentes expliqueraient peut-être, au moins en partie, les variations observées. Les éléments nécessaires à la réponse ne sont pas encore disponibles.

Différentes voies de transmission à surveiller

Le “péril Map” ne cesse de s’étendre : la présence de la bactérie et sa persistance pendant un an (au moins) dans le sperme de taureau ont été confirmées (travaux autrichiens de Khol [3]). Tous les échantillons de sperme se sont révélés positifs par polymerase chain reaction (PCR). Bien que la présence de Map dans le sperme ait été déjà rapportée dans des études plus anciennes, la question du rôle potentiel du sperme dans sa dissémination par insémination naturelle ou artificielle reste à explorer.

Quant au risque colostral, les protocoles de pasteurisation en sont encore au stade expérimental. Ils visent à inactiver les agents pathogènes, mais sans affecter les propriétés bénéfiques du colostrum (étude japonaise par Saito et coll. [3]) [1].

  • (1) La méta-analyse est une démarche consistant à rassembler les résultats de plusieurs expérimentations conduites séparément sur un problème donné.

Références

  • 1 - Aubry P. La pasteurisation du colostrum à la ferme. Point Vét. 2007 ; 272 : 54-56.
  • 2 - Beaudeau F, Belliard M, Joly A et coll. Reduction in milk yield associated with Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis (Map) infection in dairy cows. Vet. Res. 2007 ; 38(4): 625-634.
  • 3 - Collectif édité par International Association on Paratuberculosis. Proceeding 9e Colloque international sur la paratuberculose (ICP), Tsukuba, Japan, 29 Oct.-2 Nov. 2007, http://www.paratuberculosis.org/pubs/
  • 4 - Marcé C. Aperçu mondial sur les mesures d’actions de maîtrise de la paratuberculose. Point Vét. 2008 (à paraître).
  • 5 - Raizman E, Fetrow J, Wells SJ et coll. The association between Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis fecal shedding or clinical Johne’s disease and lactation performance on two Minnesota, USA dairy farms. Prev. Vet. Med. 2007 ; 78 : 179-195.
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