Hypovolémie liée à une hémorragie - Le Point Vétérinaire n° 288 du 01/09/2008
Le Point Vétérinaire n° 288 du 01/09/2008

Cardiologie canine

Pratique

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : François Serres*, Valérie Chetboul**, Carolina Carlos Sampedrano***, Vassiliki Gouni****, Jean-Louis Pouchelon*****

Fonctions :
*Unité de cardiologie, ENV d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort
**Unité de cardiologie, ENV d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort
***Unité de cardiologie, ENV d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort
****Unité de cardiologie, ENV d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort
*****Unité de cardiologie, ENV d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort

Un chien american staffordshire mâle âgé de neuf ans, pesant 30 kg, est présenté en urgence pour l’exploration d’une dilatation abdominale apparue depuis une semaine.

À l’examen clinique, le chien est très abattu et présente un signe du flot positif. Les muqueuses sont blanches. L’examen cardiovasculaire révèle une fréquence cardiaque élevée (180 battements par minute) associée à un rythme régulier et à un pouls peu frappé. Aucun bruit surajouté n’est mis en évidence à l’auscultation.

Diagnostic

• Une abdominocentèse est entreprise. Le liquide d’épanchement étant constitué de sang en nature, un examen échographique de l’abdomen est réalisé afin d’identifier l’origine du saignement. Une masse splénique cavitaire de grande taille est identifiée. Une numération et une formule sanguines montrent une anémie marquée : l’hématocrite est à 20 % (les valeurs usuelles sont comprises entre 37 et 54 %) et le taux d’hémoglobine est de 6,7 g/l, alors que les valeurs usuelles se situent entre 12 et 18 g/l.

• En raison de la forte suspicion d’hémangiosarcome splénique, un bilan d’extension est réalisé. L’examen échocardiographique ne révèle pas de signe d’infiltration myocardique. En revanche, les cavités cardiaques sont de très petite taille. Le diamètre diastolique ventriculaire gauche mesure 29 mm, alors que l’intervalle de référence se situe entre 40 et 44 mm, associé à des parois épaissies (photo 1) [2]. Ces modifications cardiaques sont attribuées à une hypovolémie. Une hypotension artérielle systémique marquée (la pression systolique mesurée en mode Doppler est égale à 100 mmHg) est associée, qui contribue en partie à la pâleur des muqueuses. Le bilan d’extension thoracique étant également négatif, une splénectomie est mise en œuvre, associée à la transfusion de 450 ml de sang frais. Des contrôles clinique et échocardiographique sont réalisés 24 heures plus tard. L’état général de l’animal s’est nettement amélioré, les muqueuses sont roses et le temps de recoloration est normal. La morphologie ventriculaire gauche est presque normalisée (diamètre diastolique ventriculaire gauche à 37 mm) (photo 2). L’examen électrocardiographique concomitant révèle un rythme idioventriculaire accéléré intermittent (classiquement rencontré lors d’affection splénique). Quarante-huit heures plus tard, le retour à un rythme sinusal est constaté et l’animal est rendu à son propriétaire. L’examen histologique de la masse confirme la suspicion d’hémangiosarcome splénique.

Discussion

En plus des modifications physiologiques (format, âge, statut sportif) et pathologiques, la morphologie cardiaque peut connaître des variations marquées chez le même individu selon son statut hydro-électrolytique. Lors d’hypovolémie, une diminution importante du volume ventriculaire est ainsi parfois observée. Elle peut même s’accompagner d’une “augmentation del’épaisseur” des parois myocardiques (dite “pseudo-hypertrophie”), difficile à distinguer d’une “vraiehypertrophie” myocardique. Dans le cas décrit, l’examen clinique est suffisamment évocateur pour écarter rapidement l’hypothèse d’une myocardiopathie hypertrophique (MCH). Dans certains cas, notamment chez le chat, la distinction est plus délicate. L’effet d’une déplétion hydrique (par administration de furosémide) a été récemment étudié chez 10 chats sains [1]. Des modifications de la morphologie cardiaque compatibles avec un diagnostic de MCH sont observées chez une proportion élevée de chats : augmentation au-delà de 6 mm de l’épaisseur diastolique des parois chez quatre animaux et oblitération systolique de la cavité ventriculaire gauche chez sept d’entre eux [1].

En conclusion, le statut hydrique doit toujours être pris en compte au moment de l’interprétation des examens d’imagerie cardiaque.

Références

  • 1 - Campbell FE, Kittleson MD. The effect of hydration status on the echocardiographic measurements of normal cats. J. Vet. Intern. Med. 2007 ; 21 :1008-1015.
  • 2 - Gonçalves AC,Orton EC, Boon JA et coll. Linear, logarithmic, and polynomial models of M-mode echocardiographic measurements in dogs. Am. J. Vet. Res. 2002 ;63 :994-999.
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr