Protection sanitaire des élevages
Mise à jour
CONDUITE À TENIR
Auteur(s) : Jean-Christophe Natorp
Fonctions : 64430 Saint-Étienne-de-Baigorry
Exercice difficile, le conseil vétérinaire à l’achat comporte des risques évidents, mais il permet d’intervenir à un moment clé pour la maîtrise sanitaire préventive en pratique ovine.
La principale cause de transmission des maladies infectieuses est en général la mise en contact du troupeau avec un ou des animaux extérieurs, à la faveur d’un achat ou bien d’une transhumance, d’un prêt, voire d’un mélange accidentel (photo 1).
En pratique ovine, les éleveurs, en particulier ceux en suivi, peuvent être demandeurs de conseil sanitaire à l’occasion d’un achat de reproducteurs. Ils y trouvent leur intérêt : maîtrise de l’état de santé des animaux achetés et des risques d’introduction d’agents pathogènes dans le troupeau d’accueil, mais aussi raisonnement des réformes et du renouvellement. De ce fait, le vétérinaire dispose d’une certaine latitude d’intervention pour le conseil à l’achat.
Le sujet est abordé dans cet article à partir de divers éléments de discussion apparus notamment à la faveur de réunions avec les éleveurs, au cours de notre pratique de type mutuelle [16]. Des suggestions prospectives sont également présentées.
La réglementation sanitaire des achats d’ovins, si peu contraignante soit-elle, est rarement respectée. Elle offre pourtant une certaine garantie pour l’acheteur, au prix d’une démarche réellement responsable.
L’identification correcte des animaux est un préalable à toute transaction.
Les exigences vont d’une simple photocopie du certificat délivré par la Direction des services vétérinaires d’origine à la réalisation d’une prise de sang (EAT ou épreuve à l’antigène tamponné : rose bengale) (photo 2) [2, 12]. L’emplacement des élevages d’origine influe sur le niveau d’exigence : il existe des zones à brucellose latente, d’autres indemnes ou officiellement indemnes. La question du délai de validité des prises de sang antérieurement réalisées, dont celles effectuées lors de prophylaxie, peut aussi être soulevée.
En l’absence de risque (transaction à l’intérieur d’une même zone officiellement indemne), plus qu’une garantie supplémentaire, le document relatif à la brucellose est un révélateur du sérieux et de la bonne volonté du vendeur, et aussi de la motivation de l’acheteur.
Le typage des reproducteurs vis-à-vis des gènes de résistance à la tremblante reste valable toute la vie de l’animal. Les documents portant mention des résultats de ce typage méritent de suivre le reproducteur (cela concerne avant tout les mâles) [10].
Pour ces maladies à prions, les arrêtés préfectoraux portant déclaration d’infection (APDI) ne concernent qu’un faible effectif de troupeaux [11]. Le renouvellement des femelles à l’intérieur d’un cheptel s’effectue par un phénotype résistant et celui des mâles par des homozygotes résistants.
L’intérêt à accorder à un typage “tremblante” à l’achat dépend alors du sexe, mais aussi de la race et du nombre des ovins achetés. Les résultats de typages antérieurs dans l’exploitation d’accueil et le contexte local vis-à-vis de cette maladie amènent parfois à adapter le niveau d’exigence.
Selon les zones (interdites ou réglementées), les mouvements d’ovins se font avec ou sans contrainte vis-à-vis de la fièvre catarrhale ovine [3].
Une désinsectisation (mensuelle) peut être requise, ainsi qu’un délai avant commercialisation (deux, quatre ou huit semaines) et une analyse (virologie par polymerase chain reaction ou PCR, ou sérologie Elisa). Ces contraintes ne semblent ni suffisantes, ni supportables sur le plan financier. Elles interdisent ou, du moins, limitent fortement les échanges de reproducteurs ovins en attendant que le statut des cheptels soit homogénéisé par les vaccinations.
Une sérologie (par fixation du complément) est peut être requise par choix de filière local, avec ou sans palpation des testicules.
Il est dans l’intérêt d’un élevage indemne de prendre les précautions proposées vis-à-vis de cette maladie pénalisante. En effet, en élevage contaminé, l’assainissement impose d’éliminer tous les mâles positifs et de tenir compte du portage des femelles (six mois) [12].
Cet assainissement devrait pouvoir, dans les régions très infectées, bénéficier de la vaccination (sous conditions), sans compromettre le statut “officiellement indemne de brucellose”.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, le statut des élevages est déduit de leur indice sérologique (Elisa), mais aussi des éventuelles recherches de mycoplasmes dans le lait et de l’historique clinique de la maladie dans le canton. Ces trois outils méritent d’être utilisés conjointement [8]. Seule une bonne communication autour de la conjoncture épidémiologique garantit la fiabilité du statut. Ce dernier est révisé une fois par an, voire deux fois en cas de transhumance hivernale.
Sont à prendre en compte les sérologies et les données cliniques. Pour cette maladie, la sérologie (Elisa de mélange) a récemment été mise à mal, ce qui illustre les limites de la notion de statut et la nécessité de connaître l’origine des tests utilisés [11, 17].
Définir le statut sanitaire d’un élevage vis-à-vis d’une affection représente souvent un coût, car cela impose le recours à des méthodes de diagnostic précises (tableau et photo 3). Il présente d’autant plus d’intérêt que le poids économique ou sanitaire de l’infection est important et que l’infection est potentiellement durable. Ainsi, l’intérêt de concevoir des statuts sanitaires dépend du contexte de l’élevage. La notion de statut a des limites techniques (conception), mais aussi épidémiologiques (peu dans le cas des maladies d’élevage) et décisionnelles (usage qui en est fait). Les statuts ne sont que des outils synthétiques qui en nécessitent d’autres, plus élémentaires.
Parmi les affections respiratoires d’origine virale, comme le Visna-Mædi, l’adénomatose pulmonaire donne lieu à des statuts qui sont davantage liés aux examens nécropsiques qu’aux analyses de laboratoire (jetage clair parfois abondant, tumeurs en follicules).
Pour la paratuberculose, les outils sérologiques n’ont qu’une sensibilité limitée. La PCR individuelle est trop coûteuse et pas toujours adaptée aux ovins. Le statut est donc établi à partir des lésions observées, assez caractéristiques (muqueuse intestinale encéphaloïde), avec l’appui éventuel d’une coloration de Ziehl (photo 4).
La définition d’un statut sanitaire vis-à-vis d’une maladie, même s’il est appliqué à tous les élevages, ne permet pas toujours son éradication. Pourrait alors être défini un statut épidémiologique dont l’objectif, complémentaire, serait de circonscrire l’inconnu. Le statut sanitaire se limite à la clinique et aux résultats d’analyse pour telle ou telle maladie, alors que le statut épidémiologique prend en compte le niveau de précautions sanitaires prises dans chaque élevage.
Les échecs observés dans la maîtrise d’une maladie comportent une dimension psychologique. En effet, la lutte successive contre les diverses affections conduit immanquablement à une lassitude des éleveurs, parfois assortie de culpabilité, et cela peut pénaliser le résultat sanitaire visé.
La communication des règles générales d’hygiène peut être plus efficace que le suivi obligatoire de mesures spécifiques. La plupart des dispositions conseillées sont communes à plusieurs risques infectieux (par exemple, la quarantaine). Certains dispositifs émanent des éleveurs eux-mêmes, dans le cadre de la mutualisation des plans de lutte, telle la mise en place de pédiluves à l’entrée des élevages.
Une mesure choisie est souvent mieux appliquée qu’une mesure imposée.
Un conseil sanitaire vétérinaire pour la gestion des achats de reproducteurs ovins peut être transmis dans le cadre de réunions collectives dites de “gestion locale et globale du sanitaire” (encadré 1).
Concrètement, pour les divers troubles qu’il est possible de rencontrer en production ovine, les participants répondent simplement, à la faveur d’un tour de table, à la question : « Cette maladie concerne-t-elle mon troupeau ? » Une réponse négative permet à l’éleveur de prendre conscience des conséquences possibles d’un achat.
• L’examen sanitaire individuel vise à amener l’éleveur à réfléchir au risque pris pour l’ensemble du troupeau.
Quelques causes de dépréciation de la valeur des ovins achetés pour raisons sanitaires peuvent être mentionnées. Dans la mesure du possible, le vétérinaire doit éviter que l’examen ne débouche sur un traitement car la démarche sanitaire n’est alors pas la même (sauf stratégie d’achat particulière).
• Chez les femelles, les trayons et la mamelle sont examinés et palpés (photo 5). Toutefois, le risque d’introduction de souches particulièrement virulentes ou toxinogènes de staphylocoques ou de Listeria monocytogenes ne peut être écarté (portage inapparent) [8, 9, 18]. L’introduction en lactation est donc généralement à déconseiller pour une bonne prévention des affections mammaires. Au minimum, plusieurs examens de type California mastitis tests (CMT) sur l’animal introduit sont à conseiller [8, 9].
Une échographie de l’utérus des brebis achetées renseigne sur leur état de gestation, et décèle aussi un avortement récent ou une métrite [15].
• Chez les mâles, la palpation permet de mettre en évidence une épididymite contagieuse et un certain nombre d’orchites (photo 6). Un examen de la semence au microscope est envisagé dans le cadre d’un diagnostic de fertilité [4, 5].
Un état corporel très dégradé amène à suspecter plusieurs affections redoutables à l’achat (encadré2, photos 7 et 8) [6, 13].
Face à une brebis qui souffle ou qui présente un jetage, il convient d’écarter les hypothèses de cancers du sinus, de syndrome d’oblitération nasale ovine (SONO) et de pneumonie à virus lent (photo 9) [14, 17].
Pour l’examen des aplombs, l’œil des éleveurs est généralement bien aiguisé.
Des traitements systématiques s’imposent à l’achat, en raison de la difficulté à établir des statuts pour toutes les maladies. Ce type de mesures convient en particulier à la prévention des infections parasitaires, dont la gale psoroptique [6].
Toutefois, en l’absence de local de quarantaine, les traitements à l’achat perdent de leur valeur préventive. Cela est particulièrement vrai pour le piétin (encadré 3 et photo 10) [16].
Un traitement systématique est surtout efficace pour les élevages dans lesquels la maladie visée n’est pas observée, mais pas seulement en raison de la diversité des bactéries pouvant être à l’origine d’une même affection [16].
Le traitement à l’arrivée peut aussi concerner des affections abortives et respiratoires (allottement d’agneaux en vue de leur engraissement) (photo 11) [7, 19, 20]. La famille des cyclines semble particulièrement intéressante en raison de l’indication de ces molécules pour une grande variété d’affections. Cependant, leur caractère bactériostatique ne doit pas être négligé. Le choix d’un antibiotique bactéricide se justifie parfois [7].
Ainsi, dans l’ensemble, l’efficacité d’une gestion sanitaire à l’achat relève avant tout d’un état d’esprit. Il s’agit pour le vétérinaire d’adapter les outils diagnostiques aux préoccupations sanitaires de l’acheteur [16]. Une fois la politique sanitaire pour l’élevage définie, le praticien doit permettre à l’éleveur de conforter sa situation sanitaire et l’informer du niveau de garantie permis par les mesures mises en œuvre.
La sensibilisation n’est pas seulement diagnostique et thérapeutique. Elle porte aussi sur la conduite d’élevage au sens large. La mise en place d’un local de quarantaine, pour l’accueil, l’observation, le traitement et la désinfection des animaux achetés est, à ce titre, un point clé de la maîtrise du risque sanitaire lié à l’achat de reproducteurs.
Étape 1 : sensibiliser à la réglementation
• Maladies animales réputées contagieuses : brucellose abortive, tremblante et encéphalite spongiforme bovine, fièvre catarrhale bovine
• Maladies réglementées par choix des filières locales : épididymite contagieuse du bélier, agalactie contagieuse et Visna-Mædi
Étape 2 : outils d’une gestion sanitaire volontaire à l’achat
• Des statuts sanitaires (examens, analyses) au statut épidémiologique (précautions prises)
• Sensibilisation collective
Étape 3 : appréciation individuelle des ovins achetés
• Inspection des mamelles ou des testicules
• Attention aux brebis maigres et qui soufflent
Étape 4 : conseiller des traitements systématiques
• Gale
• Intérêt des cyclines
• Quarantaine indispensable même pour les élevages non indemnes
• Recenser les difficultés sanitaires rencontrés pour en faciliter la compréhension et mettre en place un dispositif de lutte.
• Déterminer éventuellement les intentions d’achat et obtenir un aperçu des différentes pratiques d’élevage.
• Rappeler et justifier la réglementation.
• Hiérarchiser les risques.
• Faire le point sur les préoccupations des éleveurs (poids et efficacité des traitements systématiques pour les maladies présentes dans l’exploitation, évaluation du risque pour les affections qui en sont absentes, avec une information sur l’intérêt d’une recherche pour les affections non diagnostiquées).
• Envisager les mesures sanitaires prioritaires adaptées au contexte local.
• Affection hépatique, notamment liée à un eczéma facial.
• Entérite, dont la paratuberculose.
• Maladie cachectisante comme l’adénocarcinome pulmonaire ovin [13].
• Dents non fonctionnelles.
• Régime alimentaire insuffisant.
• Pédiluve antiseptique (par exemple avec Virkon®).
• Détection des cas, en prolongeant l’observation sur deux mois dans certains cas (une discussion avec le vendeur permet souvent d’apprécier le risque).
• Antibiothérapie adaptée dès l’arrivée dans le troupeau ou à l’apparition des premiers signes (choix selon la conduite de la quarantaine, par exemple, oxytétracycline).
D’après [16].