Adénite sébacée granulomateuse chez un akita inu - Le Point Vétérinaire n° 288 du 01/09/2008
Le Point Vétérinaire n° 288 du 01/09/2008

Dermatologie canine

Pratique

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Christophe Soyer

Fonctions : 65, rue François-Couplet 38530 Pontcharra

L’adénite sébacée granulomateuse est une dermatose peu fréquente à prédisposition raciale. Ce trouble dermatologique nécessite un traitement à vie des animaux atteints.

Une chienne akita inu de cinq ans est référée pour un état kératoséborrhéique généralisé modérément prurigineux. Les lésions évoluent depuis quatre mois avec des zones d’alopécie diffuse plus marquées sur le chanfrein et la ligne du dos.

Cas clinique

1. Commémoratifs

Le propriétaire rapporte un prurit modéré ainsi qu’une odeur rance.

Cette chienne n’a jamais présenté d’affection médicale ou dermatologique avant l’apparition de ce trouble kératoséborrhéique. Les vaccinations sont à jour. Son alimentation est de type industriel et de bonne qualité.

Les différents examens complémentaires réalisés auparavant (raclages cutanés, analyse cytologique, cultures mycologiques) se sont tous révélés négatifs. Par ailleurs, les traitements entrepris, antibiotiques et corticoïdes par voie orale (prednisolone 1 mg/kg, une fois par jour, pendant deux semaines) ou shampooings antiseptiques, n’ont apporté aucune amélioration.

2. Examen clinique et dermatologique

Aucune anomalie n’est notée à l’examen clinique général.

Un état kératoséborrhéique généralisé associé à une alopécie diffuse modérée est observé (photo 1). Les lésions sont plus marquées sur le chanfrein et la ligne du dos (photo 2). L’examen rapproché met en évidence des squames pityriasiformes, ainsi que de nombreux manchons pilaires autour des poils, dont l’épilation est très facile (photo 3).

3. Bilan clinique et dermatologique

Le bilan clinique et dermatologique rapporte une dermatose généralisée modérément prurigineuse, caractérisée par un état kératoséborrhéique et une alopécie diffuse, associés à la présence de manchons pilaires chez une chienne de race akita inu.

Compte tenu de ce bilan dermatologique, de la prédisposition de la race akita inu et de la présence massive de manchons pilaires, l’hypothèse diagnostique à privilégier est un trouble primaire de la kératinisation, et, notamment, une adénite sébacée granulomateuse. Une dermatophytose, une leishmaniose, une pyodermite bactérienne, voire une dysendocrinie ne sont pas écartées, mais restent des hypothèses moins probables.

4. Examens complémentaires immédiats

Les résultats des raclages cutanés sont négatifs (absence de Demodex notamment). L’examen cytologique des calques cutanés met en évidence une prolifération bactérienne de surface modérée, avec quelques cocci en position extracellulaire.

Sur le trichogramme, aucune spore de dermatophyte n’est observée. En revanche, de nombreux manchons pilaires sont retrouvés autour des poils (photo 4). Une culture mycologique est toutefois mise en œuvre, elle se révèle négative.

5. Examen histopathologique

Des biopsies cutanées sont réalisées sur trois sites. L’examen histopathologique montre une hyperkératose orthokératosique épidermique et folliculaire avec présence de bouchons cornés infundibulaires (photo 5). Autour de l’isthme, des formations nodulaires péri-annexielles composées d’histiocytes, de quelques lymphocytes et de polynucléaires neutrophiles sont observées. Sur toutes les sections examinées, aucune glande sébacée n’est présente (photo 6).

6. Diagnostic

En raison de la race de l’animal, des lésions cliniques et de l’examen histopathologique, le diagnostic est celui d’une adénite sébacée granulomateuse, associée à une prolifération bactérienne de surface.

7. Traitement

Un traitement kératomodulateur topique à base d’acide salicylique et de soufre (Vetriderm séborrhée grasse® deux fois par semaine), associé à une complémentation per os en acides gras essentiels (Viacutan®) est prescrit en première intention. L’association acide salicylique-soufre du shampooing possède des propriétés kératolytiques et antiséborrhéiques. Celles-ci permettent une diminution de l’épaisseur de la couche cornée et une meilleure élimination des squames. Le shampooing comprend également des agents hydratants, notamment le propylène glycol, qui attirent l’eau au sein des couches superficielles de l’épiderme. Ces agents luttent contre la sécheresse cutanée et assurent une protection à la surface de la peau. Les acides gras essentiels prescrits contiennent en majorité des acides gras de la famille des ω6 : acide linoléique (LA) et acide γ-linoléique (GLA), qui améliorent la qualité du film lipidique de surface et du pelage. Ils se composent aussi, mais en quantité moindre, d’acides gras de la famille des ω3 : acide eicosapentaénoïque (EPA) et acide docosahexaénoïque (DHA). En association avec les ω6, ces acides gras participent à la lutte contre l’inflammation cutanée, par inhibition de la synthèse de l’acide arachidonique. Le ratio ω6/ω3 reste sujet de controverse, mais il semble intéressant, en cas de lésions plutôt kératoséborrhéiques qu’inflammatoires, de privilégier une complémentation riche en acides gras essentiels de la famille des ω6.

De plus, une antibiothérapie est prescrite pour trois semaines afin de lutter contre la prolifération bactérienne de surface (Rilexine 300®,15 mg/kg/j, deux fois par jour per os).

8. Suivi clinique

Une régression des lésions dermatologiques est visible après six semaines de traitement. Une nette diminution de l’état kératoséborrhéique avec moins de manchons pilaires présents sur l’animal et un début de repousse du poil sont notés. De plus, le propriétaire rapporte une régression de l’odeur rance. À l’examen cytologique, la prolifération bactérienne de surface n’est pas retrouvée. Le shampooing n’est plus prescrit qu’une fois par semaine et les acides gras essentiels sont poursuivis tous les jours.

Un contrôle réalisé six mois plus tard permet de constater que les lésions se sont stabilisées, une alopécie diffuse très modérée persiste. Le traitement doit être maintenu au même rythme pendant toute la vie de l’animal.

Discussion

1. Définition

L’adénite sébacée granulomateuse est une dermatose peu fréquente. Elle apparaît chez les jeunes adultes et est caractérisée par une destruction progressive des glandes sébacées [5, 9, 15]. Toutefois, si l’affection commence chez le jeune, elle se retrouve aussi chez l’animal plus âgé puisqu’elle ne guérit jamais. S’il n’existe aucune prédisposition sexuelle, une nette prévalence de cette dermatose est notée dans certaines races : caniche royal, akita inu, vizla, samoyède, chow-chow et tervueren [1, 9, 12, 15]. Dans la plupart des cas, l’akita inu présente une forme sévère et spectaculaire, parfois accompagnée d’une atteinte de l’état général [1].

Les causes de cette affection ne sont pas connues. Un mécanisme d’origine immunitaire, qui conduit à la destruction spécifique des glandes sébacées associée à un dérèglement de la kératinisation folliculaire est suspecté [9]. De plus, chez le caniche royal, l’akita inu et le tervueren, l’adénite sébacée granulomateuse est une génodermatose à transmission autosomale récessive [12]. Il convient donc d’écarter de la reproduction les chiens atteints.

2. Présentation clinique

L’aspect clinique de cette dermatose est différent selon les races (races à poil long versus races à poil court) [1, 15].

Les chiens à poil long atteints d’adénite sébacée granulomateuse présentent une alopécie progressive souvent symétrique, un squamosis pityriasiforme ou psoriasiforme abondant et de nombreux manchons pilaires [1]. Une odeur rance est souvent rapportée avec éventuellement un prurit en cas de prolifération bactérienne de surface ou de pyodermite secondaire.

À l’inverse, les races à poil court présentent des plages d’alopécie annulaires multifocales progressivement coalescentes avec un squamosis modéré [1].

3. Diagnostic

Le diagnostic de certitude repose sur des biopsies cutanées [9, 15]. Les lésions histopathologiques diffèrent selon le type de poil de l’animal et le stade évolutif de la dermatose.

Chez les races à poil long, en début d’évolution, une inflammation granulomateuse périfolliculaire autour de l’isthme et des glandes sébacées est présente. Elle est accompagnée d’une hyperkératose orthokératosique épidermique et folliculaire sévère avec de grandes lamelles de kératine infundibulaires verticales. À ce stade précoce, encore peu spécifique, succède un état plus évolué caractérisé par une absence totale de glandes sébacées. Ces dernières peuvent parfois être remplacées par quelques cellules mononucléées. Les biopsies doivent être multipliées (au minimum trois) afin de s’assurer que la totalité des glandes sébacées ont disparu.

Dans les races à poil court, l’hyperkératose épidermique et folliculaire reste minime et les lésions histologiques sont dominées par la présence d’un infiltrat péri-annexiel de nature granulomateuse, voire pyogranulomateuse [12, 15].

4. Pronostic et traitement

Le pronostic de l’adénite sébacée granulomateuse reste toujours très réservé car la réponse aux traitements entrepris est variable selon le type et le degré d’évolution des lésions.

Pour tous les animaux atteints, un shampooing kératomodulateur et émollient, au minimum deux fois par semaine, et des acides gras essentiels administrés quotidiennement par voie orale doivent être prescrits en première intention [2, 9, 14, 15]. Ce traitement peut suffire pour obtenir une amélioration satisfaisante sans recourir à d’autres thérapeutiques plus agressives.

Dans le cas contraire, les rétinoïdes de synthèse peuvent être employés. Les corticoïdes donnent des résultats décevants [3, 4, 9, 14]. Les rétinoïdes de synthèse agissent sur le mécanisme inflammatoire, la différenciation des kératinocytes et l’inhibition des glandes sébacées [9].

Chez le caniche royal, le vizla et les races à poil court, l’isotrétinoïne (Accutane®(1), 1 à 2 mg/kg, une fois par jour, par voie orale) se montre efficace en deux à trois mois et peut ensuite être prescrite en jours alternés [1, 13, 15, 16]. La réponse à l’isotrétinoïne est en revanche décevante chez l’akita inu, le samoyède, le boston-terrier et lorsque la maladie est avancée avec destruction des glandes sébacées.

Chez les races à poil long, notamment après échec du traitement à l’isotrétinoïne, l’acitrétine (Soriatane®(1), 1 à 3 mg/kg une fois par jour, par voie orale) est une alternative qui semble donner de bons résultats. Toutefois chez le caniche, l’emploi de cette molécule s’est révélé décevant [1, 9, 13]. L’utilisation des rétinoïdes de synthèse est soumise à un suivi thérapeutique très rigoureux en raison de leurs effets secondaires.

Leur tératogénicité les proscrit chez la femelle en gestation et oblige le propriétaire à prendre des précautions, notamment en cas d’ingestion accidentelle [7]. D’autre part, le risque d’apparition d’une kératoconjonctivite sèche requiert la réalisation d’un test de Schirmer tous les trois mois. Une possible toxicité hépatique nécessite un contrôle trimestriel des activités enzymatiques du foie et de la cholestérolémie. Les rétinoïdes sont donc déconseillés chez les animaux atteints d’hépatopathie [7, 9].

Devant les effets secondaires des rétinoïdes de synthèse, la ciclosporine est une alternative pour les cas d’adénite sébacée granulomateuse qui ne répondent pas au traitement topique associé à la complémentation en acides gras essentiels [3, 8]. En effet, cette molécule présente une triple activité, à la fois immunosuppressive, inhibitrice de la prolifération kératinocytaire et activatrice du cycle pilaire [8]. La dose est de 5 mg/kg/j par voie orale. Les différentes études semblent montrer qu’un délai de quatre à six semaines est nécessaire pour observer une régression des lésions cutanées et un début de repousse pilaire [3, 10, 11]. La même dose est maintenue en traitement d’entretien tous les deux ou trois jours [8]. Il n’existerait pas de différences de réponse selon les races et les effets secondaires sont mineurs : effets gastro-intestinaux (notamment des vomissements), hypertrichose, voire quelques rares cas d’hyperplasie gingivale réversible à l’arrêt du traitement [6, 8].

Quelle que soit l’option thérapeutique retenue, elle doit être maintenue en permanence car l’adénite sébacée granulomateuse reste une dermatose incurable.

L’adénite sébacée est une dermatose rare qui présente une forte variabilité clinique, histopathologique, raciale, thérapeutique et individuelle. Dans tous les cas, un traitement de l’état kératoséborrhéique doit être entrepris en première intention, complété, uniquement si nécessaire, par un traitement systémique. La ciclosporine devrait représentée dans l’avenir la molécule de choix.

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 1 - Alhaidari Z. Adénite sébacée : particularités raciales. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 2001 ; 36 : 297-300.
  • 2 - Carlotti DN, Bensignor E. Traitement des états kératoséborrhéiques. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 2003 ; 38 : 381-393.
  • 3 - Carothers MA, Kwochka KW, Rojko JL. Cyclosporine-responsive granulomatous sebaceous adenitis in a dog. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1991 ; 198 : 1645-1648.
  • 4 - Guaguère É. Adénite sébacée granulomateuse : à propos de trois cas. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1990 ; 25 : 169-175.
  • 5 - Guaguère É. Recto n° 52. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 2000 ; 35 : 47-48.
  • 6 - Guaguère É. Cyclosporin A : a new drug in the field of canine dermatology. Vet. Dermatol. 2004 ; 15 : 61-74.
  • 7 - Guaguère É, Bensignor E. Thérapeutique dermatologique du chien. Ed. Masson, Paris. 2002 : 260p.
  • 8 - Guaguère É, Delmas C, Muller A. Utilisation de la ciclosporine en dermatologie du chien. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 2005 ; 40 : 105-118.
  • 9 - Guaguère É, Hubert Th, Muller A. Troubles de la kératinisation chez le chien : Actualités cliniques. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 2003 ; 38 : 9-21.
  • 10 - Linek M, Boss C, Haemmerling R et coll. Effects of cyclosporine A on clinical and histopathological abnormalities with sebaceous adenitis. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005 ; 226 : 59-64.
  • 11 - Muller A, Guaguère É, Degorce-Rubiales F. La cyclosporine dans le traitement de l’adénite sébacée granulomateuse. Dans : Congrès AFVAC, Paris, France. 10-11-12 décembre 2004.
  • 12 - Reichler IM, Hauser B, Schiller I et coll. Sebaceous adenitis in the Akita : clinical observations, histopathology and heredity. Vet. Dermatol. 2001 ; 12 : 243-253.
  • 13 - Rosser EJ. Sebaceous adenitis with hyperkeratosis in the standard poodle : a discussion of 10 cases. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 1987 ; 23 : 341-345.
  • 14 - Rosser EJ. Therapy for sebaceous adenitis. In : Kirk’current veterinary therapy XIII. Ed. Bonagura JD, Kirk RW. WB Saunders, Philadelphia. 2000 : 572-573.
  • 15 - Scott DW, Miller WH, Griffin CE. Muller and Kirk’s Small animal dermatology. 6th ed. WB Saunders, Philadelphia. 2000 : 1520p.
  • 16 - Stewart LJ, White SD, Carpenter JL. Isotretinoin in the treatment of sebaceous adenitis in two Vizslas. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 1991 ; 27 : 65-70.

POINTS FORTS

• L’aspect clinque de l’adénite sébacée diffère selon le type de poil du chien (poil long versus poil court).

• Le diagnostic de certitude est établi par l’analyse histologique de biopsies cutanées.

• L’administration de rétinoïdes de synthèse nécessite un suivi rigoureux.

• La ciclosporine constitue une alternative intéressante à l’utilisation de rétinoïdes de synthèse.

• Le traitement de l’adénite sébacée doit être maintenu pendant toute la vie de l’animal.

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