SOINS INTENSIFS DU CHIEN ET DU CHAT
Infos
FOCUS
Auteur(s) : Pierre Maître*, Isabelle Goy-Thollot**
Fonctions :
*Service de chirurgie, ENV de Lyon
1, avenue Bourgelat, BP 83
69280 Marcy-L'Étoile
**Unité Siamu, 1, avenur Bourgelat, BP 83
69280 Marcy-L'Étoile
Une réanimation cardiorespiratoire efficace repose sur une détection précoce des défaillances organiques et sur un protocole standardisé de prise en charge de l’animal.
Le terme d’arrêt cardiaque est souvent employé de façon abusive. Il convient de lui préférer celui de défaillance circulatoire aiguë, qui se caractérise par un arrêt brutal de la ventilation et/ou de la perfusion systémique spontanées et efficaces. Cela conduit à une hypoxie tissulaire à l’origine d’un état de choc qui entraîne la mort de l’animal. Ce processus constitue une urgence médicale absolue, ce qui implique du matériel adéquat et du personnel entraîné.
Les affections susceptibles de provoquer une défaillance circulatoire aiguë sont nombreuses. Ainsi une cardiopathie primitive ou secondaire à une maladie non cardiogénique (affection respiratoire, trouble de l’homéostasie, hémorragie, etc.) peut être en cause. La majorité des réanimations effectuées en médecine vétérinaire font suite à des défaillances d’origine iatrogénique, parmi lesquelles les accidents d’anesthésie occupent une place importante (surdosage des agents anesthésiques, erreur d’utilisation du matériel d’anesthésie). L’identification et la prise en charge de toute affection pouvant provoquer un arrêt cardiorespiratoire sont fondamentales. La meilleure réanimation est celle qui est évitée.
Dans le cadre de la médecine vétérinaire, la décision du propriétaire est souveraine. Le praticien fournit l’ensemble des informations relatives à l’état clinique de l’animal, mais aussi son pronostic. Les manœuvres de réanimation ne semblent pas particulièrement appropriées dans les cas d’une affection incurable ou décompensée. Il est préférable de privilégier les animaux pour lesquels il est possible de contrôler la défaillance vitale et de traiter la maladie sous-jacente. Le pronostic constitue bien souvent l’élément déterminant dans la prise de décision du propriétaire. Il dépend du pronostic de la réanimation et de celui de l’affection sous-jacente. Dans tous les cas, le pronostic doit rester réservé.
Il est conseillé d’informer de façon précise le propriétaire du déroulement d’une réanimation, de ses conséquences et de son coût.
Les animaux jeunes ou adultes présentant un arrêt d’origine iatrogénique ou traumatique sont de bons candidats à la réanimation.
En raison des lésions irréversibles causées par l’hypoxie, la rapidité de prise en charge est le facteur pronostique crucial lors de réanimation. Il convient de recueillir préalablement l’accord écrit des propriétaires pour une éventuelle réanimation avant toute anesthésie et toute intervention chirurgicale, ou lors de l’hospitalisation d’un animal en état de choc ou qui présente une affection décompensée.
En l’absence d’accord, la réanimation doit être commencée, quitte à interrompre les manœuvres en cas de refus, après avoir joint les propriétaires.
Dans la mesure du possible, l’ensemble du matériel nécessaire à la réanimation doit être regroupé dans un seul lieu facile d’accès qui comprend une source d’oxygène, le monitorage, l’équipement de fluidothérapie et les produits de réanimation(1). Ce matériel doit être disponible et vérifié. L’utilisation d’un tableau récapitulatif des doses et voies d’administration ou de fiches de réanimation permet de gagner un temps précieux.
La rapidité d’exécution des différentes étapes constitue un point clé de la réussite. Un entraînement régulier permet au personnel d’acquérir des automatismes et de se familiariser avec les postes. Les rôles peuvent être prédéfinis, mais le personnel doit rester multicompétent.
Les postes sont affectés par le responsable en fonction des compétences de chacun. Les postes essentiels sont au nombre de cinq et requièrent respectivement une personne (tableau 1).
La disponibilité du personnel est souvent le facteur limitant.
Le suivi des paramètres cliniques ne nécessite pas de matériel particulier. Il peut être effectué à tout moment et fournit des renseignements précieux, même s’il ne permet pas toujours un diagnostic précoce.
Il est conseillé de ne pas s’attacher à une valeur ou à une observation isolée, mais à leur évolution. Le monitorage instrumental vient compléter les indications cliniques en apportant des informations plus précises et plus précoces. Les limites de son utilisation résident principalement dans son coût et sa complexité technique. Cependant, sa mise en place systématique chez les animaux à risque est essentielle pour la détection précoce et la gestion d’un arrêt cardiorespiratoire.
La technique de référence de mesure de la pression artérielle est invasive et sa mise en œuvre au cours d’une réanimation est impossible, hormis si l’animal est équipé au préalable d’un cathéter artériel.
Les procédures couramment utilisées sont non invasives.
Le Doppler (méthode sphygmomanométrique) permet en outre une appréciation de la qualité du pouls et la détection des déficits pulsatiles.
Le dispositif est mis en place rapidement (artère métatarsienne ou métacarpienne, ou artère fémorale pour la seule détection du pouls) et est relativement peu coûteux. Cependant, les artefacts de positionnement ducapteur peuvent fausser le diagnostic, et il est parfois difficile de maintenir ce capteur en place car les manœuvres de réanimation génèrent de nombreux mouvements parasites de l’animal.
La mesure oscillométrique est discontinue, très simple à mettre en œuvre, mais moins performante dans la détection précoce de l’arrêt cardiaque. Cette technique est néanmoins intéressante dans l’évaluation de l’efficacité de la réanimation et le suivi à long terme de la reprise de la fonction cardiaque.
L’oxymétrie de pouls détecte une baisse de la fréquence cardiaque (FC) et une diminution de la saturation artérielle de l’hémoglobine en oxygène (encadré complémentaire “Principes de l’oxymétrie de pouls” sur www.WK-Vet.fr). Elle permet de contrôler l’efficacité des manœuvres de réanimation. Cependant, les artefacts de positionnement du capteur (sous-évaluation de la saturation) interfèrent avec un diagnostic précoce de défaillance cardiorespiratoire. De plus, certains dispositifs affichent une saturation erronée pouvant aller jusqu’à 70 % sur un animal mort depuis plusieurs minutes.
La capnographie est la technique la plus intéressante à la fois pour la détection de l’arrêt respiratoire et pour le suivi de la réanimation ou de la période postréanimation.
Elle correspond à la mesure du dioxyde de carbone (CO2) dans l’air expiré et permet d’évaluer indirectement la ventilation pulmonaire, la perfusion tissulaire et le métabolisme cellulaire (End Tidal CO2 (ETCO2) ou taux de CO2 mesuré en fin d’expiration). Les valeurs normales sont de 32 à 37 mmHg. Si les poumons sont fonctionnels, la mesure de l’ETCO2 permet d’évaluer indirectement la pression artérielle en CO2 (PaCO2).
L’ETCO2 est un indicateur précoce, fiable et sensible d’une défaillance cardiorespiratoire (chute en dessous de 10 mmHg). Il est l’un des rares indicateurs fiables d’efficacité d’une réanimation (valeurs supérieures à 12 à 15 mmHg). De plus, il présente un intérêt pronostique. Une valeur supérieure à 20 à 25 mmHg durant les manœuvres de réanimation est associée aux meilleurs taux de survie.
Corrélé à la détection du pouls, l’électro-cardiogramme (ECG) permet le diagnostic en temps réel des trois types d’arrêt cardiorespiratoire rencontrés en réanimation (tableau 2).
Première étape incontournable de la démarche diagnostique, le monitorage ECG est également indispensable au suivi en temps réel de l’activité électrique cardiaque. Sa mise en œuvre est simple, le matériel peu coûteux. L’existence d’un tracé électrique ne témoigne que d’une activité électrique cardiaque spontanée (cas de la dissociation électromécanique) et ne garantit pas une perfusion tissulaire correcte.
La décision de l’arrêt de la réanimation est prise au cas par cas. Quelques rares études rétrospectives évaluent la durée moyenne d’une réanimation efficace à 17 minutes chez le chien et à 21 minutes chez le chat [1].
Au-delà de 30 minutes, les chances de restaurer une activité cardiaque spontanée efficace sans dégâts neurologiques irrémédiables sont presque nulles.
La réanimation des carnivores domestiques est un geste technique complexe, réalisé en urgence, dans un contexte clinique difficile. La précocité de la détection de la défaillance et de la prise en charge est un facteur pronostique important et requiert un personnel qualifié et entraîné.
(1) Voir l’article “Être prêt à l’urgence : matériel et organisation” de Donas E, Henry X, Goy-Thollot I. Point Vét. 2007 ; 38(274): 24-30.