La cimétidine antihistaminique H2 et le maropitant, nouvel antivomitif - Le Point Vétérinaire n° 286 du 01/06/2008
Le Point Vétérinaire n° 286 du 01/06/2008

GASTRO-ENTÉROLOGIE CANINE ET FÉLINE

Infos

focus

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville
44470 Carquefou

La pharmacie vétérinaire s’est enrichie en gastro-entérologie de deux nouvelles molécules : le maropitant, un antivomitif inédit, et la cimétidine, un anti H2 bien connu.

La gastro-entérologie compte deux nouveaux médicaments vétérinaires : le maropitant (Cerenia®, Pfizer) depuis un an et la cimétidine (Zitac®, Intervet) depuis quelques semaines. Les indications officielles des résumés des caractéristiques des produits (RCP) contre les vomissements chez le chien pourraient, à tort, faire croire que ces médicaments sont concurrents. En fait, ces deux produits sont différents et, aussi, très complémentaires dans leurs indications.

Une classe inédite : les antagonistes des récepteurs de la NK1

Antivomitif, le maropitant, disponible en solution injectable ou en comprimés, est indiqué en prévention ou en traitement des vomissements, quelle que soit leur origine : centrale ou périphérique. Nouvelle molécule antiémétique, son mode d’action est inédit (antagoniste des récepteurs de la neurokinine 1). Son action est très rapide, en moyenne en 39 minutes. La durée des traitements, en une prise quotidienne, est courte : 24 ou 48 heures, « jusqu’à cinq jours » selon le RCP.

Un inédit vétérinaire pour une classe ancienne : les antihistaminiques H2

L’indication officielle de la cimétidine est « la réduction des vomissements associés à une gastrite chronique ». Mais cela n’en fait pas un antiémétique. Autorisée pour la première fois en pharmacie humaine en 1977, la cimétidine, chef de file des antihistaminiques H2, est devenue incontournable en médecine humaine et… vétérinaire.

L’histamine a un effet ulcérogène connu depuis 1964. Elle stimule les sécrétions acides dans l’estomac. La cimétidine réduit rapidement les sécrétions acides qui sont augmentées lors de gastrites chroniques. La durée du traitement recommandée est au minimum d’un mois.

Une efficacité démontrée contre les vomissements d’origine centrale ou périphérique

La principale innovation du maropitant réside dans son mode d’action : antagoniste « sélectif et dose-dépendant des récepteurs de la neurokinine 1 (NK1) » selon les termes du RCP. Il agit en inhibant la liaison de la substance P à ces récepteurs NK1 dans le système nerveux central (centre du vomissement). La substance P est présente en concentrations élevées dans les noyaux du centre du vomissement. Elle est considérée comme le principal neurotransmetteur impliqué dans le vomissement quelle qu’en soit l’origine : centrale ou périphérique. En raison de la sélectivité de son action sur les récepteurs de la NK1, le maropitant n’a pas d’effet ni sédatif ni indésirable lié à son mode d’action.

L’effet antiémétique a été évalué sur des modèles expérimentaux reproduisant des vomissements d’origine soit centrale (par l’administration d’apomorphine), soit périphérique (par l’administration de sirop d’Ipéca). Dans les deux situations, le citrate de maropitant se révèle efficace pour réduire considérablement le nombre de vomissements après administration. Ceux-ci s’arrêtent après 30 minutes à une heure. Si les vomissements sont très fréquents, les comprimés risquent d’être vomis avant que le citrate de maropitant soit résorbé, les concentrations plasmatiques maximales étant atteintes en deux heures. Il est alors recommandé d’administrer d’abord la solution injectable à la dose de 1 mg/kg (1 ml/10 kg) par voie sous-cutanée. À la dose de 2 mg/kg, les comprimés peuvent éventuellement prendre le relais les jours suivants si nécessaire. La persistance de l’effet antivomitif est d’environ 24 heures. Un vomitif administré entre 19 et 20 heures après l’administration du maropitant ou d’un placebo ne conduit à observer qu’un seul vomissement en moyenne dans le groupe traité, contre 20 dans le lot placebo.

Un développement spécifique contre le mal des transports

L’indication « prévention des vomissements contre le mal des transports » a nécessité un développement clinique spécifique à une dose d’emploi supérieure : 8 mg/kg. Les essais cliniques contre placebo ont été réalisés chez des chiens connus pour être sujets au mal des transports. Les comprimés ont été administrés une, deux ou dix heures avant le voyage selon les cas (). Dans 84 à 93 % des cas, le maropitant a été efficace contre le mal des transports, alors qu’un placebo ne l’est que dans un cas sur trois ou un cas sur deux. L’efficacité du maropitant dure alors au minimum 12 heures.

La gamme Cerenia® comprend une solution injectable (10 mg/ml) en flacon de 20 ml et des boîtes de quatre comprimés en quatre dosages différents : 16, 24, 60 et 160 mg, ce dernier dosage étant destiné à prévenir le mal des transports.

Le premier antisécrétoire antiacide destiné aux chiens

La gamme Zitac® d’Intervet est plus réduite avec des boîtes de 28 comprimés dosés à 100 ou à 200 mg de cimétidine qui sont destinés « à un traitement de fond d’au moins 28 jours des gastrites chroniques ». Physiologiquement, les cellules de la paroi de l’estomac sécrètent de grandes quantités d’acide chlorhydrique. Mais, les muqueuses gastriques sont protégées de ces agressions acides par une “barrière muqueuse” composée de mucus, de bicarbonates, d’un revêtement épithélial et d’une vascularisation pariétale gastrique (). Une lésion gastrique, une inflammation ou une ischémie gastrique, une diminution du turn over de l’épithélium (par inhibition de la synthèse des prostaglandines E2), etc., sont autant d’éléments susceptibles d’altérer la barrière muqueuse.

Avec les sécrétions acides, les lésions s’aggravent en ulcères gastriques. Les vomissements ne sont alors que les signes de ces lésions gastriques auto-entretenues. La cimétidine est alors efficace pour diminuer les sécrétions acides pendant quelques heures (figure complémentaire sur www.WK-Vet.fr).

La cimétidine à 5 mg/kg est rapidement et presque totalement résorbée (95 %) chez des chiens à jeun. Les pics plasmatiques (2 à 3 µg/ml) sont atteints en 1,5 heure. Avec une demi-vie d’élimination courte (deux heures), l’élimination urinaire est rapide. Toutes ces données justifient un schéma en trois prises par jour (matin, midi et soir). La durée du traitement est de 28 jours au minimum. L’absence d’amélioration en 14 jours ou une amélioration insuffisante devrait amener à recherche la cause sous-jacente. Un régime alimentaire hypoallergénique est toujours conseillé.

Un arrêt des vomissements en environ 11 jours

Un essai clinique contre placebo a inclus 35 chiens atteints de gastrite chronique. Les deux groupes ont reçu un régime hypoallergénique. Le groupe traité reçoit en plus de la cimétidine (5 mg/kg/j pendant 28 jours au minimum). Les vomissements disparaissent chez 15 des 18 chiens (83 %) traités par la cimétidine, en général en 11 jours, souvent dans les deux premières semaines. Chez tous les chiens, une amélioration clinique est notée. Dans le groupe placebo, traité par le seul régime hypoallergénique, une dégradation ou une non-réponse clinique est observée chez 9 des 17 chiens (53 %). En outre, les rechutes sont plus fréquentes dans le groupe placebo (25 % des cas) que dans le lot cimétidine (17 %).

La cimétidine fait partie des molécules sûres d’emploi y compris lors de surdosages importants. Les seuls effets indésirables sont liés à un effet antiandrogénique. Dans de rares cas, un œdème transitoire des glandes mammaires (gynécomastie) chez la femelle ou une réduction du volume de la prostate chez le mâle, sans incidence sur les performances de reproduction, sont décrits dans le RCP.

Des utilisations “hors AMM” curatives et préventives

Ainsi, le comprimé sécable dosé à 100 mg de Zitac® (un demi-comprimé pour 10 kg selon la dose du RCP) peut être employé chez des chiens d’un poids inférieur à 10 kg. Chez le chat, un demi-comprimé administré une fois par jour, le soir, semble donner de bons résultats. Les indications des antisécrétoires sont aussi plus larges que le laisse entendre le RCP : lors de duodénite, de pancréatite, d’œsophagite, voire de tumeur ou d’endoscopie, chaque fois que la muqueuse digestive est lésée, ou menacée de l’être, lors de choc par exemple. En prévention, la cimétidine peut aussi être utilisée en combinaison avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dont les effets indésirables digestifs peuvent apparaître en début de traitement. Il est donc envisageable d’associer, pendant quelques jours, la cimétidine au début d’un traitement AINS susceptible d’être mal supporté.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr