Conduite diagnostique face à un épanchement abdominal - Le Point Vétérinaire n° 286 du 01/06/2008
Le Point Vétérinaire n° 286 du 01/06/2008

Médecine interne chez le chien et le chat

Mise à jour

Conduite à tenir

Auteur(s) : Yvan Gamet*, Karine Savary-Bataille**

Fonctions :
*Consultant itinérant
en médecine interne,
Quartier Cros de la Mûre
84100 Uchaux
**Pfizer santé animale
23-25, rue du Docteur
Lannelongue
75668 Paris Cedex 14

L’échographie est l’examen de choix pour diagnostiquer un épanchement abdominal. Elle est d’une aide précieuse pour guider l’abdominocentèse lors d’épanchement de faible quantité.

Les épanchements abdominaux sont fréquents chez le chien et le chat. Ils peuvent être à l’origine d’une distension abdominale qui motive la consultation ou découverts lors de la réalisation d’examens complémentaires. Les causes étant multiples, seule une approche diagnostique rigoureuse permet d’en déterminer la nature et l’origine, puis de mettre en place un traitement qui n’est pas seulement symptomatique. En premier lieu, le clinicien s’appuie sur l’analyse du liquide d’épanchement, les analyses hémato-biochimiques et l’imagerie médicale.

Étape 1 : suspecter un épanchement abdominal

1. Commémoratifs et anamnèse

Les informations recueillies portent sur les conditions de vie de l’animal, les possibilités de traumatisme ou d’intoxication, l’existence de troubles digestifs (vomissements, diarrhées), d’une polyuro-polydipsie, d’une fatigabilité ou de troubles respiratoires associés, et les antécédents médicaux et chirurgicaux de l’animal.

2. Palpation abdominale attentive

• En quantité suffisante, un épanchement abdominal est à l’origine d’une distension observée par le propriétaire ou décelée dès l’inspection clinique. À ce stade, un signe du flot est palpable. Les autres causes d’augmentation du volume abdominal telles que l’obésité, une organomégalie, voire un syndrome de dilatation-torsion doivent être exclues.

• En quantité plus faible, la présence d’un épanchement peut être suspectée par l’impression filante qu’il confère à la palpation abdominale.

3. Examen clinique exhaustif

Des renseignements complémentaires peuvent être fournis par l’examen clinique minutieux. La palpation des nœuds lymphatiques périphériques dans leur totalité doit être attentive, de même que l’examen de l’appareil cardiovasculaire : couleur des muqueuses et temps de remplissage capillaire, auscultation cardiaque et palpation du pouls fémoral. Il convient de rechercher la présence d’une arythmie, d’un bruit de galop et, lors de souffle, d’en préciser son aire de projection. Une atténuation des bruits cardiaques évoque la présence d’un épanchement péricardique à l’origine d’une tamponnade ou celle d’un double épanchement (épanchements abdominal et pleural). L’observation d’un pouls jugulaire rétrograde qui remonte au-delà du tiers inférieur de la gouttière jugulaire évoque une insuffisance cardiaque droite ou un épanchement péricardique. Il existe chez le chat une particularité : le pouls jugulaire physiologique peut être visualisé dans toute la moitié inférieure de la gouttière jugulaire. De plus, n’importe quelle cause d’épanchement thoracique peut s’accompagner, dans cette espèce, d’une distension de la jugulaire, qui disparaît après thoracocentèse, sauf lors d’insuffisance cardiaque.

Dans le contexte clinique d’un épanchement abdominal, un ictère est généralement le signe d’une atteinte hépatique grave, alors qu’une pâleur des muqueuses celui d’un hémopéritoine ou d’un déficit cardiovasculaire. Malgré l’épanchement, la palpation abdominale permet parfois de détecter certaines organomégalies sous-jacentes.

Étape 2 : confirmation de la présence d’un épanchement

1. Examen radiographique

La mise en évidence d’un épanchement abdominal et l’élimination des autres causes de distension abdominale font appel à la réalisation de clichés radiographiques abdominaux. La présence de liquide entre les surfaces des organes abdominaux provoque une diminution du contraste et donne un aspect en “verre dépoli”. Cela ne doit pas être confondu avec une sous-exposition du cliché. Même lors d’épanchement important et de disparition totale du contraste, des anomalies de taille des organes abdominaux peuvent être suspectées par l’observation du déplacement des structures digestives (axe gastrique, masse intestinale) ( et ). Lorsque la partie caudale du thorax est incluse dans le cliché, il est possible de s’assurer ou non de la présence concomitante d’un épanchement thoracique et d’observer une dilatation ou une tortuosité de la veine cave caudale.

2. Examen échographique

L’échographie détecte la présence d’épanchements abdominaux de faible volume (5 ml/kg et au-delà). En règle générale, l’examen échographique des différents organes abdominaux, de leur taille et de leur structure est facilité. Il est également possible de suspecter une cellularité élevée lorsque l’épanchement n’est pas totalement anéchogène, qu’il présente des volutes ou des hyperéchogénicités focales. Un épaississement et une irrégularité des structures mésentériques peuvent aussi être identifiés. Cependant, l’absence d’atténuation des ultrasons par le liquide d’ascite augmente automatiquement l’échogénicité des différentes structures abdominales. Ainsi, l’interprétation des anomalies observées doit toujours être confrontée aux résultats des autres examens.

3. Abdominocentèse

Une abdominocentèse est systématiquement réalisée sauf lors de suspicion d’une coagulopathie. Elle s’effectue le plus souvent à l’aveugle (encadré 1). La possibilité d’un pyomètre, d’anses intestinales dilatées ou d’adhérences postchirurgicales peut justifier le recours à l’échographie pour guider la ponction, ou la faciliter lors d’un épanchement de faible volume. Elle permet également de réaliser une cystocentèse et des ponctions ou des biopsies des organes abdominaux.

Étape 3 : analyser le liquide d’épanchement

Plusieurs types d’épanchement abdominal se distinguent en fonction de l’aspect macroscopique, mais surtout de la composition chimique et cellulaire (). La reconnaissance de la nature de l’épanchement permet de mieux appréhender les mécanismes à l’origine de sa formation, et ainsi de se rapprocher du diagnostic étiologique.

La connaissance des mécanismes responsables du renouvellement de la quantité infime de liquide normalement présent entre les feuillets du péritoine permet de mieux appréhender les schémas pathogéniques selon le type d’épanchement (encadré 2 et ).

1. Transsudats purs et modifiés

Les transudats purs et modifiés représentent la majorité des épanchements et ont des origines très diverses. Le terme d’ascite au sens strict peut être utilisé pour ce type d’épanchement. La détermination de la concentration en protéines à l’aide d’un réfractomètre, directement ou sur le surnageant de centrifugation lorsque le liquide est trouble, permet de distinguer les transsudats purs et les transsudats modifiés.

Transsudats purs

Les transsudats purs ont une concentration en protéines inférieure à 25 g/l. Ils sont clairs, “eau de roche” à légèrement troubles. Leur cellularité est faible, inférieure à 1 500 cellules/mm3 et composée d’un mélange de cellules mésothéliales, de lymphocytes et d’hématies. Ils sont généralement la conséquence d’une baisse de la pression oncotique sanguine lors d’hypoalbuminémie sévère. L’albuminémie doit être inférieure à 15 g/l pour entraîner à elle seule la formation d’épanchement. De telles hypoalbuminémies surviennent lors de glomérulopathies (glomérulonéphrite et amyloïdose), d’entérites exsudatives et d’insuffisances hépatiques graves (cirrhose, malformations vasculaires congénitales, hépatites chroniques). Plus rarement, l’hypoalbuminémie est absente ou peu importante. L’accumulation d’un transsudat pur s’explique alors par une vascularite ou une hypertension portale préhépatique, qui affecte les vaisseaux portes avant qu’ils ne drainent les sinusoïdes hépatiques. Cela est décrit lors de hernie diaphragmatique, de fistule artério-veineuse hépatique, d’atrésie congénitale de la veine porte, de thrombose, de sténose, de tumeur ou de compression externe de celle-ci [5].

Chez le chat, espèce rarement affectée par les hypoprotéinémies, la présence d’un transsudat pur est décrite en association avec un processus néoplasique ou une insuffisance cardiaque [6].

Transsudats modifiés

Les transsudats modifiés ont une concentration en protéines comprise entre 25 et 50 g/l. Leur cellularité est variable (comprise entre 250 et 30 000 cellules/mm3), composée d’un mélange de cellules mésothéliales et sanguines (hématies, petits lymphocytes, neutrophiles, etc.). Ils ont un aspect macroscopique plus ou moins trouble, séreux à séro-hémorragique.

Ils sont la conséquence d’une augmentation de la pression hydrostatique des capillaires veineux ou lymphatiques des organes abdominaux (insuffisance cardiaque droite, obstruction de la veine cave caudale, fibrose hépatique ou autre affection hépatique, processus tumoral abdominal) ou d’une disruption de l’intégrité vasculaire (processus tumoral abdominal, pancréatite, vascularite). Certaines tumeurs peuvent exfolier des cellules atypiques, ce qui rend possible le diagnostic étiologique à partir de l’examen cytologique de l’épanchement. C’est le cas dans seulement 60 % des épanchements associés à un processus néoplasique abdominal [3]. De plus, il est facile pour un œil non exercé de confondre des cellules mésothéliales réactionnelles avec des cellules néoplasiques.

2. Exsudats

Les exsudats sont des épanchements inflammatoires dont l’aspect macroscopique varie de clair à trouble, de purulent à hémorragique. Leur concentration en protéines est supérieure à 35 g/l, parfois même beaucoup plus élevée. Leur cellularité est souvent importante (supérieure à 30 000/mm3). La mise en évidence d’une population cellulaire en majorité constituée de neutrophiles est l’élément qui les différencie le mieux des transsudats modifiés, alors que les concentrations en protéines et en cellules peuvent être similaires entre les deux types d’épanchement.

Ils se rencontrent lors de péritonite bactérienne chez le chien et le chat et lors de péritonite infectieuse féline (PIF). Dans le premier cas, les neutrophiles sont sous forme de pyocytes (neutrophiles dégénérés) et présentent des images de phagocytose bactérienne dans 85 % des cas [1]. Lors de PIF, à l’inverse, la cellularité globale peut être faible, et les neutrophiles qui restent majoritaires ne sont pas dégénérés ( et ). Les péritonites bactériennes nécessitent une exploration chirurgicale rapide. Elles sont la conséquence de la rupture d’un viscère abdominal (perforation intestinale par un corps étranger, une tumeur, une maladie ulcéreuse; cholécystite bactérienne ; pyomètre ; etc.), plus rarement d’un traumatisme externe pénétrant.

Une inflammation de proximité, par exemple lors de cholangiohépatite chez le chat, peut également être associée à un exsudat abdominal et constituer un défi diagnostique avec la PIF ou une péritonite bactérienne. Une hypoprotéinémie plasmatique modérée peut accompagner les transsudats modifiés et les exsudats. Sa sévérité est insuffisante pour expliquer l’épanchement qui n’est d’ailleurs pas un transsudat. Elle résulte à la fois d’une fuite de protéines dans la cavité abdominale et la lumière intestinale, l’hypertension portale pouvant se répercuter sur la circulation intestinale, et d’un phénomène de dilution par rétention hydrosodique.

3. Autres types d’épanchements

Hémopéritoines

Les hémopéritoines ont un aspect semblable au sang périphérique et un hématocrite comparable. Si l’épanchement est présent depuis plus de quelques heures, il est dépourvu de plaquettes et ne coagule pas à l’air. Ces deux propriétés permettent de s’assurer que la ponction ne concerne pas un vaisseau sanguin ou un organe. Les hémorragies abdominales surviennent à la suite d’une rupture d’organe d’origine traumatique ou tumorale (fréquente lors d’hémangiosarcome splénique ou de carcinome hépatique), ou lors de coagulopathie (intoxication, coagulation intravasculaire disséminée, insuffisance hépatique sévère, etc.). L’identification de cellules tumorales est particulièrement difficile au sein des épanchements hémorragiques dès que l’hématocrite dépasse les 20 % [3].

Ils sont généralement associés à une anémie plus ou moins prononcée. Un délai de quelques heures est nécessaire pour constater une chute de l’hématocrite après un saignement brutal. Des érythrophagocytes (macrophages contenant des globules rouges dans leur cytoplasme) peuvent être visualisés lors de saignement ancien.

Uro-abdomens

Les uro-abdomens sont des épanchements d’aspect séreux à séro-hémorragique, clairs à légèrement troubles, de type transsudat modifié. La concentration élevée de l’épanchement en créatinine (au moins deux fois celle du plasma) permet d’établir le diagnostic. Cytologiquement, les polynucléaires dégénérés et matures prédominent en raison de l’agression chimique du péritoine. Ils sont la conséquence d’une rupture spontanée, traumatique ou iatrogène de la vessie ou de l’urètre. L’anamnèse, ainsi que la biochimie sanguine qui montre rapidement une élévation de l’urée et de la créatinine, parfois associée à une hyperkaliémie, sont des facteurs de suspicion importants.

Cholépéritoines

Les épanchements biliaires ont une coloration jaune, verte ou marron. Ils sont de type transsudat modifié ou exsudat septique lorsque la rupture des voies biliaires complique une cholécystite. La visualisation de cristaux de bilirubine ou une concentration en bilirubine supérieure à celle du sang permet d’établir le diagnostic. Ils peuvent être d’origine traumatique ou survenir secondairement à une affection des voies biliaires (tumeur, lithiase, infection et nécrose). Ils sont associés à une élévation des enzymes hépatiques plasmatiques, notamment des phosphatases alcalines, ainsi que de la bilirubine.

Chylopéritoines

Les épanchements chyleux sont très rares. Ils présentent un aspect laiteux, blanc ou rosé, plus ou moins opaque. La cellularité est variable ; elle est constituée d’une population lymphoïde mature, variablement enrichie d’un contingent inflammatoire (polynucléaires et macrophages). Un étalement frais permet de mettre en évidence des gouttelettes lipidiques.

Le diagnostic définitif nécessite le dosage des triglycérides et du cholestérol. Un épanchement chyleux se caractérise par une teneur en triglycérides supérieure à celle du plasma, alors que celle du cholestérol est inférieure. Si les seules concentrations disponibles sont celles de l’épanchement, un taux de triglycérides supérieur à celui du cholestérol est considéré comme diagnostique. Les chylopéritoines peuvent être d’origine iatrogène, traumatique ou secondaires à une malformation du système lymphatique, à une inflammation ou à une obstruction (néoplasme, torsion, thrombus, etc.) du système lymphatique, voire veineux (péricardite, cirrhose) [2].

Étape 4 : établir un diagnostic étiologique

En parallèle de l’analyse du liquide de ponction et en fonction des premiers éléments de suspicion, la réalisation d’un bilan hémato-biochimique, plus ou moins complet, est indiquée dans la quasi-totalité des cas. Son interprétation s’effectue en parallèle de l’analyse du liquide de ponction et de de l’imagerie médicale, notamment l’échographie.

1. Analyses sanguines

• La réalisation d’une numération et d’une formule sanguines permet de mettre en évidence une anémie régénérative lors d’hémopéritoine, associée ou non à une thrombopénie selon la cause de ce dernier, notamment lors de rupture de tumeur splénique. L’évaluation de la population leucocytaire doit être quantitative, mais également, si possible, qualitative, à la recherche de formes jeunes ou toxiques lors de suspicion de phénomène septique.

• La détermination de l’albuminémie et de la protéinémie totale dans la distinction du schéma pathogénique de la formation des différents types d’épanchements est décisive.

L’élévation des enzymes hépatiques doit être interprétée avec précaution, car elle ne traduit pas forcément la présence d’une insuffisance hépatique à l’origine de l’épanchement abdominal. Les concentrations plasmatiques peuvent être augmentées lors d’insuffisance cardiaque droite et de congestion hépatique, de pancréatite et, d’une manière générale, en réaction à un processus infectieux/ inflammatoire/néoplasique sévère (péritonite, pyomètre, maladie intestinale). Dans un second temps, le dosage des acides biliaires peut être nécessaire à l’évaluation de la fonction hépatique.

Une élévation de la bilirubine est plus spécifique et signe généralement une atteinte grave de la fonction hépatique ou des voies biliaires. Cependant, la résorption d’un hémopéritoine se traduit également par une élévation modérée de la bilirubinémie. L’analyse du liquide abdominal, nettement hémorragique, permet de conclure.

Lors d’une élévation de l’urée et de la créatinine, un uropéritoine doit être envisagé, mais cette augmentation se rencontre aussi lors de déshydratation, d’hypovolémie, d’insuffisance cardiaque ou de syndrome néphrotique, en particulier lorsqu’un traitement diurétique a été mis en place avant l’examen. En dehors d’un diabète ou d’une réaction au stress, l’élévation de la glycémie peut être le signe d’une pancréatite.

Lors d’hypoglycémie et selon le contexte, une péritonite, une insuffisance hépatique sévère, une atteinte pancréatique ou un phénomène paranéoplasique peuvent être suspectés.

• La réalisation d’un ionogramme peut se révéler nécessaire lors de suspicion d’uropéritoine, alors que la calcémie est indiquée si un processus néoplasique est mis en cause.

• Chez le chat, une sérologie FeLV et FIV est systématiquement réalisée, ainsi que la détermination de la T4 totale chez les chats âgés de plus de huitans.

2. Examen échographique

En plus de la topographie, de la morphologie et de l’échostructure des différents organes abdominaux, l’examen échographique abdominal permet d’examiner la vascularisation hépatique et portale à la recherche de signes de congestion vasculaire. L’examen Doppler aide à la mise en évidence d’une diminution, voire d'une inversion de la circulation portale, lors d’hypertension et de shunts acquis. Ces derniers peuvent aussi être visualisés par un examinateur expérimenté. L’examen peut se poursuivre par une échocardiographie.

En cas de transsudat modifié, la fonction cardiaque doit être explorée presque dans tous les cas, au minimum initialement à l’aide de radiographies. Celles-ci permettent de juger de la présence conjointe ou non d’un épanchement thoracique et d’observer la veine cave caudale. En cas de besoin, une échocardiographie est réalisée.

L’identification d’un épanchement abdominal constitue l’étape initiale d’une démarche diagnostique qui s’appuie sur l’intégration des résultats de l’anamnèse, de l’examen clinique, de l’analyse hémato-biochimique, de l’imagerie médicale et, dans tous les cas, de l’analyse physico-chimique et cytologique du liquide d’épanchement.

À l’issue de ces étapes, la cause peut être déterminée ou suffisamment précisée, ne serait-ce par un processus d’exclusion, pour justifier le recours à des techniques d’investigation plus invasives ou moins disponibles, comme une laparotomie exploratrice avec des biopsies systématiques, une laparoscopie ou un scanner.

Encadré 1 : Technique de réalisation de l’abdominocentèse

Différentes techniques permettent de réaliser une abdominocentèse à visée diagnostique. Pour une ponction à l’aveugle, l’animal est maintenu en décubitus latéral droit. La région ombilicale est préparée (tonte et désinfection) sur un carré de 10 à 20 cm de côté. La ponction s’effectue avec des aiguilles 6/10 (23 G) bleues, d’un mouvement lent et régulier, pour limiter les réactions de l’animal. Une première ponction est pratiquée à l’ombilic, suivie, en cas d’échec, de quatre ponctions de part et d’autre de la ligne blanche, en avant et en arrière de l’ombilic, en commençant par la région déclive ( à ). Pour éviter l’aspiration de l’épiploon ou de la graisse abdominale, il convient de ne pas exercer une aspiration trop importante. Il est parfois préférable de réaliser la ponction avec une aiguille initialement non montée, de lui imprimer un léger mouvement de rotation après la procédure, de récupérer les quelques gouttes de liquide qui s’écoulent spontanément avant de connecter une seringue et de collecter une plus grande quantité de liquide. Un étalement frais est réalisé avant de mettre le liquide dans un tube EDTA et un tube sec pour analyse.

Encadré 2 : Mécanismes de la formation d’une ascite

• En temps normal, une quantité infime de liquide sépare les deux feuillets viscéral et pariétal du péritoine, permettant la mobilité des organes abdominaux. Ce liquide est perpétuellement renouvelé sous l’effet de plusieurs forces dites de Starling. D’un côté, la pression hydrostatique intravasculaire favorise l’extravasation des liquides du compartiment vasculaire hépato-splanchnique dans l’espace péritonéal, alors que la pression oncotique sanguine, essentiellement exercée par l’albumine sanguine, tend à les y retenir. Des forces de même nature, mais de sens opposés et de moindre intensité, existent au sein de l’espace péritonéal (pression hydrostatique et pression oncotique). L’effet conjugué de ces quatre forces aboutit à la formation constante d’un liquide abdominal dont la teneur en protéines est de 35 g/l et dont l’excédent est drainé par le réseau lymphatique. Lorsque l’équilibre entre ces différentes forces est rompu, la production de liquide abdominal dépasse les capacités de drainage lymphatique et une ascite se forme. Elle est de type transsudat ou transsudat modifié.

• Pour qu’une baisse de la pression oncotique entraîne à elle seule la formation d’une ascite, l’albumine sanguine doit être sévèrement diminuée, en dessous de 15 g/l. L’ascite formée est un transsudat pur dont la teneur en protéines est inférieure à 25 g/l.

• Une augmentation de la pression hydrostatique constitue une autre cause de formation d’ascite. La totalité du sang des organes abdominaux (estomac, pancréas, rate, intestin grêle et côlon) perfuse le foie par l’intermédiaire de la veine porte. Il se mélange à du sang artériel dans les sinusoïdes hépatiques, puis parvient jusqu’à la veine cave caudale (VCC) par l’intermédiaire des veines hépatiques. L’existence d’un gradient de pression positif entre la veine porte et les veines hépatiques et la VCC permet la diffusion du sang au travers des sinusoïdes hépatiques [4]. La lymphe hépatique est formée à partir du plasma sanguin qui passe au travers des cellules endothéliales sinusoïdales dans l’espace de Disse périsinusoïdal. De là, elle est drainée jusqu’aux espaces portes, puis aux nœuds lymphatiques hépatiques, au cisterna chyli (citerne de Pecquet) et enfin au canal thoracique. L’hypertension portale peut ainsi être catégorisée en fonction du lieu de blocage en hypertension portale :

- préhépatique par obstruction de la veine porte ou d’une de ses branches avant qu’elle ne perfuse le foie ;

- hépatique par obstruction des vaisseaux portes microscopiques, des sinusoïdes hépatiques ou des petites veines hépatiques ;

- posthépatique par obstruction des veines hépatiques majeures, de la VCC ou du cœur.

Selon une autre classification, qui chevauche partiellement la précédente, les causes d’hypertension portale sont présinusoïdales, sinusoïdales ou postsinusoïdales. Avec ce système, les causes d’hypertension portale hépatique peuvent être classées dans l’une ou l’autre des trois catégories si le lieu exact de l’augmentation de résistance est connu. Ce n’est cependant pas souvent le cas chez le chien ou le chat. De plus, chez l’homme, cette localisation peut évoluer au cours de la progression de la maladie.

Chez l’animal, la grande majorité des hypertensions portales sont d’origine hépatique ou posthépatique. Elles sont associées à la formation d’ascites de type transsudat modifié. L’étiologie préhépatique est beaucoup plus rare. Elle se rencontre lors d’une thrombose ou d’une atrésie de la veine porte, de compressions de celle-ci d’origines diverses ou d’une fistule artério-veineuse hépatique. L’hypertension doit alors être sévère et soutenue pour aboutir à la formation d’ascite, car la production de lymphe intestinale surpasse rarement les capacités de résorption. Si de l’ascite est formée, elle peut être de type transsudat, car la lymphe intestinale a une faible teneur en protéines [4].

• Le rein, au travers de la rétention hydrosodique, joue également un rôle dans la formation de certaines ascites, sans que l’ordre d’intervention des différents mécanismes impliqués ne soit totalement élucidé. Selon une première théorie, l’ascite survient initialement à la suite de modifications des forces de Starling, alors que l’activation des systèmes sympathique et rénine-angiotensine-aldostérone à l’origine de la rétention hydrosodique est secondaire à la diminution du volume sanguin circulant. Il s’ensuit une dilution supplémentaire des protéines sanguines et une augmentation du volume sanguin qui accentuent la formation d’ascite. Selon la seconde théorie, plus récente, la rétention sodique rénale est le facteur déclenchant. Elle serait la conséquence d’une production excessive d’un facteur de rétention sodique ou d’une diminution de la synthèse d’un facteur natriurétique. En raison des modifications des forces de Starling dans la circulation abdominale, la rétention hydrique s’effectue de manière préférentielle dans la cavité abdominale sous forme d’ascite.

• Une modification de la perméabilité vasculaire peut être à l’origine de la formation d’ascite. Elle se rencontre lors d’une vascularite, d’une inflammation (pancréatite, etc.) ou d’un processus néoplasique. Le teneur en protéines de ces épanchements est variable.

Références

  • 1 - Costello MF, Drobatz KJ, Aronson LR et coll. Underlying cause, pathophysiologic abnormalities, and response to treatment in cats with septic peritonitis : 51 cases (1990-2001). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2004;225(6):897-902.
  • 2 - Fossum TW, Hay WH, Boothe HW et coll. Chylous ascites in three dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1992;200(1);70-76.
  • 3 - Hirschberger J, DeNicola DB, Hermanns W et coll. Sensitivity and specificity of cytologic evaluation in the diagnosis of neoplasia in body fluids from dogs and cats. Vet. Clin. Pathol. 1999;28(4):142-146.
  • 4 - Johnson SE. Portal hypertension. Part I. Pathophysiology and clinical consequences. Compend. Contin. Educ. Small Anim. Prat. 1987;9(7):741-750.
  • 5 - Johnson SE. Portal hypertension. Part II. Clinical assessment and treatment. Compend. Contin. Educ. Small Anim. Prat. 1987;9(9):917-928.
  • 6 - Wright KN, Gompf RE, DeNovo RC. Peritoneal effusion in cats : 65 cases (1981-1997). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1999;214(3):375-381.
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