Hypertension artérielle pulmonaire et maladie mitrale - Le Point Vétérinaire n° 284 du 01/04/2008
Le Point Vétérinaire n° 284 du 01/04/2008

Cardiologie du chien

Mise à jour

Étude clinique

Auteur(s) : François Serres*, Valérie Chetboul**, Carolina Carlos Sampedrano***, Vassiliki Gouni****, Audrey P. Nicolle*****, Jean-Louis Pouchelon******, Renaud Tissier*******

Fonctions :
*Unité de cardiologie d’Alfort
**Unité de cardiologie d’Alfort
***Unité de pharmacie-
toxicologie
7, avenue du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex

La maladie valvulaire mitrale dégénérative a pour conséquence une augmentation de la pression artérielle pulmonaire, secondairement responsable d’une insuffisance cardiaque droite.

L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une entité pathologique méconnue en médecine vétérinaire. L’augmentation de la pression artérielle pulmonaire peut survenir lors de nombreuses maladies, tout en restant cliniquement inapparente. Son importance est longtemps restée méconnue. Cependant, avec le développement de l’échocardiographie et du Doppler, cette maladie est devenue quantifiable, et son rôle primordial dans la pathologie cardiorespiratoire se révèle peu à peu.

Une étude rétrospective récente, conduite au sein de l’Unité de cardiologie d’Alfort, met en évidence la prévalence notable de l’HTAP chez des chiens soumis à un examen écho-Doppler entre 2001 et 2006 (encadré 1, et ).

Étiologie et pathogénie

Les valeurs normales de pression artérielle pulmonaire chez le chien éveillé au niveau de la mer sont de 15 à 25 mmHg en systole, de 5 à 10 mmHg en diastole et de 10 à 15 mmHg pour la pression moyenne [11]. Elles peuvent augmenter modérément lors d’exercice ou en altitude, mais la plupart des hausses marquées sont pathologiques [11]. L’HTAP se définit par l’augmentation de la pression artérielle pulmonaire systolique ou diastolique. Elle est mesurée directement par cathétérisme cardiaque, ou estimée indirectement par l’examen des débits, ou flux pulmonaire ou tricuspidien (encadré 2). L’HTAP n’est pas une maladie à part entière. Il s’agit plutôt d’une complication associée à de nombreuses affections cardiorespiratoires. Dans de très rares cas, l’HTAP est consécutive à une atteinte vasculaire primitive, et l’hypertension artérielle pulmonaire est dite primitive [6, 12]. Le plus souvent, l’HTAP est secondaire à une autre maladie à laquelle elle est liée par des mécanismes physiopathologiques plus ou moins complexes. Par commodité, trois mécanismes principaux qui peuvent être à l’origine d’une HTAP sont décrits () [11].

1. Augmentation du flux veineux pulmonaire

Après la naissance, les résistances vasculaires pulmonaires, maintenues à un niveau très élevé pendant la vie fœtale, diminuent brutalement sous l’effet de mécanismes hormonaux et du déploiement du tissu pulmonaire à l’air libre (et par la fermeture du canal artériel). La circulation pulmonaire devient un circuit “haute capacité-faible résistance”, qui est normalement séparé de la circulation systémique, dont les résistances sont plus élevées. La persistance d’une communication entre les circulations pulmonaire et systémique est donc à l’origine d’un shunt gauche droite, dont le débit est proportionnel au diamètre du shunt. Les principaux types de shunts congénitaux sont les communications interatriales et interventriculaires, ainsi que la persistance du canal artériel. Lorsque le diamètre de ces shunts est important, le débit pulmonaire peut devenir jusqu’à cinq fois plus élevé que le débit systémique. Cet “hyperdébit” provoque secondairement l’augmentation (ou le maintien à un niveau élevé) de la résistance de la circulation pulmonaire.

2. Diminution du diamètre artériel pulmonaire

Toute maladie à l’origine d’une hypoxie provoque une vasoconstriction artérielle réflexe. Ce réflexe vise à maintenir le rapport ventilation-perfusion lors de lésion du parenchyme pulmonaire, en diminuant la perfusion des alvéoles pulmonaires sous-ventilés au profit du tissu pulmonaire intact. Ce mécanisme devient cependant délétère lors d’hypoxie généralisée, la vasoconstriction étant elle aussi généralisée. Le chien fait partie des animaux chez lesquels (à l’inverse des bovins) la réactivité vasculaire à l’hypoxie est la plus faible [26]. Elle est cependant marquée lors d’hypoxie grave. Cette vasoconstriction réflexe, couramment observée lors d’hypoxie aiguë, est théoriquement réversible. Mais lors d’évolution chronique, elle peut s’accompagner de remaniements tissulaires (hypertrophie de la media et fibrose de l’intima vasculaire), qui diminuent de façon irréversible le diamètre vasculaire. Ce type d’HTAP est retrouvé lors d’obstruction des voies respiratoires (collapsus trachéal, paralysie laryngée, bronchite chronique), ainsi que chez les animaux vivant en altitude. Lors de fibrose pulmonaire, une perte d’élasticité vasculaire liée à l’atteinte interstitielle s’ajoute à la vasoconstriction hypoxique. La diminution du diamètre artériel peut également survenir à la suite d’une lésion vasculaire directe. Lors d’embolie pulmonaire (quelle que soit la nature de l’embole : thrombus, air, graisse ou parasites), une vasoconstriction réflexe est observée, sous dépendance du thromboxane A2, de l’histamine et de la sérotonine. Cette vasoconstriction peut aller jusqu’à l’oblitération vasculaire.

3. Augmentation de la pression veineuse pulmonaire

Il s’agit des causes “postcapillaires” d’hypertension pulmonaire, qui regroupent toutes les maladies entraînant une augmentation de la pression atriale gauche, à la suite d’une insuffisance ou d’une sténose de la valve mitrale. Chez le chien, les maladies à l’origine d’une insuffisance mitrale prédominent : maladie valvulaire mitrale dégénérative (MVM, encore appelée endocardiose mitrale) et myocardiopathie dilatée, plus rarement dysplasie mitrale avec sténose et/ou insuffisance. L’augmentation de la pression atriale gauche entraîne celle de la pression veineuse pulmonaire, qui se répercute à travers les capillaires pulmonaires sur la pression artérielle pulmonaire. Cette augmentation est théoriquement limitée, une élévation de pression capillaire pulmonaire au-delà de 40 mmHg entraînant la formation d’un œdème pulmonaire. La pression dans l’artère pulmonaire peut cependant s’accroître au-delà de cette limite en raison d’une vasoconstriction des artérioles pulmonaires. Cette vasoconstriction, entretenue notamment par l’endothéline, est un mécanisme de protection contre l’apparition d’un œdème pulmonaire. Il vise à limiter l’afflux de sang dans les capillaires pulmonaires déjà en surpression. Il est bien connu lors de sténose mitrale chez l’homme, mais son importance est indéterminée chez le chien [11]. Plus généralement, la prévalence de l’HTAP lors de maladie valvulaire, ainsi que son implication sur la symptomatologie et le pronostic de la maladie restent jusqu’à présent méconnues.

Étude clinique

1. Épidémiologie

La population de 86 chiens présentant une MVM avec une HTAP secondaire est typique de la maladie valvulaire mitrale. Elle est majoritairement constituée de mâles (70,9 %) âgés (11,3 ans en moyenne) et de petites races (poids moyen de 10,3 kg). Trois races représentent à elles seules près de la moitié de l’effectif : le caniche pour 19,8 % des cas, le cavalier king charles pour 14 % et le yorkshire terrier pour 11,6 %.

2. Présentation clinique

Signes cliniques

Les animaux sont, pour une part non négligeable, asymptomatiques. En effet, aucun symptôme cardiorespiratoire n’est rapporté ou observé chez 24,4 % d’entre eux. Ces derniers sont présentés pour des bilans cardiaques préanesthésiques ou gériatriques, à la suite de la détection d’un souffle cardiaque sans symptôme fonctionnel associé. Parmi les animaux symptomatiques, la toux chronique est le signe le plus fréquemment rapporté.

Signes échographiques

• La prévalence et la gravité de l’HTAP augmentent avec la gravité des lésions échographiques (). La dilatation atriale gauche, ainsi que celle du tronc pulmonaire (objectivées par les rapports aorte-atrium gauche et aorte-tronc pulmonaire) sont ainsi significativement corrélées aux pressions artérielles systolique et diastolique (p < 0,05). Cependant, la présence d’une HTAP (le plus souvent mineure à modérée) est détectée chez 18 chiens qui ne présentent pas de dilatation atriale gauche. Ces animaux sont tous atteints d’un reflux mitral important, sur plus de 50 % de la surface atriale gauche, lors de l’examen au mode Doppler couleur [14].

• L’HTAP est responsable de complications cardiovasculaires chez de nombreux animaux. Une dilatation du cœur droit est observée chez 32,6 % des animaux, accompagnée de signes d’insuffisance cardiaque droite chez 18,6 % d’entre eux (le plus souvent une ascite, mais également un épanchement pleural ou péricardique). Cette constatation confirme de précédentes observations chez le chien [9]. Elle souligne également le rôle probable de l’HTAP dans le pronostic de la MVM. Chez l’homme, l’HTAP est un facteur pronostique dont l’influence sur la survie est nettement démontrée [2].

Perspectives thérapeutiques

Le traitement de l’HTAP est peu évoqué dans la littérature vétérinaire. Si de nombreuses molécules sont proposées chez l’homme, les indications vétérinaires validées restent anecdotiques. Deux axes thérapeutiques principaux sont à envisager : traitement étiologique ou symptomatique.

1. Traitement étiologique

Un traitement étiologique est préconisé lorsqu’il est possible (HTAP secondaire). L’HTAP est une affection potentiellement réversible si elle est traitée précocement. Ainsi, la correction chirurgicale lors de shunt cardiaque avec une HTAP secondaire marquée peut être préconisée. Lors d’HTAP secondaire à une insuffisance valvulaire mitrale, seul un traitement chirurgical (valvuloplastie ou pose d’une prothèse valvulaire) permet théoriquement de traiter la maladie. Ces techniques chirurgicales sont peu usitées chez l’animal car elles sont onéreuses et associées à une forte mortalité chez les chiens de petites races [7]. L’intérêt des traitements médicaux pour prévenir, stabiliser ou diminuer l’HTAP secondaire à la MVM chez le chien fait l’objet d’études spécifiques en cours.

2. Traitement symptomatique

Lors d’HTAP primitive ou lorsqu’un traitement étiologique est impossible, l’emploi de molécules à action vasodilatatrice est recommandé. Ce traitement symptomatique de l’HTAP a fait l’objet de nombreux travaux. Six classes médicamenteuses ont été particulièrement étudiées, l’objectif étant d’obtenir un effet vasodilatateur artériel pulmonaire marqué avec un minimum d’effets sur la pression artérielle systémique.

Inhibiteurs calciques

Les inhibiteurs calciques, principalement l’amlodipine, constituent le traitement de première intention recommandé lors d’HTAP chronique modérée chez l’homme [8]. L’effet vasodilatateur est excellent, mais non sélectif, ce qui en contre-indique l’emploi lors d’hypotension systémique.

Prostanoïdes

Les prostanoïdes, au premier rang desquels la prostacycline, sont plus sélectifs de la vascularisation pulmonaire. La prostacycline (PGI2), dérivée de la cascade de l’acide arachidonique, est un vasodilatateur pulmonaire endogène produit par les cellules endothéliales (). Le défaut majeur de la prostacycline est sa faible demi-vie (trois minutes), ce qui restreint son emploi à une administration intraveineuse continue par cathéter central. Son usage reste limité au traitement des HTAP aiguës [8].

Monoxyde d’azote

Le monoxyde d’azote (NO) est également un vasodilatateur pulmonaire endogène produit par les cellules endothéliales, dont le principal défaut est sa courte demi-vie. La supplémentation en arginine (acide aminé précurseur du NO) est proposée.

Inhibiteurs de l’endothéline

Les inhibiteurs de l’endothéline, un peptide à action vasoconstrictrice et stimulant la prolifération cellulaire, ont été notamment étudiés en raison de l’augmentation de la concentration plasmatique d’endothéline plasmatique lors d’HTAP, aussi bien chez l’homme que chez le chien [23]. Le chef de file des inhibiteurs de l’endothéline est le bosentan(1) (Tracleer®). Une nette amélioration clinique est démontrée chez l’homme [17]. La principale limite à son emploi chez le chien est son coût élevé.

Inhibiteurs des phosphodiestérases

Les inhibiteurs des phosphodiestérases constituent une classe pharmacologique étendue. Leurs effets sont liés à l’augmentation de la demi-vie de l’AMPc ou du GMPc, dont ils inhibent la déphosphorylation. De nombreuses classes de phosphodiestérases existent, qui se caractérisent par leurs effets et leurs localisations tissulaires. Les inhibiteurs des phosphodiestérases de classe 5 (PDE5) possèdent un effet vasodilatateur sélectif lié à leur localisation prépondérante dans les cellules musculaires lisses de la vascularisation pulmonaire. Leur action repose sur l’augmentation de la demi-vie du GMPc, second messager du monoxyde d’azote endogène, puissant vasodilatateur produit par les cellules endothéliales. Cette action vasodilatatrice s’exerçant également au sein du corps caverneux de la verge, les troubles de l’érection représentent l’indication originale de ces molécules. Le sildénafil(1) (Viagra®) et le tadalafil(1) (Cialis®) font l’objet de nombreuses études concluantes également dans le traitement de l’HTAP chez l’homme [5]. Chez le chien, le sildénafil a été testé avec succès chez un petit nombre d’animaux, mais son intérêt reste limité en raison d’une demi-vie brève (trois heures) [1, 10]. Le tadalafil(1), dont la durée d’action est supérieure, a fait l’objet d’un seul cas clinique publié [21]. L’emploi d’inhibiteurs des phosphodiestérases de classe 3 ou 4, augmentant la demi-vie de l’AMPc, donc l’action de la prostacycline, est rapporté, mais ne fait pas encore l’objet de publications majeures.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) présentent des propriétés intéressantes qui ont déjà été partiellement explorées chez le chien. L’action vasodilatatrice et antiremaniement tissulaire des IECA découle de la préservation de la bradykinine, qui stimule la production de monoxyde d’azote et de prostacycline par les cellules endothéliales [13, 27].

De plus, les IECA participent au traitement étiologique des HTAP secondaires à une MVM en diminuant la surcharge atriale gauche par baisse de la précharge. Un modèle expérimental d’insuffisance mitrale chez le chien a ainsi démontré que le prétraitement par un IECA limite la mise en place de l’HTAP secondaire [22].

Lors de maladie spontanée, une diminution de l’HTAP est retrouvée, mais uniquement dans le cadre d’étude à court terme [24].

À ce jour, aucun essai à long terme n’a analysé l’efficacité des IECA pour prévenir le développement d’une HTAP et de ses effets secondaires chez le chien atteint de MVM.

L’HTAP est une complication non négligeable de la MVM, qui peut survenir dès les premiers stades de la maladie. Les animaux atteints peuvent être asymptomatiques ou présenter des signes non spécifiques jusqu’à un stade évolué de la valvulopathie. La principale complication de l’HTAP est le développement d’une insuffisance cardiaque droite. À l’heure actuelle, le plus souvent, l’HTAP ne fait pas l’objet d’un traitement spécifique. L’intérêt de nouvelles molécules issues de la pharmacologie humaine (inhibiteurs des PDE5, inhibiteur de l’endothéline) reste à démontrer, ainsi que celui des molécules actuellement disponibles pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque.

  • (1) Médicament à usage humain.

Encadré 1 : Résultats de l’étude clinique

Matériel et méthode

Afin d’apporter quelques éléments de réponse, une étude rétrospective ayant porté sur les chiens présentés à l’unité de cardiologie et soumis à un examen écho-Doppler complet par quatre examinateurs entraînés a été réalisée entre 2001 et 2006. L’examen comprenait une étude des flux pulmonaire et tricuspidien au mode Doppler. Les insuffisances tricuspidiennes et pulmonaires de haute vélocité (supérieures à 2,5 et 2 m/s, respectivement) étaient considérées comme indiquant la présence d’une HTAP systolique ou diastolique, dont la valeur a été calculée par l’emploi de la formule de Bernoulli. Les dossiers cliniques des animaux concernés ont alors été examinés afin de déterminer la cause de l’HTAP et ses conséquences cliniques et paracliniques.

Prévalence de l’HTAP

Sur 1 094 comptes rendus échocardiographiques examinés (dont 617 cas de maladie valvulaire mitrale ou MVM), 155 cas correspondaient aux critères d’inclusion (les chiens présentaient des reflux tricuspidien et/ou pulmonaire supérieurs respectivement à 2,5 m/s et à 2 m/s). L’examen des flux a permis de mesurer une pression artérielle pulmonaire élevée chez ces 155 animaux, pour lesquels au moins une des composantes de la pression artérielle a pu être mesurée quantitativement. Ainsi, chez 111 animaux (71,6 %), seule la pression artérielle pulmonaire systolique a pu être mesurée, la pression diastolique ayant été évaluée isolément chez 15 animaux (9,7 %). Seuls 29 animaux (18,7 %) ont fait l’objet d’une évaluation conjointe des pressions artérielles pulmonaires systolique et diastolique. En se basant sur les résultats des examens cliniques et complémentaires réalisés, une maladie primitive expliquant l’HTAP observée a été retrouvée dans plus de 95 % des cas. Chez 86 animaux (55,5 % des cas), l’HTAP était considérée comme secondaire à l’évolution d’une MVM, aucune affection respiratoire concomitante n’ayant été détectée à l’examen clinique ou radiographique. Les autres cas d’HTAP observés étaient le plus souvent attribués à des affections respiratoires, au premier rang desquelles le collapsus trachéal et la bronchite chronique. D’autres affections cardiaques (shunts, myocardiopathies dilatées, bloc atrioventriculaire, etc.) et des troubles vasculaires oblitérants (thrombo-embolie pulmonaire, angyostrongylose) étaient retrouvés plus rarement.

La MVM représente dans cette étude la cause la plus fréquente d’HTAP. Cependant, l’échantillon de 1 094 chiens étudié n’est pas représentatif de la population générale, un examen échocardiographique ayant été principalement réalisé ici chez les animaux présentant des signes d’appel cardiorespiratoires (par exemple un souffle cardiaque). Cela constitue donc un biais. En revanche, la population de chiens présentant une MVM est représentative de la population générale de chiens atteints de MVM. La prévalence de l’HTAP détectable par l’examen Doppler lors de MVM a ainsi pu être établie à 13,9 %, avec une prévalence croissante avec le stade clinique ISACHC (International Small Animal Cardiac Health Council) [4]. Cependant, ce chiffre sous-estime probablement la prévalence réelle de l’HTAP, car il est fondé sur la présence d’une insuffisance pulmonaire ou tricuspidienne mesurable. Cette population étant relativement homogène, elle a été plus particulièrement étudiée sur les plans épidémiologique et clinique.

Encadré 2 : Méthodes de mesure de la pression artérielle pulmonaire

Plusieurs techniques peuvent être employées pour mesurer la pression artérielle pulmonaire (PAP) de manière invasive ou non.

• La technique invasive nécessite un cathétérisme du cœur droit à partir d’une veine périphérique (jugulaire ou fémorale), la pression étant enregistrée directement au niveau du tronc pulmonaire. Quand elle est réalisée par un opérateur entraîné, cette méthode reste la référence. Elle ne nécessite pas la présence de reflux valvulaire(s), et peut donc théoriquement être réalisée chez tous les animaux. En revanche, elle requiert un matériel onéreux et la réalisation d’une anesthésie pouvant contribuer à sous-estimer la valeur réelle de la PAP.

• La technique Doppler permet de mesurer la PAP de manière non invasive. Cette méthode repose sur l’emploi de l’équation de Bernoulli. Cette équation complexe relie la vitesse d’un flux sanguin passant d’une chambre cardiaque à une autre à la différence de pression (DP, ou gradient de pression) entre ces deux chambres. La version simplifiée est représentée par la formule :

ΔP = PB - PA = 4V2,

où PA et PB représentent respectivement la pression (en mmHg) qui règne dans les chambres cardiaques A et B, et V la vitesse (en m/s) du flux sanguin allant de A vers B. Le gradient à partir de la mesure d’une vitesse ou la pression dans une chambre est estimé à partir d’une vitesse et de la pression de l’autre chambre. La vitesse des flux sanguins est mesurée en utilisant l’examen Doppler continu. Les flux employés pour l’estimation de la PAP sont les reflux d’insuffisance pulmonaire et d’insuffisance tricuspidienne ( et ).

• Lors d’insuffisance pulmonaire, le reflux d’insuffisance va du tronc pulmonaire vers le ventricule droit durant la diastole. En mesurant la vitesse de ce reflux en télédiastole, la valeur du gradient diastolique peut être calculée selon la formule suivante :

ΔPdiastolique = PAPdiastolique - PVentricule droit diastolique = 4Vreflux pulmonaire2

Ainsi, la PAP diastolique est au moins égale à 4Vreflux pulmonaire2.

• Lors d’insuffisance tricuspidienne, le reflux d’insuffisance va du ventricule droit vers l’atrium droit durant la systole. En mesurant la vitesse de ce reflux, la valeur du gradient systolique peut être calculée selon la formule suivante :

ΔPsystolique = PVentricule droit systolique - PAtrium droit = 4Vreflux tricuspidien2, soit PVentricule droit systolique = 4Vreflux tricuspidien2 + PAtrium droit.

Or, en l’absence de sténose pulmonaire, la PAP systolique et la pression ventriculaire droite systolique peuvent être considérées comme identiques, donc :

PAP systolique = 4Vreflux tricuspidien2 + PAtrium droit.

La pression atriale droite physiologique est estimée à 5 mmHg. Elle augmente jusqu’à 10 à 15 mmHg lorsque respectivement l’atrium droit se dilate et que des signes d’insuffisance cardiaque congestive apparaissent [9].

La méthode Doppler, utilisée par un opérateur entraîné, est une technique de mesure sûre, qui peut être répétée et bien corrélée aux mesures invasives [3]. En revanche, elle sous-estime l’incidence réelle de la maladie, car elle repose sur la présence d’une insuffisance pulmonaire ou tricuspidienne, qui n’est présente physiologiquement que chez 50 à 80 % des individus [15, 16].

D’autres marqueurs échographiques de la présence d’une HTAP sont étudiés chez le chien. L’aspect du flux pulmonaire examiné au mode Doppler pulsé peut ainsi être modifié lors d’HTAP [18, 20, 25]. Le flux pulmonaire est normalement d’aspect symétrique, les phases d’accélération et de décélération étant de durée équivalente (). Lors d’HTAP, la durée de la phase d’accélération et le rapport accélération/éjection diminuent (). Dans certains cas, une “encoche” (correspondant à une fermeture partielle des sigmoïdes pulmonaires) est observée durant la systole () [8, 20]. En l’absence de reflux pulmonaire ou tricuspidien, ces marqueurs renforcent une suspicion d’HTAP [18, 20]. D’autres indices dérivés du mode Doppler tissulaire permettent de détecter les HTAP avec une sensibilité et une spécificité encore supérieures [20].

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