Méthode de surveillance de l’anesthésie chez les reptiles - Le Point Vétérinaire n° 283 du 01/03/2008
Le Point Vétérinaire n° 283 du 01/03/2008

ANESTHESIE DES NAC

Infos

focus

Auteur(s) : Samuel Sauvaget*, Delphine Holopherne**, Emmanuel Risi***

Fonctions :
*47, avenue Mermoz, 69008 Lyon
**Service de chirurgie, ENV de Nantes,
Atlanpôle, La Chantrerie, BP 40706
44307 Nantes Cedex 3
***Clinique vétérinaire
22, rue René-Viviani, 44200 Nantes

Les méthodes mises en œuvre chez les mammifères pour la surveillance de l’anesthésie ne peuvent pas toujours être adaptées à chaque espèce de reptiles.

La pratique de l’anesthésie chez les reptiles requiert une connaissance de leurs particularités physiologiques et anatomiques ().

Surveillance clinique

Mouvements et myorelaxation

• Le premier signe d’un début d’anesthésie chez un reptile est la diminution des mouvements volontaires (tableau complémentaire “Critères appréciables des différents stades anesthésiques chez les reptiles”, sur planete-vet.com). Chez les sauriens, le réflexe de retournement disparaît et l’animal placé dans une position s’y maintient. La tête ne se redresse plus lorsque l’animal est saisi par la queue. La disparition du réflexe de reptation est observée chez les ophidiens [3].

• Chez les chéloniens, la myorelaxation est mesurée par l’absence de résistance des muscles du cou et des membres et par l’ouverture de la cavité buccale. Selon le consensus actuel, la myorelaxation progresse de la tête vers la queue. Lors du réveil, les fonctions motrices réapparaissent dans le sens inverse [6, 9, 12]. Enfin, chez les ophidiens, la myorelaxation n’est pas toujours obtenue et ne constitue pas un critère permettant d’apprécier la qualité de l’anesthésie [3].

Réflexes

Plusieurs réflexes permettent d’évaluer la profondeur de l’anesthésie. Cependant, ils sont plus ou moins pertinents ou utilisables en fonction des espèces (tableau complémentaire “Interprétation des réflexes en fonction des grands groupes d’espèces de reptiles vigiles ou anesthésiés”, sur planete-vet.com) [2, 4, 5, 6, 7, 8, 11, 12]. Le réflexe de retournement est le premier à disparaître avec le début de l’anesthésie et le dernier à réapparaître pendant la phase de réveil. Les autres réflexes disparaissent à des moments variables, selon les molécules utilisées et les espèces. Ils sont moins fiables pour évaluer la profondeur de l’anesthésie.

Température ambiante

L’endormissement et le réveil sont corrélés à la température ambiante. Un reptile ne s’endort pas si la température est trop basse et il ne se réveille pas s’il ne se trouve pas dans une atmosphère chaude (incubateur, lampe chauffante, etc.). L’anesthésie doit donc être réalisée sous des conditions thermiques figurant dans la zone de température optimale (ZTO) caractéristique de l’espèce. Un suivi permanent de la température interne de l’animal permet de s’assurer du respect de ce critère [2].

Paramètres cardiorespiratoires

• Le choc précordial est observé chez les serpents retournés sur le dos, mais il n’est pas toujours visible. Les mouvements du cœur sont visualisés en examinant les écailles ventrales situées sur le quart antérieur du serpent. La position du cœur dépend des mœurs de l’animal, selon qu’elles sont terrestres (15 % pour les arboricoles, 25 % pour les non-arboricoles) ou marines (50 %) [2, 12]. La détection du choc précordial par l’apposition des doigts est peu sensible.

• En cas d’anesthésie fixe, les mouvements des côtes peuvent être observés. La fréquence respiratoire doit rester autour de cinq mouvements par minute pour une température d’anesthésie située dans la ZTO [10]. La détection d’une apnée prolongée doit conduire à mettre en place des mesures de réanimation (ventilation). D’autres signes tels que la présence de buée à l’entrée de la sonde endotrachéale ou les mouvements du plancher buccal peuvent être trompeurs et ne sont pas toujours de bons témoins d’une ventilation adéquate.

Monitorage instrumental

Monitorage cardiovasculaire

Stéthoscope

Les écailles des serpents, des lézards et la carapace des tortues provoquent des interférences qui limitent la qualité de l’écoute. Une compresse humide intercalée entre l’animal et le stéthoscope réduit les bruits parasites [10]. Un stéthoscope œsophagien prévient ces difficultés d’acoustique. Il doit être avancé doucement jusqu’à obtenir la meilleure écoute, qui correspond à son positionnement en regard du cœur.

Doppler continu

Chez les sauriens, le cristal est positionné en regard du cœur, qui est situé sous la ceinture pectorale, de l’artère carotide ou encore à la base de la queue. Chez les ophidiens, il l’est en regard du cœur, qui est situé dans le premier quart de la distance nez-cloaque. Le cœur est mobile dans la cavité cœlomique, ce qui peut entraîner des diminutions d’intensité du signal. Le cristal est donc replacé en cours d’intervention. Chez les chéloniens, il est situé dans la fosse axillo-cervicale, à la base du cou. Selon la position, il détecte soit l’artère carotide, soit le cœur. La difficulté consiste à faire tenir le cristal à cet endroit [2, 4, 7, 9, 10].

Il existe différentes sondes (adultes, pédiatriques, stylos). Les sondes pédiatriques ont une meilleure sensibilité pour détecter les flux dans les petits vaisseaux et sont préférentiellement utilisées chez les reptiles [12].

Électrocardiographie

L’électrocardiographie (ECG) est utilisée pour surveiller l’activité électrique du cœur, et donne des indications sur la fréquence et le rythme cardiaques. Le tracé ECG est similaire à celui des mammifères, auquel s’ajoute parfois une onde SV (sinus venosus) qui précède l’onde P. L’interprétation des tracés est relativement délicate en raison des faibles amplitudes électriques et de la non-détermination des valeurs normales d’amplitude et de durée des ondes électriques [4, 13].

Les électrodes sont positionnées de la même manière que chez les mammifères. De petites variantes permettent d’améliorer la qualité du signal. Chez les sauriens, les électrodes antérieures sont placées en position cervicale car le cœur est situé sous la ceinture pectorale. Chez les ophidiens, les électrodes sont placées à une distance correspondant à deux fois la longueur du cœur, cranialement et caudalement au cœur. Chez les chéloniens, les électrodes antérieures sont posées sur la peau entre le cou et les membres antérieurs [4, 7, 9, 10]. Le tégument recouvert d’écailles des reptiles n’est pas un bon conducteur et l’activité électrique du cœur est mal transmise, surtout si les électrodes sont simplement posées sur le corps de l’animal. Afin d’améliorer la transmission du signal, celles-ci peuvent être reliées à des nœuds réalisés avec du fil de suture en acier, à des aiguilles plantées dans le tissu sous-cutané ou encore à des agrafes chirurgicales.

Monitorage respiratoire

L’anesthésie d’un reptile implique presque toujours une ventilation assistée qui limite la mise en place d’un monitorage de détection des mouvements respiratoires [2]. Un détecteur d’apnée ne peut donc pas être utilisé dans ce cas-là.

Oxymétrie de pouls

Plusieurs obstacles limitent l’utilisation d’un oxymètre de pouls chez les reptiles. Tout d’abord, les sondes les plus couramment utilisées sont des matériels auriculaires ou digitaux peu adaptés, sauf chez les lézards de grande taille. La pose d’une sonde pédiatrique autour de la queue ou d’une patte est limitée par la présence d’une pigmentation du tégument qui fausse les résultats. Le positionnement des capteurs dans l’œsophage ou le cloaque sont les seuls qui offrent des résultats interprétables [4, 7, 9, 10]. De plus, l’oxymétrie de pouls est développée spécifiquement chez l’homme, en utilisant les caractéristiques de transport de l’oxygène par l’hémoglobine de mammifère. La calibration de l’oxymètre suppose qu’il n’existe que deux types d’hémoglobine dans le flux sanguin : l’oxyhémoglobine et l’hémoglobine. Si de la méthémoglobine ou de la carboxyhémoglobine est présente, elles sont interprétées comme étant respectivement de l’oxyhémoglobine et de l’hémoglobine. Les taux de méthémoglobine chez les reptiles sont parfois très élevés, même chez les individus en bonne santé. Chez les chéloniens, des taux de méthémoglobine supérieurs à 15 % sont normaux et des valeurs de plus de 90 % ne sont pas exceptionnelles. Ces valeurs impliquent des erreurs dans les résultats fournis par l’oxymètre chez les reptiles [4].

Capnographie

La capnographie est un instrument très utile chez les mammifères, mais son efficacité chez les reptiles dans la surveillance de la fonction respiratoire n’est pas démontrée. La présence de shunts intracardiaques droite-gauche dans le cœur des reptiles court-circuite la circulation pulmonaire. Par conséquent, la mesure de la concentration en CO2 dans les gaz expirés ne reflète pas la pression partielle sanguine de CO2 [4, 10]. La capnographie n’est donc pas adaptée au monitorage respiratoire chez les reptiles [2, 4, 9, 10].

Gaz du sang

L’analyse des gaz du sang est sujette à de nombreuses erreurs d’interprétation. Plusieurs facteurs comme le site de prélèvement, les espèces, la concentration en oxygène inspirée, la thermorégulation et le statut ventilatoire de l’animal (ventilation spontanée ou assistée) affectent l’interprétation des valeurs de gaz du sang. Le site de prélèvement idéal est l’artère carotide car il reflète le sang perfusant l’encéphale [10].

Les reptiles ont tendance à mieux supporter des variations importantes de pH, de pression partielle en CO2 et en O2 que les mammifères. Les normes valables chez ces derniers ne peuvent donc pas être transposées aux reptiles. Les pressions partielles en CO2 et en O2 sont inférieures chez les reptiles par rapport aux mammifères, probablement en raison de la physiologie cardiaque particulière. D’après les connaissances actuelles, l’analyse des gaz du sang chez ces nouveaux animaux de compagnie, dans le monitorage de la respiration, ne constitue pas une méthode de choix [4].

Le Doppler et l'électrocardiographie sont indiqués dans la surveillance de la fonction cardiovasculaire. La fonction respiratoire peut être contrôlée par oxymétrie dans des conditions particulières (capteur adapté, comparaison avec les valeurs avant anesthésie), bien souvent difficiles à obtenir en pratique courante.

Les photos qui illustrent cet article sont consultables sur planete-vet.com

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