ECG et myocardiopathie hypertrophique - Le Point Vétérinaire n° 283 du 01/03/2008
Le Point Vétérinaire n° 283 du 01/03/2008

Cardiologie du chat

Pratique

Cas clinique

Auteur(s) : François Serres*, Valérie Chetboul**, Carolina Carlos Sampedrano***, Vassiliki Gouni****, Jean-Louis Pouchelon*****

Fonctions :
*Unité de cardiologie, ENV d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94700 Maisons-Alfort

Lors de déviation axiale gauche, l’aspect des ventriculogrammes est pathognomonique d’une modification de la taille du cœur gauche. La réciproque ne se vérifie pas toujours.

Un chat européen mâle castré âgé de deux ans est présenté au service des urgences pour des difficultés respiratoires qui évoluent depuis plusieurs semaines. Récemment, son état s’est aggravé.

Diagnostic

• L’animal est légèrement amaigri et polypnéique (90 mouvements respiratoires par minute).

L’examen cardiovasculaire révèle une fréquence cardiaque de 200 bpm associée à un rythme irrégulier. Aucun bruit cardiaque surajouté n’est mis en évidence lors de l’auscultion.

• Un examen radiographique du thorax révèle un épanchement pleural abondant, qui empêche la visualisation des contours du cœur.

• Un examen électrocardiographique est réalisé afin de caractériser l’irrégularité auscultée (). Le rythme est majoritairement sinusal, mais la présence de plusieurs accidents non sinusaux qui correspondent à des extrasystoles d’origine ventriculaire est constatée. Ces accidents observés sur le tracé expliquent le rythme irrégulier. L’examen des ventriculogrammes sinusaux montre également des anomalies. La projection est nulle en dérivation 1 (D1) et négative en D2 et D3 (aspect en rS) ; cela traduit une déviation de l’axe électrique à gauche. Les ventriculogrammes sont également de durée légèrement augmentée (0,05 s). Cet aspect est caractéristique d’une déviation axiale gauche, compatible avec une hypertrophie/dilatation ventriculaire gauche, potentiellement associée à une anomalie de la conduction intraventriculaire gauche. Ce tracé oriente l’origine de l’épanchement pleural vers une anomalie cardiaque.

• Un examen échocardiographique est donc réalisé afin de confirmer la suspicion de cardiopathie. L’examen en modes bidimensionnel et temps-mouvement révèle une dilatation biatriale marquée associée à une hypertrophie ventriculaire gauche, évocatrice de l’évolution d’une myocardiopathie hypertrophique (MCH). La nature primitive de cette hypertrophie ventriculaire est confirmée par la mesure de la pression artérielle systémique dans les intervalles de référence. Un traitement diurétique à base de furosémide (Furozénol®) est instauré à la dose de 2 mg/kg par voie intramusculaire (les administrations ultérieures étant décidées selon la fréquence respiratoire), associé à l’administration d’héparine (héparine Choay®(1)) à la dose de 150 UI/kg toutes les huit heures par voie sous-cutanée, en raison du risque élevé d’accident thrombo-embolique chez cet animal.

Discussion

• La MCH est la principale cardiopathie chez le chat. L’évolution peut être silencieuse et la maladie cliniquement indétectable jusqu’à un stade avancé. Ainsi lors du diagnostic, près d’un tiers des chats ne présente aucune anomalie à l’auscultation [3].

• Dans le cas décrit, l’irrégularité du rythme est un signe d’appel de cardiopathie malgré l’absence de souffle cardiaque. L’hypertrophie myocardique peut entraîner l’apparition de troubles du rythme, en particulier d’extrasystoles ventriculaires décrites chez 10 % des animaux (et jusqu’à 30 % chez les animaux symptomatiques) [1]. L’examen ECG a permis d’identifier non seulement l’arythmie, mais aussi des signes de modification profonde de la morphologie ventriculaire gauche.

• Cet aspect des ventriculogrammes est décrit par certains auteurs comme traduisant une atteinte de l’un des deux faisceaux de conduction guidant l’influx électrique au sein du myocarde ventriculaire gauche, appelée “bloc fasciculaire antérieur gauche” [1, 2]. Il serait caractéristique de la présence d’une MCH chez le chat. En revanche, il n’est pas systématiquement retrouvé associé à cette cardiopathie. Il est en effet observé chez seulement 11 % des animaux atteints de MCH [1].

  • (1) Médicament à usage humain.

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