Surveillance de l’anesthésie générale chez les oiseaux - Le Point Vétérinaire n° 282 du 01/01/2008
Le Point Vétérinaire n° 282 du 01/01/2008

ANESTHÉSIE DES NAC

Infos

focus

Auteur(s) : Samuel Sauvaget*, Emmanuel Risi**, Delphine Holopherne***

Fonctions :
*Clinique vétérinaire
47, avenue Mermoz, 69008 Lyon
**ENV de Nantes, Route de Gachet
Atlanpôle - La chantrerie, BP 40706
44307 Nantes Cedex 3

Les spécificités anatomiques et physiologiques des oiseaux ont des conséquences sur la surveillance clinique et instrumentale lors de leur anesthésie.

Contrairement aux petits mammifères, les occasions d’anesthésier des oiseaux sont rares. Cela nécessite une bonne connaissance de leur physiologie et de leur anatomie (). Des signes cliniques particuliers ainsi qu’une instrumentation adaptée permettent de contrôler la profondeur de l’anesthésie et les fonctions vitales.

Surveillance clinique

Mouvements

Les mouvements volontaires sont possibles lorsque l’anesthésie est trop superficielle. Ils disparaissent lors de l’entrée dans une phase plus profonde () [1, 2, 4].

Myorelaxation

L’évaluation de la myorelaxation s’effectue par l’ouverture du bec : le tonus est encore présent en cas d’anesthésie superficielle. Elle s’estime également au niveau du cou : il doit être flasque au stade chirurgical et se raidir petit à petit pendant le réveil [1, 2, 4].

Réflexes

Le réflexe cornéen correspond à un mouvement latéral de la troisième paupière quand la cornée est effleurée. Sa disparition indique une anesthésie trop profonde.

Le réflexe palpébral disparaît au stade de l’anesthésie chirurgicale. Le réflexe podal, en réponse à un stimulus douloureux, correspond à une flexion des doigts d’un pied dont le coussinet métatarsien a été stimulé par un objet pointu ou pincé. Peuvent également être stimulés les cirres, le bec, la crête, les doigts. Les réations doivent être absentes pour une anesthésie à visée chirurgicale.

Le réflexe cloacal est évalué lorsque le bord du cloaque est légèrement pincé ou piqué. Il ne doit pas se contracter si l’anesthésie est chirurgicale. Lorsque le réflexe d’arrachement d’une plume de couverture est testé, l’animal n’a pas de réaction si l’anesthésie est chirurgicale. Ces réflexes sont difficilement interprétables avec les anesthésiques dissociatifs et doivent être pris en compte avec les autres paramètres cliniques [1, 2, 4, 5, 6].

Paramètres cardiovasculaires

L’observation du choc précordial est quasi impossible en raison du plumage, du bréchet et de la masse musculaire pectorale. Il peut être ressenti en pinçant le bréchet. Le pouls est palpé sur l’artère alaire (humérus) [1, 2, 4].

Paramètres respiratoires

Les mouvements de la cage thoracique permettent d’estimer la rapidité, la régularité et la profondeur de la respiration. Lorsque celle-ci devient lente, irrégulière et superficielle, l’anesthésie a atteint un stade trop profond qui peut précéder un arrêt respiratoire. Les champs opératoires rendent parfois ces observations difficiles, et un monitorage instrumental est souvent utile [1, 2, 4].

Monitorage instrumental

Monitorage cardiovasculaire

• Le stéthoscope

La fréquence et le rythme difficilement audibles et évaluables font du stéthoscope un instrument peu satisfaisant dans le monitorage de l’anesthésie des oiseaux [1].

• Le Doppler

La sonde peut être placée à différents endroits : sur la cage thoracique en regard du cœur, au niveau des artères humérale distale, métatarsienne, tibiale, des veines ulnaire et tarsométatarsienne médiale (photo complémentaire, sur planete-vet.com). Sa position est choisie selon le site opératoire [4, 5].

• L’électrocardiographie

L’examen électrocardiographique des oiseaux est peu différent de celui des mammifères.

Les complexes QRS sont habituellement négatifs, les ondes T plus faibles et les ondes P de plus grande amplitude. C’est l’instrument de choix dans le monitorage cardiovasculaire [3]. Les électrodes sont placées sur le carpe de chaque aile et le tarsométatarse en position distale latérale ou latéralement au cloaque. Les électrodes atraumatiques autocollantes sont préférées à celles de type pince crocodile (). Il convient alors de retirer quelques plumes sur le site de fixation. Elles peuvent aussi être placées sur des sutures en acier fixé dans le tissu sous-cutané [4, 5]. Les appareils disponibles étant conçus pour un usage en médecine humaine, l’interprétation des alarmes doit s’effectuer avec discernement.

Monitorage respiratoire

• L’oxymétrie de pouls

Un oxymètre pulsé avec une sonde cloacale permet d’obtenir des valeurs de concentration en oxygène dans le sang et de fréquence cardiaque [1, 2, 4, 5].

Ce procédé reste limité, avec une interprétation des résultats difficile. L’oxymètre doit être manipulé avec précaution et une bonne connaissance anatomique du système circulatoire est nécessaire. Sa mauvaise utilisation peut donner une fausse impression de sécurité et entraîner une baisse d’attention vis-à-vis des autres paramètres à surveiller [4].

• Le détecteur d’apnée

Le détecteur d’apnée est intéressante chez les oiseaux à condition que leur masse soit suffisante (au minimum 300 g). En effet, ce genre d’appareil mesure la différence de changements thermiques entre les gaz inspirés et expirés. Ce gradient de température peut se révéler indétectable chez les oiseaux de petite taille en raison de leur faible volume respiratoire. De plus, le capteur du détecteur rajoute un espace mort conséquent entre la sonde trachéale et le circuit d’anesthésie.

• La capnographie

Une étude montre une bonne corrélation entre la pression de CO2 dans l’air expiré et la pression partielle sanguine artérielle en CO2 chez des aras anesthésiés à l’isoflurane sous ventilation à pression positive intermittente [3]. En ventilation spontanée, l’espace mort du capteur de capnographe contre-indique l’utilisation de ce appareil chez les animaux les plus petits (poids < 500 g).

• Les gaz du sang

Les gaz du sang, si le matériel est disponible, peuvent être mesurés. Cependant, en plus des difficultés relatives à l’utilisation de ce matériel, les érythrocytes aviaires sont nucléés. Il convient donc de prévoir un taux plus élevé de consommation cellulaire en oxygène dans le prélèvement et, si l’analyse n’est pas effectuée immédiatement, l’échantillon doit être placé dans la glace [1]. Les analyseurs de gaz sanguins utilisés en médecine humaine sont calibrés pour la température normale du corps humain. Les oiseaux ont des températures plus élevées et les valeurs doivent être calculées par rapport à chaque individu [1].

Bien que les références pour chaque espèce ne soient pas encore établies, la pression partielle en CO2 est plus basse que celle des mammifères (28 à 34 mm Hg) [1].

Surveillance de la température

L’utilisation d’une sonde thermométrique permet de suivre de façon continue l’évolution de la température corporelle au cours de l’intervention.

Les éléments du monitorage permettent d’établir les différents stades anesthésiques. La surveillance de signes cliniques spécifiques aux oiseaux et la mise en place d’une instrumentation permettent de contrôler la profondeur de l’anesthésie. Les résultats obtenus grâce aux appareils de monitorage doivent être interprétés de manière critique au risque sinon d’être une source d’erreurs parfois fatales pour l’animal. Des études sont encore nécessaires afin de valider ou de développer les techniques de monitorage.

Le respect des conditions peropératoires (diète très courte, voire nulle, maintien de la température) et opératoires (anesthésie gazeuse et oxygénation, contrôle de manière précise et efficace de l’hémostase, mise en place d’une analgésie, contrôle de la profondeur de l’anesthésie et le maintien de l’homéostasie) associé à une surveillance attentive doit permettre de conduire l’anesthésie d’un oiseau dans des conditions optimales de sécurité.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr