Plan national antidouleur arthrosique : 18 recommandations - Le Point Vétérinaire n° 282 du 01/01/2008
Le Point Vétérinaire n° 282 du 01/01/2008

ANTALGIE DU CHIEN

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Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, Square de Tourville
44470 Carquefou

Six experts, trois enseignants et trois praticiens, ont élaboré un consensus pour améliorer la prise en charge de la douleur arthrosique chez le chien.

Sous l’égide du Syndicat de l’industrie du médicament vétérinaire (SIMV), trois laboratoires (Boehringer Ingelheim, Merial et Pfizer) ont demandé à un groupe de six experts français multidisciplinaires(1) d’établir un consensus sur les recommandations scientifiques à préconiser pour une meilleure prise en charge de la douleur arthrosique canine. Ces recommandations sont à la source du plan national antidouleur arthrosique intitulé projet Panda. Ce dernier découle d’un constat partagé : le praticien français diagnostique deux fois moins d’arthrose que ses confrères des autres pays européens (15 % versus 25 à 35 % dans les autres pays). En outre, il traite contre la douleur un tiers de ces cas (33 %), les praticiens des autres pays entre 48 et 76 %. Ce plan Panda est publié sous la forme d’un guide de 56 pages diffusé par les trois laboratoires. Seuls les points clés sont résumés ici.

Définition, dépistage et diagnostic

Recommandation n° 1 : définition

L’évolution de la douleur arthrosique peut se décomposer en trois étapes :

- une phase épisodique où la douleur est absente entre deux épisodes aigus (douleur par excès de nociception) ;

- une phase évolutive où la douleur, liée à une hyperalgésie périphérique et probablement centrale, est permanente avec des épisodes plus aigus ;

- une phase avancée où la douleur, associée à une hyperalgésie centrale, est permanente et d’une intensité plus élevée (palier II ou III) ().

Recommandation n° 2 : dépistage

Les critères d’alerte d’une douleur arthrosique correspondent à l’apparition de signes fonctionnels et/ou à une modification de comportement. En dehors d’un épisode aigu, si l’animal n’est pas régulièrement suivi, un dépistage systématique est recommandé une fois par an au minimum, en fonction des facteurs de risque.

Recommandations nos 3 et 4 : diagnostic et graduation

Les moyens nécessaires au diagnostic de la douleur arthrosique comprennent la sémiologie et les techniques d’examen de l’appareil locomoteur, la reconnaissance des signes du ressenti douloureux, les modifications du comportement, les facteurs de risque (race, âge, surpoids, antécédents, etc.). Il n’existe aucune corrélation entre les lésions articulaires (radiologiques et la douleur).

Traitement de la douleur arthrosique

Recommandations nos 5 et 6 : traitement

Le traitement de l’arthrose est multimodal et associe, selon les cas, des mesures de nature étiologique (chirurgie lors de rupture du ligament croisé, etc.) ou préventive (sélection génétique), un traitement médical, des mesures hygiéniques (comprenant un exercice physique modéré, la lutte contre le surpoids), et enfin, le cas échéant, un traitement chirurgical palliatif. Le traitement médical fait appel essentiellement à des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), associés éventuellement à d’autres analgésiques. Les “chondroprotecteurs” et les autres suppléments nutritionnels ne font pas partie du traitement médical de l’arthrose.

Recommandation n° 7 : administration d’anti-inflammatoires

Les AINS sont le traitement fondamental de la douleur arthrosique dans les trois phases. D’autres moyens analgésiques peuvent être associés lors des épisodes aigus douloureux. Les effets bénéfiques des AINS sont démontrés et temps-dépendants. Les risques sont liés aux effets indésirables. Les effets digestifs sont fréquents entre trois et dix jours après le début du traitement mais peu graves. Leur incidence diminue après dix jours de traitement ainsi que pour des molécules inhibant préférentiellement (carprofène, méloxicam) ou sélectivement la cox-2 (firocoxib). Les effets rénaux (insuffisance rénale aiguë par hypoperfusion) sont rares mais graves.

Il est recommandé de changer d’AINS en cas d’effets indésirables ou de manque d’efficacité en respectant une période sans traitement de trois à cinq jours.

Recommandation n° 8 : initialisation du traitement

Le traitement contre la douleur arthrosique ne doit pas être différé dès que la douleur arthrosique est objectivée, le retarder affecte significativement ses résultats et les délais avant amélioration.

Recommandations nos 9 et 10 : durée et dose

Durant la phase épisodique, la durée de traitement antalgique recommandée est d’une à deux semaines. Au cours de la phase évolutive ou avancée, la douleur est chronique, un traitement de longue durée (au minimum six semaines) est conseillé avec un suivi approprié. Lors des phases évolutive et avancée, le traitement aux AINS ne doit pas être interrompu. La dose d’autorisation de mise sur le marché est celle qui est préconisée dans les traitements longs.

Suivi de l’animal traité

Recommandations nos 11 et 12 : planification

Tout animal traité doit bénéficier d’une surveillance systématique, planifiée, particulièrement en cas de traitement long ou permanent (). Ce suivi est enregistré dans le dossier médical.

La relance des propriétaires qui ne respectent pas ou plus le protocole de suivi se justifie médicalement et éthiquement.

Recommandation n° 13 : précautions

L’insuffisance rénale chronique n’est pas une contre-indication à l’utilisation des AINS, avec dans ce cas particulier une recherche de la dose minimale efficace.

L’existence avant le traitement de vomissements et de diarrhées fréquents constitue une contre-indication relative des AINS compte tenu d’un risque d’aggravation de ces troubles.

L’inhibition des plaquettes par les AINS vétérinaires peut favoriser des saignements, non pas chez l’animal sain, mais chez un chien prédisposé à des troubles de la coagulation.

Il est préférable d’éviter d’associer deux AINS, voire d’enchaîner deux traitements sans période d’interruption de trois à cinq jours. La dangerosité longtemps affirmée de l’association corticoïdes-AINS, qui a conduit à la contre-indiquer, est remise en question.

L’association inhibiteurs de l’enzyme de conversion et AINS est moins redoutée que par le passé et ne se révèle dangereuse que lors des stades avancés de l’insuffisance cardiaque.

Malgré le fort taux de liaison des AINS aux protéines plasmatiques, aucune interaction réellement risquée en médecine vétérinaire n’est liée à la compétition sur les sites de fixation aux protéines plasmatiques.

Il est recommandé, pour tout animal sous traitement AINS et devant subir une anesthésie générale, de mettre en place une exploration biochimique préopératoire de la fonction rénale, un monitoring cardiovasculaire peropératoire (pression artérielle notamment) afin d’assurer un maintien de la perfusion rénale, des moyens de réanimation non spécifiques de manière systématique (fluidothérapie) ou spécifiques (inotropes positifs) permettant le maintien de la pression artérielle, une mesure de la diurèse en phases per- et postopératoire (la valeur normale minimale étant de 2 ml/kg/h).

Recommandation n° 16 : suivi par le propriétaire

Au jour le jour, le propriétaire est chargé de surveiller d’éventuels effets secondaires, le comportement de l’animal, ainsi que sa qualité de vie et de locomotion (consignes d’exercice). De semaine en semaine, il doit observer l’évolution de la silhouette et du poids de son animal, de l’amplitude et du confort à la mobilisation des articulations arthrosiques, de la masse musculaire des membres touchés (détection d’atrophie).

Règles de prescription et de délivrance

Recommandation n° 18

Avant toute prescription ou renouvellement, un examen clinique de l’animal est obligatoire. Pendant la durée du traitement indiquée sur l’ordonnance, le renouvellement de la délivrance sans examen clinique est possible ; les quantités maximales délivrées en une seule fois ne doivent pas excéder un mois (ou trois mois si le conditionnement unitaire y est adapté).

  • (1) Groupe d’experts composé de B. Bouvy, praticien exerçant au centre hospitalier vétérinaire Frégis à Arcueil (Val-de-Marne), J.-P. Genevois, professeur de chirurgie à l’ENV de Lyon, M. Gogny, professeur de pharmacologie à l’ENV de Nantes, D. Holopherne, enseignante en anesthésiologie à la même école, S. Mahler, praticien, consultant en chirurgie des animaux de compagnie à Acigné (Ille-et-Vilaine) et J.-F. Rousselot, praticien exerçant à la clinique vétérinaire des Camélias à Colombes (Hauts-de-Seine).

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