Radiographie des flux de clients en pratique canine - Le Point Vétérinaire n° 281 du 01/12/2007
Le Point Vétérinaire n° 281 du 01/12/2007

GESTION DE LA CLIENTÈLE

Infos

focus

Auteur(s) : Philippe Laravoire*, Yannick Poubanne**

Fonctions :
*16, allée des Fausses-Reposes
92370 Chaville
**DBM, 6, bis rue Georges-Clemenceau
78000 Versailles

Connaître les flux de clients au sein des cliniques canines permet au vétérinaire d’analyser sa propre situation et de prendre conscience de l’intérêt majeur de fidéliser sa clientèle.

Devant la concurrence accrue, l’exigence grandissante des clients, l’accroissement des investissements nécessaires pour rester à la pointe de la technicité, la multiplicité des produits qui alourdissent les stocks, le praticien ne peut plus se contenter d’être seulement un “soignant”. Véritable chef d’entreprise, il doit manager son équipe, optimiser ses stocks, faire les bons choix d’investissements, mais surtout gérer sa clientèle, car l’un des principaux moteurs de développement d’une profession libérale est l’augmentation du nombre de clients réguliers.

Perpétuelle évolution de la clientèle

Une clientèle se renouvelle en permanence. Tous les jours, des clients disparaissent et de nouveaux se présentent dans la clinique. Néanmoins, une partie d’entre eux reste. Connaître l’importance de ce phénomène de renouvellement est nécessaire, dans la mesure où le nombre de clients est un des piliers de l’accroissement de valeur d’une entreprise, une garantie de création d’emplois et une sécurisation des investissements. Lors d’une étude menée sur l’impact du bouche-à-oreille sur le développement d’une clientèle vétérinaire, des données concernant les flux de clients ont été recueillies (encadré) [3].

Analyse dynamique d’une clientèle

• Un taux de renouvellement de la clientèle d’environ 29 % est mis en évidence (). Le nombre de clients perdus est très proche du nombre de nouveaux clients, ce qui explique que, en moyenne, la clientèle d’une clinique vétérinaire en France est stable d’une année sur l’autre. Si les écarts entre les structures, en ce qui concerne les taux de rétention des clients, sont significatifs, avec plus de 82 % pour la meilleure clinique et 50% pour la moins performante, l’indicateur pertinent pour juger du développement de la clientèle est le “solde migratoire”. Il est égal au nombre de nouveaux clients moins celui de clients perdus. La meilleure clinique enregistre un solde positif de 21 % quand la plus critique affiche un solde négatif de 13 %.

• À l’exception de l’arrivée du premier animal dans un foyer, un nouveau client pour une clinique est toujours perdu pour une autre. L’analyse de la composition des flux sortants montre que 14 % des clients s’en vont pour cause de déménagement, 13 % pour insatisfaction et 1 % sous l’influence du bouche-à-oreille [3]. Ces résultats sont comparés, dans un premier temps, avec ceux de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui annonce que 12 % de la population française déménage chaque année, avec des soldes migratoires qui varient en fonction des régions mais qui restent faibles : - 1,2 % par an pour la région la moins attractive et + 0,8 % pour la plus attractive [1].

Le comportement possible des clients est, dans un second temps, analysé en fonction de leur niveau de satisfaction. Pour cela, la grille d’interprétation de ce paramètre proposée par Jones et Sasser est associée aux chiffres de satisfaction des clients récoltés dans 35 cliniques vétérinaires canines () [2, 4]. Ce tableau démontre combien il est important de rendre ses clients “très satisfaits” et de ne pas se contenter d’une clientèle “plutôt satisfaite” car ce niveau de satisfaction ne garantit pas sa fidélité [2].

Analyse statique d’une clientèle

Le résultat de l’analyse des flux de clientèle est apprécié à travers l’étude de l’ancienneté des clients et le nombre de vétérinaires différents expérimentés par chaque client.

Panelvet permet d’identifier les clients “fidèles” au sens où ils sont revenus au moins une fois chaque année depuis au moins cinq ans. Ils représentent 33,6 % des clientèles étudiées en 2006. Qualivet permet de calculer l’ancienneté moyenne de la clientèle vétérinaire : elle est de 5,2 ans.

La fidélité des clients peut également être quantifiée par le nombre de vétérinaires qu’ils ont déjà consultés. Dans l’enquête quantitative, une valeur de 2,5 vétérinaires pour l’ensemble de la population est obtenue. Cependant, cette donnée inclut des clients fidèles qui ont été “obligés” de quitter leur vétérinaire lors d’un déménagement. Pour avoir une vision plus juste de la fidélité intrinsèque de la clientèle, il faudrait isoler les clients qui n’ont jamais déménagé de ceux qui ont déménagé au moins une fois. La moyenne du nombre de vétérinaires consultés dans sa vie est alors de 1,8 pour les personnes n’ayant jamais déménagé et de 3,3 pour ceux qui ont déménagé au moins une fois (). Ainsi, 52 % des personnes interrogées sont restées clientes de leur premier vétérinaire ou le seraient restées si elles n’avaient pas déménagé. Cela mesure ce qui pourrait être défini comme “la fidélité intrinsèque à la personne”. Dans la réalité, une structure vétérinaire doit vivre avec ces flux migratoires, ce qui se traduit par 28,1 % de clients qui sont encore fidèles à leur premier vétérinaire.

Synthèse

Un tiers des clients constitue le noyau dur d’une clientèle. Les deux tiers restants subissent un fort renouvellement de 43 % par an et constituent un ensemble de clients “qui vont et viennent” au gré de leur insatisfaction, du bouche-à-oreille ou de leur déménagement ().

Compte tenu de ce taux de renouvellement d’une clientèle vétérinaire canine, il est fortement recommandé à tout praticien, avant de chercher à vendre plus à chacun de ses clients pour augmenter le panier moyen ou à en attirer davantage de nouveaux, de faire un effort de fidélisation car une réduction de cinq points du taux de défections pour une clinique vétérinaire génère une augmentation du bénéfice de 46 % sur cinq ans et permet de doubler son bénéfice sur dix ans [3].

Encadré : D’où proviennent nos chiffres ?

Trois sources de données distinctes sont utilisées.

• Panelvet. Il s’agit d’un panel créé par la société DBM à Versailles, qui compare les performances économiques des vétérinaires français. Il est issu de l’association de praticiens qui mettent en commun, à des fins de comparaison, certaines données anonymes extraites du logiciel de gestion de leur clinique. Les cliniques panelistes transmettent chaque mois leurs données d’activité à partir de leur logiciel de gestion. Dans notre étude, nous avons retenu celles des 69 structures pour lesquelles nous avions la totalité des données depuis 2004. Celles-ci ont majoritairement (92 %) une pratique canine pure, le reste une activité mixte (8 %). La clinique moyenne de notre échantillon réalise 466 k€ de chiffre d’affaires avec 2,1 vétérinaires en équivalent temps plein, et cela grâce à 1 141 clients qui consomment en moyenne 202 par an dans cet établissement.

• Qualivet. Il s’agit d’un outil d’enquête de satisfaction créé par la même société DBM. Il fonctionne par remise d’un questionnaire auto-administré aux clients des cliniques vétérinaires concernées. Il permet aux praticiens, non seulement d’évaluer la satisfaction de leurs clients envers les services de la structure, mais aussi de mesurer le niveau actuel de leur fidélité. Nous avons travaillé sur un échantillon de 34 cliniques vétérinaires canines ou à dominante canine (plus de 60 % de l’activité) qui ont administré un questionnaire Qualivet auprès de leur clientèle entre janvier 2003 et septembre 2006. L’ensemble des questionnaires récoltés ainsi représente plus de 5 000 propriétaires d’animaux de compagnie. Après avoir retiré les questionnaires incomplets, il reste 4 107 questionnaires exploitables.

• Enquête quantitative. Il s’agit d’une étude auto-administrée auprès de 317 propriétaires d’animaux de compagnie sur des questions de fidélité, de satisfaction et de bouche-à-oreille qui s’est déroulée au printemps 2007. Elle a été réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat [3].

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