Cardiologie du chien
Pratique
Cas clinique
Auteur(s) : François Serres*, Valérie Chetboul**, Carolina Carlos Sampedrano***, Vassiliki Gouni****, Jean-Louis Pouchelon*****
Fonctions :
*Unité de cardiologie d’Alfort, ENV d’Alfort
**Unité de cardiologie d’Alfort, ENV d’Alfort
***UMR Inserm-ENVA U841
Les blocs atrioventriculaires du deuxième degré de type Möbitz 1 ne sont pas considérés comme pathologiques, surtout si le chien est jeune.
Un chien mâle de race teckel âgé de deux mois et demi est présenté à la consultation de cardiologie pour l’exploration d’une arythmie détectée au cours d’une consultation vaccinale. Aucun antécédent pathologique n’est rapporté.
L’examen clinique montre un animal vif et en bon état général. L’examen cardiovasculaire révèle une fréquence cardiaque de 80 battements par minute (bpm), associée à un rythme fortement irrégulier et à un pouls bien frappé. Aucun bruit supplémentaire n’est mis en évidence.
L’échographie cardiaque est normale.
Un examen électrocardiographique est effectué afin de mieux caractériser l’origine de l’irrégularité auscultée (). La fréquence cardiaque est comprise entre 50 et 120 bpm. Le rythme est majoritairement sinusal, mais la présence de plusieurs ondes P non suivies de dépolarisation ventriculaire est constatée. Cela est partiellement responsable du rythme très irrégulier. Celui-ci est cependant “régulièrement irrégulier”, avec une augmentation de la fréquence cardiaque à l’inspiration et une diminution à l’expiration. Une augmentation progressive de la distance P-R, qui passe de 0,075 à 0,1 seconde avant d’aboutir à une onde P non suivie d’une dépolarisation ventriculaire, est observée. Ce tracé est caractéristique d’une arythmie sinusale respiratoire associée à un bloc atrioventriculaire du deuxième degré de type Möbitz 1. Considérant l’absence de répercussion clinique, aucun traitement n’est jugé nécessaire. Un contrôle électrocardiographique est recommandé par précaution en milieu et à la fin de croissance.
Le terme de “bloc atrioventriculaire” (BAV) s’applique aux anomalies de la conduction de l’influx électrique cardiaque du nœud sinusal au myocarde ventriculaire [2, 3]. Ces troubles sont classés, selon leurs caractéristiques électrocardiographiques, en blocs du premier (BAV 1), du deuxième (BAV 2) ou du troisième degré (BAV 3). Les blocs du premier degré correspondent à une augmentation du temps de conduction (distance P-R supérieure à 0,13 seconde chez le chien), alors que ceux du deuxième degré sont caractérisés par la présence d’ondes P “non conduites”, c’est-à-dire non suivies de dépolarisation ventriculaire. Enfin, lors de bloc du troisième degré, un arrêt complet de la conduction atrioventriculaire est constaté. Les blocs du deuxième degré peuvent être, à leur tour, distingués selon leur gravité et leur modalité d’apparition. La gravité du BAV 2 est déterminée par le nombre d’ondes P bloquées qui sont observées avant d’obtenir une onde P conduite. Un bloc de haut grade correspond à trois ondes P bloquées, au minimum, pour une onde P conduite [4]. Un bloc de type Möbitz 1 se caractérise par l’augmentation progressive du temps de conduction atrioventriculaire précédant l’apparition d’une onde P non conduite. En revanche, lors de BAV 2 de type Möbitz 2, les ondes P non conduites surviennent aléatoirement. Chez l’homme, les BAV 2 de type Möbitz 1 évoluent rarement vers un BAV 3 et correspondent le plus souvent à une hypertonie vagale : le système parasympathique inhibe la conduction de l’influx électrique au sein du nœud atrioventriculaire par l’intermédiaire du nerf vague gauche. Et, toujours chez l’homme, les BAV 2 de type Möbitz 2 sont plus fréquemment associés à une lésion du tissu de conduction qui peut devenir une dissociation atrioventriculaire [2, 3]. Cette constatation n’est pas rapportée chez le chien.
Dans le cas présenté, le BAV 2 de type Möbitz 1 de très faible grade peut être considéré comme non pathologique, surtout si l’âge de l’animal est pris en compte [2, 3]. En effet, ce trouble du rythme est mis en évidence au cours d’un examen électrocardiographique télémétrique sur 24 heures chez les 12 chiots examinés par les auteurs entre 8 et 11 semaines d’âge [1]. Moins fréquent chez les chiens adultes, il est cependant observé chez plus de 60 % des animaux. Il s’agit toujours d’un BAV 2 de type Möbitz 1 [1].