RÉAGIR : une aide au traitement rapide des accidents anesthésiques - Le Point Vétérinaire n° 277 du 01/07/2007
Le Point Vétérinaire n° 277 du 01/07/2007

Anesthésie du chien et du chat

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FOCUS

Auteur(s) : Loïc Larguier

Fonctions : Consultant itinérant en chirurgie
5, boulevard Laennec
56800 Ploërmel

En anesthésie, prendre des décisions rapides et raisonnées permet une réanimation de qualité lors d’accident. RÉAGIR propose une manière active de conduire sa surveillance.

Comment réduire le risque anesthésique et conduire une anesthésie de qualité ? La fiche PROTEC propose une check-list non exhaustive des paramètres à surveiller et les moyens de prévention des principaux incidents [2].

La fiche RÉAGIR est un guide du comportement que le vétérinaire doit adopter dans cette période délicate. Attentif à l’animal, le praticien ne subit pas l’anesthésie, mais, à l’inverse, la contrôle le plus efficacement possible.

Réagir : moyen mnémotechnique

• Les anomalies détectées lors de la collecte des informations sur la fiche PROTEC doivent être prises en charge afin de contrer le cercle vicieux des accidents anesthésiques.

• Si cela n’est pas suffisant et que les incidents conduisent à un accident, il convient de réanimer l’animal.

• La méthode RÉAGIR est un moyen mnémotechnique pour adopter une démarche pré-établie lors d’une anesthésie. Elle se décompose en trois parties :

- Répertorier les éléments anormaux (RÉA) à partir de la surveillance visuelle et instrumentale ;

- Gérer les incidents (GI). Cette phase est active (perfuser, réchauffer l’animal, administrer un antalgique, corriger un bloc atrio­ventriculaire, etc.) et son objectif est d’éviter un accident grave ;

- Réanimer (R). C’est la phase d’urgence où chaque geste, chaque médicament doit être connu, préparé et codifié à l’avance.

Répertorier les éléments anormaux

• RÉA est une phase de “veille” qui dure pendant toute l’anesthésie au sens large, c’est-à-dire qu’elle commence en phase pré­anesthésique et se termine à la fin de la phase postanesthésique.

Elle consiste en la surveillance visuelle et instrumentale de l’animal anesthésié.

• L’anesthésiste doit détecter précocement des incidents classiquement rencontrés lors d’une anesthésie générale.

Ces incidents peranesthésiques sont listés dans la fiche et comprennent, par exemple, une hypotension, une hypoventilation et une hypercapnie, une hypoxie, une apnée, une hypothermie ou une dysrythmie (bloc atrioventriculaire, extrasystoles, bradycardie, tachycardie).

Gérer les incidents

• La gestion des incidents contitue une étape très importante. En effet, mal gérés, ces incidents ont pour conséquence des accidents graves plus difficiles à traiter et qui mettent en péril la vie de l’animal [1, 3, 4]. Ils peuvent survenir malgré les moyens de prévention mis en œuvre et développés dans la fiche PROTEC.

• Afin d’éviter un accident, il convient :

- de réchauffer activement l’animal en cas d’hypothermie avec un tapis chauffant, des bouillottes, une couverture de survie ou une perfusion réchauffée ;

- de lui apporter 100 % d’oxygène dans cette phase difficile. En effet, ce gaz est le premier médicament de la réanimation, et 100 % d’oxygène permet d’éviter l’hypoxie et l’hypoperfusion tissulaire, de lutter contre l’hypothermie, de prévenir les troubles du rythme, etc. ;

- d’augmenter le débit de perfusion en cas d’hypotension due aux drogues anesthésiques, qui entraîne une hypoperfusion et une hypoxie tissulaire ;

- d’administrer un bolus de colloïdes (à la dose de 2 à 5 ml/kg) ou de la dopamine (2 à 10 µg/kg/min après un premier bolus de 750 µg/kg) en cas d’hypotension réfractaire à la perfusion ou d’hémorragie grave ;

- d’administrer de l’atropine (0,02 à 0,05 mg/kg) ou de la lidocaïne (1 à 4 mg/kg par voie intraveineuse pour le chien et 0,25 à 0,75 mg/kg pour le chat) en cas de trouble du rythme cardiaque ;

- de ballonner l’animal en cas d’anomalie du rythme respiratoire ou d’apnée.

Réanimer

• Il est nécessaire d’établir la procédure à suivre en cas d’arrêt cardiorespiratoire et de l’afficher dans la salle d’anesthésie.

Elle doit être suivie étape par étape, avec un contrôle régulier des fonctions vitales. Les gestes doivent être connus de toute l’équipe et s’enchaîner sereinement pour que la séquence dans son ensemble soit la plus fluide possible.

• Il convient d’intuber l’animal, si cela n’est pas déjà fait, et de vérifier la perméabilité des voies respiratoires.

• Dans le cas d’une anesthésie volatile, la cuve est positionnée sur OFF.

• L’animal est ventilé régulièrement, 10 à 15 mouvements respiratoires par minute, tout en gardant un œil sur la cage thoracique.

• Le massage cardiaque est pratiqué à un rythme de 60 à 80 compressions par minute, ce qui est rapide. Il convient de s’entraîner avant pour avoir une idée de la vélocité nécessaire.

• Lors d’arrêt cardiorespiratoire, de l’adrénaline (solution à 1/10 000) est administrée, soit par voie intraveineuse à la dose de 0,01 mg/kg, soit par voie intratrachéale à la dose de 0,02 mg/kg diluée dans 1 à 5 ml de lactate de Ringer, selon la taille de l’animal.

• La fonction cardiaque doit ensuite être évaluée. L’électrocardiographe est branché ou, à défaut, il convient d’ausculter l’animal :

- lors d’asystolie, de l’adrénaline (0,01 mg/kg) est administrée par voie intraveineuse une fois toutes les cinq minutes, accompagnée d’un massage externe ;

- lors de fibrillation auriculaire, une défibrillation mécanique, électrique ou chimique, est mise en œuvre et le massage est poursuivi ;

- lors de dissociation mécano-électrique (le cœur est en asystolie, mais l’électrocardiographe détecte une activité électrique et fournit un tracé normal à l’anesthésiste), de la dopamine et de l’adrénaline sont injectées et le massage est continué ;

- lors de bradycardie sinusale, il convient d’arrêter le massage et d’injecter de l’atropine ;

- lors de tachycardie ventriculaire, le massage est également interrompu et de la lidocaïne est injectée (1 à 2 mg/kg).

Pendant cette procédure, la fluidothérapie doit être continuée en l’ajustant.

L’anesthésie est un acte médical indispensable à l’exercice vétérinaire qui devient une discipline à part entière. Il convient d’augmenter la sécurité des malades pour nous permettre de travailler sereinement. PROTEC est une aide à la surveillance anesthésique et RÉAGIR montre une façon de conduire ces anesthésies. Prévention, contrôle, sécurité et action sont donc les nouveaux termes de l’anesthésiologie moderne.

EN SAVOIR PLUS

- Collectif. Anesthésie du chien et du chat. Point Vét. Numéro spécial.2007;140p.

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