Place de l’échographie du taureau en pratique - Le Point Vétérinaire n° 275 du 01/05/2007
Le Point Vétérinaire n° 275 du 01/05/2007

Reproduction et imagerie chez les bovins

Mise à jour

CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Giovanni Gnemmi

Fonctions : Via Cadolini, 9
Fr. Cuzzago
28803 Premosello Chiovenda (VB)
Italie
bovinevet@tiscali.it

Le praticien peut proposer un examen clinique du taureau complété par un examen échographique pour documenter une suspicion d’infertilité.

Avec la détérioration des performances de reproduction, le taureau revient en force dans les exploitations, y compris laitières, pour faciliter l’observation des chaleurs, maisaussi pour “rattraper” un retard de fécondation par insémination artificielle (repeat breeders, génisses et même vaches en lactation “tout venant”). Le taureau comme la vache, peut être atteint de troubles (plus discrets chez le mâle) du système reproducteur limitant, voire supprimant sa fertilité. Le clinicien peut proposer des examens général et spécifique du reproducteur mâle, incluantun examen échographique. L’objectif est de répondre à cinq questions :

- l’animal a-t-il un système reproducteur normal ?

- est-il en mesure de saillir ?

- a-t-il une libido normale ?

- présente-t-il des infections ou des anomalies de la sphère génitale ?

- est il fertile ?

L’examen échographique est toujours précédé d’un examen clinique et souvent d’un examen de semence(1) (non développé dans cet article).

Étape 1 : examen clinique statique et dynamique

En troupeau laitier, le taureau est souvent le dernier accusé lors de détérioration des performances de reproduction. L’éleveur se contente d’examiner sa capacité à chevaucher les vaches et ne pousse pas l’observation jusqu’à vérifier s’il extériorise son pénis.

L’inspection et la palpation sont déterminantes pour l’examen du système reproducteur mâle, mais elles sont souvent négligées, les éleveurs se focalisant sur les index génétiques.

1. Contexte

L’anamnèse est essentielle. Une visite ayant pour objectif l’examen de l’appareil reproducteur d’un mâle est pertinente chaque fois que la fertilité du troupeau n’est pas satisfaisante, mais aussi au moment de l’entrée du taureau dans l’exploitation. Dans certains contextes d’élevage, cette visite se révèle particulièrement appropriée ou demande à être renouvelée fréquemment. Ainsi, pour une saillie naturelle, des fils de vaches de valeur peuvent être utilisés. Par ailleurs, un examen est souvent demandé chez des animaux issus de transplantation embryonnaire, frères de taureaux qui sont dans les centres de de semence.

Éliminer un taureau pour des raisons génitales avant la phase de testage permet d’économiser 20 000 à 25 000 €.

Au cours de l’examen, les défauts héréditaires (hernie ombilicale, etc.) et les ectopies testiculaires sont recherchés et signalés au propriétaire car ces taureaux doivent être exclus de la saillie naturelle.

2. Conditions de réalisation

Classiquement, l’examen génital (incluant l’échographie) des jeunes taureaux est réalisé directement en stabulation, sans recourir à la sédation, avec un simple pince-nez (ou bien un anneau fixé à demeure). Si nécessaire, une sédation est administrée pour maintenir l’animal, sans induire de décubitus (xylazine à la dose de 0,01 à 0,02 mg/kg, dans la veine coccygienne).

Il est possible de contenir les taureaux plus nerveux dans une cage en soulevant une patte antérieure, sachant que la partie interne de l’examen s’effectue derrière l’animal. L’examen externe peut en revanche être partiellement effectué en se plaçant latéralement à l’animal.

Pour l’évaluation de taureaux adultes et/ou pour les taurillons agressifs, il peut être utile de réaliser l’examen après avoir fait saillir et éjaculer l’animal. Celui-ci est alors plus tranquille. Le testicule est plus détendu, ce qui facilite les examens clinique et échographique.

Cette pratique peut toutefois fausser l’appréciation ultérieure des ampoules déférentes.

Pour stimuler sexuellement l’animal, ilest possiblede recourir à unautre taureauou à une vache.

3. Recherche d’anomalies cliniques

Le premier point à vérifier est l’existence d’un système reproducteur et son développement normal (photo 1).

Sur le scrotum, des solutions de continuité et/ou d’autresaltérations cutanées sont recherchées visuellement. Puis la palpation de l’ensemble du testicule, incluant la tête et la queue de l’épididyme, permet d’apprécier la température et la consistance, la mobilité de chaque partie par rapport aux autres, la forme et les rapport volumétriques. Une éventuelle cryptorchidie ou une ectopie testiculaire doivent être recherchées.

Les deux testicules sont palpés afin de mettre en évidence des asymétries significatives, des différences de forme et/ou de volume et une douleur superficielle ou profonde. En cas de doute, la circonférence est mesurée au ruban mesureur (il existe une correspondanceentre le périmètre scrotal et le volume testiculaire) (voir le tableau complémentaire en ligne sur planete-vet.com). Le volume testiculaire peut aussi être apprécié en plongeant le scrotum dans un seau d’eau (par différence de volume), mais cela est compliqué en pratique.

4. Appréciation de la saillie

Une absence de saillie peut être due à :

- une diminution ou une absence de libido ;

- des facteurs psychologiques : animal jeune, timide, effrayé, etc. ;

- une conduite d’élevage inadaptée : un taureau jeune et petit qui doit saillir des vaches grandes et/ou nerveuses, des sols glissants, etc. ;

- des affections invalidantes : boiteries et/ou douleurs.

Étape 2 : recours à l’échographie

Dans la majorité des cas, aucun examen complémentaire n’est proposé chez un taureau suspect d’infertilité : ni examen de semence, ni échographie. Ces derniers sont pourtant simples et essentiels, et leur coût est justifié par rapport au prix d’acquisition de certains jeunes taureaux, compris entre 2 000 et 4 000 €, et aux répercussions de mauvaises performances de reproduction d’un seul animal sur l’ensemble du troupeau.

1. Contexte

À l’issue de l’examen clinique, soit aucune anomalie n’est mise en évidence, soit le praticien souhaite localiser ou préciser la nature d’une lésion suspectée. À la suite de l’examen de la semence, des hypothèses peuvent être formulées sur la localisation de la lésion, mais sa gravité est plus difficile à apprécier. Les conclusions de l’examen de semence disponibles avant l’échographie sont par exemple :

- des altérations morphologiques des spermatozoïdes lors de l’examen de l’éjaculat ;

- une baisse de concentration de spermatozoïdes dans l’éjaculat ;

- une pyospermie et/ou une azoospermie ;

- des altérations morphologiques des testicules et/ou des vésicules séminales.

2. Équipement

Une sonde linéaire de 5 MHz peut être utilisée, mais une sonde de 7,5 MHz est plus indiquée chez le mâle pour l’examen du système reproducteur, aussi bien externe (testicule, funicule spermatique) qu’interne (vésicules séminales, glandesbulbo-urétrales, prostate). Cette fréquence est souvent disponible dans les pratiques mixtes pour l’activité canine.

Une sonde sectorielle ne convient pas pour l’évaluation du système reproducteur externe en raison de la surface sphérique du testicule.

La qualité de la sonde et le niveau de définition de l’écran sont déterminants pour la finesse du diagnostic (photo 2). Utiliser le même équipement que celui employé pour les femelles permet de réduire les coûts d’amortissement du matériel, donc le prix de l’examen.

Étape 3 : examen échographique externe

1. Réalisation

L’opérateurse place en arrière del’animal (photo 3). Afin d’apprécier le tempérament du taureau, si les examens clinique et échographique ne sont pas réalisés le même jour, il convient de renouveler au moins l’étape de palpation du testicule.

La sonde échographique est appliquée directement au contact des testicules et du funicule spermatique, ou bien un coussin en silicone (standoff), d’une épaisseur standard de 1 cm, peut être utilisé. Ce dispositif est simple d’emploi, mais reste coûteux (au minimum 300 €). Un gant d’exploration rectal (échocompatible) augmente aussi la distance entre le testicule et la sonde : un des doigts du gant étant rempli de gel, la sonde est glissée à l’intérieur. Du gel échographique est déposé en couche épaisse sur le scrotum et directement sur la sonde.

Pour effectuer l’échographie du testicule gauche, celui-ci est saisi avec la main droite et poussé en pressant légèrement vers la base du scrotum, ce qui force alors le testicule droit à remonter, donc à sortir du champ d’exploration.

La sonde est conduite par la main gauche. L’examen est alors effectué minutieusement.

2. Obtention des images

Le testicule est examinéen coupe transversale, puis sagittale (photos 4, 5 et figure). Il peut être intéressant de réaliser en parallèle l’examen des deux testicules, pour faciliter la comparaison des deux parenchymes. Pour cela, les deux testicules sont repoussés du haut vers le bas, vers le fond du scrotum, et la pression est effectuée dorsalement, à la hauteur de la base du funicule spermatique.

3. Anomalies visualisées à l’échographie

• L’orchite est l’affection testiculaire la plus fréquente. Peuvent être observés une fibrose, des abcès, une hydrocèle, une hématocèle (photos 6 à 9). Lors de néoplasie, des aires hyperéchogènes contrastent avecdes aires échogènes et anéchogènes.

• Les épididymites, rares, sont en général diagnostiquées avant l’échographie, car elles sont toujours associées à des altérations de la semence, en particulier à une tératospermie (queue des spermatozoïdes en boucle). Dans certains cas, il est toutefois possible d’observer sur l’épididyme des tuméfactions évoquant des granulomes. Ces images sont plutôt associées aux conséquences d’épididymites chroniques.

• L’aspect échographique de la queue de l’épididyme est le même que celui du funicule spermatique, “en gruyère”. Le diamètre de la lumière fait la différence : il est plus large pour le funicule. Il est aussi possible de recourir au mode Doppler couleur pour faire la différence. Le funicule apparaît bleu et rouge (circulation sanguine), contrairement à la tête de l’épididyme (pas de circulation). Les deux seules affections qui peuvent toucher le funicule spermatique sont la varicocèle et la torsion.

La varicocèle doit être identifiée et correctement interprétée. Fréquente chez les taureaux âgés, elle n’affecte pas la fertilité (asymptomatique). Elle correspond à une dilatation du plexus pampiniforme, par dysfonctionnementdes valves veineuses.

La torsion du funicule spermatique est extrêmement rare chez le taureau, en raison de la position verticale des testicules dans cette espèce. Le funicule spermatique apparaît dilaté au-dessous du point de torsion, le diamètre testiculaire est augmenté et l’échogénicité du testicule est diminuée. Un œdème scrotal et une hydrocèle associée peuvent survenir par la suite. Cette affection est en général très douloureuse, mais pas systématiquement selon notre expérience, en particulier pour des torsions “incomplètes” (< 180°)

La torsion testiculaire sans torsion du funicule est possible (lorsqu’elle est inférieure à 180°), mais elle n’a pas de répercussions cliniques.

Étape 4 : examen échographique interne

Par examen échographique transrectal, les structures suivantes peuvent être visualisées :

- les ampoules déférentes ;

- les vésicules séminales ;

- le corps de la prostate ;

- les glandes bulbo-urétrales ;

- l’urètre.

1. Déroulement

• Dans le rectum vidé des fèces, la sonde est appuyée ventralement (photo 10). Elle est placée comme précédemment dans un gant d’exploration rectale échocompatible, recouvert de gel échographique pour en faciliter l’insertion (le recours au gel n’améliorepas la qualité de l’image).

• L’évaluation échographique débute par les canaux déférents situés, selon l’âge du taureau, à 10 à 20cm de l’anus. Elle se poursuit caudo-latéralement à la position précédente avec la visualisation des vésicules séminales (photos 11A et B), du corps de la prostate, de la partie pelvienne de l’urètre entourée par le muscle urétral, et des glandes bulbo-urétrales entourées du muscle bulbo-spongieux.

2. Anomalies visibles

Il est important de savoir identifier une infection des vésicules séminales, sachant qu’un traitement médical est alors indiqué (antibiotique notamment), même s’il se révèle souvent inefficace. Le pronostic reproducteur est sombre lorsque les deux vésicules sont affectées. Lors d’atteinte unilatérale, une exérèse chirurgicale peut être envisagée chez des animaux de haute valeur génétique.

Les signes cliniques associés à une vésiculite sont une douleur à la palpation (pas toujours en cas d’abcès), des adhérences, une hypertrophie, une perte de la lobulation physiologique. L’échographie permet de mettre en évidence la présence d’une dilatation cavitaire contenant dufluide séminal.

L’examen échographique mérite donc une place de choix lors d’investigations dans le cadre d’une baisse de fertilité du taureau ou bien d’une visite d’achat. Une approche plus préventive des affections du système reproducteur mâle permettrait d’améliorer les perspectives de traitement ou d’anticiper la réforme en cas de pronostic sombre, pour des raisons économiques.

  • (1) Voir P. Duclos. Évaluation de la fonction reproductrice du taureau. Point Vét. 2004;35(242):26-30.

EN SAVOIR PLUS

- Courouble F, Bohy A, Laurent JL, Desanlis R, Grosbois E. Testage des bovins mâles destinés à la monte naturelle. Point Vét. 2003;34(239):54-55.

- Duclos P. Évaluation de la fonction reproductrice du taureau. Point Vét. 2004;35(242):26-30.

- Rault P, Gérard O. Examen échographique génital du taureau. Point Vét. 2006;37(numéro spécial):32-39.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr