La protéomique, une nouvelle aide au diagnostic et au traitement - Le Point Vétérinaire n° 275 du 01/05/2007
Le Point Vétérinaire n° 275 du 01/05/2007

Cancérologie du chien

Infos

FOCUS

Auteur(s) : Pascal Richez

Fonctions : TransPharm
42, chemin des Olivettes
BP 734160 Saint-Geniès-des-Mourgues

Chez le chien, la protéomique permet le diagnostic précoce des cancers dans les races à risque et le suivi de leur évolution.

Des progrès considérables ont été réalisés depuis la mise au point des techniques de spectrométrie de masse par Biemann, en 1958, qui ont permis les premières analyses d’acides aminés. Les descriptions des génomes humain, puis animal ont ensuite représenté les étapes les plus marquantes des années 1990, la décennie de la génomique. La transcription du génome en séquences d’acides aminés, donc de protéines, a dès lors été facilitée par le développement de techniques analytiques qui couplent l’ionisation et la détection de masse, et qui rendent possibles la séparation, la détection et la quantification spécifique de toutes les protéines circulantes dans une large gamme de masses molaires (1 à 350 kDa jusqu’à présent). Cette nouvelle science a été appelée “protéomique”, par analogie avec la génomique (étude de l’ensemble des gènes constituant le génome), la transcriptomique (description de l’ARN) ou la métabolomique (description de l’expression du métabolisme) [1].

De l’électrophorèse au protéinogramme

L’avantage de la protéomique par rapport aux techniques traditionnelles de chromatographie (sur couche mince) ou d’électrophorèse réside dans la possibilité de séparer les protéines de façon plus précise et de déterminer exactement la masse molaire de chaque protéine détectée. Il est ainsi possible de comparerle protéinogramme obtenu pour un chien aux bases de données établies à partir d’animaux sains ou atteints d’affections s’accompagnant de modifications de celui-ci, notamment les cancers et les affections lésionnelles cardiaques ou rénales.

En se fondant sur ces principes, des chercheurs britanniques ont développé une technologie innovante permettant le diagnostic de cancers chez le chien [3]. Un simple prélèvement sanguin est soumis à un traitement qui inclut une séparation des protéines par échange de cations, leur ionisation sur une micropuce à désorption/ionisation laser (Seldi, pour surface enhanced laser desorption/ionisation), puis un passage en spectrométrie de masse en temps de vol. Cette dernière propriété permet la séparation analytique de chaque protéine, à laquelle est affectée une masse molaire, les protéines apparaissant dans le temps en fonction de leur masse : de la plus légère à la plus lourde (figure 1).

Le protéinogramme, un outil diagnostique

Des techniques similaires ont déjà prouvé leur intérêt en cancérologie humaine, avec des sensibilités (vrais positifs) de l’ordre de 82 à 93 % pour des tumeurs de l’ovaire, de la prostate ou du sein. Les valeurs correspondantes pour la spécificité (vrais négatifs) étaient de 91 à 97 %. Des études comparables conduites par PetScreen chez le chien montrent, par exemple, des valeurs de 85 % pour ces deux paramètres dans le cas des lymphomes, les cancers les plus fréquents dans cette espèce (tableau) [K. Slater, communication personnelle, 2006].

La constitution d’une base de données au Royaume-Uni et aux États-Unis a conduit Mian et coll. à développer un outil(1) permettant à ce jour le diagnostic précoce d’un grand nombre de cancers chez le chien : lymphomes, tumeurs mastocytaires, mélanomes malins, hémangiosarcomes, cancers mammaires, fibrosarcomes, adénocarcinomes, carcinomes à cellules transitoires (appareil urinaire), carcinomes et adénomes hépatocellulaires. Les lymphomes et les mastocytomes représentent à eux seuls 40 % des cancers détectés chez le chien. Une chienne sur quatre non stérilisée et âgée de plus de quatre ans développera une tumeur mammaire au cours de sa vie. Les ostéosarcomes représentent 85 % des tumeurs du squelette et 5 % des cas de cancers chez le chien.

Ce test, complexe sur un plan technologique, a été simplifié pour les praticiens britanniques et américains qui peuvent bénéficier de ce service par l’envoi d’un simple échantillon sanguin au laboratoire (situé à Nottingham, au Royaume-Uni). La stabilité du protéinogramme permet de conserver les échantillons pendant une durée suffisante pour les acheminer, même depuis les États-Unis. Une analyse complète est ainsi effectuée en seulement deux à trois jours, pour un coût inférieur à 100 €.

L’objectif de cet examen est d’établir un diagnostic précoce dans les races à risque. Lors du suivi, des protéinogrammes périodiques (rythme annuel ou bisannuel), qui rendent compte de l’évolution de l’affection (rémission, aggravation, récidive), peuvent être réalisés. Cette procédure est également mise en œuvre lors de suspicion, aux fins de confirmation du diagnostic. Ses résultats sont alors confortés par ceux de l’examen histopathologique des biopsies.

Du diagnostic au traitement

Un autre examen complémentaire mis en œuvre par les chercheurs britanniques est la recherche de sensibilité in vitro des cellules tumorales, prélevées par biopsie, aux principaux antimitotiques disponibles (figure 2). Il permet, en se fondant sur la caractérisation histopathologique et protéomique de la tumeur et sur uneanalyse pharmacodynamique/pharmacocinétique, de déterminer la dose thérapeutique optimale. Le vétérinaire reçoit les résultats du protéinogramme dans un délai qui n’excède pas dix jours (coût inférieur à 300 €).

Cette nouvelle approche est d’un grand intérêt alors que la chimiothérapie anticancéreuse des animaux de compagnie tend vers plus de professionnalisme, grâce aux dernières règles de prudence dans la mise en œuvre des traitements dictées par l’Agence nationale du médicament vétérinaire (AMM 2004/32, AMM 2004/33, ANMV) et aux progrès accomplis dans la connaissance de ces derniers, notamment chez le chien et le chat [2]. Cette technique, actuellement à la disposition des praticiens britanniques et américains, devrait prochainement être disponible en Europe continentale.

  • (1) PetScreen, Biocity, Pennyfoot Street, Nottingham NGnGF, Royaume-Uni, www.petscreen.com

  • 1 - Lieber DC. Introduction to proteomics : Tools for the new biology. Humana Press, Totowa, NJ, USA, 2002.
  • 2 - Masson L. La toxicité de la chimiothérapie est moindre chez les carnivores. Semaine Vét. 2006; 1238:38-40.
  • 3 - Mian S, Slater K, Cave T. The future of biomarkers and personalised medicine on companion animals. Europ J. Comp. Anim. Pract. 2006; 16(1):63-71.
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