Diagnostic et traitement des tumeurs des cavités nasales - Le Point Vétérinaire n° 275 du 01/05/2007
Le Point Vétérinaire n° 275 du 01/05/2007

Cancérologie du chien et du chat

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Cécile Soyer*, Claude Muller- Fleurisson**

Fonctions :
*Centre de cancérologie
vétérinaire de Maisons-Alfort
7, avenue du Général-de-Gaulle
94700 Maisons-Alfort
**Clinique vétérinaire
598, avenue de Dunkerque
59160 Lomme

Les tumeurs des cavités nasales sont souvent malignes et invasives, leur pronostic est étroitement lié à un diagnostic précoce et à un traitement pluridisciplinaire.

Les tumeurs descavités naso-sinusales sont rares et atteignent plus fréquemment le chien que le chat. Elles représentent 2 % des tumeurs du chien, mais 60 à 80 % de celles du tractus respiratoire dans cette espèce [4].

Les tumeurs des cavités naso-sinusales correspondent à 1 % des tumeursfélines [32]. Elles représenteraient en revanche près d’un tiers des affections chroniques des cavités nasales chez le chat [8, 32, 35].

Cet article n’aborde pas les tumeurs du planumnasal, qui constituent une entité distincte, affectant essentiellement le chat et dont la nature histologique correspond, le plus souvent et de très loin, à un carcinome de type épidermoïde.

Épidémiologie

1. Chez le chien

Environ 70 % des affections naso-sinusales du chien sont des tumeurs [4]. L’âge médian des animaux atteints est de 10 ans. La prédisposition des mâles est controversée [13]. En revanche, les races dolichocéphales présentent un risque nettement supérieur aux races brachycéphales [18]. L’inhalation de particules, comme les polluants, pourrait jouer un rôle dans la genèse de ces tumeurs et expliquer la prédisposition des chiens dolichocéphales qui possèdent une plus grande surface d’échange de la muqueuse nasale avec les particules volatiles [30]. Aucune preuve formelle n’a cependant été apportée à ce jour [16].

2. Chez le chat

Les tumeurs représentent, selon les études, 35 à 39 % des atteintes chroniques des cavités nasales [32, 35]. La prédisposition des mâles, initialement suspectée, est infirmée par toutes les études récentes [32]. L’âge des chats atteints est très variable, avec un pic vers 11 ans (3 à 16 ans) pour les atteintes tumorales et plutôt vers 8 ans (1 à 17 ans) pour les maladies inflammatoires [14, 21, 32].

Signes cliniques

Les signes cliniques sont souvent frustes en début d’évolution, ne présentent aucune spécificité et sont communs au chat et au chien.

Le tableau clinique des tumeurs en début d’évolution comprend un jetage unilatéral (muqueux ou purulent), souvent une épistaxis, accompagnés de ronflements, de dyspnée, d’éternuements (photo 1). Plus rarement, une toux apparaît en plus des symptômes précédents. L’épistaxis peut ensuite devenir bilatérale. Lorsque la tumeur progresse, un épiphora, une procidence de la troisième paupière, puis des modifications de l’aspect et de la position de l’œil sont observés. Une déformation de la face peut également survenir. Lorsque la tumeur atteint la lame criblée de l’ethmoïde, voire l’encéphale, des signes neurologiques apparaissent : troubles du comportement, ataxie, convulsions. Lessymptômes peuvent évoluer pendant plusieurs mois (trois en moyenne) avant qu’une exploration ne soit entreprise [16]. Une antibiothérapie est alors souvent mise en place et amélioreles symptômes de façon transitoire car elle contrôle momentanément les surinfections bactériennes associées aux tumeurs naso-sinusales.

Les signes cliniques peu spécifiques conduisent à un diagnostic tardif qui constitue l’un des écueils thérapeutiques. En effet, chez le chat notamment, les symptômes durent parfois depuis 6 à 12 mois, avant qu’un diagnostic ne soit établi (6 mois en moyenne pour les tumeurs, 18 mois pour les rhinites chroniques) [32].

Lediagnostic différentiel évoqué par le tableau clinique peu spécifique de ces tumeurs comprend :

- une tumeur des cavités nasales (70 % des affections naso-sinusales du chien et 30 à 40 % des affections naso-sinusales chroniques chez le chat) ;

- une rhinite bactérienne (pouvant être liée à une affection parodontale) ;

- une rhinite parasitaire ;

- une rhinite allergique ;

- une rhinite fongique (aspergillose essentiellement ; cryptococcose chez le chat) ;

- un corps étranger ;

- un trouble de l’hémostase ;

- un traumatisme ;

- une rhinite virale chez le chat ;

- un polype naso-paryngé (chez le jeune chat).

Chez le chien, une fois écartée l’hypothèse d’un trouble de l’hémostase, cette symptomatologie fruste évoque en premier lieu une rhinite fongique (aspergillose) ou un processus néoplasique. Or la différenciation à l’aide de critères uniquement cliniques est impossible. Le recours à l’imagerie est indispensable dès les premiers signes.

Diagnostic

1. Examen radiographique versus scanner ou IRM

• Avant d’entreprendre tout examen complémentaire, il convient, lors d’épistaxis, d’écarter l’hypothèse d’un trouble de la coagulation (numération et formule sanguines, temps de coagulation, recherche de signes cliniques de troubles de l’hémostase).

• Les tumeurs naso-sinusales apparaissent essentiellement à partir des cavités nasales et peuvent présenter une extension secondaire aux sinus paranasaux (sinus maxillaire, sinus frontal et sinus sphénoïdal) (figure). Le sinus frontal est subdivisé en trois parties chez le chien (rostrale, médiale et latérale), il est peu développé chez le chat [31]. Plus rarement, les tumeurs naso-sinusales peuvent commencer dans un des sinus paranasaux. Le diagnostic des tumeurs nasales fait appel à la tomodensitométrie en première intention. Celle-ci est effectivement préférée à l’examen radiographique, moins précis. De fait, l’examen radiographique laisse subsisterles superpositionsdesstructures anatomiques des cavités nasales et son interprétation peut s’avérer délicate.

• Pour être interprétable, un examen radiographique des cavités nasales nécessite une anesthésie et des vues multiples au positionnement complexe. Trois clichés sont souvent réalisés :

- une vue des sinus frontaux (animal sur le dos, nez perpendiculaire au plan de la cassette) ;

- une vue de face dite “gueule ouverte” (incidence ventro-dorsale, animal sur le dos) qui présente l’avantage d’éviter la superposition de la langue et du maxillaire. Cette vue est équivalente à celle réalisée en introduisant la cassette “en coin” dans la gueule de l’animal, placé en décubitus sternal ;

- une vue latérale pour visualiser les lésions de la partie dorsale des os de la face dans les stades avancés [24, 31].

• La valeur prédictive de clichés radiographiques lors d’atteinte chronique des cavités nasales chez le chien ou le chat est modeste (de 56 à 73 %) [14]. Certaines images peuvent être évocatrices d’une atteinte tumorale : densification tissulaire unilatérale, plutôt caudale, associée à une destruction des cornets nasaux et potentiellement accompagnée d’images de lyse osseuse [14, 24, 31]. L’examen radiographique possède une valeur prédictive positive plus forte s’il révèle une ostéolyse chez le chat : 86 % des chats avec une opacification unilatérale associée à une atteinte osseuse présentent une affection tumorale [14]. Mais, lorsqu’il s’agit d’un processus tumoral découvert en début d’évolution, les phénomènes ostéolytiques sont plus ou moins marqués et la confusion avec une lésion bénigne est alors possible. Certaines formes tumorales prennent des aspects divers, notamment lors de lymphome chez le chat : la lésion peut alors correspondre à une masse tissulaire uni- ou bilatérale avec ou sans lyse osseuse [31]. Enfin, l’examen radiographique, même de bonne qualité, ne permet pas un bilan d’extension complet.

• Le scanner permet alors d’obtenir une image plus précise de la lésion, même débutante, et de suspecter sa nature tumorale. Cette suspicion est souvent plus spécifique chez le chien que chez le chat où l’effet de masse peut être compatible avec une atteinte inflammatoire ou infectieuse (photos 2 et 3). L’examen tomodensitométrique caractérise précisémentl’envahissementlocal, permet de définir un stade clinique et, par conséquent, d’adapter au mieux la décision thérapeutique [12, 18, 32].

Tous les examens d’imagerie nécessitant une anesthésie, le scanner est préféré en première intention car il apporte plus d’informations qu’un examen radiographique [12, 37].

Le bilan d’extension local, notamment lors d’atteinte de la lame criblée et d’envahissement de l’encéphale, peut aussi être réalisé par imagerie par résonance magnétique (IRM), même si cette technique reste à ce jour un peu moins accessible que le scanner.

2. Examen endoscopique : intérêts et limites

La fibroscopie est parfois présentée comme une alternative au scanner. En effet, elle permet d’explorer partiellement les cavités nasales, de prélever le tissu lésionnel, d’extraire un éventuel corps étranger ou de repérer un parasite. Néanmoins, elle ne permet pas de bilan d’extension locorégional [39]. L’endoscopie est donc prescrite en complément du scanner comme voie d’abord pour une biopsie ou lors de suspicion de masse dans les choanes. En effet, un examen endoscopique par voie buccale passant par rétrovision dans les choanes permetde réaliserdes biopsies concluantes dans 70 % des cas lors de tumeur ; une masse visualisée dans les choanes est maligne dans 72 % des cas chez le chien et le chat, et l’abord via les choanes permet de limiter les saignements induits par un passage de l’endoscopeà travers les cavités nasales [35, 39]. L’association du scanner et de l’endoscopie alourdit toutefois considérablement la démarche diagnostique, et un examen cytologique associé au scanner ou une biopsie réalisée pendant un curetage chirurgical (partiellement thérapeutique) semble plus judicieux en première intention.

3. Confirmation cyto- ou histologique

• Même si l’examen tomodensitométrique est demandé en première intention lors de suspicion de tumeur naso-sinusale, la nature de la tumeur nécessite un examen complémentaire, cytologique ou histologique.

L’examen cytologique est diagnostique dans 50 % des cas et peut être utile, car de réalisation facile, lorsd’effondrement osseux de l’os nasal, par exemple. Chez le chat, un rinçage nasal permet parfois de récupérer un matériel cellulaire suffisant pour identifier la nature de la lésion (encadré 1 et photo 4).

• Lorsque l’examen cytologique ne suffit pas pour conclure, une biopsie peut-être réalisée par voie nasale (chez le chien) ou buccale (chez le chien et le chat), sous guidage endoscopique. Une biopsie dite “à l’aveugle” ou “en foyer fermé” passant par les narines peut être réalisée, mais avec beaucoup de précaution pour ne pas être trop caudale et ne pas risquer d’atteindre la lame criblée de l’ethmoïde. Mais, le plus souvent, la biopsie est réalisée par rhinotomie en s’aidant de l’image tomodensitométrique [36].

Le diagnostic de certitude reste souvent histologique et le geste qui permet le plus souvent d’établir un diagnostic définitif est une biopsie associée à un curetage chirurgical partiellement curatif (encadré 2).

Décision thérapeutique

L’agressivité de ces tumeurs est essentiellement locale. Les métastases à distance sont tardives, et peuvent concerner les nœuds lymphatiques, les poumons et le foie. Le pronostic sombre de ces tumeurs tient plus à leur agressivité locorégionale pouvant entraîner un envahissement des sinus, de l’orbite, voire de l’encéphale (photo 5) [27]. La dissémination métastatique à distance est tardive et ne constitue pas le risque majeur, même si certaines études fondées sur des autopsies systématiques aboutissent à des taux de 41 % de métastases : encéphale (28,3 %) ; nœuds lymphatiques (11,6 %) ; poumons (10,8 %) ; foie (0,8 %) [28]. En revanche, des phénomènes d’ostéolyse peuvent apparaître de façon relativement précoce et constituent alors un défi thérapeutique pour ces tumeurs situées à proximité de l’encéphale et des yeux. L’exérèse n’est presque jamais assez radicale pour être considérée comme “carcinologique”.

La survie en l’absence de traitement varie chez le chien ou le chat de trois à sept mois selon la nature histologique [16, 17, 21, 27, 29]. Le pronostic sans traitement est plus sombre chez le chat, plus souvent anorexique dès qu’il ne peut plus sentir ses aliments [21].

D’où l’intérêt de choix thérapeutiques radicaux (parfois invasifs) qui peuvent améliorer considérablement la survie des animaux : intervention chirurgicale ou non, radiothérapie et/ou chimiothérapie.

1. Chez le chien

À l’issue de l’étape diagnostique, un stade clinique et tomodensitométrique est déterminé : il oriente le choix thérapeutique.

Lors de stade I (atteinte nasale sans ostéolyse), la radiothérapie, éventuellement associée à une intervention chirurgicale, est curative. Lors de stades II (ostéolyse ou atteinte sinusale) et III (atteinte orbitaire ou cérébrale), la chimiothérapie palliative doit être proposée en complément de la radiothérapie (elle-même précédée ou non d’une exérèse chirurgicale) [26].

Traitement chirurgical : intérêts et limites

Les différentes études publiées évoquent des complications per- et postopératoires non négligeables lors de curetage chirurgical et aucun allongement significatif de la survie des animaux opérés n’est observée par rapport aux groupes traités par radiothérapie seule [1]. Seuls les chiens traités par une irradiation adjuvante de basse énergie (ortho-voltage) atteignent des survies plus longues lorsqu’ils ont été opérés. Mais, lors de traitements de haute énergie (mégavoltage : bombe au cobalt ou accélérateur linéaire de particules), aucune différence n’est observée avec ou sans intervention préalable [10, 26, 34]. Néanmoins, les études antérieures à 1993 n’utilisent pas un bilan d’extension tomodensitométrique et une classification par stades cliniques. Les médianes de survie obtenues correspondent à des groupes de chiens pour lesquels les stades cliniques ne sont pas connus : siles groupes nesont pashomogènes, les médianes de survie sont inexploitables.

• Si l’acte chirurgical est controversé dans la littérature anglo-saxonne, il reste préconisé par certains cliniciens pour améliorer le confort du chien lors de dyspnée sévère. Le curetage permet en outre d’identifier la nature histologique de la tumeur. La voie d’abord dorsale est celle qui offre la meilleure exposition des sites à cureter [1, 10, 37]. La pose de drains est parfois nécessaire, et les saignements sont fréquents dans les premières 48 heures [15]. L’acte chirurgical isolé est inutile lors de tumeurs des cavités naso-sinusales car il ne prolonge pas la survie de l’animal : une radiothérapie, voire une chimiothérapie, doit lui être associée [1, 5, 23, 36].

Dans notre expérience, un curetage chirurgical permet, chez des animaux très dyspnéiques, d’obtenir une amélioration clinique spectaculaire à la grande satisfaction des propriétaires, alors plus motivés pour entreprendre les traitements complémentaires. Les animaux ainsi opérés récupèrent une qualité de vie satisfaisante qui leur permet de mieux supporter la radiothérapie (photo 6).

Radiothérapie : le traitement de choix

Si l’intervention chirurgicale est parfois discutée, l’intérêt de la radiothérapie n’est remis en cause par personne : c’est l’acte thérapeutique incontournablelors de tumeurs descavités nasales [2, 16, 20, 26, 27]. Les techniques de radiothérapie décrites lors de tumeur naso-sinusales utilisent essentiellement la radiothérapie externe, soit de basse énergie (ou orthovoltage), soit de haute énergie (ou mégavoltage). La brachythérapie (ou radiothérapie interstitielle par un fil d’iridium radioactif) a été décrite. Utilisée en “bas débit de dose” (pose d’un fil d’iridium radioactif libérant 0,4 à 2 Gy/h, laissé à demeure plusieurs jours), la brachythérapie n’a pas montré d’avantage par rapport à la radiothérapie externe et s’accompagne de nombreuses complications de nécrose locale pour des doses d’irradiation totale comprises entre 70 et 100 Gy [33, 38].

• Une étude récente vient de démontrer l’intérêt de l’utilisation de la brachythérapie en “haut débit de dose” dans le traitement des tumeurs des cavités nasales [11]. Cette nouvelle technique utilise une source d’iridium dite “de haute énergie” libérant environ 12 Gy/h. Cette source permet de fractionnerle traitement en séances de quelques minutes pendant lesquelles le chien est mis en contact avec la source d’192iridium, et aucun matériel radioactif n’est laissé en place sur l’animal. L’hospitalisation du chien n’est plus nécessaire et le personnel soignant n’est plus désormais en contact direct avec la source radioactive. L’étude allemande est réalisée chez 15 chiens avec des tumeurs limitées aux cavités nasales et parfois une atteinte des sinus frontaux. Pour ces tumeurs peu envahissantes, le traitement utilisant l’192iridium à raison de huit séances réparties sur quatre semaines permet une survie médiane de 17 mois, avec une décroissance de la taille tumorale observée dès la quatrième semaine et se poursuivant sur trois à six mois [11]. Les effets secondaires observés sont très limités et il est difficile d’affirmer que le jetage ou l’épistaxis observés sont engendrés directement par la tumeur ou par les irradiations. Cette technique est actuellement accessible en France pour les fibrosarcomes félins. Néanmoins, si, dans l’étude présentée ici, les tumeurs sont peu envahissantes et les effets secondaires réduits, il convient de rester prudent lors de tumeurs plus avancées, atteignant la lame criblée par exemple. Dans ce cas en effet, une dose de radiothérapie suffisante en partie caudale de la tumeur (extension vers la lame criblée difficile à traiter, même avec la radiothérapie externe) peut entraîner des effets secondaires liés à un surdosage en partie rostrale, avec une radiodermite (nécrose irréversible) du chanfrein et du palais mou. Cette situation a été exposée par une équipe néerlandaise en mars 2007 dans le cadre de l’ESVONC (European Society of Veterinary Oncology) [a]. Tant que la technologie ne permet pas chez le chien, en Europe, de réaliser une dosimétrie adaptée en trois dimensions, centimètre par centimètre, suivant la forme trapézoïdale de la cavité nasale du chien (dosimétrie en volume utilisée chez l’homme pour épargner les tissus avoisinant la tumeur), la brachythérapie en haut débit de dose ne peut être utilisée dans cette indication qu’en sous-dosant la dose totale délivrée, afin de prévenir les effets secondaires. Cette technique reste donc encore à améliorer pour pouvoir être indiquée lors de tumeurs infiltrantes des cavités nasales.

• Dans notre expérience, lors de tumeur des cavités nasales, la radiothérapie de haute énergie (accélérateur linéaire de particules) a toujours été utilisée. Avec cette méthode, nous n’avons pas rencontréde complications majeures, y compris lorsque la radiothérapie intervient juste après un curetage chirurgical. Des rhinites temporaires (concomitantes de la chirurgie et de la radiothérapie) sont observées, ainsi que quelques emphysèmes postopératoires. Les rhinites rétrocèdent en quelques semaines, à l’aide d’un traitement symptomatique. Ces observations sont en accord avec les données publiées [16, 20, 26, 27]. Une étude comparant deux groupes de chiens avec et sans radiothérapie montre en 1998 (mégavoltage) des médianes de survie respectives de 424 contre 126 jours [9]. Et, dans les stades I, la chirurgie et la radiothérapie associées sont curatives (survie de 90 % à deux ans ) [20].

Pour les stades cliniques II et III, la chimiothérapie semble améliorer le pronostic.

Chimiothérapie : un complément pour les stades avancés

• En cancérologie vétérinaire, les publications comparent fréquemment un faible nombre d’animaux (en raison du petit nombre de cas rencontrés). Or ces animaux présentent souvent des stades cliniques différents, difficiles à comparer. Certaines études établissent des stades cliniques, mais elles utilisent ensuite des thérapeutiques très variables. Aussi, peu d’études évaluant l’intérêt de la chimiothérapie lors de tumeur naso-sinusale peuvent être considérées comme standardisées et exploitables.

La plupart des publications évaluent la chimiothérapie palliative dans des stades inopérables. Une étude plus récente a évalué une polychimiothérapie palliative utilisée seule associant carboplatine, doxorubicine et piroxicam chez huit chiens inopérables (encadré 3).

Quatre animaux ont bénéficié d’une rémission complète pendant 5 à 17 mois (stades II et III), deux d’une stabilisation de leurs lésions et deux n’ont pas répondu au traitement. Cette étude réalisée sur un petit effectif, mais dans laquelle le stade clinique est bien établi, mériterait d’être poursuivie sur un plus grand nombre d’animaux [17].

• Quelques données existent néanmoins dans des situations où la chimiothérapie complète la radiothérapie. Une étude correspondant à une série de 13 cas traités par orthovoltage potentialisé par un implant de cisplatine (libération de cisplatine pendant trois semaines) montre des résultats très encourageants (stades I et II : médiane de 19 mois contre 10 mois pour les chiens traités en orthovoltage seul dans la même structure). Mais l’approvisionnement en implants de cisplatine reste expérimental.

Des données de durée de survie moyenne ont été corrélées au stade clinique dans deux études (tableau) [20, 26]. Ainsi, pour des animaux en stades II ou III, qui reçoivent une radiothérapie et une chimiothérapie (carboplatine) et qui sont parfois opérés lorsqu’ils sont très dyspnéiques, les survies moyennes sont de 15,3 à 17,3 mois pour les stades II et de 6,5 à 9,2mois pour les stades III. Cette évaluation pourrait être complétée par une étude comprenant un groupe témoin.

• L’intérêt des thérapeutiques complémentaires apparaît ici très clairement au vu du gain de survie (15,3et 6,5 mois respectivement pour les stades II et III les plus sévères) par rapport aux animaux non traités (trois à sept mois) ou traités par une intervention seule (5,5 mois) [26].

Les tumeurs épithéliales étant plus radiosensibles que les tumeurs conjonctives, lors de carcinome de stade I, une radiothérapie adjuvante à l’opération est souvent curative. Lors d’exérèse incomplète (à partir du stade II), la radiothérapie est palliative.

Lors de stades II et III, une chimiothérapie (dérivés du platine) peut être proposée en vue de prolonger la survie des animaux [7, 9, 15, 22].

La photothérapie a été décrite dans cinq cas, montrant une rémission temporaire des symptômes, mais un plus grand nombre de cas serait nécessaire pour évaluer la médiane de survie liée à cette technique [19].

2. Chez le chat

• Chez le chat, lors de tumeur non lymphoïde, les résultats des différentes options thérapeutiques sont semblables à ceux obtenus chez le chien. Néanmoins, lors de lymphome, le pronostic est nettement plus favorable.

• Les durées de survie lors de lymphome nasal sont comprises entre trois mois et quatre ans lorsque les chats reçoivent une radiothérapie ou une chimiothérapie [37]. Le pronostic varie entre les chats avec une atteinte strictement localisée aux cavités nasales et ceux présentant des signes d’envahissement systémique.

Chez les premiers, la radiothérapie utilisée seule permet d’améliorer significativement la survie (médiane de quatre ans dans une étude) [38]. Chez les seconds, une chimiothérapie (protocole classique de lymphome chez le chat) est associée à la radiothérapie, ou est parfois utilisée seule. Le pronostic est alors moins favorable. Les quelques études qui existent concernent un petit nombre de chats, les données manquent.

• Lors de tumeur non lymphoïde, une intervention chirurgicale est indiquée. Néanmoins, le chat possède une mauvaise tolérance à la rhinotomie et les récidives lors de chirurgie seule apparaissent rapidement (1 à 12semaines). La chimiothérapie peut être utilisée seule lors de tumeur non lymphoïde, et, dans ce cas, le carboplatine semble être l’unique molécule efficace. Le carboplatine n’a pas la toxicité mortelle du cisplatine chez le chat. Les survies des chats recevant une chimiothérapie s’échelonnent entre 98 et 358 jours [6, 8]. Des médianes de survie de 382 et 330 jours ont été établies dans deux études pour des tumeurs non lymphoïdes traitées par radiothérapie [6, 8].

Enfin, les traitements de soutien sont essentiels chez le chat, notamment les sondes d’alimentation qui permettent de pallier les phases d’anorexie rencontrées lors des différents traitements, aussi bien chirurgical que de radiothérapique ou, dans une moindre mesure, chimiothérapique [21].

Les tumeurs des cavités nasales du chien et du chat sont souvent associées à un pronostic sombre. Le diagnostic tardif est le facteur essentiel d’échec thérapeutique lors d’atteinte naso-sinusale. Les thérapies adjuvantes sont incontournables : la radiothérapie est alors associée à une chimiothérapie à base essentiellement de carboplatine. Ces traitements, quoique lourds, sont efficaces. Lors de stade I précoce, la radiothérapie, plus ou moins associée à la chirurgie, est curative. Le diagnostic tomodensitométrique doit donc être précoce lors d’atteinte des cavités nasales.

POINTS FORTS

• Le scanner est indispensable pour le diagnostic des atteintes chroniques des cavités nasales.

• Le rinçage des cavités nasales, non invasif, permet d’obtenir un examen cytologique diagnostique chez le chat dans 50 % des cas.

• Lors de tumeurs des cavités nasales, le traitement chirurgical sans radiothérapie adjuvante n’améliore pas la survie des chiens.

• Chez le chien, la chirurgie améliore rapidement la qualité de vie.La radiothérapie et la chimiothérapie permettent d’obtenir des survies plus longues.

Encadré 1 : Réalisation d’un rinçage nasal et sinusal chez un chat

• Pour réaliser un rinçagenasaletsinusal, uneanesthésie générale est nécessaire. Cetexamen est ainsi réalisé à la suite de l’examen tomodensitométrique si les images observées sont compatibles avec un processus tumoralou infectieux. Une petite tubulure souple (tubulure d’épicrânienne par exemple) est connectée à une seringue de 5 ml. Ce cathéter souple est introduit dans la narine et le soluté de NaCl est injecté puis réaspiré plusieurs fois.

• Le prélèvement obtenu est placé dans un tube sec pour une analyse cytologique, et éventuellement sur un milieu de transport si une analyse bactériologique est souhaitée.

Encadré 2 : Examen histologique

Chez le chien

Les tumeurs des cavités nasales sont malignes à 90 %. Ce sont des carcinomes dans 60 % des cas. Parmi les carcinomes, 75 % sont des adénocarcinomes et les 25 % restants sont soit des carcinomes transitionnels, soit des carcinomes épidermoïdes. Enfin, 30 % des tumeurs sont de type mésenchymateux, issues du squelette ou de tissus mous : chondrosarcome, fibrosarcome, ostéosarcome, myxosarcome, hémangiosarcome, lymphosarcome, etc. D’autres tumeurs sont plus anecdotiques : mélanome, tumeurs neuro-endocriniennes, sarcome de Sticker, les tumeurs bénignes étant rares [15, 17].

Chez le chat

Les atteintes des cavités nasales chez le chat sont inflammatoires dans les deux tiers des cas ou tumorales dans un tiers des cas [35]. Les polypes naso-pharyngés représentent 28 % des atteintes de cette région chez le chat [34]. Parmi les affections tumorales, une prédominance très nette des lymphomes est observée (28 à 70 % des tumeurs naso-sinusales du chat selon les études) [3, 8]. Il s’agit essentiellement de lymphomes de type B, moins fréquemment de type T, et quelques rares cas de lymphomes T épithéliotropes sont rapportés [8]. Ensuite, sont décrits des tumeurs épithéliales malignes (parmi lesquelles : 34 % d’adénocarcinomes et 32 % de carcinomes épidermoïdes), quelques sarcomes et quelques tumeurs bénignes, mais ces dernières restent rares [14, 21, 25].

Encadré 3 : Réalisation d’une séance de chimiothérapie au carboplatine

• Chaque séance de chimiothérapie au carboplatine est précédée d’une numération et d’une formule sanguines, ainsi que d’une mesure des constantes rénales. La séance n’est réalisée que si le taux de leucocytes est supérieur à 4& 500/mm3, le taux de polynucléaires supérieur à 2 500 mm3, le taux de plaquettes supérieur à 100 000 mm3 et le taux d’hémoglobine supérieur à 10 g/dl.

• La posologie du carboplatine est de 300 mg/m2 chez le chien et 200 mg/m2 chez le chat. La quantité de carboplatine nécessaire est diluée dans une perfusion de glucose 5 % (selon le rapport : 10 mg de carboplatine dans 10 ml de sérum glucosé). Le produit est administré en perfusion lente sur 30 à 45 minutes selon le volume injecté.

• Attention : le carboplatine est utilisable chez le chat par voie veineuse, mais le cisplatine ne peut en aucun cas l’être seloncette voie d’administration dans cette espèce.

EN SAVOIR PLUS

a - De Vos JP, Butinar J, Picavet E et coll. Multi-modality therapy of a dog with an advanced undifferentiated nasal carcinoma, and of the side effects induced by the tumour and radiation : a case report. Abstract. ESVONC annual congress. Cambridge, England. Mars 2007.

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