Hyperparathyroïdie primaire chez une chienne - Le Point Vétérinaire n° 274 du 01/04/2007
Le Point Vétérinaire n° 274 du 01/04/2007

ENDOCRINOLOGIE CHEZ LE CHIEN

Pratiquer

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Anne-Lise Guigon*, Dimitri Leperlier**, Astrid Baunier***, Pauline De Fornel****, Ghita Benchekroun*****, Juliette Besso******, Arnaud Klein*******, Antoine Hidalgo********, Dan Rosenberg*********

Fonctions :
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94704 Maisons-Alfort Cedex
**ENV d’Alfort
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***Clinique vétérinaire
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L’hyperparathyroïdie primaire est une cause rare de polyuro-polydipsie (PuPd). Le diagnostic, après élimination des autres causes de PuPd, est confirmé par un dosage de parathormone lors d’hypercalcémie.

Une chienne west highland white terrier, stérilisée, âgée de sept ans, est présentée en consultation pour des épisodes intermittents de polyuro-polydipsie (PuPd) depuis huit mois. Le vétérinaire référent a exclu de nombreuses hypothèses diagnostiques (insuffisance rénale, insuffisance hépatique, diabète sucré).

La seule anomalie détectée par ce praticien est une hypercalcémie (calcémie totale corrigée à 140 mg/l, valeurs usuelles [VU] : 90 à 120 mg/l). La chienne est référée pour l’exploration de cette hypercalcémie.

Cas clinique

1. Commémoratifs et examen clinique

La prise de boisson est jugée fluctuante et évaluée, pendant les phases d’augmentation, à 1 l/j (soit 140 ml/kg/j).

Les propriétaires trouvent les urines claires et rapportent des troubles de la continence urinaire : malpropreté nocturne et lors d’absence prolongée.

Les mictions sont normales dans leur déroulement. L’examen clinique est normal.

2. Hypothèses diagnostiques

Compte tenu de l’expression clinique fruste, un diagnostic différentiel aussi large que possible de l’hypercalcémie est pris en compte (voir le TABLEAU “Étiologie des hypercalcémies”) [2,3].

Le caractère chronique de la PuPd et l’évolution insidieuse ne sont pas en faveur d’une intoxication par la vitamine D.

3. Examens complémentaires

Un dosage de la calcémie ionisée est effectué pour confirmer et caractériser l’hypercalcémie. Avec une mesure égale à 1,63 mmol/l (VU : 1,12 à 1,42 mmol/l), celle-ci est confirmée. Parallèlement, une hypophosphorémie est identifiée (phosphorémie égale à 0,84 mmol/l, VU : 1,29 à 2,58 mmol/l).

• L’insuffisance rénale a été exclue par le vétérinaire référent : urémie 0,3 g/l (VU < 0,4 g/l), créatinémie 7 mg/l (VU < 20 mg/l), hyposthénurie avec une densité urinaire à 1,004 en phase de PuPd. Cela montre que le mécanisme de réabsorption/excrétion de l’eau est normal jusqu’au tube contourné distal du néphron.

• De nombreux processus tumoraux qui peuvent être responsables d’une hypercalcémie paranéoplasique, sont écartés en première intention à l’aide des numération et formule sanguines, de radiographies thoraciques et d’une échographie abdominale. Un hypoaldostéronisme est exclu à la suite des mesures de natrémie (157 mmol/l) et de kaliémie (4,2 mmol/l) conformes aux valeurs usuelles.

• L’existence d’une autonomie parathyroïdienne, donc d’une hyperparathyroïdie primaire, est démontrée par la mise en évidence de deux parathormonémies (PTH) conformes aux valeurs usuelles sur des prélèvements effectués lors des phases d’hypercalcémie : parathormonémies respectivement égales à 30 et à 60 pg/ml (VU 19 à 123 pg/ml) (calcémies ionisées correspondantes : 1,68 et 1,63 mmol/l).

• Afin de préciser l’origine de cette hyperparathyroïdie primaire, une échographie de la région cervicale est réalisée. Elle met en évidence un nodule hypoéchogène au pôle cranial de la glande thyroïde droite (2,5 mm de long sur 3,7 mm dorso-ventralement), à l’emplacement de la glande parathyroïde externe droite (cranialement et latéralement à la glande thyroïde droite). La thyroïde gauche est, en revanche, mal visualisée (PHOTO 1 et 2).

4. Traitement

Une exérèse chirurgicale est décidée. Après un abord cervical ventral médian, les glandes thyroïde et parathyroïde droites sont disséquées, le nerf laryngé récurrent droit est visualisé et récliné. La glande parathyroïde externe droite est isolée, puis réséquée, après un temps d’hémostase spécifique (PHOTO 3).

La calcémie ionisée est suivie quotidiennement pendant quatre jours (voir le tableau complémentaire “Suivi de la calcémie et de la parathormonémie” sur planete-vet.com). Une hypocalcémie après deux jours oblige à une complémentation de la ration en vitamine D : 0,10 mg d’alfacalcidol par jour per os (Un-Alfa®(1), une goutte le soir). Au quatrième jour, la calcémie est normalisée. Le chien est rendu à son propriétaire avec une prescription d’alfacalcidol (Un-Alfa®, une goutte le soir).

5. Suivi et évolution

La diminution brutale de la calcémie en phase postopératoire montre que l’exérèse du tissu parathyroïdien autonome a été totale. Cette baisse est en effet assimilée à l’existence d’une hypoparathormonémie postopératoire, qui témoigne de l’absence de tissu résiduel autonome, le tissu parathyroïdien sain étant au repos à la suite d’une hypercalcémie prolongée.

Le résultat de l’analyse histologique permet de conclure à un adénome.

Des contrôles réguliers de la calcémie sont effectués. Le chien est progressivement sevré d’alfacalcidol sur quatre mois. Dix-huit mois après l’exérèse chirurgicale de la tumeur, il présente un bon état général. La prise de boisson est normale sans récidive d’épisode de PuPd. La calcémie évaluée à plusieurs reprises pendant le suivi de l’animal a été à chaque fois conforme aux valeurs usuelles. Dans un contexte d’exérèse complète d’une tumeur bénigne, l’animal est considéré comme guéri.

Discussion

L’hyperparathyroïdie primaire est une sécrétion autonome de parathormone le plus souvent par un adénome unique, plus rarement par un adénocarcinome, par plusieurs adénomes ou par une hyperplasie diffuse de la parathyroïde [4, 6].

La parathormone est un polypeptide de 84 acides aminés, à action hypercalcémiante et hypophosphatémiante, sécrété par les cellules principales des glandes parathyroïdes (voir la FIGURE “Physiologie et régulation de la calcémie par la parathormone”). Ces glandes sont au nombre de quatre, deux craniales, qui sont externes et dorso-latérales aux thyroïdes, et deux caudales enfouies dans le pôle caudo-médial des thyroïdes (voir la FIGURE “Rapports anatomiques des glandes thyroïdes et parathyroïdes”).

1. Clinique

L’hyperparathyroïdie primaire est une maladie rare (et probablement sous-diagnostiquée) décrite chez le chien adulte, en général après l’âge de sept ans [5, 6]. Comme l’illustre le cas décrit, les signes cliniques sont frustes, le plus souvent insidieux, et parfois inexistants [5, 6]. Ainsi, dans une étude rétrospective sur 210 cas d’hyperparathyroïdie primaire, 42 % des chiens étaient asymptomatiques [5]. La PuPd, seul signe présenté par notre chien, est le symptôme le plus fréquent dans 48 à 81 % des cas selon les études, plus ou moins associée à une malpropreté urinaire [4, 5, 6]. La dilution des urines est directement imputable au développement d’un diabète insipide néphrogénique. Celui-ci est responsable d’une polyurie généralement hyposthénurique compensée par une polydipsie [4]. En situation physiologique, la liaison de l’hormone antidiurétique (ADH ou vasopressine) à son récepteur à la surface des cellules du tube collecteur rénal permet une réabsorption hydrique majeure au sein de ce segment terminal du néphron. Lors d’hypercalcémie, la voie de l’AMP (adénosine monophosphate) cyclique, voie de transduction en aval de ce récepteur, est altérée à la suite d’une augmentation de la concentration calcique intracellulaire. Deux mécanismes sont avancés pour expliquer cette perturbation : un dysfonctionnement direct du récepteur à l’ADH ou une inhibition de l’activité adénylcyclase défavorable à la production d’AMP cyclique. Chacun des autres signes cliniques décrits lors d’hyperparathyroïdie est rencontré dans moins de 50 % des cas. Les plus spécifiques sont ceux qui sont liés aux lithiases urinaires (oxalate ou phosphate de calcium le plus souvent) ou aux infections urinaires qui accompagnent parfois ces lithiases. Les lithiases urinaires sont probablement secondaires à l’hypercalciurie chronique observée lorsque les capacités de réabsorption du calcium par le rein sont dépassées dans ce contexte. D’autres mécanismes pourraient également jouer un rôle dans leur apparition (sursaturation urinaire, modification du pH urinaire lors de surinfection, etc.) [4]. Les autres signes (dépression, faiblesse, fonte musculaire, inappétence, tremblements, convulsions, vomissements ou, rarement, douleurs osseuses) ne permettent généralement pas d’orienter le diagnostic [4, 5, 6].

2. Diagnostic, position centrale de la mesure de parathormonémie

La démarche diagnostique s’articule le plus souvent autour de trois axes :

- l’exclusion des autres causes d’hypercalcémie, tumorales le plus souvent 

- la démonstration, par la mesure de la parathormonémie en phase d’hypercalcémie, de l’existence d’une hyperparathyroïdie primaire 

- la caractérisation (localisation et appréciation de la taille principalement) de la lésion responsable de l’hyperparathyroïdie [4].

L’ordre des deux premières étapes est fonction des habitudes du clinicien. Souvent, comme dans ce cas, la mesure de la parathormonémie est effectuée en second, après la recherche a minima d’une tumeur à l’origine d’une hypercalcémie paranéoplasique. Cet ordre s’explique par la faible disponibilité du dosage et des conditions particulières d’acheminement.

Une mise en œuvre de cet examen complémentaire avant toute recherche de processus néoplasique est cependant acceptable. En effet, une mesure conforme ou supérieure aux valeurs usuelles (voir ci-après) peut permettre d’économiser les examens de dépistage d’un processus néoplasique (imagerie, numération et formule sanguines, etc.), alors qu’à l’inverse, une mesure abaissée à indétectable de la parathormonémie, en démontrant que sa sécrétion est régulée correctement, incite à rechercher une tumeur non parathyroïdienne.

La parathormone mesurée est la parathormone intacte. Elle correspond à l’intégralité du polypeptide de 84 acides aminés sécrété par les cellules principales des parathyroïdes. C’est la forme biologiquement active, par opposition à ses métabolites inactifs, fragments amino - et carboxy-terminaux de la molécule. La détection spécifique de la parathormone intacte est possible grâce à l’emploi d’une technique “sandwich” validée chez le chien, fondée sur l’emploi de deux anticorps dirigés contre deux fragments distants de la molécule [9]. Ni les fragments de dégradation de la PTH, ni la parathormon-related protein n’interfèrent avec le dosage. Le prélèvement est effectué sur tube sec ou EDTA. Pour prévenir la dégradation de la parathormone, il doit être stocké et envoyé congelé après centrifugation. La parathormone est toutefois stable pendant deux heures à température ambiante et 24 heures au réfrigérateur [3, 6].

Pour explorer l’activité des parathyroïdes, il est nécessaire de toujours confronter la mesure de la parathormonémie à une calcémie obtenue sur un échantillon prélevé simultanément. Ainsi, l’association d’une valeur usuelle de parathormone et d’une hypercalcémie simultanée, comme dans le cas décrit, doit être considérée comme anormale. En effet, lors d’hypercalcémie, la sécrétion de parathormone est freinée chez le chien sain. Sa concentration plasmatique est alors indétectable (ou, au moins, fortement diminuée). Explorer la sécrétion de parathormone chez un animal présentant une hypercalcémie peut donc être assimilé aux épreuves de freinage effectuées dans le cadre d’affections qui touchent d’autres axes endocriniens. Une absence d’effondrement de la parathormonémie signe une sécrétion autonome, qui échappe à toute forme de rétro­contrôle [4, 5, 6]. Dans une étude rétrospective, 73 % des chiens atteints d’hyperparathyroïdie ont présenté des valeurs de parathormone conformes aux valeurs usuelles de parathormonémie déterminées chez des animaux dont la calcémie est normale [5].

3. Échographie de la région cervicale

Lors de diagnostic d’hyperparathyroïdie, les indications de l’échographie sont la localisation préchirurgicale de lésions parathyroïdiennes, l’orientation du clinicien vers un diagnostic différentiel lésionnel hiérarchisé en fonction de l’aspect et de la taille du nodule visualisé [4, 7, 8]. Chez l’homme, elle est également utilisée pour les biopsies échoguidées [10]. Chez le chien, les parathyroïdes normales sont parfois observées en routine, sous forme de nodules hypoéchogènes de diamètre inférieur à 2 mm. Les parathyroïdes anormales sont des nodules ronds ou ovales, bien définis, hypo - à anéchogènes. Une distinction échographique fiable entre hyperplasie, adénome et adénocarcinome est impossible. Néanmoins, les nodules dont le plus grand diamètre est supérieur à 4mm sont en général observés dans des contextes d’adénomes ou d’adénocarcinomes, alors que les lésions comprises entre 2 et 4 mm sont le plus souvent rencontrées lors d’hyperplasie (ces hyperplasies étant plus fréquentes lors d’hyperparathyroïdie secondaire que primaire) [10, 11]. Dans le cas décrit, le diamètre maximal du nodule mesurait 3,7 mm. Cette image équivoque a été considérée comme suffisante pour décider son exérèse, en raison d’une seconde mesure de parathormonémie plasmatique compatible avec la première et de l’exclusion d’une insuffisance rénale. L’imagerie doit être considérée comme un moyen de localiser la lésion, le diagnostic de certitude étant établi à l’aide de l’examen histologique.

4. Pourquoi un traitement chirurgical ?

L’objectif du traitement est de supprimer la sécrétion autonome de parathormone. L’exérèse de la parathyroïde anormale y répond efficacement (90 % des chiens présentent une lésion unique) [4]. Des techniques alternatives moins sanglantes sont proposées : la destruction du parenchyme lésé par déshydratation à la suite de l’injection échoguidée d’éthanol et la nécrose thermique par radiofréquence. Malgré le peu de recul sur ces méthodes, elles offrent des résultats relativement satisfaisants. Cependant, elles ne semblent pas apporter de gain d’innocuité (risque de paralysie du larynx, par exemple) et entraînent, en outre, un risque de récidive plus élevé comparativement à l’exérèse chirurgicale conventionnelle. Enfin, elles ne permettent pas l’analyse histologique du prélèvement, cruciale dans des cas analogues à celui décrit ou lorsqu’une hypothèse d’adénocarcinome parathyroïdien est envisagée [4, 7, 8].

Un traitement médical de l’hypercalcémie préchirurgicale ou d’urgence n’est en général pas nécessaire, les signes cliniques étant frustes, comme pour ce chien, et les complications de l’hyperparathyroïdie primaire, le développement d’une néphrocalcinose, par exemple, étant rares dans ce contexte pathologique [4].

5. Pourquoi traiter un animal paucisymptomatique ou asymptomatique ?

Dans le cas décrit, le traitement est chirurgical car le chien présente une PuPd cyclique fréquente. Chez l’homme, les risques à long terme d’une hypercalcémie chronique sont mal connus. Il en est de même chez le chien. En médecine humaine, l’intervention chirurgicale est de règle pour les patients symptomatiques. Pour ceux qui sont asymptomatiques, des critères ont été établis pour l’indication de l’intervention : élévation de la calcémie sérique supérieure à 10 mg/l par rapport à la limite supérieure de normalité, calciurie sur 24 heures supérieure à 400 mg, clairance de la créatinine réduite de 30 %, densité osseuse inférieure à 2,5, patient âgé de moins de 50 ans. Les patients asymptomatiques non traités sont étroitement suivis : contrôle biannuel de la calcémie, contrôle annuel de la densité osseuse et de la créatinémie. Dans 25 % des cas, la maladie progresse et nécessite une intervention chirurgicale [1]. En l’absence d’étude chez le chien, le traitement chirurgical reste préconisé en première intention compte tenu de son efficacité, de l’absence de complication grave et d’un rapport coût/efficacité intéressant.

6. Pourquoi ne pas avoir d’emblée complémenté l’animal avec de la vitamine D en phase postopératoire ?

En phase postopératoire, la complication la plus fréquente est une hypocalcémie liée à l’atrophie des glandes parathyroïdiennes restantes. La durée nécessaire à la reprise de leur fonctionnement normal est estimée à trois à quatre mois.

L’hypocalcémie se manifeste le plus souvent entre le deuxième et le sixième jour postopératoires. Le risque d’hypocalcémie semble d’autant plus élevé que la calcémie est élevée avant l’exérèse chirurgicale [4, 6]. Dans le cas décrit, l’hypercalcémie était modérée : calcémie totale corrigée égale en moyenne à 140 mg/l. À l’heure actuelle, un consensus existe pour recommander, lors d’hypercalcémie modeste (<140 mg/l), une hospitalisation de cinq jours avec une mesure biquotidienne de la calcémie, sans substitution directe. Une complémentation en vitamine D, en l’absence de disponibilité dans la pharmacopée de parathormone, est débutée lors de signes cliniques d’hypocalcémie, ou lors de calcémie totale inférieure à 85 mg/l ou lors de calcémie ionisée inférieure à 0,8 nmol/l [4]. À l’inverse, lors de calcémie totale supérieure à 140 mg/l, une substitution postopératoire immédiate en vitamine D est indiquée. Cette substitution peut même parfois être commencée 24 à 36 heures avant l’acte chirurgical (à moduler selon le délai d’action de certaines formes de vitamine D). Une calcithérapie peut aussi être nécessaire dans les 24heures postopératoires [4].

Cependant, cette conduite habituelle n’a pas fait l’objet d’une validation scientifique chez le chien. Dans le cas décrit, la substitution en vitamine D a été débutée lorsqu’une calcémie ionisée égale à 1 nmol/l a été mesurée, en considérant le caractère brutal de la décroissance postopératoire de la calcémie. Cette diminution brutale, attribuée à une incapacité du tissu sain mis au repos à sécréter la parathormone, indique une exérèse complète du tissu autonome, avant même l’analyse histologique du prélèvement.

Le principe actif choisi a été l’alfacalcidol (1-á-hydroxycholécalciférol ou 1- á -hydroxyvitamine D3) [6]. Il s’agit d’un précurseur de synthèse de la vitamine D3 active (calcitriol), dont l’hydroxylation par le foie, indépendante de la présence de parathormone, donne le calcitriol (1,25-hydroxycholécalciférol ou 1,25-hydroxyvitamine D3). Dans un contexte postopératoire d’hypoparathyroïdie, la synthèse de vitamine D3 active est bloquée (la transformation hépatique de vitamine D3 en 25-hydroxyvitamine D3 s’opère, mais sa seconde hydroxylation rénale en position alpha, régulée par la parathormone, est impossible). L’alfacalcidol a été choisi dans le cas décrit plutôt que le calcitriol pour des considérations galéniques (disponibilité pour le premier d’une forme liquide autorisant une modulation thérapeutique très simple).

Le calcitriol, administré directement ou indirectement à la suite de l’apport d’alfacalcidol, exerce une action hypercalcémiante qui contrebalance les effets de l’hypoparathyroïdie postopératoire, en augmentant l’absorption intestinale de calcium et la résorption osseuse, ainsi qu’en limitant la calciurèse. L’objectif est de maintenir une calcémie proche des limites inférieures des valeurs usuelles, ce qui évite les symptômes associés à une hypocalcémie, tout en limitant le risque de précipités phosphocalciques iatrogènes. Le suivi de la calcémie permet à moyen terme de diminuer jusqu’au sevrage cette substitution, au fur et à mesure de la reprise d’activité du tissu parathyroïdien sain laissé en place.

Le cas décrit dans cet article met en relief le caractère anormal, donc diagnostique, d’une parathormonémie conforme aux valeurs usuelles dans un contexte d’hypercalcémie. Le traitement de référence, effectué ici, consiste en l’exérèse de la (ou des) parathyroïde(s) lésée(s).

Des techniques thérapeutiques moins sanglantes comme la destruction échoguidée du parenchyme lésé par injection d’éthanol ou par nécrose thermique font l’objet d’études chez le chien. De telles stratégies supposent le développement de la biopsie échoguidée des lésions parathyroïdiennes afin d’établir le diagnostic histologique. L’intérêt du traitement chez l’animal asymptomatique reste à vérifier. 

  • Médicament à usage humain.

Points forts

L’hyperparathyroïdie primaire est une maladie rare dont les signes cliniques sont frustes, voire absents.

Le seul signe constant est l’hypercalcémie chronique.

Son diagnostic est établipar élimination des autres affections induisant une hypercalcémie, le dosage de la parathormone et l’échographie des parathyroïdes.

Une concentration de parathormone conforme aux valeurs usuelles associée à une hypercalcémie est anormale.

L’exérèse chirurgicale de la (ou des) parathyroïde(s) lésée(s) est le traitement de choix.

Une hypocalcémie par insuffisance parathyroïdienne liée à la mise au repos du tissu sain doit être anticipée au cours de la période postopératoire.

En savoir plus

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- Moreau R, Squires RA. Hypercalcemia. Comp. Contin. Educ. Pract. Vet. 1992;14(8):1077-1086.

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