Approche pratique des affections cardiaques - Le Point Vétérinaire n° 273 du 01/03/2007
Le Point Vétérinaire n° 273 du 01/03/2007

CARDIOLOGIE CHEZ LE VEAU

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Sébastien Buczinski*, Anne-Marie Bélanger**

Fonctions :
*Clinique ambulatoire bovine
Faculté de médecine vétérinaire
CP 5000, Saint-Hyacinthe
Québec, Canada
**Clinique ambulatoire bovine
Faculté de médecine vétérinaire
CP 5000, Saint-Hyacinthe
Québec, Canada

L’examen clinique ne doit pas se limiter à la recherche d’un souffle ou d’une cyanose. Les fonctions cardiovasculaires et respiratoires sont à explorer de façon approfondie, au moins cliniquement, pour préciser le pronostic.

Les affections cardiaques du jeune bovin sont acquises (péricardites, endocardites, cardiomyopathies liées à une carence en vitamine E et/ou en sélénium) ou congénitales/héréditaires (voir la FIGURE “Répartition des maladies cardiaques chez de jeunes bovins avec un diagnostic de cardiopathie”) [30]. Bien qu’aucune étude de prévalence réelle dans les conditions de terrain n’ait été réalisée, ces maladies ne semblent pas constituer une dominante pathologique en néonatalogie bovine par rapport aux affections respiratoires et gastro-entériques. Les malformations cardiaques affecteraient seulement 0,1 % des veaux naissants (voir l’ENCADRÉ “Affections cardiaques congénitales du veau”) [23].

Les affections cardiaques du jeune bovin constituent toutefois un défi diagnostique et pronostique pour le praticien.

Première étape : détecter les signes cliniques

1. Motif de consultation

Une dyspnée et/ou un essoufflement rapide, même pour peu d’activité, sont des signes évidents de détresse cardiorespiratoire. Ils constituent en général des motifs de consultation. Toutefois, les veaux affectés par des maladies cardiaques présentent ces signes à des degrés variables.

Le veau paraît parfois simplement incapable de téter longtemps, à cause de l’essouffle­ment (voir la FIGURE “Principales causes de détresse cardiorespiratoire chez le veau nouveau-né et affections cardiaques congénitales majeures”) [c].

Une communication interventriculaire (CIV) de faible taille peut être totalement asymptomatique. Le motif de consultation peut donc être tout autre que cardiorespiratoire (diarrhée, etc.) [9]. Lorsque cette communication excède 3 cm, la détection clinique survient en général dans les heures qui suivent la naissance car la détresse cardiorespiratoire est importante [9].

La persistance fonctionnelle des vestiges fœtaux (canal artériel, trou de Botal), avec l’expression d’un souffle se retrouve souvent associée à une hypertension pulmonaire anormale (voir l’ENCADRÉ “Vestiges fœtaux cardiaques chez le veau”) [36]. En effet, à la naissance, lorsque les premières respirations ne sont pas assez amples, la diminution de la pression de la circulation pulmonaire n’est pas suffisante pour que les mécanismes d’involution de ces vestiges fœtaux aient lieu.

2. Inspection et palpation

• Sur 106 cas présentés au CHUV de Saint-Hyacinthe (Canada) entre 1990 et 2005, dont 36 âgés de moins d’un an, 59 bovins présentent des signes d’insuffisance cardiaque, 47 n’en ont pas [a, b].

• Un œdème périphérique et/ou une distension des veines jugulaires associé(e) à un pouls veineux rétrograde peuvent être observés au stade de l’insuffisance cardiaque congestive : augmentation du tonus sympathique, activation du système rénine angiotensine-aldostérone, etc. (PHOTO 1).

• La cyanose est un élément de diagnostic différentiel important [5, 6, 10]. Toutefois, ce signe n’est ni sensible, ni spécifique des affections cardiaques. En effet, il apparaît à des stades avancés (si la pression artérielle en O2 < 60 mmHg), voire pas du tout lors d’anémie associée. En outre, il peut être présent lors d’anomalie respiratoire.

• De nombreuses affections cardiaques congénitales se manifestent par des turbulences sanguines “palpables” [9, 39]. Ce frémissement ou fremitus (“thrill”) est notamment ressenti lors de CIV sur la paroi costale droite, à chaque systole ventriculaire [9]. Il correspond au passage du sang du ventricule gauche vers le ventricule droit.

3. Auscultations cardiaque et respiratoire

• La plupart des anomalies cardiaques du jeune se manifestent par des modifications à l’auscultation, mais, chez un veau présenté en détresse cardiovasculaire, il convient de ne pas se contenter de rechercher uniquement un souffle.

Une tachycardie apparaît avant que les signes d’insuffisance cardiaque ne surviennent [b]. Il s’agit d’un moyen de compensation précoce pour le cœur. Néanmoins, d’autres facteurs peuvent entraîner une augmentation de la fréquence cardiaque anormale (stress, hyperthermie, etc.).

Des dysrythmies doivent également être recherchées. Un déséquilibre électrolytique ou acido-basique peut toutefois les engendrer [36].

Comme chez l’adulte, les péricardites chez le veau sont associées à une diminution de l’intensité des bruits cardiaques. Des effets de clapotis sont audibles lorsque des bactéries gazogènes se multiplient dans le sac péricardique (washing machine ou splashing sounds pour les anglosaxons). Les péricardites sont la résultante des complications de pneumonie et de pleurésie chez le jeune [1, 11]. Des anomalies de l’auscultation respiratoire sont donc souvent notées concomitamment (sifflement, crépitements, disparition des bruits respiratoires lors de pleurésie).

• La recherche d’un souffle cardiaque est un temps indispensable de l’examen cardiaque (voir l’ENCADRÉ “Description clinique d’un souffle cardiaque chez un veau” et la FIGURE “Diagnostic différentiel clinique des anomalies cardiaques congénitales du veau entraînant un souffle”) [c].

• Toutefois, la gravité de la cardiopathie n’est pas proportionnelle à l’intensité du bruit perçu. Ainsi, lors de CIV, un souffle marqué accompagne les cas les moins graves parce que le gradient de pression entre le cœur droit et le cœur gauche est important lorsque le trou est de petite taille. Lorsque la défectuosité est large, les pressions des petite et grande circulations peuvent s’égaliser, le souffle est alors peu ou pas perceptible, mais le pronostic est sombre.

4. Recherches associées

Si une anomalie cardiaque congénitale est diagnostiquée, le praticien doit envisager la présence d’autres anomalies congénitales associées, non cardiovasculaires : fentes palatines, utérus unicorne, hydrocéphalie, anévrisme carotidien [9, c]. L’association de plusieurs défauts assombrit le pronostic.

Deuxième étape : examens complémentaires

Une fois l’examen physique détaillé complété, le clinicien peut entreprendre, selon les moyens disponibles et la valeur de l’animal, une série d’examens complémentaires.

1. Analyses sanguines

Un dosage du fibrinogène plasmatique à partir d’un prélèvement sanguin est un acte relativement simple à proposer (norme : de 3 à 5 g/l). Il permet de distinguer les affections cardiaques inflammatoires (péricardite, endocardite) des affections congénitales, et aide à déterminer si un traitement antibiotique est indiqué.

2. Électrocardiogramme

Un électrocardiogramme pourrait théoriquement être proposé par un praticien mixte qui dispose du matériel portable adapté, pour préciser le type d’anomalie du rythme entendu. Néanmoins, le réseau de conducteurs de Purkinje est diffus chez les bovins. Cet examen est donc peu utile pour détecter des dilatations ou des hypertrophies ventriculaires/atriales [23].

3. Examen échocardiographique

• L’examen échocardiographique est un moyen sensible et spécifique pour le diagnostic différentiel lors de maladie cardiaque bovine [7 à 11, a]. Néanmoins, son efficacité diagnostique dépend de l’équipement disponible, de l’habitude de l’opérateur et de la complexité de la maladie. Malgré la rareté des affections cardiaques chez les bovins, certains praticiens mixtes qui effectuent de façon régulière un examen échocardiographique chez les carnivores qu’ils soignent, peuvent le proposer chez des veaux de grande valeur.

• Le diagnostic échographique des péricardites, des endocardites et des cardiomyopathies est assez facile à établir, même dans les conditions de terrain (PHOTO 2) [7]. Une CIV peut être diagnostiquée à partir de la coupe dite des “cinq cavités”, dans laquelle apparaît la partie membraneuse du septum interventriculaire ventralement aux valvules aortiques [7, 8]. Pour aider à formuler le pronostic, la taille du trou est mesurée, ainsi que la vitesse du flux sanguin qui le traverse (Doppler pulsé). Il n’existe pas de données chez le veau, mais chez le cheval, une taille inférieure à 2,5 cm et une vitesse de flux supérieure à 4 m/s sont compatibles avec une carrière sportive [9, 37].

• Le diagnostic des autres affections congénitales nécessite une plus grande technicité et, surtout, une sonde adaptée à l’espace intercostal étroit des bovins. Le système Doppler doit en outre être mis en œuvre pour détecter des turbulences [20]. Sauf pour éliminer ou confirmer une péricardite exsudative, les sondes transrectales ont généralement une pénétrance trop faible (ce qui limite les capacités de visualisation de l’ensemble du cœur) et sont peu pratiques sur un espace intercostal étroit. Une sonde sectorielle (de 3,5 à 5 MHz) autorise une visualisation plus en profondeur du cœur. La grosseur du ventricule droit peut être comparée à celle du ventricule gauche (deux fois plus gros), pour dépister les hypertensions pulmonaires primaires ou associées à des sténoses pulmonaires avec hypertrophie ventriculaire droite secondaire. Cela indique l’importance des changements subis par le myocarde, même sans préciser totalement le diagnostic.

4. Examen radiographique

L’examen radiographique thoracique ne peut être envisagé que chez de jeunes veaux, à condition de disposer d’un matériel portable (par exemple, celui qui est utilisé en équine ambulante) ou bien de faire venir le veau là où les installations fixes sont disponibles [17].

S’il est peu sensible et peu spécifique pour la détection des anomalies congénitales cardiaques, cet examen permet de mettre en évidence l’éventuelle composante respiratoire d’une affection cardiaque [9]. Plus de 50 % des animaux affectés de CIV présenteraient ainsi des degrés divers de bronchopneumonie [9]. L’œdème pulmonaire ne semble pas fréquemment rapporté, mais une sensibilité accrue aux infections respiratoires est souvent constatée. Elle pourrait être liée à un défaut de clairance mucociliaire dû à un certain degré de congestion pulmonaire altèrant la viscosité du mucus [9].

Par ailleurs, les péricardites sont fréquemment la conséquence de la propagation par contiguïté d’une infection pulmonaire et/ou pleurale, qu’il est possible de visualiser [1, 11].

5. Oxymétrie

En conditions hospitalières, face à une cyanose et lorsqu’il est difficile d’exclure une affection respiratoire concomitante, la réponse (évaluée par l’amélioration des gaz sanguins artériels) à l’administration intranasale d’oxygène est évaluée. L’oxygène inhalé augmente la fraction inspirée en oxygène et facilite l’oxygénation du sang de la circulation pulmonaire, et accroît la pression partielle en oxygène du sang artériel périphérique. Ce dernier paramètre va alors augmenter à la suite de l’inhalation d’O2 lors de maladie respiratoire. L’inhalation d’O2 n’a, en revanche, aucun effet lors de shunt intracardiaque puisque le sang non hématosé est dévié vers la grande circulation, sans passer dans le poumon [10, c].

Troisième étape : formuler un pronostic

Le pronostic est surtout l’occasion d’une discussion éclairée avec le propriétaire de l’animal, sachant que les connaissances restent limitées en cardiologie néonatale bovine. Différentes descriptions cliniques d’anomalies néonatales permettent d’apporter un éclairage pronostique, mais les biais possibles de telles études doivent être pris en compte car ils peuvent conduire à des pronostics trop pessimistes ou trop optimistes. Ainsi, un éleveur informé que son veau présente une anomalie cardiaque est a priori plus susceptible de réformer l’animal, immédiatement ou dès qu’un autre trouble survient (insémination non fécondante, épisode de pneumonie) [9]. Inversement, une anomalie qui n’a pas entraîné la mort rapide de l’animal fait plus facilement l’objet d’une publication.

1. Pronostic individuel des péricardites et des endocardites

Il n’existe pas de description d’affections cardiaques acquises avec un bon pronostic sur des critères de production (gestation, croissance, production de lait), une fois le diagnostic établi [1, 11, 22, 30, 33, 38]. Même si les descriptions sont rares chez le jeune, l’affection a théoriquement des conséquences plus péjoratives sur un cœur en croissance. Un pronostic aussi sombre que chez l’adulte peut donc être formulé [4]. Lorsque l’effusion est peu marquée ou en l’absence de grandes quantités de fibrine détectables à l’échographie, un traitement médico-chirurgical peut être tenté chez un animal avec un bon potentiel génétique [12].

2. Pronostic individuel des affections congénitales

Communication interventriculaire

La CIV étant l’affection congénitale la plus fréquente, quelques données pronostiques sont disponibles (PHOTO 3). Lorsqu’elle s’accompagne de signes d’insuffisance cardiaque, son pronostic est sombre [9]. Dans une étude rétrospective sur 25 cas présentés au CHUV de Saint-Hyacinthe, parmi dix animaux étant sortis de l’hôpital, dont six suivis plus d’un an après leur séjour, tous ont eu un avenir peu ou pas productif (quatre réformes hâtives pour des raisons de reproduction, un défaut de croissance et une mort subite) [9]. Il existe toutefois des cas d’avenir productif normal chez des bovins affectés [36, b].

En l’absence de signes d’insuffisance cardiaque, il est difficile de formuler un pronostic sans échocardiographie.

Tétralogie de Fallot

La tétralogie de Fallot est une autre cardio­pathie congénitale bovine assez fréquente, mais les études disponibles portent sur un faible nombre de cas, voire sur des cas isolés [19, 26, 27, 28]. Les plus fréquentes descriptions de cette affection cyanosante apparaissent dans les premiers mois de vie. La dégradation clinique est rapide. Des survies jusqu’à l’âge de deux ou trois ans sont mentionnées, mais ces animaux n’ont pas eu d’avenir véritablement productif au sein du troupeau [19, 26].

3. Pronostic sur les ascendants et les collatéraux

Des conseils de réforme des ascendants, voire des frères ou des sœurs des veaux affectés, sont souvent donnés lorsqu’une malformation cardiaque est diagnostiquée. Pour l’instant, il n’existe pas ou peu de preuves factuelles que toutes les cardiopathies congénitales soient héréditaires. La communication interatriale semble toutefois être plus présente pour la race maine-anjou (PHOTO 4) [25]. La cardiomyopathie dilatée paraît associée au phénotype rouge pour les races ayrshire ou holstein [16]. Une cardio­myopathie est également connue en race japonaise noire [43]. Un défaut de synthèse d’élastine aboutissant à une fragilité anormale des gros vaisseaux a, par ailleurs, été identifié pour la race limousine (maladie de Marfan) [3].

Quatrième étape : possibilités de traitement

Les tentatives de traitement doivent être réservées aux cas pour lesquels il n’existe pas de signes d’insuffisance cardiaque importants et où les changements du muscle cardiaque sont peu marqués, chez des animaux qui ont une valeur potentielle importante.

1. Place de l’antibiothérapie

L’antibiothérapie n’est pas réservée aux affections cardiaques dont la cause primaire est infectieuse (péricardites/endocardites). Elle est également recommandée lors de cardiopathies congénitales, car les complications pulmonaires sont fréquentes. Quelques rapports de cas mentionnent que les turbulences sanguines engendrées par les cardiopathies congénitales entraînent souvent des lésions de l’endocarde, d’où une sensibilité accrue aux endocardites végétantes en cas d’épisodes de bactériémie répétés [3, 15, b].

2. Thérapeutique médicale

• Le traitement médical des affections cardiaques se limite au contrôle des électrolytes importants pour la contraction cardiaque (calcium) et à l’administration raisonnée d’oligo-éléments dont les propriétés antioxydantes sont majeures pour les cellules musculaires (surtout sélénium, associé ou non à la vitamine E, et cuivre) [14].

• Les diurétiques (furosémide, à la dose de 0,5 à 2 mg/kg) peuvent, en diminuant la précharge cardiaque, limiter l’œdème cardiogénique. Toutefois, leur utilisation prolongée doit s’accompagner d’un suivi des électrolytes de l’animal (risques d’hypokaliémie) [14].

• Le clinicien peut également utiliser différents agents antiarythmiques ou antihypertenseurs. Néanmoins, aucune validation clinique de cette famille de médicaments n’existe chez le veau cardiaque, ni aucune étude pharmacologique. Le traitement médical est souvent un traitement à long terme, voire à vie, ce qui limite en pratique l’emploi de ces agents pharmacologiques chez les bovins. L’utilisation de l’inosine (Tonarsyl®), inotrope positif indiqué pour les affections cardiaques bovines, n’a pas été validée cliniquement. Son intérêt paraît discutable, sauf lors de cardiomyopathie où le défaut d’inotropie (contractilité cardiaque) est la principale anomalie observée [36].

Aucune étude clinique ne valide non plus l’efficacité des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine lors de symptômes cardiaques chez les bovins.

• D’autres molécules ont été administrées de façon empirique pour les maladies cardiaques chez les bovins, comme la digoxine(1), les aminophyllines et l’heptaminol (voir l’ENCADRÉ “Utilisation de la digoxine, des aminophyllines et de l’heptaminol dans le traitement des maladies cardiaques chez les bovins”).

• Les corticoïdes peuvent trouver leur place dans l’arsenal thérapeutique cardiovasculaire lorsque l’animal est en état de choc, même si aucune donnée ne valide véritablement leur efficacité dans de telles conditions. Leur effet minéralo­corticoïde pourrait également être intéressant, stimulant la diurèse et diminuant ainsi la formation d’un œdème périphérique. Néanmoins, cette activité est déjà exacerbée lors d’évolution d’une maladie cardiaque.

• Il est en définitive difficile d’effectuer des recommandations précises concernant la thérapie médicale lors de maladie cardiaque chez le veau. Dans les autres espèces pour lesquelles la thérapie cardiaque est plus développée, les traitements utilisés sont de longue durée, voire pendant toute la vie de l’animal. Outre les coûts engendrés, les traitements à long terme soulèvent la question des temps d’attente pour des molécules dont les limites maximales de résidus n’ont pas été définies.

3. Place du traitement chirurgical

• Les péricardites du veau peuvent être traités spécifiquement par drainage et lavage local [11, 12]. Il est néanmoins difficile de prédire les conséquences de ce traitement à moyen ou à long terme sur la croissance cardiaque [4]. Le pronostic dépend de la quantité de fibrine présente autour du cœur et dans l’espace péricardique.

• Pour les cardiopathies congénitales, il n’existe pas de traitement spécifique chez les bovins. Des tentatives de correction chirurgicale de CIV chez le veau ont été effectuées uniquement à titre expérimental [18].

Les maladies cardiaques néonatales bovines sont encore largement méconnues dans leur mode d’apparition et de transmission. Leur pronostic dépend, non seulement de la sévérité des lésions et de leurs répercussions cliniques, mais aussi et surtout des attentes de l’éleveur et de la valeur potentielle du veau.

Un relevé plus systématique des ascendants des veaux atteints de cardiopathie et la recherche d’ancêtres communs permettraient de distinguer les composantes héréditaires ou environnementales des diverses cardiopathies néonatales.

Le manque de validation scientifique des traitements symptomatiques disponibles se heurte au coût des études à réaliser pour des affections rares.

  • (1) Médicament à usage humain.

Affections cardiaques congénitales du veau

La communication interventriculaire (CIV) est la plus fréquente [9, 10, 29, 32, 41].

Viennent ensuite, avec des prévalences variables, selon les études [35, 36] :

- la tétralogie de Fallot : association de CIV, de dextroposition de l’aorte, d’hypertrophie ventriculaire droite et de sténose pulmonaire ;

- la persistance du ductus arteriosus ou canal artériel [34] ;

- la communication interatriale [25].

Vestiges fœtaux cardiaques chez le veau

La présence du canal artériel (ductus arteriosus) n’est pas associée à un souffle physiologique chez le veau car cette structure se ferme très rapidement, contrairement à ce qui se passe chez le poulain (souffle systolo-diastolique basal normal au cours de la première semaine de vie). Un souffle correspondant à la présence de ce canal chez le veau amène à conclure à une mauvaise involution ou à une hypertension pulmonaire empêchant cette involution.

Le foramen ovale ou trou de Botal se ferme aussi dans les quelques minutes qui suivent la naissance chez le veau [36]. Si un souffle correspondant au trou de Botal est audible, c’est que ce dernier a mal involué ou que la communication interatriale était plus large que la normale à l’origine.

Description clinique d’un souffle cardiaque chez un veau

Le souffle doit être situé par rapport aux deux bruits du cycle cardiaque normal : «boum» ou S1, qui correspond à la fermeture des valvules atrioventriculaires, donc au début de la systole ventriculaire, et «ta» ou S2 qui correspond à la fermeture des valvules sigmoïdes aortiques et pulmonaires, et marque la fin de la systole ventriculaire.

Un souffle systolique, c’est-à-dire survenant pendant le court silence entre S1 et S2, accompagne la majorité des affections cardiaques congénitales : communication interventriculaire (CIV), persistance du foramen ovale, sténose pulmonaire ou aortique.

Un souffle diastolique, survenant lors du long silence, est audible lors de régurgitation des valvules sigmoïdes aortiques ou pulmonaires.

Un souffle systolo-diastolique correspond à un sifflement continu, sans possibilité de distinguer précisément la systole et la diastole ventriculaires. Il est le plus souvent associé à une persistance du canal artériel (ductus arteriosus), mais il peut aussi l’être à une anomalie rare : la CIV compliquée d’un prolapsus de la valvule aortique, avec régurgitation aortique associée [40].

Le point d’intensité maximale (PMI) du souffle est déterminé (basal/apical, droit/gauche) pour aller plus loin dans le diagnostic différentiel. Le souffle perçu lors de CIV est fréquemment holosystolique basal droit, car l’anomalie est située dans la partie membraneuse du septum interventriculaire et le sang la traverse de gauche à droite en systole ventriculaire [9, c].

Utilisation de la digoxine, des aminophyllines et de l’heptaminol dans le traitement des maladies cardiaques chez les bovins

Le recours à la digoxine(1), inotrope positif par augmentation du calcium disponible dans le cardiomyocyte, nécessite une bonne évaluation des déséquilibres acido-basiques, de l’hydratation et de la fonction rénale [36]. Sa toxicité avérée lors de déshydratation et d’insuffisance rénale s’exprime par des arythmies et une bradycardie.

Les aminophyllines (diprophylline contenue dans Frécardyl®, etc.), inhibiteurs de la phosphodiestérase, sont d’usage contesté lors de maladie cardio­respiratoire. Elles ont une action bronchodilatatrice et vasodilatatrice qui favorise les perfusions coronaire et rénale, augmentant ainsi la diurèse, mais l’intervalle entre les doses thérapeutique et toxique est faible. Celui-ci est encore diminué lors d’associations avec certains médicaments, notamment les antibiotiques de la famille des fluoroquinolones (inhibition de leur élimination hépatique). La toxicité des aminophyllines se manifeste par des arythmies (à la suite d’une augmentation de la sécrétion des catécholamines), voire des arrêts cardiovasculaires. Chez le veau qui présente des symptômes respiratoires, une étude montre une mortalité de 25 % dans le lot traité, comparée à 0 % dans le groupe témoin. Leur utilisation (contestable) lors de maladie cardiaque nécessiterait au minimum des suivis électrolytique et électrocardiographique.

Aucune donnée scientifique ne valide la pertinence de l’utilisation de l’heptaminol, agent vasodilatateur et inotrope positif, chez les ruminants (seul dans Vétécardiol®, associé à la vincamine et à la papavérine dans Candilat RS®, associé à la diprophylline dans Frécardyl®).

Congrès

a - Buczinski S, Francoz D, Fecteau G. Congestive heart failure in cattle : 59 cases (1990-2005). Congrès mondial de buiatrie, Nice, France, 2006 : OS18-1.

b - Buczinski S, Francoz D, Fecteau G. Heart diseases in cattle without signs of heart failure : 47 cases (1995-2005). Congrès mondial de buiatrie, Nice, France, 2006 : poster 631.

c - Buczinski S, Fecteau G. La pathologie cardiaque du jeune veau : des nouveautés et des incertitudes. Congrès de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec, Saint-Hyacinthe, 2004 : 329-333.

  • 7 - Buczinski S, Bélanger AM, Francoz D. Diagnostic échographique des anomalies cardiaques. Point Vét. 2006 ; 37(265): 26-29.
  • 9 - Buczinski S, Fecteau G, DiFruscia R. Ventricular septal defects in cattle : 25 cases (1987-2003). Can. Vet. J. 2006 ; 47 : 246-252.
  • 10 - Buczinski S, Fecteau G, Francoz D et coll. Les affections cardiaques congénitales du veau : une approche clinique diagnostique simple. Méd. Vét. Québec. 2005 ; 35(2): 79-85.
  • 11 - Buczinski S, Bélanger AM, Francoz D. Péricardite exsudative associée à une pneumonie. Point Vét. 2004 ; 36(247): 66-69.
  • 14 - Constable PD. Therapeutic management of cardiovascular diseases. In : Howard JL ed. Current Veterinary Therapy, Food Animals Practice. Philadelphia. 1995 : 491-495.
  • 17 - Farrow CS. Radiographic assessment of congenital heart disease in calves using silhouette analysis. Vet. Clin. N. Amer. Food Anim. Pract. 1999 ; 15(2): 379-389.
  • 20 - Hagio M, Murakami T, Otsuka H. Two dimensional echocardiographic diagnosis of bovine congenital heart disease : echocardiographic and anatomic correlations. Jap. J. Vet. Res. 1987 ; 49 : 883-894.
  • 29 - Ohwada K, Murakami T. Morphologies of 469 cases of congenital heart diseases in cattle. J. Jap. Vet. Med. Assoc. 2000 ; 53 : 205-209.
  • 36 - Reef VB, McGuirk SM. Diseases of the cardiovascular system. In : Large Animal Internal Medicine. 3rd ed. Ed. Smith BP. St. Louis, Mosby Co. 2002 : 443-478.
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