Nouvelles tables Inra pour les fourrages - Le Point Vétérinaire n° 272 du 01/01/2007
Le Point Vétérinaire n° 272 du 01/01/2007

NUTRITION DES RUMINANTS

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : René Baumont

Fonctions : Unité de recherches
sur les herbivores
Inra Clermont-
Ferrand/Theix,
63122 Saint-Genès-
Champanelle

Les teneurs en PDI et en minéraux et les valeurs d’encombrement du maïs évoluent. Le critère NDF (teneur en parois végétales totales) et l’enrubanné font leur entrée.

Nouvelles tables Inra pour les fourrages Depuis 1988, les tables de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) sur la valeur alimentaire des aliments n’avaient pas changé pour les fourrages [. Or les connaissances ont progressé, la composition chimique des fourrages a évolué, et de nouvelles techniques de récolte et de conservation de l’herbe se sont démocratisées. De nouvelles tables sont proposées dans la réédition du livre Alimentation des bovins, ovins et caprins [4]. Une nouvelle version correspondante du logiciel “INRAtion-PrévAlim” sera disponible en cours d’année. Pour les matières premières, les tables ont déjà été réactualisées en 2002 [8].

Les tables de composition chimique et de valeur alimentaire (unité fourragère : UF ; protéines digestibles dans l’intestin : PDI ; unités d’encombrement : UE) permettent d’estimer en première approche la valeur d’un aliment, celle-ci pouvant être affinée par une analyse chimique (voir l’ENCADRÉ “Système PDI”). Pour les fourrages, les valeurs proposées dans les tables résultent de mesures chez le mouton, de la digestibilité et de l’ingestibilité des fourrages verts distribués (environ 1500 mesures pour l’édition 1988). Ces mesures ont été réalisées par famille botanique, par espèce végétale ou par type de prairie, par cycle et par stade de végétation, qui est le principal facteur de variation de la valeur alimentaire au sein d’un cycle. Les valeurs proposées pour les fourrages conservés sont construites à partir de celles des fourrages verts correspondants, et des effets connus des différents modes de récolte et de conservation, qui ont été quantifiés dans des études spécifiques (par exemple, pour les valeurs PDI, voir [e]). Le même principe (mesures in vivo/ extrapolations) a été conservé pour les tables 2007. Les données de 1988 ont ainsi été réutilisées en les enrichissant à partir d’études menées depuis cette date, principalement à l’Inra de Theix, de Rennes, de Lusignan et dans les unités expérimentales des Monts-Dore, du Haras du Pin, et à l’Institut national agronomique Paris-Grignon.

Meilleure estimation des valeurs PDI

Les valeurs PDI des fourrages de graminées, de légumineuses et de prairies permanentes ont été entièrement recalculées à partir d’une meilleure estimation des effets de la famille botanique, du cycle de végétation, du mode de conservation du fourrage et de sa teneur en azote sur la dégradabilité dans le rumen et sur la digestibilité de l’azote alimentaire dans l’intestin(DT, dr).

En 1988, faute d’un nombre suffisant de données expérimentales, les DT et les dr des fourrages avaient été fixées pour chaque grande catégorie : fourrages verts, ensilages avec ou sans conservateur, ensilages préfanés, foins.

Ce sont principalement les valeurs PDIE qui sont modifiées. Par rapport à 1988, celles-ci diminuent légèrement lors du premier cycle de végétation pour les stades précoces et augmentent pour les stades tardifs. Les valeurs des autres cycles augmentent de 3 g/kg de matière sèche (MS) en moyenne. Pour les fourrages conservés, les valeurs des foins augmentent de 2 à 3 g/kg de MS en moyenne. En revanche, celles des ensilages d’herbe réalisés en coupe directe diminuent de 4 à 10 g/kg de MS (avec conservateur).

Teneurs en constituants pariétaux

Les teneurs en parois végétales totales (NDF) et en fraction lignocellulose (ADF), ainsi qu’une estimation de leur digestibilité ont été introduites dans ces tables. En effet, la quantité et la nature des parois végétales d’une ration influent sur sa valeur alimentaire, sur la santé des animaux et sur la qualité des produits. La présence de ces critères est également importante pour la diffusion internationale des tables (voir l’ENCADRÉ “ Différentes tables de prévision de la valeur alimentaire des fourrages”). Les nouvelles mesures de digestiblité et d’ingestibilité s’inscrivent bien dans les relations qui peuvent être calculées entre la digestibilité de la matière organique (dMO) ou l’ingestibilité et la teneur en NDF des fourrages. Elles confortent donc les valeurs des tables.

L’enrubanné fait son entrée

Les ensilages mi-fanés, réalisés par la technique des balles rondes enrubannées, se sont considérablement développés depuis une quinzaine d’années. Des valeurs de référence ont été introduites pour ce type de fourrages, avec des teneurs en MS de l’ordre de 55 %. Elles ont été établies à partir de comparaisons réalisées au même stade de végétation, entre l’ensilage mi-fané et le foin ou l’ensilage direct ou préfané. Au même stade végétatif, les valeurs des ensilages mi-fanés sont logiquement intermédiaires entre celles des ensilages préfanés et des foins récoltés par beau temps.

Des teneurs minérales en baisse

Les teneurs en phosphore et en calcium des fourrages ont été entièrement révisées pour intégrer la diminution globale des teneurs en minéraux au cours des années passées (de 5 à 40 % selon les travaux de F. Meschy et J.-L. Peyraud [c, d]). Ces changements sont sans doute liés aux évolutions des modes de production et des rendements depuis une vingtaine d’années. Les teneurs en éléments absorbables, fondement des nouveaux systèmes d’apports alimentaires recommandés en minéraux, ont parallèlement été introduites. Toutes les données sur les minéraux d’intérêt nutritionnel ne figurent pas dans la version imprimée des tables de l’Inra. Certaines sont uniquement disponibles dans le CD-Rom, en particulier les teneurs en oligo-éléments des fourrages, en “chute vertigineuse”. Ces données réactualisées pour les minéraux ont permis aussi de calculer de nouveaux critères d’intérêt nutritionnel comme le bilan alimentaire cations-anions.

Baisse des valeurs d’encombrement du maïs

Pour des conditions de végétation normales, les valeurs du maïs fourrage ont été révisées à partir des mesures de digestibilité chez le mouton et d’ingestibilité chez la vache laitière réalisées depuis 1988. Les valeurs énergétiques évoluent peu, mais les valeurs PDIN des maïs actuels sont plus faibles en raison de la diminution des teneurs en azote. La modification principale concerne les valeurs d’encombrement pour les vaches laitières qui ont été diminuées de 5 à 10 % pour tenir compte des ingestibilités plus élevées observées depuis une dizaine d’années TABLEAU “Nouvelles valeurs alimentaires de l’ensilage de maïs”. D’autres types de fourrages nécessiteraient d’être réactualisés (les céréales immatures par exemple) ou introduits (ensilages de sorgho).

Vers des tables santé

À l’avenir, les tables pourront aussi renseigner les critères de qualité des produits intéressants pour la santé publique et celle de l’animal. Des travaux sont en cours pour préciser la teneur en acides gras des fourrages, car ce facteur détermine la teneur en acides gras du lait. Le pouvoir antioxydant des fourrages pourrait apparaître dans les tables, sous une forme synthétique ou à travers les teneurs en polyphénols, en caroténoïdes, etc.

Des critères caractérisant le rythme de dégradation des fourrages dans le rumen pourraient également être inclus progressivement, comme dans le système américain. Ils permettront de mieux évaluer l’effet d’encombrement et l’ingestibilité, mais aussi le risque d’acidose pour l’animal, en particulier avec les fourrages qui se dégradent rapidement comme l’ensilage de maïs.

Système PDI

Le système PDI utilisé en France permet d’exprimer la valeur azotée des aliments, ainsi que les besoins des animaux en protéines digestibles dans l’intestin (PDI en g/kg) [f].

Les protéines sont réparties en deux fractions à la sortie du rumen : alimentaire (PDIA) et microbienne (PDIM). La valeur PDIA des aliments dépend de deux variables : la dégradabilité théorique des protéines dans le rumen (DT) et la digestibilité réelle des acides aminés d’origine alimentaire dans l’intestin grêle (dr). Pour la fraction microbienne, deux valeurs sont attribuées pour chaque aliment, selon que l’énergie fermentescible (PDIME) ou l’azote dégradable (PDIMN) est considérée comme le facteur limitant.

Les aliments sont caractérisés par deux valeurs PDI : PDIE = PDIA + PDIME et PDIN = PDIA + PDIMN.

Différentes tables de prévision de la valeur alimentaire des fourrages

Les différentes tables de prédiction de la valeur alimentaire des fourrages destinés aux bovins ont des paramètres communs, tel que les teneurs en matière organique (MO), en matière azotée totale (MAT), la digestibilité de la MO (dMO) et des MAT.

Le nombre de fourrages de référence en France est largement supérieur à celui des autres pays, y compris au Royaume-Uni et aux États-Unis [1, 2]. Aux Pays-Bas, les références sont fondées sur des équations de prévision des valeurs énergétiques et azotées à partir de la composition chimique [9]. Seules quelques valeurs repères sont données. Les systèmes allemand (groupe de Rostock, 2003) et suisse sont assez proches du système français sur ce point [5, 7].

Les glucides et les fractions pariétales sont renseignés de façon variable selon les pays. Dans les anciennes tables françaises, seule la teneur encellulose brute figurait, alors que les Britanniques, les Américains et, plus récemment, les Suisses s’appuient sur le fractionnement Van Soest en NDF (hémicellulose, cellulose, lignine), ADF (cellulose, lignine) et lignine.

Les rythmes de dégradation des glucides et des protéines des fourrages dans le rumen ne figurent que dans les tables américaines. Leur prise en compte en France est à l’étude.

Des valeurs d’ingestibilité des fourrages, traduites en unités d’encombrement, sont proposées principalement dans les tables françaises, les mesures à la base des tables ayant été réalisées chez des animaux nourris à volonté en France, contrairement aux autres pays.

La valeur alimentaire des prairies permanentes n’est pas caractérisée de la même façon suivant les pays. Les tables suisses sont les plus avancées, car elles prennent en compte la grande diversité de composition botanique des prairies selon les conditions de milieu et d’exploitation (intensive/extensive). La France envisage de s’en inspirer. Un programme d’étude a été engagé pour quantifier les relations entre les facteurs agronomiques, le mode de conduite des prairies, leur composition botanique et leur valeur alimentaire, à partir d’un réseau de parcelles. L’objectif est de s’abstraire de la région d’étude.

  • 1 - ADAS (collectif). Tables of feed composition and nutritive value for ruminants. MAFF Ed, Chalcombe, Royaume-Uni.1992 : 99 p.
  • 2 - CVB (collectif). Handleiding vorderwaardeberekening ruwvoeders. Centraal Veevoeder Bureau Eds. Lelystad, Pays-Bas. 2001 : 40 p.
  • 3 - Inra (collectif). Alimentation des bovins, ovins, caprins. Éd. Inra, Versailles. 1988 : 471 p.
  • 4 - Inra (collectif). Alimentation des bovins, ovins et caprins. Besoins des animaux, valeurs des aliments. Tables Inra. Éd. Quae. 2007 : 330 p.
  • 5 - Daccord R, Wyss U, Kessler Jet coll. Apports alimentaires recommandés et tables de la valeur nutritive des aliments pour les ruminants. Zollikofen, Éd. Centrale des moyens d’enseignement agricole Suisse. 1999 : 211-254.
  • 6 - Inra AFZ (collectif). Tables de composition et de la valeur nutritive des matières premières destinées aux animaux d’élevage. Éds Inra. 2002 : 301 p.
  • 7 - Jentsch W, Chudy A, Beyer M. Rostock feed evaluation system. Plexus Verlag Ed. 2003 : 30-88.
  • 8 - National research council (collectif). NRC Nutrient requirements of dairy cattle. National Academy Press Eds., Washington, USA. 2001 : 381 p.
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr