Envenimations par les arthropodes - Le Point Vétérinaire n° 272 du 01/01/2007
Le Point Vétérinaire n° 272 du 01/01/2007

ENVENIMATION CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT

Se former

COURS

Auteur(s) : Christelle Decosne-Junot

Fonctions : Unité Siamu
École nationale vétérinaire
de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile

À côté des conséquences locales de degré variable, les envenimations par les arthropodes peuvent avoir de graves répercussions générales parfois mortelles, en particulier à la suite d’un état de choc d’origine allergique.

Les envenimations sont l’ensemble des symptômes résultant de l’inoculation de venins d’animaux. Les chiens et les chats, par leur comportement exploratoire ou joueur, sont sujets à ces envenimations. Le seul traitement spécifique existant est l’immunothérapie antivenimeuse, qui est spécifiquement étudiée pour l’homme. Le traitement des envenimations chez les chiens et les chats est avant tout fondé sur les connaissances étiopathogéniques des différentes envenimations.

Chez l’homme, elles représentent un véritable problème de santé publique dans certaines régions du monde (envenimations dues à des scorpions dans les pays du Maghreb, envenimations ophidiennes en Extrême-Orient, en Amérique latine et en Afrique subsaharienne). En France, la plupart des envenimations sont d’origine terrestre et concernent plus souvent le chien que le chat. Les animaux terrestres à l’origine des envenimations sont des insectes (hyménoptères, lépidoptères), des arachnides (araignées, tiques, scorpions), des ophidiens et des amphibiens. Ce sont les insectes qui engendrent le plus de cas d’envenimation en France (chenilles processionnaires), puis les serpents et les batraciens [5, 6].

Cet article traite des envenimations par les arthropodes. Un article ultérieur envisagera celles qui sont dues aux ophidiens et aux batraciens.

Envenimations par les insectes

1. Hyménoptères : envenimation par piqûres

Les piqûres par les hyménoptères sont fréquentes en saison estivale tant chez le chien que chez le chat [2, 3, 4]. Il convient de distinguer trois cas de figure : piqûre simple (réaction locale uniquement), piqûres multiples et réaction anaphylactique.

Les insectes concernés sont :

- les apidés (abeilles). Les abeilles ne piquent que lors d’agression (sauf pour les abeilles africaines ou africanisées), mais elles sont souvent nombreuses car elles vivent en colonie. Le dard et le réservoir à venin sont laissés dans l’épiderme de l’animal ;

- les vespidés (guêpes, frelons). Ils piquent en général une fois et ne laissent pas le dard. Les attaques en groupe sont rares ;

- les formicidés (fourmis). Leurs piqûres passent le plus souvent inaperçues car les fourmis d’Europe sont très peu pathogènes.

Les venins de tous les hyménoptères ont une base commune : histamine, dopamine, noradrénaline et diverses enzymes telles que des phospholipases A, des hyaluronidases, des phosphatases acides, des estérases et des protéases.

Le venin d’abeille contient spécifiquement de l’apamine (toxicité nerveuse) et de la mellitine, responsable de la douleur occasionnée, celui de guêpe des kinines, de la sérotonine, des mastoparanes (hypotension, propriétés algiques), et celui de frelon de la tyranine et de la mandaratoxine, en plus des toxines précitées pour la guêpe (hémolyse).

Les toxines produites par les hyménoptères sont très allergisantes. Les venins de guêpe et de frelon présentent de plus une antigénicité croisée.

Symptômes

Les signes cliniques observés sont d’une gravité variable selon l’insecte concerné, le nombre de piqûres et la sensibilisation antérieure de l’animal (PHOTO 1).

• Lors de réaction non allergique :

- si les piqûres sont peu nombreuses, elle provoquent une douleur au point d’inoculation, un érythème transitoire (30 minutes), un œdème et un prurit localisés. Des complications infectieuses au point d’inoculation sont parfois observées dans un second temps lors de piqûres de guêpes (nécrose locale). Lors d’ingestion, une piqûre dans la partie postérieure de la cavité buccale peut entraîner une détresse respiratoire aiguë par obstruction des voies respiratoires supérieures. Les piqûres d’hyménoptères à proximité ou dans l’œil sont à l’origine de complications et de séquelles oculaires graves (blépharite, kératite ulcérative, uvéite) ;

- si les piqûres sont nombreuses, différentes zones corporelles sont atteintes, ce qui peut entraîner des difficultés diagnostiques en l’absence de commémoratifs. La douleur prédomine dans un premier temps, et des signes généraux peuvent apparaître dans les minutes et les heures qui suivent l’attaque des hyménoptères : symptômes digestifs, hypo- ou hypertension, troubles de l’hémostase, insuffisance hépatique, état de choc (détresse respiratoire, troubles circulatoires et convulsions). Des signes rénaux sont aussi décrits chez l’homme piqué plus de 30 fois par des guêpes et plus de 300fois par des abeilles [4].

• Lors de réaction allergique, l’animal peut développer localement une furonculose éosinophilique (érythème, alopécie) concernant la zone touchée (membre, chanfrein). Il s’agit d’un phénomène d’hypersensibilité de type I. Lors de réaction d’hypersensibilité systémique, les signes cliniques apparaissent dans les minutes qui suivent la ou les piqûres, et se traduisent par un état de choc associant une réaction urticarienne (prurit, papule, œdème), une réaction digestive (abdomen aigu, vomissements, diarrhée), des troubles respiratoires (dyspnée, bronchospasme, œdème des voies respiratoires supérieures) et vasculaires (hypotension, bradycardie). La mort est possible si une réanimation n’est pas rapidement entreprise.

Traitement

Le traitement dépend de la gravité des signes cliniques. Lors de piqûres par des abeilles, le dard doit être retiré sans presser la glande à venin. Dans tous les cas, la zone d’inoculation du venin doit être tondue et désinfectée. Lors de réaction locale, la mise en place d’une corticothérapie par voie générale peut être indiquée sur une courte durée, de même que l’administration d’antalgiques (morphiniques : morphine, 0,1 mg/kg par voie sous-cutanée à renouveler toutes les quatre à six heures ; tramadol à libération prolongée, 5 à 10 mg/kg per os toutes les 24 heures). Lors de réaction urticarienne étendue, notamment en région laryngée, la corticothérapie est nécessaire (méthylprednisolone, 1 à 2 mg/kg par voie intraveineuse). Un anti-histaminique H1 peut être administré lors de choc anaphylactique, de même que de l’adrénaline par voie intraveineuse (0,01 mg/kg) ou inhalée (1 mg d’adrénaline pour 5 ml de NaCl en nébulisation cinq à dix minutes). L’oxygénothérapie est souvent nécessaire si l’œdème est laryngé. En cas de choc anaphylactique, l’adrénaline est administrée par voie intraveineuse ou intratrachéale (0,1 mg/kg), puis un apport en oxygène est entrepris. Le remplissage vasculaire est alors primordial (hypotension) bien avant la mise en place de la corticothérapie, qui s’effectue une fois la réanimation engagée. Le monitorage est essentiel et doit durer au moins 24 heures.

Prévention

Des programmes de désensibilisation sont entrepris chez les personnes allergiques. Il n’existe aucun traitement préventif chez le chien ou le chat.

2. Lépidoptères : envenimation par contact (oral surtout)

• Plusieurs sortes de chenilles peuvent être à l’origine d’érucisme (envenimation par les poils urticants des chenilles). Chez l’homme, pas moins de 200 espèces de lépidoptères ont été répertoriées comme entraînant des réactions cutanées inflammatoires par contact [1, 3, 4, 7]. En France, la principale chenille responsable de troubles chez le chien et le chat, avec davantage de cas chez le premier que chez le second, est la chenille processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa). D’autres espèces sont décrites sur le pourtour du Bassin méditerranéen : la chenille processionnaire du chêne (Thaumetopoea processionnae) et la chenille processionnaire (Thaumetopoea wilkinsoni) qui se retrouve plutôt vers la partie est de la Méditerranée (Turquie). L’envenimation se produit lorsque les chenilles descendent de leur nid de soie où elles ont passé l’hiver, en procession (d’où leur nom), en général au début du printemps (de janvier à juin selon les conditions climatiques). La dose de toxine est alors maximale car les chenilles ont une grande quantité de poils urticants (stade larvaire L5). À la fin de leur procession, elles s’enterrent, afin de se transformer en adulte : un très joli papillon de nuit, inoffensif. Quelques larves erratiques sont parfois retrouvées à d’autres saisons, mais elles sont rarement en procession et sont beaucoup moins toxiques car elles présentent moins de poils. Cependant, des poils urticants peuvent persister dans le nid.

• D’autres chenilles peuvent être à l’origine de troubles chez les carnivores, mais leur importance clinique est plus limitée (Dasychira pudibunda, Euproctis chrysorrhoea, Arctia caja).

• Le venin, une toxine appelée thaumatopoéine, est inoculé à l’animal par les poils de la chenille. Les poils urticants inoculent la toxine par contact. La chenille ne les projette pas. En revanche, ils peuvent être véhiculés par grand vent directement dans les voies respiratoires et au contact de l’épiderme de l’animal.

• La thaumatopoéine a une activité histamino-libératrice élevée à l’origine d’une augmentation de la perméabilité vasculaire, de la contraction des fibres musculaires lisses digestives et du syndrome inflammatoire localisé et systémique associé.

• Les commémoratifs orientent souvent le clinicien vers ce type d’envenimation : saison, lieu, présence d’un nid de chenilles sur un pin dans le jardin ou à proximité, jeune chien ou chat. Parfois, les propriétaires rapportent qu’ils ont vu leur animal jouer avec des chenilles.

Symptômes chez l’animal

• Les signes cliniques présents à l’admission sont variables selon le délai qui s’écoule entre le contact avec les chenilles et l’arrivée de l’animal. Au début (dans les deux à trois heures après le contact), un ptyalisme, un prurit et des vomissements peuvent être observés. Ils sont rapidement suivis par l’apparition d’une phlyctène (œdème du torus lingual) (PHOTOS 2 et 3), de papules et de vésicules linguales, d’une détresse respiratoire, d’une hyperthermie (fréquente à l’admission), d’un œdème de la face, d’hématomes, de suffusions et de pétéchies sur les muqueuses oculaires et buccales [1].

• Des troubles digestifs hémorragiques et des signes cutanés sur les membres et l’abdomen (érythème, papules) peuvent aussi être notés.

Symptômes chez l’homme

L’érucisme se rencontre aussi chez l’homme, soit par contact direct avec les chenilles (inhalation, ingestion possible pour les enfants), soit par contact indirect (soins aux carnivores). Les troubles observés par contact indirect sont des papules, un érythème et un prurit au niveau des zones de contact (mains). Ces signes disparaissent la plupart du temps spontanément en 24 heures. Toutefois, des chocs anaphylactiques ont été décrits par contact direct. Il est donc conseillé de toujours porter des gants lors de l’admission d’un chien ou d’un chat suspect d’envenimation par des chenilles processionnaires (présence de restes d’épines sur le pelage), et d’éviter de se toucher les muqueuses oculaires (risque de conjonctivite).

Traitement

• Dans un premier temps, il convient d’oxygéner l’animal si celui-ci est en état de détresse respiratoire. Une sonde nasale est mise en place en l’absence d’un œdème pharyngé. Dans le cas contraire, un cathéter transtrachéal ou une trachéotomie d’urgence sont indiqués car l’intubation orotrachéale est quasi impossible en raison de la présence d’un œdème lingual.

• La suite de la réanimation comporte un rinçage abondant de la cavité buccale avec de l’eau froide (vasoconstriction, élimination mécanique des épines et des toxines) et/ou une solution alcaline (bicarbonate) car la thaumatopoéine est sensible au pH. Les frottements doivent être évités afin de limiter la pénétration du poison. L’application d’une compresse humide ou d’une bande adhésive permet de retirer une grande quantité de poils urticants. Parallèlement, la fluidothérapie est adaptée à l’état de choc que présente l’animal (choc distributif). De l’adrénaline peut être administrée dans les cas d’extrême gravité. La température rectale est abaissée (intérêt des douches à l’eau froide) lors d’hyperthermie. La prise en charge comporte l’administration par voie générale de glucocorticoïdes tels que de la dexaméthasone (0,2 mg/ kg/12 h par voie intraveineuse) ou de l’hémisuccinate de prednisolone (1 mg/kg/12 h par voie intraveineuse). Des anti-histaminiques peuvent aussi être prescrits (prométhazine, 0,5 à 2 mg/kg/j par voie intraveineuse), sans toutefois que leur efficacité ait été prouvée chez le chien. Une héparinothérapie systémique est conseillée (risque de coagulation intravasculaire disséminée, ou CIVD) à l’aide d’héparine (100 à 500 UI/kg/8 h par voie sous-cutanée) ou d’héparine de faible poids moléculaire (nadroxiparine, 50 à 100 UI/kg/24 h par voie sous-cutanée). L’analgésie est essentielle dès l’admission de l’animal car la perte progressive de la perfusion des tissus est douloureuse (morphine ; éviter l’administration conjointe d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et de glucocorticoïdes). L’application locale d’anesthésiques est controversée (vasodilatation, perte des réflexes, retard de cicatrisation, etc.).

• L’antibiothérapie est à mettre en place en dernier lieu. Elle peut être différée de quelques jours car, dans ce cas de figure, l’antibioprophylaxie n’apporte pas d’amélioration notable. L’injection intralinguale de glucocorticoïdes ou d’héparine est décrite, mais elle est aussi sujet à controverse (mauvaise diffusion locale, ajout d’un traumatisme tissulaire, source de complication septique secondaire, formation de dépôts calciques iatrogènes intralinguaux). Des protecteurs gastro-intestinaux (sucralfate) sont conseillés dès que possible si l’ingestion de chenilles est suspectée.

• Selon la gravité de l’envenimation, plusieurs périodes critiques sont observées : à l’admission, avec un risque de mort par étouffement (œdème laryngé), dans les premières 24 heures, avec un risque de mort par troubles hémodynamiques (choc distributif, CIVD, hémorragie digestive), dans les quatre à cinq jours suivants, avec l’observation de séquelles le plus souvent buccales (perte linguale) (PHOTOS 4 et 5). Durant cette dernière phase, la réalimentation est un point clé du traitement. La voie buccale est mise au repos par la pose d’une sonde naso-œsophagienne ou d’œsophagostomie. En effet, l’œdème des tissus peut être à l’origine d’une fausse route, l’animal est le plus souvent anorexique (douleur locorégionale intense lors de nécrose) et les aliments qui restent dans la cavité buccale sont une source de contamination septique non négligeable. Il n’est pas rare d’avoir à retirer chirurgicalement les zones nécrotiques (leur chute est parfois spontanée en deçà du sillon disjoncteur souvent visible dès le deuxième jour).

• L’hospitalisation peut être suspendue dès que l’animal s’alimente seul. L’évolution des lésions est néanmoins à contrôler durant quinze jours. Certains chiens arrivent à se nourrir avec une langue extrêmement courte (quelques centimètres). En conséquence, si l’animal passe quatre jours, le pronostic vital est en général assez bon, même si les lésions paraissent encore importantes [3].

Prophylaxie

Il n’existe pas de prévention efficace ou de sérothérapie antitoxinique. Les nids des chenilles doivent être retirés avant leur descente en procession (en hiver). Une fois brûlés, les restes doivent être éliminés car la toxine peut persister : l’envenimation peut alors se faire par ingestion de chenilles brûlées (communication personnelle, Siamu).

Envenimations par les arachnidés

1. Araignées : envenimation par morsure

En France, et dans le cadre des envenimations par les araignées, il convient de différencier deux cas de figure :

- le contact du chien ou du chat avec une araignée autochtone (peu pathogène) ;

- le contact avec une araignée importée (nouvel animal de compagnie ou zone d’import-export, comme un port maritime, un aéroport, etc.) [3, 4].

Le second cas étant exceptionnel et très peu décrit, nous n’aborderons que l’envenimation par les araignées autochtones. En France métropolitaine, seules deux espèces sont potentiellement dangereuses pour les carnivores :

- la malmignatte ou araignée cul rouge ou veuve noire (Latrodectus mactans tredecimguttatus) ;

- la recluse (Laxosceles rufescens).

Ce sont deux araignées nocturnes.

• La malmignatte vit en milieu extérieur, dans les rocailles, les plantes basses ou les rocailles du sol. Seule la femelle est venimeuse. Sa taille varie de 8 à 15 mm. Elle est reconnaissable par son abdomen noir avec deux taches rouges dorsales. Ces taches peuvent être jaunes à orangées chez les jeunes.

• La recluse vit en milieu extérieur ou dans les habitations (caves, garages, penderies). Sa taille varie de 7 à 12 mm. Elle se caractérise par un abdomen vert recouvert de poils grisâtres et un céphalothorax brun clair ou gris.

Les venins sont sécrétés par des annexes du tube digestif et sont très riches en composants de type acides aminés, amines biogènes, enzymes protéolytiques et neurotoxines protéiques.

Ces deux espèces ne sont pas agressives. L’envenimation se produit lorsque l’araignée se défend : passage d’un chien sur la toile, jeux d’un chat avec l’animal.

Symptômes

• Les signes cliniques observés après morsure par une malmignatte sont plus importants chez le chat que chez le chien. Une douleur est rapportée dans tous les cas [3, 4]. Le chien présente essentiellement des tremblements et des myoclonies, le chat, un ptyalisme, de l’agitation, voire une paralysie (passage de la barrière hémato-méningée par le venin et toxicité nerveuse associée). Chez l’homme, ce sont les signes d’hypertension artérielle et de tachycardie, les vomissements et les céphalées qui prédominent.

• Les signes cliniques associés à une morsure par une recluse sont essentiellement locaux : œdème et nécrose cutanée associée. L’évolution de la plaie ressemble à celle d’une brûlure.

• Dans les deux cas, les troubles évoluent sur 24 à 48 heures, puis régressent.

Diagnostic et traitement

Le diagnostic de certitude est établi par l’observation des traces de morsure (quelques millimètres), rarement faite dans le pelage des carnivores.

Le traitement est avant tout local : tonte et désinfection. L’administration d’antalgiques peut être utile : anti-inflammatoires non stéroïdiens, morphiniques. Lors de morsure grave par une malmignatte, les centres antipoison disposent d’antivenins à usage humain. L’utilisation de ces derniers n’est pas décrite chez le chien et le chat.

Prévention

Aucune prévention n’est possible, mais les troubles observés sont relativement bénins et faciles à traiter.

2. Scorpions : envenimation par piqûre

Tous les scorpions sont venimeux, mais leur danger pour les mammifères varie d’une espèce à l’autre. Les plus venimeux sont ceux de la famille des Buthidés, du genre Androtocnus, Buthus et Buthotus qui se retrouvent en Afrique, en Asie et en Amérique centrale et du Sud[3, 4, 8]. En France, plusieurs espèces sont présentes. Les deux plus pathogènes sont Buthus occitanus occitanus ou scorpion languedocien, et Euscorpius flavicaudis ou scorpion commun. Leur période d’activité principale est la saison chaude.

• Le scorpion languedocien mesure de 4,5 à 7 cm de long et est de couleur jaune paille (PHOTO 6). Sa queue est épaisse et ses pinces fines. Il vit en région méridionale (des Pyrénées-Orientales à la vallée du Var, mais pas en Corse). Il sort essentiellement la nuit et se loge sous des rochers, dans des endroits secs et ensoleillés.

• Le scorpion commun a une taille de 5 à 6 cm. Son corps est de couleur noire, ses pattes et sa queue sont jaunes. La vésicule à venin est claire. Cet animal vit dans la région méridionale (Corse comprise), mais quelques spécimens ont été retrouvés dans des zones plus au nord (Paris, Nevers, Lyon, Bordeaux). Il recherche les endroits frais et humides tels que les forêts (souche d’arbre et écorce) ou les tuyauteries des maisons d’habitation (salle de bains).

Le venin est contenu dans une glande à venin se situant à l’extrémité de la queue (le telson). La piqûre et l’inoculation de venin sont sous contrôle volontaire et indépendant. Par conséquent, la piqûre n’entraîne pas forcément l’inoculation de venin.

La composition du venin est très variable d’un scorpion à l’autre. Des enzymes protéolytiques et des neurotoxines sont essentielles dans la pathogénie de l’envenimation, de même que la présence constante d’histamine et de sérotonine. Lorsque le venin est injecté par voie péri- ou intraveineuse, les signes généraux peuvent être importants. Lors d’ingestion, le venin est inactivé, mais il peut rester irritant pour les muqueuses digestives.

Les scorpions sont en général peu agressifs. Chez les carnivores, les piqûres surviennent lorsque le scorpion est surpris et ne peut fuir. Il met alors son aiguillon au-dessus de sa tête, pique, puis contracte la musculature striée de sa glande à venin et inocule ce dernier à l’agresseur.

Symptômes

• Les signes cliniques chez le chien et le chat lors d’envenimation par un scorpion languedocien peuvent être locaux (douleur, œdème sur les membres et la face) et systémiques (bradycardie, vomissements, diarrhée). Ils surviennent dans les deux heures qui suivent l’inoculation. Les cas recensés sont rares chez le chien et quasi inexistants chez le chat.

• Les signes cliniques observés lors d’envenimation par un scorpion commun sont essentiellement locaux, avec une douleur intense, un œdème et un érythème qui s’estompent spontanément en quelques heures.

Traitement

La prise en charge repose sur une tonte et une désinfection locales, une gestion de la douleur (antalgiques morphiniques ou anti-inflammatoires non stéroïdiens) et un traitement symptomatique des troubles associés (anti-émétiques de type métoclopramide, pansement gastro-intestinal de type phosphate d’alumine, anticholinergique de type atropine à 0,04 mg/kg par voie intraveineuse ou sous-cutanée). Les neurotoxines inoculées modifient le fonctionnement des pompes Na+/K+/Ca2+. L’administration de gluconate de calcium (à 10 %) peut être utile lors de troubles musculaires ou cardiaques (0,3 ml/kg). L’élimination du venin est accélérée en prescrivant conjointement une perfusion (NaCl 0,9 %, 5 ml/kg/h) et des diurétiques (furosémide, 1 à 2 mg/kg pendant quatre à huit heures).

Les sérums antiscorpioniques sont utilisés chez l’homme lors d’envenimation grave (scorpion exotique). Ils n’ont pas d’utilité chez le chien et le chat lors d’envenimation par un scorpion languedocien ou commun. Le pronostic d’envenimation scorpionique en France est en général bon.

Dans tous les cas, la pose d’un garrot, l’aspiration du venin, la brûlure locale, etc., sont à proscrire. Lors de l’appel téléphonique, il convient de conseiller au propriétaire de l’animal de venir au plus vite consulter, en limitant au minimum les mouvements de celui-ci.

3. Tiques : paralysie ascendante par piqûre de tiques

• L’envenimation par piqûre de tiques (et non la transmission d’agents pathogènes) est exceptionnelle en France, ou tout du moins très peu décrite [3]. Dans la littérature européenne, très peu de chiens ou de chats ont été envenimés par les tiques, contrairement à ce qui peut se lire dans la littérature nord-américaine ou australienne.

• La paralysie observée est ascendante : elle concerne tout d’abord les membres pelviens, puis remonte jusqu’aux muscles respiratoires. En cas de doute, le diagnostic est difficile à établir et le traitement est symptomatique. Le retrait de la tique doit se faire le plus vite possible pour arrêter la diffusion du venin. Cette affection est normalement réversible en quelques jours si les fonctions respiratoires peuvent être préservées, le temps de l’élimination du venin.

Les envenimations chez les chiens et les chats sont essentiellement dues aux chenilles processionnaires et aux ophidiens.

La particularité du chien de vouloir saisir les animaux par la gueule le rend particulièrement sujet à de graves envenimations.

Les signes cliniques sont très variables d’un individu à l’autre, en fonction de la quantité de venin inoculé. Le traitement des envenimations chez les carnivores est avant tout symptomatique (voir l’encadré “Conduite à tenir lors d’envenimation”).

Une bonne connaissance des techniques de réanimation est fortement conseillée afin de traiter efficacement l’érucisme. Les autres envenimations par les arthropodes sont beaucoup plus anecdotiques et la démarche thérapeutique reste la même.

Points forts

Lors de piqûres d’hyménoptères, l’animal peut présenter des signes locaux non allergiques : douleur, œdème, prurit.

Les venins d’hyménoptères sont très allergisanteset provoquent un état de choc présentant une réaction urticarienne, des signes digestifs, cutanés et cardiovasculaires.

Le contact avec des chenilles processionnaires du pin entraîne un spectaculaire œdème des muqueuses buccales à l’origine parfois d’une intense détresse respiratoire.

Lors de piqûre par un scorpion, les symptômes sont essentiellement locaux avec une douleur intense, un œdème et un érythème.

Conduite à tenir lors d’envenimation

Hyménoptères

• Dans tous les cas :

- retirer le dard s’il est visible

- tonte et désinfection de la zone piquée

• Si réaction locale uniquement : antalgiques, glucocorticoïdes

• Réaction systémique ou allergique :

- sans état de choc : glucocorticoïdes+/- anti-histaminique +/- adrénaline

- avec état de choc : adrénaline, oxygénothérapie, fluidothérapie, autres médicaments de réanimation si nécessaire (atropine, dobutamine, etc.). Une fois l’animal stabilisé : glucocorticoïdes

Chenilles processionnaires du pin

• Oxygénothérapie

• Lavage abondant de la zone d’envenimation

• Soutien cardiovasculaire

• Anti-inflammatoires stéroïdiens

• Anti-histaminiques

• Héparinothérapie

• Analgésie

• Protecteurs gastro-intestinaux

• Réalimentation entérale (par sonde) ou parentérale

Araignées

• Tonte et désinfection de la zone mordue

• Analgésie si nécessaire

Scorpions

• Tonte et désinfection de la zone piquée

• Analgésie

• Anti-émétiques

• Pansements gastro-intestinaux

• Anticholinergiques

• Gluconate de calcium

• Fluidothérapie

• Diurétiques

Tiques

• Tonte et désinfection de la zone piquée

  • 1 - Bruchim Y et coll. Severe tongue necrosis associated with pine processionary moth (thaumetopoea wilkinsoni) ingestion in three dogs. Toxicon. 2005 ; 45 : 443-447.
  • 2 - Ducluzeau R, Harry P, de Haro L. Envenimations et piqûres. In : Infotox : bulletin de la Société de toxicologie clinique. 2000 : 1-12.
  • 3 - Eyme V. Étude bibliographique des principaux animaux venimeux pour les carnivores domestiques en France métropolitaine : description, localisation, venin et envenimation. Thèse de doctorat vétérinaire, Lyon. 2003 : 140 p.
  • 4 - Kaouadji K, Kaker N, Vallet B. Morsures, griffures et envenimations : conduite à tenir en urgence. EMC, Médecine.2004 ; 1 : 337-351.
  • 5 - Lassak F. Bilan d’activité du Centre national d’informations toxicologiques vétérinaires pour l’année 2002. Thèse de doctorat vétérinaire, Lyon. 2005 : 133 p.
  • 6 - Sapin R. Bilan d’activité du Centre national d’informations toxicologiques vétérinaires pour l’année 2001. Étude par classes d’agent toxique. Thèse de doctorat vétérinaire, Lyon. 2004 : 135 p.
  • 7 - Scheiner P. Les chenilles processionnaires chez le chien. Thèse de doctorat vétérinaire, Lyon. 2003 : 122 p.
  • 8 - Tarasiuk A, Khvatskin S, Sofer S. Effectsof antivenom serotherapy on hemodynamic pathophysiology in dogs injected with L. quinquestriatus scorpion venom. Toxicon. 1998 ; 36(7) : 963-971.
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