Protocole opératoire d’exérèse des tumeurs mammaires - Le Point Vétérinaire n° 270 du 01/11/2006
Le Point Vétérinaire n° 270 du 01/11/2006

CHIRURGIE ONCOLOGIQUE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT

Se former

CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Jean-Guillaume Grand*, Olivier Gauthier**

Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire
de l’ENVN
Service de chirurgie
Atlanpôle
La Chantrerie
44307 Nantes Cedex 03
**Centre hospitalier vétérinaire
de l’ENVN
Service de chirurgie
Atlanpôle
La Chantrerie
44307 Nantes Cedex 03

La mastectomie est une opération courante. Cependant, l’ensemble des principes de chirurgie carcinologique doit être mis en œuvre afin de tirer le meilleur bénéfice de l’exérèse chirurgicale.

Les tumeurs mammaires sont fréquentes chez la chienne et la chatte. Elles sont au premier rang des tumeurs chez la chienne et au troisième rang chez la chatte, derrière le lymphome et les tumeurs cutanées [11]. Elles sont de mauvais pronostic : 50 % de malignité chez le chien, avec 77 à 90 % de métastases, et 85 % de malignité chez le chat [4]. Il convient d’adopter une démarche diagnostique systématique et complète et la meilleure attitude thérapeutique d’emblée. Malgré le développement de thérapies adjuvantes (chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie), la chirurgie reste le traitement de première intention. Cependant, si cette intervention est depuis longtemps banalisée, elle n’en reste pas moins minutieuse et l’ensemble des principes de chirurgie carcinologique doit être respecté afin que l’exérèse chirurgicale soit la plus efficace possible.

Cet article est l’occasion de rappeler l’ensemble des règles de la chirurgie atraumatique et les grands principes de chirurgie oncologique qui peuvent être appliqués à l’exérèse des tumeurs mammaires. Un protocole opératoire pour l’exérèse des chaînes mammaires est également proposé.

Rappels anatomiques

• La chienne présente habituellement cinq paires de mamelles : thoracique craniale (M1), thoracique caudale (M2), abdominale craniale (M3), abdominale caudale (M4) et inguinale (M5). La chatte présente plus souvent quatre paires. Le drainage lymphatique est réalisé principalement par les nœuds lymphatiques (NL) axillaire et inguinal superficiel, et, dans une moindre mesure, par les nœuds lymphatiques sternal, axillaire accessoire, sous-lombaire et médiastinal cranial [4].

• Les mamelles sont interconnectées sur les plans vasculaire et lymphatique au sein d’une même chaîne (gauche ou droite). Bien qu’une communication lymphatique puisse se faire entre toutes les glandes, les connexions majeures sont situées entre les mamelles 1 et 2 et entre les mamelles 4 et 5. Les mamelles 1 et 2 sont drainées par les nœuds lymphatiques axillaire, axillaire accessoire et sternal, et les mamelles 4 et 5 par le nœud lymphatique inguinal superficiel. La troisième paire de glandes mammaires est drainée à la fois par les nœuds lymphatiques axillaire et inguinal superficiel [4]. En plus de ces connexions physiologiques, des communications pathologiques supplémentaires peuvent se mettre en place lors de processus tumoral au sein d’une même chaîne et entre les deux chaînes droite et gauche [11].

• Les trois mamelles craniales reçoivent leur apport artériel de l’artère thoracique latérale, des branches perforantes de l’artère thoracique interne et des branches de l’artère épigastrique craniale superficielle. Les trois paires caudales sont alimentées par l’artère épigastrique caudale superficielle, qui provient de l’artère honteuse externe. La mamelle centrale appartient aux deux territoires vasculaires qui s’anastomosent à sa hauteur. L’artère épigastrique craniale superficielle pénètre dans la paroi abdominale à 2 à 4 cm de la ligne médiane entre les glandes mammaires 2 et 3. La branche superficielle de l’artère circonflexe iliaque profonde qui provient de l’aorte, l’artère abdominale craniale, prolongement de l’artère phrénico-abdominale émise par l’aorte, et l’artère périnéale ventrale provenant de l’artère honteuse interne donnent des branches qui atteignent les trois dernières glandes mammaires. Les veines sont satellites des artères (voir la FIGURE “Vaisseaux superficiels de l’abdomen, face ventrale” et le TABLEAU “Principaux vaisseaux des glandes mammaires chez la chienne et la chatte”)[4].

Modalités de résection

De nombreux procédés opératoires ont été décrits chez le chien. Ils vont de l’exérèse locale à l’exérèse radicale (retrait de l’ensemble du tissu mammaire). Le choix de la technique de résection dépend de la taille de la tumeur, de sa localisation (voir le TABLEAU “Type d’exérèse en fonction de la localisation de la tumeur mammaire”), du statut de l’animal et de la préférence du chirurgien. L’objectif est d’obtenir des marges de résection exemptes de tissu tumoral [11].

1. Nodulectomie

Des auteurs préconisent la nodulectomie pour des masses inférieures à 5 mm de diamètre, encapsulées, non invasives et situées en périphérie de la mamelle [11]. Elle ne devrait cependant pas être recommandée car elle ne fournit aucun renseignement sur l’invasion des tissus environnants et n’élimine pas le risque d’apparition de nouvelles tumeurs.

2. Mastectomie simple

La mastectomie simple consiste en l’ablation de la mamelle atteinte quand la tumeur concerne le centre de la mamelle et la majorité de la glande. Elle ne semble pas cependant conseillée car elle ne permet pas d’enlever le nœud lymphatique de drainage et ne diminue pas le risque d’extension. Elle apparaît difficile à réaliser dans le strict respect des règles de chirurgie oncologique, car la chaîne mammaire est sectionnée, ce qui engendre des saignements qui peuvent favoriser la dissémination métastatique [2].

3. Mastectomie régionale ou ablation d’une demi-chaîne

L’exérèse comprend le tissu concerné par la tumeur et les deux mamelles adjacentes. Elle est indiquée dans le cas de tumeurs multiples qui surviennent au niveau de deux mamelles adjacentes ou lorsqu’une masse est présente entre deux mamelles.

4. Résection totale unilatérale

La résection totale unilatérale est la technique actuellement conseillée. Elle consiste à enlever un ensemble de mamelles de façon à réséquer tout le tissu susceptible d’être “contaminé” par le processus tumoral. L’exérèse d’une chaîne entière est alors effectuée. Cette technique présente plusieurs avantages : elle est chirurgicalement plus facile à réaliser, la chaîne mammaire n’est pas sectionnée, donc pas interrompue dans sa continuité, le nœud lymphatique de drainage est excisé, le tissu environnant est réséqué et le risque de récidive est diminué (principe d’exérèse large) [2].

5. Résection bilatérale en “poire” ou en “Y”

La résection bilatérale est mise en œuvre lors de tumeurs mammaires multiples et de taille importante pour obtenir des marges saines. Elle représente une solution alternative à la résection unilatérale en deux temps (une chaîne puis une autre trois à quatre semaines plus tard pour permettre la cicatrisation et le relâchement de la peau sous tension). Cependant, elle provoque de grands délabrements cutanés qui peuvent nécessiter le recours à des lambeaux axiaux (lambeau épigastrique cranial ou caudal superficiel) pour leur fermeture.

Une étude a comparé la mastectomie simple et la mastectomie régionale ou unilatérale sans trouver aucune différence dans le temps de survie des animaux opérés [7]. Néanmoins l’objectif du traitement chirurgical est bien d’exciser l’ensemble du tissu concerné avec des marges larges pour se donner les meilleures chances de contrôler localement la tumeur [10]. En revanche, prendre davantage de tissus sains que ce qui est requis (en l’occurrence au moins un centimètre) n’apporte aucun bénéfice [7, 10].

Chez le chat, des procédures radicales sont nécessaires, plus de 75 % des tumeurs mammaires étant des carcinomes agressifs [11]. Les mastectomies unilatérales ou bilatérales sont alors les modalités chirurgicales de choix.

Principes de chirurgie oncologique

La liste des grands principes de chirurgie oncologique, non exhaustive, a pour objectif de se placer dans les meilleures conditions pour diminuer le risque de récidive, donc d’améliorer le pronostic associé à la chirurgie des tumeurs mammaires. Elle inclut les principes de chirurgie atraumatique énoncés par Halsted en 1913 (voir l'ENCADRÉ “Principes de Halsted”). Toujours valables, ils doivent être appliqués à tout acte opératoire, en particulier lors de chirurgie oncologique.

1. La première intervention est toujours la meilleure

Le processus tumoral a davantage de chances d’être traité efficacement la première fois que les suivantes. Les tumeurs d’apparition récente ont eu moins de temps pour métastaser et leur anatomie est moins modifiée que lors de récidive [2]. La réaction inflammatoire induite par la première intervention peut en effet modifier les plans anatomiques. Les opérations ultérieures doivent être plus larges et plus profondes pour rechercher des marges saines [2].

2. Retirer toutes les cellules tumorales selon le principe des marges saines

Une incision cutanée “en bloc” de l’ensemble des glandes mammaires qui doit être excisée est effectuée (PHOTO 1). Des marges d’au moins 1 cm sont théoriquement requises pour parvenir en tissu sain. Après hémostase par électrocoagulation, une pince d’Allis, peu traumatique, est placée à l’extrémité d'une des deux incisions (craniale ou caudale) pour faciliter l'élévation des segments cutané et sous-cutané. La dissection mousse sépare la graisse sous-cutanée du muscle pectoral et du fascia abdominal (PHOTO2). Une traction sur le segment de peau élevé facilite celle-ci. Comme la graisse représente une faible barrière au passage des cellules tumorales, la dissection est effectuée en restant toujours au contact de la paroi abdominale, ce qui permet de réséquer un maximum de graisse sous-cutanée. Ainsi, le principe des marges de 1 cm est respecté dans toutes les directions de l’espace (la résection de lambeaux de paroi abdominale est parfois nécessaire) [5].

La technique chirurgicale employée semble avoir peu d’influence sur le pronostic postopératoire, à condition que l’exérèse de la tumeur soit complète, avec des marges saines [10]. Celles-ci sont d’autant plus sûres que l’exérèse est large (voir la FIGURE “Mastectomie caudale”).

3. Réaliser une hémostase soignée

L’hémostase est réalisée par électrocoagulation (monopolaire ou bipolaire) ou par la pose de ligatures pour éviter la “contamination” des tissus environnants par des cellules tumorales [2].

4. Pratiquer des isolements vasculaire et lymphatique précoces de la masse

Un isolement de la masse évite la dissémination systémique peropératoire [2]. La dissection du segment de peau se prolonge jusqu’à individualiser et ligaturer les vaisseaux épigastriques. La ligature de vaisseaux épigastriques craniaux est effectuée à l’endroit où ils pénètrent dans la paroi abdominale, entre la mamelle thoracique caudale et la mamelle abdominale craniale. La ligature des vaisseaux épigastriques caudaux a lieu à proximité de l’anneau inguinal superficiel (PHOTOS 3 ET 4).

5. Retirer le nœud lymphatique régional associé

Le nœud lymphatique est soumis à l’analyse histopathologique. La connaissance du statut des nœuds lymphatiques régionaux a un impact majeur sur la survie des animaux atteints, non seulement sur le pronostic, mais aussi sur la mise en place du traitement systémique adjuvant le plus efficace lors d’envahissement métastatique [13]. Cela conduit à recommander l’exérèse, ou au moins la cytoponction, des nœuds lymphatiques de drainage des mamelles concernées, sans toutefois que cette exérèse n’apporte de bénéfice évident pour le contrôle du processus cancéreux et la survie de ces animaux [6]. Aucune étude ne prouve que le retrait du NL de drainage associé au retrait de la masse en chirurgie oncologique améliore le taux de survie par rapport à une exérèse simple sans retrait du NL. En effet, si les carcinomes métastasent préférentiellement par voie lymphatique, des métastases par voie sanguine se produisent simultanément et, par conséquent, le retrait d’un nœud lymphatique tumorisé n’est pas un traitement de la maladie métastatique. En outre, des métastases à partir de ce NL se produisent fréquemment au moment du diagnostic et de l’intervention [6].

6. Ne pas manipuler de façon excessive la masse

Les tumeurs malignes présentent très souvent une pseudocapsule externe qui “comprime” des cellules tumorales libérées de façon rapide et massive lorsque celle-ci est touchée (en particulier pour les sarcomes) [2].

7. Ne pas créer de cavités qui favorisent l’extension du processus tumoral

Le chirurgien doit s’attacher à ne pas créer de cavités ou d’espaces morts entre les plans anatomiques, et, à les fermer si tel était le cas [2]. Des points d’appui sous-cutanés qui passent dans le fascia abdominal sont donc nécessaires.

8. Limiter l’utilisation des drains

Les drains peuvent favoriser la dissémination des cellules tumorales. Il est préférable de combler les espaces morts par des sutures d’appui sous-cutanées plutôt que de les laisser vacants et d’y associer un drain [2].

9. Ne pas laisser un terrain favorable au développement des tumeurs

Un lavage abondant de la zone opératoire avant la fermeture est indispensable pour éliminer un maximum de cellules tumorales. Il est réalisé avec des solutions isotoniques classiques comme du lactate de Ringer ou du NaCl à 0,9%. Le liquide de rinçage doit être réaspiré simultanément. Des vétérinaires recommandent l’utilisation de solutions hypertoniques pour provoquer un choc osmotique sur les cellules tumorales résiduelles, mais aucune étude clinique n’est encore, à ce jour, venue corroborer cette hypothèse. Une humidification peropératoire régulière des tissus est obligatoire car l’assèchement des tissus est une cause majeure de surinfection et exacerbe la réaction inflammatoire et le développement de tissu nécrotique.

10. Changer d’instruments pour la fermeture des plans sous-cutané et cutané, une fois le rinçage effectué

Les instruments qui ont servi à la réalisation de la mammectomie sont souvent “contaminés” par des cellules tumorales. Il est donc préférable de changer de matériel pour éviter la dissémination du processus tumoral aux plans sous-cutané et cutané.

11. Réaliser des sutures sous-cutanée et cutanée sans tension

Les sutures doivent être réalisées sans tension, aussi bien pour les tumeurs mammaires qu’en chirurgie générale. La réalisation d’un plan sous-cutané est donc conseillée pour favoriser le rapprochement des lèvres cutanées et diminuer les forces de tension qui s’exercent sur la peau. Elle permet également de fermer les cavités engendrées par la dissection. La fermeture du plan sous-cutané par un surjet simple peut être pratiquée à l’aide de monofilaments ou de fils tressés résorbables 2/0 ou 3/0, en fonction du format de l’animal. Ces sutures doivent prendre appui dans le fascia abdominal afin de ne pas laisser de cavité entre celui-ci et le plan sous-cutané. La fermeture du plan cutané peut se faire à l’aide de points simples ou d'un surjet intradermique (monofilament résorbable 3/0), ou encore d’agrafes (PHOTOS 5 ET 6).

12. Aider le pathologiste par des repères placés sur la biopsie excisionnelle

Pour permettre d’évaluer la qualité des marges dans toutes les directions de l’espace, le chirurgien place des points de repère sur la zone de prélèvement qui sont retranscrits dans la demande d’examen histopathologique. Ce marquage peut être réalisé à l’aide de fils de suture ou d’agrafes dont le nombre définit chaque marge de résection. Ce temps important de la procédure permet au chirurgien de savoir où réintervenir pour retrouver des marges saines.

13. Chaque masse doit faire l’objet d’un prélèvement et d’une analyse histopathologique

Le type histologique peut être différent d’une masse à l’autre. La nature histologique de la tumeur, son stade clinique, la présence de métastases ganglionnaires régionales ou à distance sont des facteurs pronostiques importants [11]. La taille de la tumeur est également un élément pronostique majeur, selon que, conformément à la classification TNM, elle est inférieure à 3 cm de diamètre, comprise entre 3 et 5 cm de diamètre ou supérieure à 5 cm de diamètre, à pondérer toutefois par le format de l’animal [11]. De même, la durée d’évolution de la tumeur avant son exérèse (moins de six mois ou plus de six mois) est un facteur pronostique majeur (les tumeurs évoluant depuis plus de six mois ont un pronostic plus sombre) [3].

Soins et suivi postopératoires

1. Analgésie

Toute intervention chirurgicale est par définition douloureuse et anesthésie ne signifie pas toujours analgésie. La gestion de la douleur est un point fondamental et fait partie de l’acte chirurgical. La douleur, importante lors de mammectomie, peut retarder la prise alimentaire postopératoire et provoquer de nombreuses complications, comme des retards de cicatrisation ou des déhiscences de plaies.

Les analgésiques doivent être utilisés le plus tôt possible et notamment dès la prémédication. Cette analgésie est poursuivie en phases per- et postopératoires durant au moins les quarante-huit premières heures. Le clinicien peut faire appel à des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (méloxicam, acide tolfénamique) et à des morphiniques (morphine), utilisés simultanément dans le contexte d’une “analgésie balancée”.

2. Antibiothérapie

Une antibiothérapie postopératoire n’est pas nécessaire si une antibiothérapie préopératoire et si besoin, peropératoire, a été correctement conduite. Ainsi, une injection de céfalexine à la dose de 30 mg/kg, 20 à 30 minutes avant le début de l’intervention chirurgicale, relayée éventuellement par une autre de 20 mg/kg deux heures plus tard, permet d’éviter une antibiothérapie postopératoire, si les principes de chirurgie atraumatique et d’asepsie ont été respectés.

3. Pansement et bandage

Un bandage abdominal est habituellement mis en place pour protéger la plaie, comprimer les espaces morts et absorber les exsudats. Il doit être changé toutes les 24 heures durant les trois à quatre premiers jours. Une visite de contrôle à une semaine est conseillée, puis une seconde à quinze jours pour le retrait des points (PHOTO 7).

L’ovariectomie est-elle nécessaire ?

La question de l’intérêt de l’ovariectomie (ou de l’ovario-hystérectomie) et de son effet protecteur, qu’elle soit effectuée précocement dans la vie de l’animal ou dans le même temps opératoire que la mastectomie, se pose.

• Selon certaines études, la réalisation d’une ovariectomie n’a pas d’influence sur le pronostic de survie de l’animal ou de récidive de la tumeur [7, 9, 13].

• Cependant, le risque de développer une tumeur mammaire pour une chienne entière est sept fois plus important que pour une chienne stérilisée [b]. De plus, la stérilisation prévient la lactation de pseudogestation qui augmente le risque d’apparition de tumeurs mammaires malignes [11].

• Dans les études qui notent l’absence d’amélioration du taux de survie après stérilisation, aucune distinction entre les tumeurs riches et pauvres en récepteurs hormonaux n’est réalisée [9, b]. Or 70 % des tumeurs bénignes et 50% des carcinomes présentent des récepteurs hormonaux [11]. Sur 59 chiennes, la moyenne de survie est de 18,5 mois pour les chiennes stérilisées lors de la même intervention et de 6,1 mois pour celles qui ont fait l’objet d’une “chaînectomie” ou d’une mastectomie seules [1].

• Une ovario-hystérectomie précoce, pratiquée avant le premier, voire le second œstrus, a un effet préventif avéré sur la survenue ultérieure de tumeurs mammaires. Lorsqu’elle est réalisée avant le premier œstrus, le risque de développer des tumeurs mammaires est de 0,05 %. Il atteint 8 % après le premier œstrus et 26 % si elle est pratiquée après le second œstrus. Si l’ovario-hystérectomie est réalisée après le troisième œstrus, aucun effet protecteur bénéfique n’est observé sur le développement de tumeurs mammaires malignes [11, 12]. L’ovario-hystérectomie est une pratique nord-américaine et les mêmes effets peuvent être attendus d’une ovariectomie.

L’intérêt préventif d’une ovariectomie plus tardive, voire d’une ovariectomie réalisée dans le même temps opératoire que l’exérèse de la tumeur mammaire, semble plus controversé. Une étude rapporte que l’ovario-hystérectomie pratiquée dans le même temps opératoire que l’exérèse de la tumeur mammaire améliore significativement la survie des individus par rapport à ceux opérés seulement de leur tumeur [3]. Ainsi, certains auteurs recommandent de réaliser systématiquement l’ovario-hystérectomie des femelles atteintes de tumeurs mammaires. D’autres essais montrent cependant que l’ovario-hystérectomie pratiquée avant ou au moment de la mastectomie n’est pas un facteur pronostique pour le taux de survie associé aux tumeurs mammaires [9, 13].

Malgré ces nombreuses études contradictoires, l’ovariectomie apparaît importante dans la gestion des tumeurs mammaires chez la chienne. Outre son effet préventif sur la récidive ou la croissance des tumeurs mammaires, elle permet de supprimer les risques inhérents à l’apparition d’autres affections du tractus génital femelle (lactation de pseudogestation, métrite) et les inconvénients des chaleurs pour les propriétaires (attraction du mâle, pertes vulvaires).

Si l’ovariectomie doit être réalisée dans le même temps opératoire, elle l’est avant le retrait des tumeurs pour éviter une dissémination tumorale au sein de la cavité abdominale. Le chirurgien doit alors prendre garde à pratiquer son incision strictement sur la ligne médiane, surtout dans le cas de tumeurs mammaires volumineuses.

Les tumeurs des glandes mammaires sont fréquentes en médecine vétérinaire. Une détection rapide et un traitement adapté et raisonné sont essentiels pour prévenir une extension locale et systémique. L’exérèse chirurgicale est le traitement de choix des tumeurs mammaires, excepté pour les carcinomes inflammatoires. Celle-ci conduit au diagnostic histologique et peut être curative. Elle améliore la qualité de vie de l’animal et peut modifier la progression de la maladie cancéreuse.

En médecine humaine, les patientes qui présentent une dissémination systémique ou une invasion du nœud lymphatique régional peuvent bénéficier d'une thérapie adjuvante (radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie) [8, 11, a, b]. Des études complémentaires, ainsi qu’une plus grande disponibilité des substances antimitotiques pour les vétérinaires, sont encore nécessaires pour préciser les avantages de leur mise en place dans le cadre des tumeurs mammaires chez la chienne et la chatte.

Principes de Halsted

Les principes de Halsted sont au nombre de sept et régissent les bases de la chirurgie générale.

(1) Manipulation douce des tissus.

(2) Hémostase peropératoire.

(3) Préservation de la vascularisation locale.

(4) Respect des règles d’asepsie.

(5) Absence de tension tissulaire.

(6) Affrontement correct des plans tissulaires pour une cicatrisation rapide.

(7) Prévention et suppression des espaces morts.

Points forts

50 % des néoplasmes mammaires sont malins, avec 77 à 90 % de métastases au moment du diagnostic.

La chirurgie des chaînes mammaires nécessite la connaissance des connexions lymphatiques et vasculaires entre les mamelles et avec les nœuds lymphatiques de drainage.

La technique de référence reste la résection totale unilatérale ou bilatérale (en un seul ou en deux temps).

Il convient de bannir la nodulectomie et la mastectomie simple de l’arsenal thérapeutique.

L’exérèse des tumeurs mammaires est une chirurgie courante, mais qui ne doit cependant pas être banalisée car l’ensemble des règles de la chirurgie oncologique doit être mis en œuvre pour tirer le meilleur bénéfice de sa réalisation.

L’ovariectomie précède la mammectomie dans les différents temps opératoires.

Congrès

a. Kitchell BE, Fidel J. Tamoxifen as a potential therapy for canine mammary carninoma. Proc. Vet. Cancer Soc. 1992:91.

b. Meheust P, Delisle F. Comptes rendus congrès Afvac-CNVSPA 2002:103-104.

En savoir plus

- Devauchelle P. Exérèse des tumeurs mammaires chez la chienne. Point Vét. 2003;239(34):45.

  • 1. Alen SW, Mahaffey EA. Canine mammary neoplasia : prognostic response to surgical therapy. J. Am. Anim. Hosp. Ass. 1989;25:540-546.
  • 3. Chang SC, Chang CC, Chang TJ et coll. Pro­gnostic factors associated with survival two years after surgery in dogs with malignant mammary tumors : 79 cases (1998-2002). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005;227(10):1625-1629.
  • 4. Evans H, Miller M, Christensen G. Miller's anatomy of the dog. 2nd ed. Saunders, Philadelphia. 1979:730.
  • 5. Fossum TW. Surgery of the reproductive and genital systems. In : Small animal surgery. 2nd ed. Mosby. 2002:632-633.
  • 8. Morris JS, Dobson JM, Bostock DE et coll. Effect of ovariohysterectomy in bitches with mammary neoplasms. Vet. Rec. 1998;142:656-658.
  • 9. Morris JS, Dobson JM, Bostock DE. Use of tamoxifen in the control of mammary neoplasia. Vet. Rec. 1993;133:539-542.
  • 10. Novosad CA. Principles of treatment of mammary glands tumors. Clin. Tech. Small Anim. Pract. 2003;18(2):107-109.
  • 13. Yamagami T, Kobayashi T, Takahashi K et coll. Influence of ovariectomy at the time of mastectomy on the prognosis for canine malignant mammary tumours. J. Small Anim. Pract. 1996;37:462-464.
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr