Examen échographique du bien-être fœtal - Le Point Vétérinaire n° 270 du 01/11/2006
Le Point Vétérinaire n° 270 du 01/11/2006

REPRODUCTION BOVINE

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Sébastien Buczinski*, Gilles Fecteau**, Réjean Lefebvre***, Lawrence Smith****

Fonctions :
*Département des sciences
cliniques
**Département des sciences
cliniques
***Département des sciences
cliniques
****Centre de recherche
en reproduction animale
Faculté de médecine
vétérinaire,
3200 rue Sicotte,
Saint-Hyacinthe,
Québec, J2S 7C6 Canada
*****Centre de recherche
en reproduction animale
Faculté de médecine
vétérinaire,
3200 rue Sicotte,
Saint-Hyacinthe,
Québec, J2S 7C6 Canada

Une étude préliminaire montre l’intérêt de pratiquer une échographie en fin de gestation chez les vaches pour juger de la viabilité du fœtus.

Les méthodes d’évaluation du bon déroulement de la fin de la gestation sont en plein développement chez les bovins. Il existe une demande pour ce service. Certains fœtus sexés issus de pedigree “élite” ont une valeur qui justifie un maximum de surveillance. Si une maladie survient chez la vache gestante, il peut être pertinent d’évaluer son impact sur le fœtus. Un examen échographique tardif est aussi indiqué lorsqu’une technique de reproduction assistée a été utilisée (fécondation in vitro, clonage) : des pertes importantes sont en effet attendues, même à des stades avancés de gestation, voire en période postnatale immédiate [4, 9].

Comme en médecine humaine, l’objectif global est de diminuer la mortalité fœtale ou néonatale lorsque l’environnement fœtal est compromis, pour répondre aux attentes de certains éleveurs.

Une étude préliminaire sur 31 gestations bovines donne des pistes de réflexion pour la réalisation concrète d’un suivi en fin de gestation à risque chez les bovins. Elle s’inspire des profils dits “de bien-être fœtal” développés chez l’homme, mais aussi chez le cheval, et même chez le mouton, espèce souvent choisie comme modèle expérimental de gestation en médecine humaine [3].

Une durée d’examen d’une demi-heure

Onze vaches gestantes de veaux clonés, dix vaches avec une maladie pouvant compromettre la viabilité de leur fœtus et dix vaches gestantes témoins sont soumises à des examens échographiques fœtaux dans le dernier mois de gestation. Jusqu’à quatre examens sont parfois effectués chez une même vache, par un même opérateur. Cinquante-quatre évaluations sont ainsi réalisées. Chacune comprend un examen visuel simple du cœur (PHOTOS 1 ET 2), de l’activité, et des membranes du fœtus, et quelques mesures placentaires (voir l’ENCADRÉ “Déroulement de l’examen échographique du bien-être f tal”). L’ensemble de la procédure dure 30 à 40 min. Les examens sont effectués à un moment aléatoire de la journée, généralement l’après-midi. L’échographe utilisé (Aloka 1700®) est équipé d’une sonde transabdominale de 3,5 MHz, qui permet une profondeur d’examen suffisante. Lorsque la position du fœtus n’autorise pas une visualisation échographique correcte de son thorax (n = 5), la vache est réexaminée quelques minutes plus tard.

La naissance s’effectue par césarienne pour les clones et les gestations témoins, par les voies naturelles pour les vaches malades. L’intervalle de temps qui la sépare du (ou des) examen(s) pratiqué(s) est noté.

Des critères significatifs

Dans cette étude, trois veaux sur onze issus de clonage somatique, cinq sur dix issus d’une mère malade et neuf sur dix de gestation contrôle ont survécu.

Les fœtus inactifs durant l’examen échographique (activité 0) et ceux hyperactifs (activité 3) sont tous morts rapidement autour de la naissance (voir la FIGURE “Relation entre l’activité fœtale lors de l’examen et la viabilité ultérieure du fœtus”). La majorité des veaux bougent pendant moins d’un tiers, ou entre un et deux tiers de la durée de l’examen.

De nombreuses particules hyperéchogènes ont été observées de façon persistante dans les liquides fœtaux de trois clones somatiques (score d’échogénicité 3). Les trois veaux sont morts en péripartum. La surface placentaire moyenne paraît plus importante pour les clones que pour les autres types de f tus, mais la différence est non significative (voir la FIGURE complémentaire “Surface placentaire moyenne en fin de gestation dans les différentes catégories de gestation” sur planete-vet.com).

L’épaisseur de la membrane allanto-amniotique apparaît importante lors de deux gestations clonées présentant des signes d’hydrallantoïde (2 et 2,2 cm), par rapport aux mêmes valeurs obtenues sur des gestations contrôles (0,69 cm, n = 9) ou des gestations compromises par une maladie maternelle (0,5 cm, n = 8).

Du liquide est observé entre les anses digestives d’un fœtus, d’où une présomption d’anasarque confirmée à la naissance (PHOTOS 3A ET 3B).

La fréquence cardiaque fœtale ne varie pas significativement avec l’intervalle de temps qui sépare l’examen de la naissance (voir la FIGURE complémentaire “Fréquences cardiaques fœtales en fonction de l’intervalle de temps entre évaluation échographique et naissance” sur planete-vet.com). Aucune différence de fréquence cardiaque moyenne entre les trois types de gestation (118, 116 et 117 bpm pour les vaches témoins, malades et porteuses de clones respectivement, p = 0,91) n’est observée.

Une sonde adéquate et un peu d’expérience

Selon ces données préliminaires, le bien-être du fœtus bovin peut être évalué en fin de gestation, en se fondant sur des critères échographiques simples. Une sonde de 3,5 MHz est nécessaire, et est utilisable pour le suivi de gestations des petits ruminants ou encore l’examen des organes intra-abdominaux profonds chez la vache. Visualiser correctement les organes du fœtus (surtout thoraciques), ses membranes et les placentomes s’apprend en quelques heures, en s’exerçant sur une dizaine de gestations normales. Parmi les critères étudiés, l’hyperactivité ou l’inactivité fœtale, et la visualisation de particules hyperéchogènes persistantes semblent particulièrement informatives comme dans des travaux antérieurs chez les bovins, le cheval ou l’homme [6, 7, 8]. Certaines anomalies congénitales peuvent être détectées avant la naissance, comme chez l’homme [7].

Une étude à plus grande échelle permettrait de vérifier la répétitivité de ces résultats. Davantage de critères de bien-être fœtal pourraient être évalués. Il serait intéressant d’étudier la variabilité de la fréquence cardiaque en fonction de l’activité fœtale [2] : un fœtus bovin (hyper-) actif avec une (trop) faible activité cardiaque (ou inversement) a-t-il un pronostic vital réservé, comme chez l’homme et la brebis [1, 7] ? L’inactivité et l’hyperactivité pourraient correspondre à des phases physiologiques de la vie fœtale (sommeil, apprentissage de la motricité), sans être des signes absolus de souffrance fœtale. Chez l’homme, l’activité du fœtus est physiologiquement faible le matin, augmente dans l’après-midi pour atteindre un maximum vers minuit. De même, la fréquence cardiaque est minimale entre 6 heures et midi, puis augmente jusqu’à un maximum vers minuit. Un tel rythme nycthéméral n’a pas été établi chez le fœtus bovin et il conviendrait de l’étudier. La recherche d’adaptabilité de techniques plus complexes utilisées en médecine humaine pourrait apporter prochainement des éléments de réponse dans l’espèce bovine.

Dans le cas des gestations clonées, les perspectives semblent vastes et en adéquation avec une demande des éleveurs. La mesure des placentomes, l’aspect de la membrane allantoamniotique permettent de suspecter les syndromes du gros veau ou du gros placenta, ainsi que des anomalies des annexes fœtales fréquentes lors de gestations clonées [4, 5, 8].

En définitive, l’échographie du fœtus bovin en fin de gestation n’en est qu’à ses débuts. Des recherches dans cette voie pourraient servir au praticien. En identifiant une détresse fœtale, une anomalie de la gestation peut être détectée et un traitement initié. Les thérapeutiques de support, communément utilisées chez l’homme, mériteraient d’être testées pour prolonger la vie placentaire chez les fœtus de grande valeur économique en souffrance : fluidothérapie lors d’hypotension maternelle, antibiotiques lors de placentite, corticoïdes pour accélérer la maturation pulmonaire, voire oxygénothérapie intranasale en cas d’hypoxémie, etc. Les études mériteraient aussi d’être poursuivies pour préciser les contextes dans lesquels une césarienne rapide ou un vêlage déclenché sont indiqués lors de souffrance fœtale.

Déroulement de l’examen échographique du bien-être fœtal

La fréquence cardiaque fœtale, en battements par minute (bpm), est évaluée de trois à cinq fois (espacées d’au moins cinq minutes) au cours de l’examen.

L’activité fœtale est notée de 0 à 3 :

- 0 : le fœtus reste inactif pendant tout l’examen ;

- 1 : le fœtus bouge pendant moins d’un tiers du temps de l’examen ;

- 2 : l’activité fœtale est visible pendant un à deux tiers du temps ;

- 3 : le fœtus bouge plus de deux tiers du temps.

L’échogénicité des liquides, amniotique et allantoïde, est aussi notée de 0 (totalement anéchogène) à 3 (présence de nombreuses particules hyperéchogènes durant tout l’examen).

L’épaisseur de la membrane allanto-amniotique est mesurée, si possible.

La surface placentaire moyenne est calculée à partir de la mesure de la surface de quatre placentomes utérins, pris dans chaque quadrant utérin : cranial et caudal gauche, cranial et caudal droit.

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