Conduite à tenir face à des plaies - Le Point Vétérinaire n° 267 du 01/07/2006
Le Point Vétérinaire n° 267 du 01/07/2006

TRAUMATOLOGIE DU CHIEN ET DU CHAT

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Jean-Guillaume Grand

Fonctions : Unité de chirurgie anesthésie
ENV Nantes, Atlanpôle
la Chantrerie, BP 44706,
44307 Nantes cedex 03

Le traitement d’une plaie ne doit pas s’effectuer dans la précipitation, mais suivre une démarche raisonnée. Pour les pansements, de nouvelles thérapeutiques sont désormais à la disposition du praticien.

Souvent négligées ou mal traitées, les plaies peuvent être le point de départ de traitements de longue durée qui, non seulement compromettent la vie de l’animal, mais peuvent également entraîner une certaine lassitude des propriétaires. En dépit de la pression exercée par ces derniers, la fermeture immédiate de la plaie est rarement une priorité. La gestion des plaies impose d’adopter une démarche thérapeutique raisonnée, systématique et complète (voir la FIGURE “Démarche thérapeutique lors de plaie”).

Première étape : identification et protection

1. Caractérisation

• Préoccupé par la gestion initiale de la plaie, il convient de ne pas négliger les actes simples, mais pourtant essentiels, que sont l’anamnèse et l’examen général. Ceux-ci peuvent permettre de mettre en évidence différentes affections métaboliques ou infectieuses sous-jacentes (diabète sucré, Cushing, hypoprotéinémie, infection par le FIV/FeLV, etc.) responsables d’échecs ou de retards de cicatrisation.

• Selon la cause de la plaie, le temps écoulé depuis la blessure, le degré de contamination et le stade de la cicatrisation, la plaie peut être définie suivant plusieurs classifications théoriques qui permettent au clinicien d’estimer rapidement le type de la plaie (voir les ENCADRÉS “La classification selon la cause”, “La classification selon le temps écoulé”, “La classification en relation avec la contamination”, et “La classification selon le stade de la cicatrisation”).

• L’intégrité des structures vasculo-nerveuses et musculo-tendineuses peut également être évaluée lors de l’examen initial (PHOTO 1). Pour mention, une classification adaptée de la microchirurgie humaine distingue plusieurs niveaux d’atteinte vasculo-nerveuse :

- le type 1 correspond à une altération partielle du flux artériel (à la suite d’une section partielle d’une artère) ;

- le type 2, à une altération totale du flux artériel et veineux (à la suite d’une section complète des vaisseaux) ;

- le type 3 est identique au type 2, mais avec des atteintes nerveuses associées.

Ces dernières sont classées en fonction de la sévérité de l’atteinte au niveau des nerfs périphériques, de la moins sévère à la plus sévère :

- la neurapraxie représente une interruption transitoire de la fonction nerveuse sans modification anatomique ;

- l’axonotmesis est le degré suivant d’atteinte du nerf et résulte de la section de certains axones à la suite d’un étirement ou d’un écrasement du nerf ;

- le neurotmesis est le plus sévère degré d’atteinte du nerf, et représente une perte de la continuité anatomique de celui-ci.

Si les atteintes vasculaires ne nécessitent pas forcément de reconstruction en raison de l’existence de vaisseaux collatéraux, cette dernière est indispensable en cas de section, même partielle, d’un nerf périphérique, pour permettre une récupération fonctionnelle du membre affecté (atteintes du nerf radial ou sciatique). Les dommages nerveux peuvent conduire à des séquelles sévères responsables d’euthanasie. Les reconstructions nerveuses restent encore limitées en médecine vétérinaire. Ces limites tiennent essentiellement au matériel spécifique requis pour ce type d’intervention (lunettes chirurgicales ou microscope chirurgical, instruments de microchirurgie).

2. Protection

Souvent négligée, la phase de protection reste néanmoins une étape essentielle pour diminuer la charge bactérienne au niveau de la plaie, car la vitesse de cicatrisation est inversement proportionnelle à cette charge [7]. Elle permet en effet de pouvoir limiter la contamination ultérieure de celle-ci jusqu’à ce que la plaie puisse être prise en charge. Pratiquement, cette protection doit être assurée par l’intermédiaire d’un linge ou de compresses propres.

Deuxième étape : préparation et antibiothérapie

Le but de la préparation est d’éliminer les matières organiques, les graisses, les poils présents sur le site opératoire, et de réduire la population bactérienne transitoire et résidente. Cette phase est identique à celle d’une préparation chirurgicale et se fait en deux temps : le nettoyage, suivi de l’antisepsie.

1. La tranquillisation ou l’anesthésie

Dans la mesure où la préparation de la plaie est douloureuse ou désagréable, elle doit être réalisée, au minimum, sous tranquillisation. Cette dernière gagne à être complétée par une analgésie locale, topique ou par un bloc nerveux (lidocaïne 2 % à 2 mg/kg ou bupivacaïne 0,5 % à 2 mg/kg).

2. La tonte

Une préparation adéquate du pourtour de la plaie est nécessaire.

Une tonte large (de 15 à 20 cm) est d’abord réalisée, en veillant à ne pas introduire des poils dans la plaie qui peuvent constituer une contamination supplémentaire. La plaie peut être protégée en la comblant avec du gel échographique ou avec une compresse. Celle-ci peut être cousue à la peau par quatre points (ou à l’aide d’agrafes). Elle est laissée en place pendant toute la phase de préparation.

3. Le nettoyage et l’antisepsie

• Une fois la tonte effectuée, le nettoyage du pourtour de la plaie est réalisé à l’aide de solutions savon de chlorhexidine à 0,5 % ou de povidone iodée à 10 % (port de gants non stériles). Leurs effets antiseptiques peuvent être potentialisés par des rinçages intermittents de solutions d’alcool à 70 % [1] (PHOTO 5). Il est important de veiller à ce que ces solutions fortement concentrées ne pénètrent pas dans la plaie où elles pourraient provoquer une nécrose chimique.

• Le nettoyage est relayé par l’antisepsie du pourtour de la plaie. Elle est réalisée à l’aide de gants stériles de façon centrifuge par le chirurgien avec des instruments prévus à cet effet et des solutions de povidone iodée à 1 % ou de chlorhexidine à 0,05 %. Les antiseptiques doivent être appliqués de façon prolongée (au moins cinq minutes) [16].

4. L’antibiothérapie systémique

• L’antibiothérapie est initiée lors de la phase de préparation. La voie veineuse est à privilégier, au moins pendant les quarante-huit premières heures. Dans un premier temps, le choix de l’antibiotique est empirique et doit se porter vers les céphalosporines de 1re génération, l’association d’amoxicilline et d’acide clavulanique, antibiotique de choix dans le cas des morsures [15], ou la clindamycine. Les fluoroquinolones d’usage fréquent en pratique doivent rester des antibiotiques de deuxième intention. L’antibiothérapie peut être réadaptée les jours suivants en fonction des résultats d’un antibiogramme (un écouvillonnage doit alors être réalisé avant la phase de préparation de la plaie).

• Très souvent, l’antibiothérapie est prolongée jusqu’à la fermeture complète de la plaie. Selon certains auteurs, lorsque la plaie entre dans sa phase de réparation et qu’un tissu de granulation bien vascularisé apparaît, cela signifie que l’organisme a réussi à juguler l’infection. Le tissu de granulation est, en outre, très résistant à de nouvelles surinfections. La poursuite de l’antibiothérapie pendant la phase de réparation exposerait à un risque de dérive de la flore à la surface du tissu de granulation, responsable de surinfections et de retard de cicatrisation [5, 15].

Troisième étape : irrigation

Une fois l’antisepsie réalisée autour de plaie, une irrigation abondante est effectuée à l’aide de solutions stériles isotoniques telles que NaCl à 0,9 %, soluté de Ringer ou Ringer-lactate. Des effets mécanique et diluant sont recherchés, afin d’éliminer les bactéries, les débris (cellulaires et autres), les caillots sanguins, les cellules et les protéines inflammatoires [15]. En pratique, cette irrigation est réalisée avec une seringue d’au moins 20 ml, montée sur une aiguille de 19 G (aiguille rose). Cependant, les études récentes suggèrent qu’un lavage sous pression peut être responsable d’une dissémination des germes dans les tissus sous-cutanés profonds, provoquant un œdème et une augmentation du risque d’infection [4, 5].

Le recours à des solutions antiseptiques n’est pas indispensable. Lors de plaies hautement contaminées, un antiseptique est utilisé dans un premier temps, avant d’effectuer une détersion poussée avec une solution isotonique.

Quatrième étape : débridement

Le débridement a pour objectif de procéder au retrait de l’ensemble des tissus dévitalisés (tissus nécrotiques). Il est d’autant plus efficace qu’il est effectué tôt après la création de la plaie. Il peut être réalisé :

- en couche : de la surface vers la profondeur, ce qui permet d’évaluer la viabilité des tissus, au fur et à mesure de la progression ;

- en “bloc” : la plaie est suturée, puis une incision en cote de melon est réalisée sur son pourtour. Ce type de parage n’est cependant pas conseillé car il est peu précis et élimine une trop grande quantité de tissus et d’éléments normaux ;

- par irrigation, ce qui a été réalisé en partie à l’étape précédente. L’action mécanique des fluides permet ici l’élimination des tissus nécrotiques, peu adhérents aux plans sous-jacents. Utilisé seul, ce mode de débridement est souvent insuffisant sur des plaies fortement souillées avec de nombreux tissus morts ;

- par l’intermédiaire de pansement humide ou sec ;

- à l’aide d’un débridement enzymatique, peu utilisé chez le chien et le chat. La trypsine et la chémotrypsine (Elase®) présentent l’intérêt de permettre un débridement sans anesthésie et dans des régions où passent de nombreuses structures vasculo-nerveuses qui rendent le débridement chirurgical difficile. Les inconvénients sont liés à leur faible efficacité et à leur prix élevé [12, 15].

Lors du débridement, la viabilité de l’ensemble des tissus est évaluée. La graisse et les muscles sont débridés de façon agressive. Ils sont en effet très sensibles à la nécrose après un traumatisme [5]. Plusieurs critères guident le praticien dans le parage chirurgical, en particulier la couleur et les saignements. Un muscle en bon état se contracte lorsqu’il est pincé et saigne immédiatement lors de sa section. Une couleur grise, blanche ou verdâtre est synonyme de nécrose alors qu’une couleur noire est souvent le signe d’une congestion veineuse sévère et ne doit pas faire systématiquement l’objet d’un parage (la présence de saignement peut dans ce dernier cas orienter le clinicien). Tous les fragments de fascia détachés ou déchiquetés sont éliminés.

Cinquième étape : reconstruction

• Une attention particulière doit être portée à l’intégrité des structures vasculo-nerveuses et tendineuses (PHOTO 6). Chez le chien et le chat, les vaisseaux uniques qui irriguent les extrémités peuvent être ligaturés sans risque, car une suppléance se met en place par les vaisseaux collatéraux. Des techniques utilisant la microchirurgie peuvent être entreprises pour rétablir une continuité nerveuse.

• Lors de lésions tendineuses, la règle consiste à suturer les tendons fléchisseurs des doigts ou les gastrocnémiens. Les tendons extenseurs ne font pas l’objet d’une indication chirurgicale. Le principe de suture des tendons obéit à la même loi que les sutures nerveuses : lors de plaie récente avec une section franche, la réparation peut être réalisée au moment du parage. Si ces plaies sont situées à hauteur d’une articulation, la cicatrisation ne peut être satisfaisante que si le membre est immobilisé pendant trois semaines.

Sixième étape : fermeture

La décision de fermeture immédiate ou retardée de la plaie dépend de l’ensemble des étapes précédentes, l’idéal restant toujours la fermeture par première intention qui est rapide, esthétique et efficace. Dans le cas contraire, c’est une cicatrisation par seconde intention qui est recherchée (éventuellement interrompue par une fermeture primaire retardée ou par troisième intention). Or, ce type de cicatrisation est plus longue, lourde et onéreuse et induit des complications fréquentes (retard de cicatrisation, surinfections, plaies exubérantes).

1. Moment de la fermeture

• Le moment de la fermeture de la plaie dépend de son degré de contamination (voir le TABLEAU “Moment de la fermeture en fonction du degré de contamination”).

• Les plaies infectées ne peuvent être complètement refermées, même après une irrigation et un débridement optimaux. Cette règle prend tout son sens dans le cas des plaies par morsure, toujours considérées comme hautement contaminées (voir l’ENCADRÉ “Le cas particulier des plaies par morsure”). Ces plaies sales sont traitées par seconde intention, en les laissant évoluer. Cependant, une fermeture partielle par première intention peut être envisagée, en ayant recours à un drainage chirurgical (PHOTO 7).

• Les drains constituent un outil indispensable pour la gestion des plaies. Ils doivent être mis en place :

- lors de débridement incomplet par souci de respecter certaines structures importantes ;

- en cas de doute sur la viabilité de certains tissus ;

- lors de la présence d’espaces morts ;

- sur des plaies suintantes ou exsudatives ;

- sur des plaies où la contamination est obligatoire (région péri-anale).

Le drain est laissé en place le temps nécessaire et retiré lorsque la quantité d’exsudats délivrés devient minime et ne diminue plus [6]. Les drains doivent être protégés par un pansement stérile (voir plus loin), car ils sont une porte d’entrée pour les bactéries.

2. Type de fermeture

• Les plaies peuvent être refermées simplement (par suture des deux lèvres l’une à l’autre), par des lambeaux (“flap”), ou des greffes.

Les techniques de fermeture simple sont généralement utilisées pour la fermeture de petits déficits. Dès que ceux-ci deviennent importants, le recours à des lambeaux (PHOTO 8) ou à des greffes devient indispensable.

De manière générale, les lambeaux sont toujours à préférer aux greffes, car ils gardent une attache vasculaire avec le site donneur et apportent leur propre vascularisation.

• Trois règles sont à respecter :

(1) une greffe n’est réalisée que chez des animaux en bonne santé, sans maladie à répercussion systémique ;

(2) une greffe est un acte qui se prépare ;

(3) le lit de greffe doit être adéquat, ce qui suppose entre autres la présence d’un tissu de granulation sans aucune infection et avec une surface parfaitement plane, de manière à éviter la formation ultérieure d’espaces morts qui compromettraient la viabilité du greffon.

• Les greffes peuvent être réalisées en “peau partielle” (incluant l’épiderme et une épaisseur variable du derme) ou en “peau totale” (incluant l’épiderme et l’ensemble du derme). Elles sont déposées sur le lit de greffe en “îlots” ou en “filet”. Dans le cas de greffes en “îlots”, soit le site donneur est “découpé” en petites pièces qui sont redéposées sur le site receveur, soit ces pièces sont prélevées directement sur le site donneur à l’aide d’une biopsie “punch”. Dans les deux cas, ils sont glissés dans de petites poches créées dans le tissu de granulation [13]. Les greffes en “filet” consistent à réaliser des incisions parallèles les unes aux autres sur le greffon pour en augmenter la superficie et permettre l’élimination de fluides qui seraient présents sur le site receveur.

Septième étape : pansements

Un pansement est toujours constitué de trois couches :

- la première couche, en apposition avec la plaie : la couche de contact, souvent dénommée à tort “pansement” ;

- la deuxième couche ou couche intermédiaire ;

- la troisième couche ou couche externe, cette dernière pouvant incorporer une attelle pour assurer une contention externe (PHOTO 9).

Le pansement sert à protéger la plaie, à créer un milieu favorable à la cicatrisation, à absorber les exsudats, à limiter les œdèmes et les saignements et à appliquer certains traitements.

1. La première couche

• En phase inflammatoire, la couche de contact doit être adhérente, afin de débrider mécaniquement la surface de la plaie au moment du retrait du pansement. Elle est mise en place et retirée, sèche ou humide, au minimum une fois par jour. Ainsi, la couche de contact est qualifiée de “wet to wet” si elle est appliquée humide et retirée humide, de “wet to dry” si elle est appliquée humide et retirée sèche ou encore de “dry to dry” si elle est appliquée sèche et retirée sèche.

Elle est appliquée humide (compresse stérile humidifiée par des solutions cristalloïdes isotoniques : NaCl 0,9 % par exemple, ou par des solutions antiseptiques : chlorhexidine à 0,05 %) lors d’exsudats visqueux et épais (pour les fluidifier), avec peu de débris à la surface de la plaie (un débridement important n’est pas alors nécessaire). À l’inverse, elle est appliquée sèche (compresse sèche stérile déposée sur la plaie) lors d’exsudats de faible viscosité avec de nombreux débris au niveau de la plaie.

Le retrait est réalisé sur pansement sec si un degré important de débridement est souhaité. Cette dernière manipulation est douloureuse et nécessite souvent le recours à une tranquillisation ou à une anesthésie générale.

Pour les plaies très exsudatives et lourdement contaminées, certains auteurs recommandent l’utilisation de miel pour assurer une bonne détersion de la plaie. Sa très forte concentration en glucose et en peroxyde d’hydrogène lui confère un effet bactériostatique et bactéricide et un pouvoir osmotique permettant la fluidification des exsudats [8].

• En phase de réparation, des couches de contact non-adhérentes sont mises en place. Elles deviennent indispensables dès que la granulation et l’épithélialisation ont commencé. Elles créent un environnement qui favorise la cicatrisation par seconde intention. Ce sont les pansements “gras” (Jelonet®, Tulle gras®, compresse sèche imbibée de Biafine® ou de Vaseline®). Ils forment une interface avec la plaie qui permet le développement du tissu de granulation et empêche son arrachement lors du retrait du pansement. Ils sont changés généralement tous les trois jours. Pour les stades plus tardifs de la cicatrisation, des pansements non-adhérents sans vaseline sont utilisés de préférence : Melolin®, ou compresse imbibée de nitrofurazone (Furacine®). La vaseline peut en effet retarder l’épithélialisation [2].

• Depuis quelques années, des pansements d’un nouveau type, adaptés aussi bien à la phase inflammatoire qu’à la phase de granulation ont ainsi supplanté les pansements adhérents classiques. Parmi eux, on retrouve les hydrocolloïdes qui ont révolutionné la cicatrisation des plaies par seconde intention (voir l’ENCADRÉ “Intérêt des hydrocolloïdes dans la cicatrisation des plaies par 2e intention”) [9, 12]. Les pansements d’alginate sont similaires aux hydrocolloïdes dans leur principe d’interaction avec la plaie et sont adaptés à des plaies fortement exsudatives. Le gel d’alginate peut également capter les bactéries qui sont éliminées avec le retrait du pansement (mais pas d’effet bactéricide intrinsèque) [10].

D’autres traitements originaux adaptés de la médecine humaine ont été utilisés en médecine vétérinaire : les “gels plaquettaires autologues” (voir l’ENCADRÉ “Les gels plaquettaires autologues : des pansements biologiques”) [11, 14]. Ces gels ont de multiples applications, notamment comme implants en chirurgie maxillo-faciale ou osseuse, ou comme traitement des ulcères chez des patients atteints de diabète sucré. Néanmoins, aucune étude n’a encore confirmé leur efficacité en médecine vétérinaire.

2. La deuxième couche

La deuxième couche du pansement est une bande à caractère hydrophile (coton, Softban®), éventuellement complétée par une bande Velpeau® pour donner plus de stabilité au bandage.

Elle permet l’absorption du sang et des exsudats, réduit les espaces morts, les saignements et les œdèmes et sécurise la couche de contact. Elle doit présenter une capacité d’absorption suffisante pour ne pas saturer la troisième couche. Pour vérifier si son épaisseur est convenable, il suffit de s’assurer de la propreté de la troisième couche.

3. La troisième couche

La troisième couche sécurise les deux couches précédentes et protège la plaie de traumatismes physiques et d’une surinfection. Elle peut être occlusive (revêtement en plastique) ou semi-occlusive (bandes d’Elastoplast® ou de Vetrap®). Le risque avec les pansements occlusifs est de favoriser la macération des tissus. Ils sont indiqués pour des plaies peu exsudatives pour lesquelles le maintien d’un environnement humide favorise l’épithélialisation [2]. Les pansements semi-occlusifs permettent l’évacuation des liquides de la plaie, mais ils offrent peu de résistance au passage des bactéries du milieu extérieur vers la plaie. Ils sont indiqués dans le cas de plaies sécrétant des exsudats qui doivent pouvoir être drainés.

Cet article passe en revue le traitement des plaies. Leur gestion implique la mise en place d’une démarche systématique et complète qui commence par l’identification de la plaie. Cette première étape permet d’établir son degré de contamination. Les autres étapes de cette démarche sont : le nettoyage et l’antisepsie, l’irrigation, le débridement, le parage chirurgical, la reconstruction nerveuse et tendineuse, la fermeture de la plaie et la mise en place du pansement.

L’antibiothérapie fait partie intégrante du traitement des plaies. Elle constitue un complément indispensable, mais elle ne peut en aucun cas représenter le seul et unique traitement, sous peine d’échec inévitable.

La classification selon le stade de la cicatrisation

Trois stades importants se succèdent dans le processus de cicatrisation des plaies : l’inflammation, la réparation et le remodelage [7].

L’inflammation débute d’abord par une vasoconstriction des artérioles de l’ensemble des vaisseaux de la région afin de limiter l’hémorragie (PHOTO 2). Cette phase dure de cinq à dix minutes et est suivie par une vasodilatation des veinules postcapillaires qui permettent l’extravasation des cellules inflammatoires sanguines, ainsi que des protéines du complément.

Macroscopiquement, cette phase se caractérise par l’apparition de pus (lysat tissulaire et bactérien). La phase inflammatoire dure plus ou moins trois jours.

La phase de réparation commence tout d’abord par la phase de fibroblasie, encore appelée granulation (PHOTO 3). Un tissu de granulation normal doit apparaître rosé. Cette phase de granulation est suivie par la phase d’épithélialisation dans laquelle les cellules de l’épiderme de la peau environnante migrent de manière centripète (PHOTO 4). La phase de réparation se termine par la rétraction de la plaie sous l’effet de la contraction de myofibroblastes (fibroblastes modifiés ressemblant à des cellules musculaires).

Après deux à quatre semaines commence la phase de remodelage, caractérisée par une réorganisation du tissu cicatriciel en fonction des contraintes. Le tissu cicatriciel n’est jamais aussi solide que le tissu qu’il remplace.

La classification en relation avec la contamination

Une autre classification des plaies fait référence de façon plus stricte à leur contamination (classification d’Altemeier) [3]. On distingue les plaies :

- propres : ce sont des plaies qui sont créées sous des conditions d’asepsie (plaies chirurgicales). Elles sont associées à peu, voire pas d’inflammation ;

- propres/contaminées : elles résultent d’une pénétration des systèmes digestif et respiratoire sans écoulements significatifs, ou d’une pénétration du vagin et des systèmes urinaire et biliaire (en l’absence d’urine ou de bile infectée) ;

- contaminées : ce sont les plaies traumatiques fraîches (moins de quatre heures) et les plaies avec pénétration du système digestif ou respiratoire, mais avec des écoulements significatifs ;

- sales ou infectées : ce sont les plaies traumatiques chroniques (plus de quatre heures), les phlegmons et les abcès.

La classification selon la cause

On distingue les plaies par abrasion, avulsion, lacération, incision et écrasement [15].

Les plaies par écrasement montrent des dommages minimes en surface, malgré des lésions profondes souvent étendues. Elles sont généralement associées à une lourde contamination, à l’inverse des plaies par abrasion pour lesquelles la contamination est considérée comme légère.

La classification selon le temps écoulé

Il existe une relation entre le temps écoulé depuis le traumatisme et le degré de contamination [15] :

- classe 1 : plaies de moins de six heures avec une contamination légère ;

- classe 2 : plaies datant de six à douze heures avec une contamination modérée ;

- classe 3 : plaies datant de plus de douze heures et associées à une contamination sévère.

Le cas particulier des plaies par morsure

Les plaies par morsure sont des plaies “iceberg”. Si les dommages semblent bénins en surface, ils peuvent apparaître, après exploration, beaucoup plus sévères en profondeur.

Ces plaies doivent par ailleurs être toujours considérées comme des plaies sales ou infectées, en raison :

- de la contamination naturelle de la flore buccale des carnivores ;

- du délabrement qui favorise les nécroses tissulaires, donc les surinfections.

Dès lors, refermer totalement des plaies par morsure, même datant de moins de six heures, par première intention est une erreur.

Le traitement consiste en une fermeture différée par troisième intention, seconde intention, ou une fermeture immédiate avec mise en place d’un drain (PHOTO 8).

Parallèlement, une antibiothérapie est initiée avec, en première intention, l’association amoxycilline/ acide clavulanique. En effet, son spectre antibactérien apparaît adapté aux germes en cause lors de morsures (staphylocoques, streptocoques, Pseudomonas, entérobactéries) [15]. Les infections sont mixtes à germes aérobies et anaérobies dans 70 % des cas [14].

Intérêt des hydrocolloïdes dans la cicatrisation des plaies par seconde intention

Les hydrocolloïdes sont commercialisés depuis près de vingt ans. Ils ont permis de révolutionner la prise en charge des plaies chez l’homme. Actuellement, il en existe quelques-uns sur le marché vétérinaire. Les hydrocolloïdes sont des pansements actifs qui interagissent avec la plaie. Ils favorisent les phases de détersion et de bourgeonnement des plaies aiguës et chroniques. Ils se présentent sous forme de plaques (Algoplaque® des laboratoires Urgo) ou de gels (Intrasite gel® des laboratoires Smith et Nephew). Ces derniers apparaissent plus adaptés pour les plaies anfractueuses et profondes.

Ils présentent une double face. La face de contact avec la plaie contient de la cellulose carboxyméthylée et de la gélatine, tandis que l’autre face est constituée de polyuréthane et de mousse. La couche de contact adhère à la peau entourant la plaie, mais interagit avec les fluides de la plaie pour former un gel non-adhérent.

Ce gel crée un environnement humide qui favorise la lyse des tissus morts et stimule l’épithélialisation. La présence de cellulose confère à ces pansements une grande capacité d’absorption des exsudats délivrés par la plaie.

Les gels plaquettaires autologues : des “pansements biologiques”

Les gels plaquettaires autologues représentent une thérapie alternative et originale des plaies aiguës ou chroniques, en granulation ou en détersion et constituent une possibilité de traitement des plaies atones (plaies n’évoluant plus). La préparation de ce “pansement autologue d’origine sanguine” s’effectue en collectant le sang de l’animal qui est traité par de nombreuses procédures de manière stérile.

Le gel plaquettaire autologue présente des particularités physiologiques : haute concentration en plaquettes, en leucocytes, en fibrinogène et en agents vaso-actifs et chimio-tactiques. Les plaquettes sont une source majeure de facteurs qui ont plusieurs effets : recrutement de cellules mésechymateuses et de cellules inflammatoires, synthèse de la matrice extra-cellulaire et stimulation de la néovascularisation.

  • 2 - Asimus E. Pansements et agents topiques. Point Vet. 1992;24(N°spécial “chirurgie plastique et reconstructrice”):53-75.
  • 5 - Genevois JP. Traitement des traumatismes tissulaires. Point Vet. 1992 ; 24(N°spécial “chirurgie plastique et reconstructrice”):63-75.
  • 7 - Hosgood G. Wound repair and specific tissue response to injury. Slatter, Textbook of Small Animal Surgery. 2003;Vol1:66-86.
  • 8 - Mathews KA, Binnington AG. Wound management using Honey. Compendium, 2002;vol 24(1):53-59.
  • 10 - Miller CW. Bandages and Drains. Slatter, Textbook of Small Animal Surgery. 2003;Vol 1:244-249.
  • 11 - Saldalamacchia G, Lapice E, Cuomo V, de Feo E, d’Agostino E, Rivellese AA, Vaccaro AA. A controlled study of the use of autologous platelet gel for the treatment of diabetic food ulcers. Nutr. Metab. Cardiovasc. Dis. 2004;14:395-396.
  • 13 - Swaim SF. Skin Grafts. Slatter, Textbook of Small Animal Surgery 2003 ; Vol 1:149-155,321-338.
  • 14 - Valbonesi M. Fibrin Glue of Human Origin. Best practice and Research Clinical Haematology. 2006;19(1):191-203.
  • 15 - Waldron DR, Zimmerman-Pope N. Superficial skin Wounds. Slatter, Textbook of Small Animal Surgery. 2003;Vol 1:259-273.
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