OBSTÉTRIQUE BOVINE
Éclairer
NOUVEAUTÉS
Auteur(s) : Axel Schönfelder*, Jacqueline Muder**
Fonctions :
*Huberstr. 3,
04229 Leipzig,
Allemagne
**Nonnenstr. 28,
04229 Leipzig,
Allemagne
L’élasticité utérine est un facteur important du pronostic. Il convient de recourir à la chirurgie sans multiplier les tentatives de détorsion manuelle.
La torsion utérine est documentée de longue date mais une série de travaux récents permet de mettre à jour les connaissances concernant cette affection, en particulier sur le pronostic en fonction du traitement choisi.
La torsion survient presque exclusivement au moment de la parturition [4, 19]. Le praticien doit donc corriger la présentation utérine puis orchestrer la mise bas. Un œdème vulvaire peut être présent (PHOTO 1). L’orientation des plis de la muqueuse vaginale, ainsi que la position des ligaments larges indiquent la direction de la torsion. Dans environ 90 % des cas, le degré de torsion utérine est compris entre 90° et 270° [19, 18] et la durée normale de gestation n’est pas dépassée.
Les examens manuels vaginaux et rectaux sont fondamentaux pour le diagnostic [10]. La détorsion manuelle sans chirurgie ne doit être entreprise que si l’utérus est élastique et facilement dépressible lors de l’examen transrectal. Les chances de succès sont faibles sur un utérus tendu et le risque de rupture spontanée est élevé. Même lors de torsion qui atteint 270°, la détorsion à la main chez une vache debout se révèle efficace. Cependant, aussitôt après la détorsion, le col est tellement contracté que l’extraction manuelle du fœtus est souvent impossible, même avec un traitement médicamenteux (par exemple vétrabutine, Monzal®) [3]. Si le canal pelvien ne peut être franchi que par les membres du fœtus aussitôt après la détorsion (étroitesse du col de degré 2 ou3), une césarienne sera pratiquée sans attendre, car le col ne s’ouvre alors jamais suffisamment à temps [5, 19]. La césarienne est aussi indiquée si les tentatives de détorsion manuelle entreprises en première intention échouent. Il convient d’éviter l’essai successif de plusieurs techniques de détorsion manuelle, car cette pratique assombrit le pronostic de survie de la mère et du fœtus [19]. La méthode de roulage (pratiquée avec une planche en Allemagne) est obsolète, sauf dans des cas exceptionnels (recours immédiat à la chirurgie impossible et échec de la détorsion manuelle classique, par petits mouvements de balancier chez une vache debout). Le roulage assombrit le pronostic pour le fœtus et la mère lorsqu’il est employé en première intention, par comparaison au recours direct à la laparotomie [19].
Divers éléments sont à prendre en compte et à exposer si nécessaire à l’éleveur, pour établir un pronostic lors de torsion (voir l’ENCADRÉ“éléments pour établir un pronostic lors de torsion utérine”). Les vaches en torsion peuvent être classées en trois“stades de torsion”, selon le degré et la durée de celle-ci (estimée d’après l’état du veau extrait). Cette classification permet de fournir un pronostic plus précis (voir le TABLEAU complémentaire sur planète-vet“Évaluation du stade de torsion à valeur pronostique”).
Au sein de la faculté vétérinaire de Leipzig (Allemagne), la durée d’hospitalisation moyenne après une intervention chirurgicale lors de torsion est de 11 jours. Pendant cette période, 70 % des vaches qui ont survécu présentent des retards d’involution utérine, des déplacements de caillette ou des lésions phlegmoneuses en région pelvienne.
Les vaches qui subissent une césarienne sont le résultat d’un choix par sélection négative : le plus souvent, un manque de surveillance autour de la mise bas est rapporté et l’appel du vétérinaire est tardif. C’est pourquoi seulement 12 veaux sont nés et sortis vivants de nos locaux, sur 72 cas pris en charge pour torsion ces cinq dernières années. Dix-huit vaches ont été détordues manuellement, 54 ont donné lieu à une intervention chirurgicale (sachant qu’une première détorsion manuelle a bien souvent été tentée avant l’hospitalisation).
Les vaches capables de se tenir debout et dont l’utérus est facilement dépressible par voie rectale sont opérées debout par le flanc gauche, selon les recommandations traditionnelles [1, 2, 6]. Les autres sont opérées couchées (également à gauche), ainsi que celles dont le degré de torsion excède 360° (la main ne peut alors atteindre le fœtus par voie vaginale). Après l’administration d’un tocolytique (clenbutérol hydrochloride par voie intraveineuse, Planipart®en France), une sédation est pratiquée (xylazine, 0,1 mg/ kg par voie intraveineuse), puis une anesthésie épidurale (environ 70 ml d’hydrochlorure de procaïne 2 %). L’incision dans le creux du flanc gauche doit être suffisamment longue (40 cm) et prolongée ventralement pour faciliter les manipulations, notamment l’extériorisation éventuelle de l’utérus.
Lors de torsion, les membranes fœtales sont souvent encore intactes et le liquide amniotique est toujours présent [7]. La paroi utérine est souvent œdématiée [12]. La palpation/préhension fœtale n’est donc pas facile. L’ouverture des membranes fœtales par voie vaginale est privilégiée (souvent possible, même lors de torsion à plus de 360°). Si c’est impossible, le liquide utérin et les éventuels gaz utérins sont drainés par une (ou des) ponction(s) à l’aide d’une canule de large diamètre interne (4 mm), reliée à une tubulure. Le trou de ponction est suturé avec un point en croix, préparé avant de retirer la canule.
Par la suite, l’utérus est délicatement amené jusque dans la plaie abdominale, colmatée ensuite avec des champs chirurgicaux humides, pour pouvoir continuer à évacuer les liquides placentaires sans contaminer la cavité abdominale.
Des ruptures d’omentum, des déplacements de l’intestin grêle, ainsi que des adhérences utérines sont parfois découverts en cours d’intervention. Ce qui peut l’être (intestins, utérus) est remis en position avant d’extérioriser et d’ouvrir l’utérus. Si les anses intestinales gênent encore la détorsion utérine, le fœtus peut être extrait par hystérotomie avant de détordre (en amenant aussi l’utérus dans la plaie abdominale).
Après l’extraction fœtale, et avant de refermer, la délivrance est extraite. Cette extraction est possible dans plus de 80 % des cas de torsion opérés [11]. Les éventuels détorsion et repositionnement d’anses intestinales qui n’ont pu être effectués auparavant, ou la suture omentale sont réalisés après la fermeture de l’utérus. Une rupture du ligament large peut être constatée, sur laquelle il est préférable de ne pas intervenir (PHOTO 2). Si la paroi utérine est si fragile qu’il est impossible de la refermer correctement, une ovariohystérectomie peut être envisagée [17] (PHOTO 3).
La torsion utérine au moment du part a des conséquences lésionnelles, cardiovasculaires, métaboliques, etc., bien plus graves qu’une simple dystocie par excès de taille (relative ou absolue) ou malposition du fœtus [15]. Le recours à la césarienne est nécessaire si un état de choc tend à s’installer. Il convient néanmoins de stabiliser l’état cardiovasculaire de la vache avant toute intervention (perfusion rapide). Après une simple détorsion manuelle, une atteinte hépatique aiguë temporaire de nature toxique, sans ictère est souvent constatée [8]. Après une détorsion chirurgicale, une baisse d’hématocrite est fréquente (en dessousde15 % au stade3) [13]. Du début de l’intervention jusqu’à la reprise d’une alimentation spontanée, les vaches sont perfusées en continu avec une solution de chlorure de sodium à 0,9 % (10 l/24 h), additionnée de glucose (1 000 g) et d’acides aminés (Amynin®, spécialité commercialisée en Allemagne). Des précurseurs du glucose sont administrés deux fois par jour (propionate de sodium 60 g par voie orale). Après la correction chirurgicale d’une torsion, une hypomagnésémie est à redouter : la perfusion est donc complémentée en magnésium, en ajustant la dose en fonction du taux magnésien plasmatique mesuré. Des antibiotiques sont administrés après l’intervention, une fois par jour pendant 5 jours (enrofloxacine, Baytril®10 %), à la dose de 2,5 mg/kg par voie intraveineuse, ou amoxicilline et acide clavulanique, Synolux®RTU, à la dose de 8,75 mg/kg par voie intramusculaire). Une étude montre l’intérêt d’associer deux antibiotiques (amoxicilline et enrofloxacine), pour couvrir au mieux le spectre bactérien potentiel (Streptococcussp., anaérobies à Gram positif,Proteussp.,Klebsiellasp. etPseudomonas aeroginosa) [14]. Des anti-inflammatoires non stéroïdiens sont aussi administrés une fois par jour pendant trois jours (flunixine méglumine, Finadyne®, à la dose de 2,2 mg/kg par voie intraveineuse).
En définitive, le recours à l’intervention chirurgicale est rentable [9] : la production laitière des vaches qui ont survécu à une détorsion chirurgicale est équivalente à celle des vaches de leur troupeau d’origine après un court temps de réajustement. Les pertes brutes constatées jusqu’à la lactation suivante sont de 200 €en moyenne lors d’intervention chirurgicale(-452 €à + 28 €, incluant un calcul de risque), contre 1 000 €en l’absence de traitement (euthanasie et frais de remplacement de l’animal).
Détorsion manuelle sans chirurgie : satisfaisante dans près des trois quarts des cas (en structure hospitalière vétérinaire) [10].
Utérus bien tendu, peu dépressible (palpation transrectale) : taux de survie après chirurgie supérieur à 80 % et taux de fertilité ultérieure d’environ 53 % [10].
Élasticité utérine réduite : taux de survie des mères de seulement 60 %, taux de fertilité ultérieure nul [10]. Nombreuses maladies par la suite [16].