Les dermatoses du chat âgé - Le Point Vétérinaire n° 265 du 01/05/2006
Le Point Vétérinaire n° 265 du 01/05/2006

DEMARTOLOGIE FÉLINE

Se former

COURS

Auteur(s) : Éric Florant

Fonctions : Clinique vétérinaire des Sablons,
112, rue Claude-Chappe,
78370 Plaisir

Chez le chat âgé, la présence d’une dermatose ne doit pas être sous-estimée car elle est souvent révélatrice de l’existence d’une maladie systémique sous-jacente qu’il convient de rechercher pour instaurer un traitement causal.

En raison de l’altération des mécanismes physiologiques (métaboliques, endocriniens, immunitaires, digestifs, urinaires et nerveux), le chat âgé est prédisposé aux dermatoses et aux maladies systémiques à expression cutanée. Ces dermatoses du chat âgé sont décrites en fonction de leur aspect clinique (voir le TABLEAU “Signes cliniques des principales dermatoses du chat âgé”).

Dermatoses à l’origine d’un état kératoséborrhéique

1. État kératoséborrhéique modéré

Un pelage terne et piqué, avec des nœuds, est fréquent chez le chat âgé, mais ne doit pas être considéré comme anodin. Il est le plus souvent l’expression d’un manque d’entretien qui peut être secondaire à de multiples affections. La fréquence de celles-ci est difficile à établir car le propriétaire d’un chat qui présente de tels signes consulte rarement.

Obésité

L’obésité peut être à l’origine d’un manque d’entretien lié à une perte de souplesse du chat. Les surcharges lipidiques hépatiques contribuent également à la séborrhée observée sur le dos de l’animal.

Les chats âgés de dix à douze ans (20 à 50 % des animaux de cet âge sont obèses) sont davantage concernés que les plus âgés. En effet, ces derniers ont plutôt tendance à maigrir malgré l’augmentation de leur appétit : 30 à 50 % des chats de plus de douze ans sont maigres et moins de 20 % sont obèses [2, d]. Cet amaigrissement est probablement secondaire à une baisse de la digestibilité des nutriments [d].

Le traitement consiste à fournir un aliment de régime associé à des médicaments qui favorisent la détoxification hépatique et à des compléments alimentaires adaptés pour le pelage.

Douleurs chroniques

• La douleur chronique chez le chat âgé est probablement sous-estimée. Elle entraîne des troubles ou l’arrêt du toilettage qui se traduisent par une altération du pelage. Une alopécie auto-induite peut apparaître dans la zone douloureuse [b].

• Ses causes principales sont l’arthrose et tous les états inflammatoires, dont les maladies buccales (affections dentaires, gingivites et stomatites), mais aussi des troubles variés comme le diabète, les virus immunodépresseurs (FeLV, FIV), les cancers, les maladies inflammatoires chroniques des intestins, etc. [b].

• La douleur n’est pas aisément reconnue par le propriétaire de l’animal. Elle est également difficile à mettre en évidence en consultation. Des modifications du comportement du chat sont à relever : perte d’activité ou, à l’inverse, hyperactivité, diminution de l’appétit, troubles du sommeil, gémissements ou cris (mais le plus souvent mutisme), respiration de faible amplitude, agressivité, tendance à se cacher, malpropreté, self auscultation du site douloureux et postures anormales (en sphinx, au lieu de se coucher en boule). Ces changements comportementaux ne sont pas proportionnels à l’intensité de la douleur. Un examen général complet, y compris neurologique, doit être réalisé, ainsi que des analyses hématologiques et biochimiques afin de rechercher les causes sous-jacentes.

Les traitements analgésiques qui associent plusieurs molécules à une dose faible sembleraient plus efficaces que les monothérapies (voir le TABLEAU “Gestion de la douleur chez le chat”). Ainsi, l’association d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), avec un antagoniste des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA), et d’un antidépresseur tricyclique est une alternative thérapeutique intéressante [b].

Hyperthyroïdie

• Les troubles cutanés sont des signes fréquents mais non systématiques lors d’hyperthyroïdie. Le plus souvent, un état kératoséborrhéique est observé, avec parfois des zones d’alopécie qui sont dues à un poil plus cassant et à un léchage excessif lié à une anxiété intermittente (alopécie auto-induite).

• D’autres signes cliniques sont davantage caractéristiques. Un amaigrissement et des troubles du comportement (en particulier une hyperactivité et une agitation) sont presque toujours présents. Un goitre peut être détecté par la palpation minutieuse du cou dans 90 % des cas. Les autres symptômes fréquemment observés (dans environ 50 % des cas) sont une polyuro-polydipsie, une polyphagie, des symptômes digestifs (vomissements et/ou diarrhée ou selles en forme de bouses) et cardiovasculaires (tachycardie, galop cardiaque et/ou souffle systolique). Des symptômes plus rares peuvent être notés : anorexie avec abattement, dyspnée (hyperventilation même au repos), thermophobie, ventroflexion de la tête.

• Un dosage de la thyroxinémie totale est généralement suffisant pour confirmer la suspicion clinique. En cas de valeur proche des limites normales supérieures, il convient soit de renouveler le dosage quelque temps plus tard, si les symptômes se sont aggravés, soit de réaliser une mesure de la thyroxinémie libre (technique de dialyse à l’équilibre). Cette technique permet le plus souvent de confirmer l’hyperthyroïdie [c].

• Le traitement est la plupart du temps médical et repose sur l’administration à vie de méthimazole (Félimazole®) (initialement 5 mg/j en une prise quotidienne). Une exérèse chirurgicale est également possible. La radiothérapie métabolique est une solution alternative qui consiste à administrer de l’iode 131, ce qui permet la guérison de 90 % des chats après une seule administration (données du Centre de cancérologie de Maisons-Alfort).

• Le traitement dermatologique n’est pas spécifique. Le brossage de l’animal et une supplémentation en vitamines et en acides gras essentiels sont recommandés.

Le plus souvent, les symptômes cutanés disparaissent une fois les chats équilibrés.

Troubles du comportement

• Le vieillissement “normal” se manifeste par un ralentissement de l’activité, mais le processus peut devenir pathologique. En raison d’altérations cérébrales, le chat perd ses capacités d’adaptation et présente des signes de dépression sénile (dépression d’involution, syndrome confusionnel, syndrome hypersomnie, dysthymie) [a].

• Certaines affections organiques peuvent aggraver ces troubles : tumeurs cérébrales (rares), dysendocrinies (diabète sucré, hyperthyroïdie) ou insuffisance rénale chronique [a]. Toute cause de douleur chronique, jusqu’alors peu prise en compte chez le chat âgé, peut aussi aggraver des troubles du comportement, voire en être à l’origine [b].

Le ralentissement de l’activité conduit à un manque de toilettage, qui induit un état kératoséborrhéique, en particulier sur le tronc. Le motif de consultation invoqué est souvent différent : vocalises et miaulement de détresse le jour et surtout la nuit, malpropreté, troubles du sommeil, du comportement alimentaire (boulimie ou anorexie), agressions.

Dermatophyties

L’altération du système immunitaire prédispose le chat âgé au développement de dermatophyties. Elles peuvent aussi être associées à des maladies systémiques qu’il convient de rechercher. Le traitement le mieux toléré chez le chat âgé est l’itraconazole (Itrafungol®) à la dose de 5 mg/kg/j une semaine sur deux, à trois reprises.

2. État kératoséborrhéique marqué

Folliculites lymphocytaires murales

• Une folliculite lymphocytaire murale (FLM) est suspectée lors d’alopécie diffuse de modérée à sévère, associée à un squamosis intense de la tête, en particulier si la peau est épaissie (souvent sur la tête) et si les poils s’arrachent facilement (PHOTOS 1A ET 1B.) La dermatose s’étend ensuite au niveau du tronc et des membres. Une otite érythémato-cérumineuse bilatérale est souvent présente.

• La FLM est confirmée par l’examen histologique de biopsies cutanées. Le terme de “FLM” correspond à une réaction histologique particulière observée lors de nombreuses affections : adénite sébacée, lymphome cutané en phase initiale, certaines dermatophyties chroniques superficielles et démodécies, quelques accidents cutanés médicamenteux, voire de rares cas d’allergie alimentaire. Une mucinose folliculaire peut être associée : les chats qui sont touchés par cette forme histologique un peu différente, dénommée “folliculite murale dégénérative mucineuse”, présentent souvent une altération de l’état général (léthargie) et certains sont infectés par le virus FIV [9].

Les FLM sont donc souvent liées au développement de maladies systémiques graves qui atteignent le système immunitaire, comme c’est le cas avec les infections par le FIV ou le FeLV, ou lors de certaines néoplasies. Un bilan complet est donc nécessaire en présence de ce type de tableau clinique et histologique afin d’établir un diagnostic causal [5]. Il n’existe pas de traitement spécifique, hormis celui de la cause primaire, lorsqu’il est possible.

Dermatites à Malassezia

En présence d’un squamosis marqué ou d’un exsudat pâteux de couleur marron à la base des poils associé à un érythème (PHOTOS 2A ET 2B), il convient de rechercher la présence de Malassezia en quantité anormale. Une dermatite à Malassezia étendue chez le chat âgé est le plus souvent secondaire à une affection systémique (dermatite exfoliative paranéoplasique associée à l’évolution d’un thymome, alopécie paranéoplasique pancréatique féline, nécrose épidermique métabolique ou érythème polymorphe). Une infection par un rétrovirus de type FeLV ou FIV ou un diabète sont également des facteurs favorisants [13].

La réalisation de calques cutanés et la mise en évidence des levures permettent d’établir le diagnostic.

La recherche d’une cause sous-jacente s’impose et les signes dermatologiques précèdent souvent les symptômes généraux [11].

Le traitement de la dermatite à Malassezia consiste en une administration de kétoconazole(2) (Kétofungol®, 10 mg/kg/j) ou d’itraconazole (Itrafungol®, 5 mg/kg/j). Ce dernier est plus adapté au chat âgé et peut être associé à une application externe d’énilconazole (Imavéral®) tous les quatre jours (après dilution au 1/50e). Il convient de réaliser des calques cutanés de contrôle pour adapter la durée du traitement, qui est le plus souvent de trois à quatre semaines.

Dermatoses exfoliatives ou érosives

1. Démodécie

La démodécie, dermatose beaucoup plus rare chez le chat que chez le chien, présente un aspect clinique polymorphe. Les lésions, souvent prurigineuses, vont de simples dépilations, localisées ou diffuses, érythémateuses et squameuses, à des érosions, à des ulcérations et à des croûtes. La démodécie prend parfois la forme de pustules, de comédons associés ou non à une hyperpigmentation. Elle est préférentiellement localisée sur la tête et le cou. Chez le persan, elle peut se présenter sous la forme d’une séborrhée faciale érythémateuse.

Le diagnostic est réalisé par un raclage cutané jusqu’à la rosée sanguine. Deux espèces de Demodex peuvent être identifiées :

- une espèce de petite taille (Demodex gatoi) (100 à 120 µm x 20 à 25 µm) qui vit dans les couches superficielles de la peau ;

- une espèce de grande taille (Demodex cati) (200 µm x 25 à 30 µm) qui vit dans les follicules pilosébacés.

La démodécie est généralement associée à une maladie systémique dont il convient de rechercher la cause sous-jacente : infection par le FeLV ou le FIV, diabète sucré, hypercorticisme, lupus érythémateux systémique, carcinome épidermoïde in situ multicentrique [10].

Pour éliminer les Demodex, il n’existe que des traitements hors résumé des caractéristiques du produit (RCP) : l’amitraz(2) à des concentrations faibles de 0,0125 à 0,025 % en applications hebdomadaires (contre-indiqué lors de diabète sucré) ou une avermectine (ivermectine, milbémycine oxime, moxidectine) en une administration orale quotidienne, mais aucun protocole ne se dégage véritablement [14]. Le traitement doit être poursuivi jusqu’à l’obtention de deux raclages négatifs à un mois d’intervalle.

2. Dermatite exfoliative paranéoplasique

Lors de dermatite non prurigineuse, très érythémateuse puis exfoliative qui débute sur la tête, les pavillons auriculaires et le cou avant de se généraliser, il convient de rechercher un thymome. Les signes cutanés précèdent souvent les symptômes généraux de ce syndrome paranéoplasique rare. Les pyodermites et les dermatites fongiques secondaires sont fréquentes.

Le diagnostic dermatologique est histopathologique et la radiographie du thorax permet la confirmation du thymome.

Une exérèse de la tumeur, quand elle est possible, permet une guérison de la dermatose, ce qui prouve son origine paranéoplasique [17, 19].

3. Lymphome cutané

Les symptômes des lymphomes cutanés sont polymorphes, avec des lésions érythémateuses et squameuses généralisées, puis érosives et parfois croûteuses. Ils évoluent lentement vers une forme multinodulaire (PHOTO 3), avec une hypertrophie ganglionnaire.

Le diagnostic est histopathologique et permet de distinguer une forme T épithéliotrope (appelée aussi “mycosis fongoïde”), la plus fréquente, cependant rare, et une forme non épithéliotrope.

Aucun traitement n’a permis d’obtenir un résultat satisfaisant, excepté dans un cas de forme non épithéliotrope chez un chat traité avec succès avec de la lomustine(1) [10].

Dermatoses ulcéreuses et croûteuses

1. Pemphigus foliacé

• Un pemphigus foliacé doit être suspecté lors de dermatose croûteuse chez un chat âgé.

Cette maladie d’origine immunitaire (qui entraîne une acantholyse des kératinocytes de l’épiderme) est le plus souvent localisée à la face, en particulier au niveau du chanfrein et des oreilles, ou parfois des coussinets, avec une hyperkératose (des formes avec cette unique localisation existent). Les périonyxis sont fréquentes (croûtes et exsudat péri-unguéal purulent) et accompagnent parfois une onychomadèse (chute spontanée de la griffe). La région des mamelles présente souvent des lésions. Les lésions de la cavité buccale sont exceptionnelles.

Les lésions primaires vésicobulleuses ou pustuleuses évoluent rapidement en érosions, en collerettes, en squames et en croûtes. Avec le temps ou, plus rarement, d’emblée, les lésions localisées s’étendent à l’ensemble du corps. Une atteinte de l’état général est parfois observée. Le prurit est la plupart du temps peu marqué.

• Outre l’anamnèse et l’aspect clinique de cette dermatose, qui est la plus fréquente des dermatoses auto-immunes chez le chat, la réalisation d’un calque cutané sous une croûte qui met en évidence des acanthocytes (kératinocytes acantholysés) entourés de granulocytes neutrophiles non dégénérés ou éosinophiles, associés à l’absence de germes, permet d’orienter le diagnostic.

Celui-ci est fondé sur un examen histologique. Des pustules intra-épidermiques, qui peuvent affecter les follicules pileux, sont mises en évidence. Elles sont infiltrées d’acanthocytes, de polynucléaires neutrophiles non dégénérés et de polynucléaires éosinophiles. Les polynucléaires sont parfois accolés aux acanthocytes, formant ainsi une image en “roue crantée”. Les biopsies cutanées doivent être réalisées en plusieurs endroits et sur des lésions primaires, c’est-à-dire sur des pustules ou, à défaut, sur des croûtes.

• Les traitements immunosuppresseurs classiques sont généralement efficaces (près de 90 % de réussite).

En première intention, une corticothérapie est mise en place : prednisone (2 à 4 mg/kg/j en deux prises) ou méthylprednisolone (1,6 à 3 mg/kg en une prise). Les doses sont ensuite progressivement diminuées selon l’évolution clinique, jusqu’à une corticothérapie par jours alternés (CJA) à la dose minimale efficace (0,5 à 1 mg/kg un jour sur deux).

Chez les chats pour lesquels la prednisone est inefficace, la dexaméthasone (0,2 à 0,4 mg/kg/j, puis CJA) peut être administrée.

Chez le chat âgé, il convient de s’assurer que les fonctions rénale et hépatique sont normales, et de mettre en place une surveillance en cours de traitement. Celui-ci peut être initié avec des doses faibles, qui sont augmentées progressivement par périodes de deux semaines si le résultat est insuffisant.

Le propriétaire doit être prévenu des effets secondaires, tels qu’une polyphagie, une polyuro-polydipsie, des troubles hépatiques, digestifs ou urinaires ou un hypercorticisme iatrogène.

Cependant, dans 50 % des cas, les corticoïdes seuls sont inefficaces, et ils doivent être remplacés ou associés à d’autres molécules. Le chlorambucil(1) est utilisable (Leukéran®(3)), administré à raison de 0,1 à 0,2 mg/kg/j ou tous les deux jours, avec des effets secondaires minimes chez le chat [3, 16]. Un contrôle hématologique est cependant conseillé toutes les deux à trois semaines en début du traitement.

2. Carcinome épidermoïde et maladie de Bowen

Un carcinome épidermoïde est recherché lorsque des ulcères térébrants couverts de croûtes sont observés sur la face, et en particulier sur le bord des oreilles (PHOTO 4), les paupières, le planum nasal, le chanfrein et les lèvres. D’autres localisations sont possibles, tel le conduit auditif (ulcération de la partie verticale du conduit). Il existe aussi une variante clinique rare, la maladie de Bowen, ou carcinome épidermoïde in situ, qui se caractérise par des papules, des nodules, voire des plaques hyperkératosiques et hyperpigmentées au niveau de la face, des épaules et des membres, qui peuvent s’ulcérer secondairement.

Les papillomavirus semblent être impliqués dans quelques cas et un certain nombre de chats atteints sont infectés par le virus FIV [10]

Le diagnostic est histopathologique [8].

L’exérèse chirurgicale constitue le traitement de choix du carcinome épidermoïde, y compris lors de maladie de Bowen, quand les lésions sont peu nombreuses. La radiothérapie ou des traitements locaux (cryochirurgie ou chimiothérapie intralésionnelle) peuvent être intéressants [18].

3. Dermatite nécrolytique superficielle

Lors d’alopécie, avec un érythème, des érosions et des croûtes localisées sur le bas du corps, une dermatite nécrolytique superficielle en relation avec l’évolution d’une tumeur pancréatique est suspectée. Cette dermatose rarissime devient souvent prurigineuse en raison des surinfections.

Dermatoses nodulaires

1. Mastocytome

Le mastocytome se présente en général sous la forme d’un nodule dermique unique, ferme et bien délimité (PHOTO 5), ou sous celle d’une plaque érythémateuse qui siège sur la face (région péri-orbitaire), le cou ou l’extrémité distale des membres. Des ulcérations de grattage dues au prurit peuvent être visibles. Il existe des formes multicentriques.

Le diagnostic est histopathologique et distingue deux types. Les mastocytomes les plus fréquents apparaissent sous la forme de lésions circonscrites, non infiltrantes et bien différenciées qui se comportent comme des tumeurs bénignes, sans récidive ni métastase. Le second type évolue sous la forme de lésions diffuses, infiltrantes et peu différenciées qui se comportent comme des tumeurs malignes.

Outre l’exérèse chirurgicale, la radiothérapie ou d’autres traitements adjuvants (corticothérapie, vinblastine(1)) sont intéressants. La lomustine(1) mériterait d’être étudiée [1].

2. Épithélioma basocellulaire ou trichoblastome

Le trichoblastome, anciennement épithélioma basocellulaire, se présente le plus souvent comme un nodule unique de 0,5 à 3 cm de diamètre, pédiculé et exophytique ou en dôme et situé sur un tégument pigmenté. Il est parfois pigmenté et prend une coloration gris bleuté qui peut faire suspecter un mélanome. Le diagnostic est histopathologique. L’exérèse chirurgicale est le traitement de choix, complétée si besoin par une radiothérapie [4].

3. Otites externes associées à un processus tumoral

Chez le chat âgé, certaines otites externes suppurées chroniques sont liées au développement de tumeurs des glandes cérumineuses (céruminomes). Celles-ci se présentent sous la forme de nodules d’allure variée. Les oreilles moyenne et interne peuvent être atteintes, d’où l’importance du bilan d’extension.

Le traitement nécessite souvent l’ablation du conduit auditif et une trépanation de la bulle tympanique, associée ou non à une radiothérapie adjuvante [4].

4. Maladie de Bowen

La maladie de Bowen a déjà été décrite dans la partie “Carcinome épidermoïde et maladie de Bowen”.

Dermatoses alopéciantes

1. Alopécie auto-induite

Lors de dépilations localisées ou généralisées, il convient de suspecter une alopécie auto-induite. La confirmation de cette alopécie provoquée par un léchage excessif nécessite la réalisation d’un trichogramme. L’examen de poils prélevés à l’aide d’une pince à mors plats montre des poils d’aspect normal, mais dont les extrémités ont été cassées par le léchage (aspect caractéristique).

Ces alopécies auto-induites apparaissent chez le chat âgé dans certains cas de douleurs chroniques, de troubles du comportement de type anxiété (voire de dépression d’involution), d’hyperthyroïdie, ou d’allergie (par exemple alimentaire).

2. Alopécie paranéoplasique pancréatique féline

• Une alopécie paranéoplasique pancréatique féline (APPF) doit être suspectée lors d’alopécie abdominale d’apparition brutale (PHOTOS 6A ET 6B), avec une extension progressive sur la face, les membres et les flancs [6, 19]. Le développement d’un adénocarcinome pancréatique, qui peut avoir métastasé au niveau du foie, est à l’origine de cette dermatose rare. À terme, la chute des poils est complète et la peau prend un aspect brillant caractéristique, avec parfois une pigmentation lenticulaire. Les coussinets plantaires présentent plus rarement un décollement dermo-épidermique douloureux. Une dermatite à Malassezia est parfois associée. Les symptômes généraux, qui apparaissent souvent après les signes cutanés, sont peu spécifiques et s’aggravent rapidement pour conduire à la mort de l’animal.

• Le diagnostic est avant tout clinique. Il est fondé sur une alopécie et un aspect brillant de la peau. La localisation des lésions peut, dans certains cas, faire penser à une alopécie auto-induite. Un simple trichogramme permet de faire la différence. Lors d’APPF, le poil est entier, alors qu’il est cassé par léchage dans l’alopécie auto-induite [6].

L’échographie abdominale est l’examen de choix pour confirmer la présence de la tumeur pancréatique et l’atteinte hépatique. Un examen histopathologique peut aussi être réalisé, qui montre une atrophie des follicules pileux avec des poils majoritairement en phase télogène.

Il n’existe pas de traitement palliatif de l’APPF. Des cas d’exérèse partielle du pancréas ont permis une résolution momentanée des signes cliniques.

Syndrome d’hyperfragilité cutanée acquise

• La présence de plaies peu hémorragiques et non douloureuses, de grande taille, qui s’étendent rapidement chez un chat âgé doit faire suspecter un syndrome d’hyperfragilité cutanée acquise (PHOTO 7). La peau apparaît plus mince et dystrophique et se déchire facilement. Le diagnostic est donc clinique, mais il convient de rechercher la cause sous-jacente.

• Ce syndrome rare s’observe surtout lors d’hypercorticisme (ces signes cutanés sont présents dans 15 à 30 % des cas). L’hypercorticisme spontané, d’origine hypophysaire ou surrénalienne, est associé dans plus de 50 % des cas à un diabète sucré [11]. Un diabète insulinorésistant peut également être suspecté. L’hyperfragilité cutanée s’observe aussi lors de syndrome de Cushing iatrogène (administration d’acétate de mégestrol ou de corticoïdes), et une forme localisée suite à l’application répétée de dermocorticoïdes est rapportée [7]. Une atteinte hépatique grave (lipidose, cholangiocarcinome, lymphome) peut également conduire à l’apparition de ce syndrome [11].

• Lors d’hypercorticisme, les symptômes généraux sont une PUPD, une polyphagie et une ptose abdominale. Les autres signes cutanés associés, inconstants, sont une alopécie du tronc et une atrophie marquée de la peau. Le bilan sanguin est peu spécifique : en particulier, une augmentation des PAL survient dans de rares cas.

• Les tests d’exploration des glandes surrénales ne sont pas standardisés chez le chat, et ce sont davantage les techniques d’imagerie (échographie et tomodensitométrie) qui orientent vers un diagnostic d’hyper­corticisme [11].

• L’hyperfragilité cutanée acquise chez le chat évolue en général vers la mort en raison de l’impossibilité de suturer les plaies et de la gravité des affections sous-jacentes, pour lesquelles aucun traitement curatif n’existe, exceptée la suppression de la cause pour les formes iatrogènes. Le traitement de l’hypercorticisme n’est pas standardisé chez le chat. Plusieurs publications présentent des essais thérapeutiques avec le trilostane(1) dont les résultats sont variables [15]. L’exérèse chirurgicale des glandes surrénales a également montré son efficacité [11].

Chez le chat âgé, un contrôle dermatologique devrait faire partie intégrante du bilan “sénior” proposé lors de tout examen clinique au même titre que les investigations rénales. Un simple état kératoséborrhéique peut être le reflet d’une douleur ou d’une affection sous-jacente. Lors de dermatose marquée chez un chat âgé, il convient de rechercher systématiquement une maladie interne souvent grave.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Médicament vétérinaire administré hors RCP.

  • (3) Spécialité belge non commercialisée en France.

Points forts

La douleur chronique chez le chat âgé est probablement sous-estimée. Elle se traduit souvent par une altération du pelage. Les traitements qui associent plusieurs molécules administrées à de faibles doses semblent plus efficaces que les monothérapies.

Un squamosis marqué ou un exsudat pâteux de couleur marron à la base des poils, associés à un érythème, font suspecter la présence de Malassezia en quantité anormale.

Un trichogramme permet de faire la différence entre une alopécie paranéoplasique pancréatique féline, lors de laquelle le poil est entier, et une alopécie auto-induite, où le poil est cassé par léchage.

La présence de plaies peu hémorragiques et non douloureuses, de grande taille, qui s’étendent rapidement chez un chat âgé fait suspecter un syndrome d’hyperfragilité cutanée acquise.

Congrès

a - Diaz C. Dominantes pathologiques du jeune chat et du chat âgé. Proceedings 1res Journées spéciales chat du GECAF, AFVAC Nîmes, 23-25 sept. 2004.

b - Michon P. Gestion de la douleur chez le chat âgé. Proceedings Congrès national de l’AFVAC, Paris, 10-12 déc. 2004.

c - Rosenberg D. Dernières actualités sur l’hyperthyroïdie féline, son diagnostic et la mise en place des traitements spécifiques. Proceedings Soirée AFVAC, juill. 2005.

À lire également

d - Cupp C, Perez-Camargo G, Patil A. Long term food consumption and body weight changes in a controlled population of geriatric cats. Proceedings of the Nestlé Purina Nutrition Forum, St. Louis, 25-28 sept. 2003 :88.

En savoir plus

- Bordeau W. Un cas d’alopécie paranéoplasique pancréatique chez un chat. Point Vét. 2005 ; 36(258) :58-61.

  • 1 - Abadie J. Mastocytomes canins et félins. Point Vét. 2005,36(n° spécial “Cancérologie du chien et du chat au quotidien”) :38-44.
  • 2 - Armstrong PJ, Lund EM. Changes in body composition and energy balance with ageing. Vet. Clin. Nut. 1996 ;3 :22-28.
  • 3 - Cadiergues MC. Un cas de pemphigus foliacé chez un chat. Rev. Med. Vet. 2004 ;155 :87-91.
  • 4 - Delisle F, Devauchelle P. Tumeurs cutanées. Dans : Guaguère E, Prélaud P. Guide pratique de dermatologie féline. Merial, Lyon. 1999 :15.1-15.14.
  • 5 - Florant E. Un cas de folliculite lymphocytaire murale chez un chat atteint du FIV. Inf. Dermatol. Vét. 2004 ;4 :19-23.
  • 6 - Florant E. Un cas d’alopécie paranéoplasique pancréatique féline. Prat. Vet. 2005 ;20 :25-27.
  • 7 - Fontaine J. Hyperfragilité cutanée acquise féline. Inf. Dermatol. Vét. 2004 ; 5 : 20-22.
  • 8 - Gross TL, Ihrke PJ, Walder EJ and coll. Skin diseases of the dog and car. Clinical and histopatho­logic diagnosis. 2e ed. Blackwell Science ltd, Oxford. 2005 :578-581.
  • 9 - Gross TL, Olivry T, Vitale CB and coll. Degenerative mucinotic mural folliculitis in cats. Vet. Dermatol. 2001 ;12(5) :279-283.
  • 10 - Guaguère E, Olivry T, Delverdier-Poujade A and coll. Demodex cati infestation in association with feline cutaneous squamous cell carcinoma in situ : a report of five cases. Vet. Dermatol. 1999 ;10 :61-67.
  • 11 - Héripret D. Manifestations cutanées des maladies internes. Dans : Guaguère E, Prélaud P. Guide pratique de dermatologie féline. Merial, Lyon. 1999 :14.1-14.10.
  • 12 - Komori S, Nakalura S, Takahashi K and coll. Use of lomustine to treat cutaneous nonepitheliotropic lymphoma in a cat. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005 ;226(2) :237-239.
  • 13 - Mauldin EA, Morris DO, Goldschmidt MH. Retrospective study : the presence of Malassezia in feline skin biopsies. A clinico-pathological study. Vet. Dermatol. 2002 ;13(1) :7-13.
  • 14 - Mueller RS. Treatment protocols for demodicosis : an evidence-based review. Vet. Dermatol. 2004 ;15(2) :75-89.
  • 15 - Neiger R, Witt AL, Noble A and coll. Trilostane therapy for treatment of pituitary dependent hyper­adrenocorticism in 5 cats. J. Vet. Intern. Med. 2004 ;18 :160-164.
  • 16 - Preziosi DE, Goldschmidt MH, Greek JS and coll. Feline pemphigus foliaceus : a retrospective analysis of 57 cases. Vet. Dermatol. 2003 ;14(6) :313-321.
  • 17 - Rottenberg S, Von Tscharner C, Roosje PJ. Thymoma-associated exfoliative dermatitis in cats. Vet. Pathol. 2004 ;41(4) :429-433.
  • 18 - Tierny D. Carcinomes épidermoïdes canins et félins. Point Vét. 2005 ;36(n° spécial “Cancérologie du chien et du chat au quotidien”) :46-51.
  • 19 - Turek MM. Cutaneous paraneoplastic syndromes in dogs and cats : a review of the literature. Vet. Dermatol. 2003 ;14(6) :279-296.
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr