L’ostéomyélite post-traumatique - Le Point Vétérinaire n° 264 du 01/04/2006
Le Point Vétérinaire n° 264 du 01/04/2006

INFECTION OSSEUSE CHEZ LE CHIEN ET CHEZ LE CHAT

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COURS

Auteur(s) : Romain Beraud*, Louis Huneault**

Fonctions :
*Centre hospitalier universitaire
vétérinaire, université
de Montréal,
Faculté de médecine vétérinaire,
CP 5000, Saint-Hyacinthe
QC J2S 7C6
**Centre hospitalier universitaire
vétérinaire, université
de Montréal,
Faculté de médecine vétérinaire,
CP 5000, Saint-Hyacinthe
QC J2S 7C6

Les ostéomyélites sont des affections peu fréquentes chez le chien et chez le chat, mais difficiles à traiter. L’évolution des connaissances et l’utilisation de nouvelles techniques thérapeutiques améliorent leur pronostic.

Par définition, l’ostéomyélite est une inflammation de l’os (moelle osseuse, cortex et éventuellement périoste) causée par un agent infectieux. Il existe de nombreuses classifications qui reposent sur plusieurs critères, comme le mode d’évolution du processus (aigu ou chronique), l’étendue de l’affection (diffuse ou localisée) ou son origine (hématogène, par contiguïté ou post-traumatique). La classification établie par Cierny et Mader en médecine humaine semble être la plus complète. Elle prend en compte le type anatomique d’ostéomyélite et la classe physiologique de l’animal (voir le TABLEAU “Classification des ostéomyélites selon Cierny et Mader”) et permet ainsi d’associer un protocole thérapeutique à chaque stade [11, 12].

• L’ostéomyélite de stade 1 correspond à une infection confinée aux surfaces intramédullaires de l’os.

Elle résulte en général d’une infection par voie hématogène ou de la contamination de clous intramédullaires utilisés lors d’une intervention chirurgicale.

Les ostéomyélites hématogènes correspondent à environ 10 % de ces cas et concernent plus fréquemment les jeunes animaux que les adultes, avec une atteinte des métaphyses des os longs [6, 12].

• Lors d’ostéomyélite de stade 2 (ou ostéomyélite superficielle ou ostéomyélite par foyer contigu), le périoste et le cortex superficiel sont infectés par une plaie sceptique adjacente (plaie de morsure, de décubitus, etc.). La majorité des animaux atteints présentent des facteurs prédisposants locaux.

• Les ostéomyélites de stades 3 et 4 sont généralement désignées sous le terme d’ostéomyélite post-traumatique (OMPT).

Le stade 3, ou OMPT localisée, est caractérisé par la présence d’un séquestre osseux focal qui implique toute l’épaisseur de la corticale, mais qui peut être retiré chirurgicalement sans affecter la stabilité de l’os.

Le stade 4, ou OMPT diffuse, implique également toute l’épaisseur de l’os cortical, mais concerne une zone plus étendue que le stade 3. Cette ostéomyélite est davantage débilitante car elle est généralement associée à une perte de la stabilité osseuse et un débridement osseux large est requis.

Caractéristiques générales et épidémiologie

L’OMPT correspond au type d’ostéomyélite le plus fréquemment rencontré en médecine humaine et vétérinaire [6, 21]. Elle survient classiquement à la suite d’un traumatisme osseux accidentel ou chirurgical. Les réductions de fractures ouvertes par balle ou qui font suite à un accident de la voie publique ou à une chute, les morsures profondes, la mise en place d’une prothèse totale de hanche ou d’allogreffes corticales sont autant d’exemples de situations à risque.

La plupart des OMPT (90 %) sont localisées au niveau du squelette appendiculaire (voir la FIGURE “Principales localisations des lésions d’ostéomyélite post-traumatique chez le chien”). La couverture musculaire des membres est en effet limitée et ceux-ci sont plus fréquemment impliqués dans les fractures.

Les cas d’OMPT concernent respectivement 64 % et 36 % des mâles et des femelles. Cette prédisposition peut être liée au fait que les fractures sont plus fréquentes chez les premiers [4].

L’âge et la race ne semblent pas être des facteurs prédisposants [4].

L’OMPT n’est pas une affection systémique, contrairement à l’ostéomyélite hématogène, et le processus est généralement localisé à l’os ou aux os qui ont subi un traumatisme [1]. Exception faite des segments osseux distaux (métacarpes, métatarses et phalanges), l’OMPT n’implique en général qu’un seul os [4].

Physiopathologie de l’OMPT

1. Nature de l’agent infectieux

La plupart des ostéomyélites sont d’origine bactérienne, même si de rares cas d’ostéomyélite d’origine virale ou mycosique sont rapportés (voir le TABLEAU “Principaux agents bactériens impliqués lors d’ostéomyélite post-traumatique chez le chien”). L’OMPT résulte en général d’une infection monobactérienne (ou simple). Un seul type de micro-organisme est en effet isolé dans 53 % des cas d’OMPT, deux dans 31 % et trois dans 15 % des cas [1].

L’agent principal est Staphylococcus spp. (S. intermedius et aureus) retrouvé dans 45 à 74 % des cas [1, 6, 8]. Streptococcus spp. et des bactéries Gram négatif (Escherichia coli, Pseudomonas spp., Proteus spp. et Klebsiella spp.) sont également rencontrés [1, 6, 8].

Des agents anaérobies (Actinomyces spp., Clostridium spp., Peptostreptococcus spp., Fusobacterium spp., Bacteroides spp.) sont rarement présents lors d’infection simple, mais sont retrouvés dans près de 70 % des OMPT polymicrobiennes [8].

2. Conditions d’évolution

La seule présence d’un agent bactérien n’est pas suffisante pour entraîner le développement d’une OMPT. De 60 à 70 % des fractures ouvertes chez l’homme sont contaminées par des bactéries, mais seule une faible fraction d’entre elles sont le site d’une infection osseuse [21]. Trois éléments concomitants sont généralement rencontrés lors de l’évolution d’une OMPT (voir la FIGURE “Représentation schématique de la pathogénie de l’ostéomyélite post-traumatique”) :

- une plaie infectée qui se définit comme une plaie contaminée par un nombre d’agents bactériens supérieur à 105 colonies formant unité (CFU) depuis un temps suffisant pour leur permettre de se multiplier de manière exponentielle. Une plaie contaminée est considérée comme infectée entre 12 et 24 heures environ après la contamination initiale. Celle-ci est principalement due à une mauvaise technique opératoire et, moins fréquemment, à une contamination environnementale (fracture ouverte, etc.) [1, 4] ;

- un environnement favorable à la croissance bactérienne : en effet, la plupart des bactéries peuvent subsister dans un environnement non optimal, mais nécessitent des conditions spécifiques favorables pour se multiplier. Des hématomes (le sang stagnant est un excellent milieu de culture bactérienne) ou des tissus nécrosés ou fibrosés auxquels les bactéries peuvent facilement adhérer ou un foyer de fracture instable (les micromouvements continuels entravent la revascularisation des extrémités des abouts osseux) sont des milieux favorables au développement bactérien ;

- un corps étranger (séquestres osseux, implant orthopédique) isolé des mécanismes de défense de l’hôte et de la diffusion des antibiotiques [1, 8, 11, 12, 21].

Une étude qui rapporte les taux d’OMPT à la suite de l’injection de S. aureus dans un tibia normal après le forage expérimental d’un trou montre que la seule présence de 105 CFU de bactéries conduit à 0 % d’OMPT. Lors de traumatisme du canal médullaire associé, ce taux s’élève à 50 %, avec une résolution spontanée de 95 % des cas en quatre semaines. Lorsque le traumatisme médullaire est accompagné de la création d’un séquestre et d’une présence bactérienne, le taux d’OMPT est de 90 % [1].

3. Pathogénie

• Après la contamination d’une plaie, les agents bactériens responsables d’une infection doivent adhérer aux tissus de l’hôte pour proliférer. Cela est rendu possible par l’exposition du collagène et par la présence de fibronectine à la surface des tissus traumatisés, contrairement aux tissus sains, car certaines bactéries (notamment les bactéries Gram positif dont S. aureus) possèdent des récepteurs spécifiques pour ces protéines [5, 21].

• La présence d’implants orthopédiques, comme celle de tout autre corps étranger (tissus mous et osseux avasculaires), favorise également l’adhésion des bactéries car ils sont rapidement recouverts d’une matrice composée de protéines sériques, de fibronectine, de laminine et d’autres protéines. Les bactéries adhèrent à cette matrice et produisent un limon composé d’exopolysaccharides, d’ions et d’autres nutriments, et l’ensemble forme un biofilm (voir la FIGURE “Mécanisme de persistance bactérienne lors d’ostéomyélite post-traumatique”) [6, 17, 21]. Ce biofilm est composé de deux populations bactériennes. Une population planctonique est active en surface alors qu’une population sessile, à l’origine des infections asymptomatiques chroniques [18], est ancrée dans l’épaisseur. La présence de ce biofilm a diverses conséquences :

- il protège les bactéries en les isolant du système immunitaire de l’hôte et de la diffusion des antibiotiques ;

- il ralentit leur métabolisme et leur confère une résistance accrue aux antibiotiques ;

- il permet le phénomène de variation de phase, qui correspond à un ensemble de mécanismes de régulation génétique. L’expression d’un gène varie rapidement de façon réversible de génération en génération [5, 17, 18, 21].

L’influence du biofilm sur l’évolution de l’infection est telle que certaines études proposent d’établir expérimentalement les concentrations minimales d’éradication dans le biofilm plutôt que les CMI [16].

Lors d’un traumatisme, la réponse inflammatoire de l’hôte est aiguë et caractérisée par une vasodilatation locale, une augmentation de la perméabilité vasculaire, un œdème tissulaire, une diapédèse des leucocytes et une capacité accrue des polynucléaires et des macrophages à phagocyter les bactéries [21]. Après cette phase aiguë, un phénomène inflammatoire chronique débute et mène à la formation d’une capsule et d’un abcès chronique qui inclut, le cas échéant, le(s) séquestre(s) infecté(s).

L’accumulation progressive d’exsudat purulent entraîne une augmentation locale de la pression qui favorise la pénétration et la propagation de cet exsudat à travers les canaux haversiens ou de Volkmann de la trame osseuse.

Diagnostic

Aucune méthode diagnostique n’est assez sensible pour permettre à elle seule d’identifier une ostéomyélite [1, 2, 11, 12]. Le diagnostic est établi à partir de différentes données qui incluent l’interprétation du clinicien.

1. Signes cliniques

Les signes cliniques varient en fonction du stade du processus, mais restent généralement locaux et d’apparition lente : érythème, gonflement des tissus mous qui persiste plusieurs semaines après le traumatisme initial, douleur à la palpation, boiterie, atrophie, fibrose et contracture musculaire.

La présence de trajets fistulaires qui se referment après un traitement antibiotique et se réactivent de manière cyclique à l’arrêt du traitement est le signe clinique le plus fréquemment rapporté [1, 8, 12].

Des signes systémiques tels qu’abattement, fièvre, anorexie sont davantage caractéristiques d’une OMPT en phase aiguë [6].

2. Imagerie médicale

• La radiographie est une technique de diagnostic peu invasive qui présente une sensibilité et une spécificité moyennes (62,5 et 57,1 % respectivement) [2].

Les modifications radiographiques fréquemment observées lors d’ostéomyélite sont une lyse osseuse, une réaction périostée plus ou moins spiculée et un gonflement des tissus mous plus ou moins marqué (PHOTO 1). La présence d’un séquestre (involucra) entouré d’os sain (involucrum) est caractéristique, mais pas systématique (PHOTOS 2, 3A ET 3B). Lors d’ostéosynthèse, une non-union, un retard de consolidation osseuse ou une lyse osseuse autour des implants orthopédiques (généralement les vis et les broches) peuvent également constituer des signes d’OMPT.

Les signes radiographiques osseux reflètent l’état de l’ostéomyélite avec un retard de deux à trois semaines. Ils sont parfois difficiles à interpréter car ils peuvent mimer une guérison osseuse normale. Des radiographies de contrôle sont réalisées à quelques semaines d’intervalle afin de juger de l’évolution du processus.

• Si un trajet fistulaire est présent, la réalisation d’une fistulographie apporte souvent des informations précieuses pour le débridement chirurgical. Il est préférable que ce dernier inclut l’excision du trajet fistulaire.

• La tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permettent parfois de visualiser des foyers plus denses dans la moelle osseuse, qui correspondent à un signe précoce d’ostéomyélite. Le scanner et l’IRM offrent également la possibilité d’évaluer l’extension du processus et constituent une aide à la planification préopératoire [12, 20].

• La scintigraphie au technétium 99 m, bien que peu spécifique, peut confirmer la présence d’une zone d’activité métabolique anormalement élevée.

3. Bactériologie

La culture bactérienne est actuellement la technique la plus sensible pour diagnostiquer une ostéomyélite [1, 6, 8, 12]. L’administration d’antibiotiques doit être arrêtée pendant les 24 à 48 heures qui précèdent le prélèvement.

Celui-ci est réalisé directement sur le site d’ostéomyélite car les zones plus superficielles (trajets fistulaires) sont fréquemment contaminées par des organismes opportunistes secondaires. Une étude en médecine humaine rapporte la présence de l’agent causal dans seulement 44 % des prélèvements effectués sur les fistules [14]. Les tissus nécrosés, les séquestres, le matériel purulent et les implants orthopédiques retirés forment d’excellents échantillons et sont classiquement récoltés durant l’intervention chirurgicale. Le prélèvement est effectué avant ou pendant le débridement, soit directement par récolte des tissus, soit à l’aide d’écouvillons stériles.

Les prélèvements peuvent également être réalisés par aspiration à l’aiguille fine. La sensibilité de cette technique est bonne (86 % de mise en évidence de l’agent causal) [6]. Le site de ponction est préparé de manière stérile, une aiguille de 20 G est insérée jusqu’au niveau de l’os, en regard du site d’OMPT suspecté, et une aspiration est réalisée à l’aide de la seringue. Si la quantité de fluide récolté est insuffisante, quelques millilitres de NaCl 0,9 % peuvent être injectés, puis réaspirés.

Les prélèvements sont ensuite mis en culture sur milieux aérobie et anaérobie, puis un antibiogramme est réalisé.

4. Histopathologie

Les examens histopathologiques sont spécifiques (86,3 %), mais ils sont rarement réalisés car la technique est invasive et peu sensible (33,3 %) [2]. Des prélèvements peuvent néanmoins être effectués à la faveur du débridement chirurgical (morceau d’os dévascularisé, tissu nécrotique, etc.) et analysés.

Traitement

Le traitement de l’OMPT a pour objectif d’améliorer l’environnement du site infecté afin d’augmenter son exposition au système immunitaire de l’hôte et aux antibiotiques. Il comprend deux volets indissociables, l’un est chirurgical, l’autre est médical.

1. Traitement chirurgical

La partie chirurgicale peut exiger un haut niveau de technicité.

• La première étape consiste en un débridement agressif qui est réalisé en apportant un soin particulier à la technique opératoire. La qualité du débridement est en effet le facteur essentiel du traitement de l’OMPT [3, 20].

Tous les tissus, mous et osseux, nécrosés et fibrosés, le matériel purulent, les fistules et les séquestres, doivent être retirés en limitant au minimum les pertes de substance. La viabilité du tissu osseux peut être évaluée subjectivement par le “signe du paprika” : le chirurgien curette le tissu osseux jusqu’à voir apparaître au niveau de celui-ci de petits saignements ponctiformes. Cela matérialise la limite entre le tissu osseux vascularisé, et donc a priori sain, et le tissu nécrosé.

Une exploration complète de la plaie et des prélèvements pour culture bactérienne doivent être réalisés, pendant ou après la phase de débridement. L’antibiothérapie systémique peut être initiée à ce moment.

• Le site chirurgical est ensuite abondamment rincé (1 à 5 litres de soluté) à l’aide d’un soluté physiologique ou d’une solution à 0,05 % de chlorhexidine tiède, sous pression modérée (avec une seringue de 30 ml et une aiguille 18 G).

• Lorsque le débridement entraîne une perte de plus de 30 % du volume cortical original, une stabilisation osseuse (généralement à l’aide d’une fixation externe) est recommandée afin d’éviter d’éventuelles fractures d’origine iatrogène [20].

• Une greffe d’os spongieux peut être réalisée sur le site de débridement et permet de combler un déficit osseux marqué et d’accélérer la guérison.

• Dans la mesure du possible, le site opératoire est refermé par première intention, éventuellement à l’aide de lambeaux cutanés ou myocutanés ou de greffes libres ou microvasculaires, afin de permettre un recouvrement du site et d’améliorer sa vascularisation.

• Un drain peut être mis en place avant la fermeture du site chirurgical lorsqu’il existe de grands espaces morts, que la qualité du débridement est limitée ou lors de production massive d’exsudat. Un système de drainage actif fermé est préférable car il est efficace et limite les contaminations ascendantes.

• Lorsqu’une fermeture directe du site chirurgical est irréalisable, la plaie est laissée ouverte. La fermeture est retardée ou une cicatrisation par seconde intention est favorisée à l’aide de pansements adaptés.

• Lorsqu’une fracture est impliquée dans le processus d’ostéomyélite, la stabilité doit être vérifiée et fréquemment réévaluée car la guérison lors d’infection n’est possible que si la condition de stabilité est remplie. L’instabilité du foyer de fracture entrave en effet la revascularisation de l’extrémité des abouts osseux et crée un environnement favorable à la persistance de l’ostéomyélite [21].

Si les implants sont stables, ils peuvent être laissés en place. Les implants permettant la persistance des agents infectieux, une ablation du matériel d’ostéosynthèse (AMO) est néanmoins à prévoir après guérison osseuse complète [5, 18].

Si la fracture ou les implants sont instables, une AMO doit être réalisée et la fracture est à nouveau stabilisée (généralement à l’aide d’une fixation externe linéaire, circulaire ou hybride). Les recommandations du suivi postopératoire sont classiques (restriction d’exercice, physiothérapie, etc.).

2. Traitement médical

Le traitement médical consiste en une antibiothérapie systémique ciblée et soutenue. Celle-ci ne peut en aucun cas se substituer au débridement chirurgical, sous peine d’échec ou de récidives fréquentes.

Le choix de l’antibiotique est dicté par les résultats des cultures bactériennes et de l’antibiogramme, et repose sur des sensibilités confirmées de la bactérie.

Avant d’obtenir les résultats, ou si ceux-ci sont négatifs, un antibiotique est choisi de façon empirique en adoptant une démarche probabiliste selon la fréquence des bactéries rencontrées et en fonction de la pénétration osseuse du médicament (voir le TABLEAU “Principaux antibiotiques utilisés par voie systémique dans le traitement des OMPT”) [22]. Les pénicillines, les céphalosporines, les aminoglycosides et les quinolones sont les principales molécules utilisées. Une durée minimale de traitement de quatre à six semaines est recommandée [6, 8, 13].

Malgré une approche conventionnelle rigoureuse, le taux de réussite varie de 80 à 90 % [1, 3, 8, 20, 21]. De nouvelles méthodes de traitement ont donc été développées afin de limiter les récidives et d’améliorer le pronostic des cas réfractaires à un traitement classique.

Les systèmes à libération locale maîtrisée (SLLM) permettent d’atteindre des concentrations locales d’antibiotique élevées, qui atteignent 200 fois celle d’un traitement parentéral [16], et pendant une durée prolongée tout en minimisant les risques de toxicité systémique [10, 19]. Ces matrices de libération sont composées d’un matériau de support, non résorbable comme le polyméthyl-méthacrylate (PMMA), le plus fréquemment utilisé, ou résorbable (plâtre de Paris, hydroxyapatite, amidon réticulé, etc.) dans lequel l’antibiotique est incorporé (PHOTO 4) [10, 19]. Les concentrations d’antibiotique locales élevées et prolongées permettent la pénétration des tissus avasculaires et des biofilms. De nombreuses études rapportent leur efficacité supérieure et leur intérêt dans le traitement et la prévention de l’OMPT [7, 15].

Prévention

Le traitement d’une ostéomyélite peut s’avérer difficile, long, coûteux et d’issue incertaine. Il convient donc de mettre l’accent sur la prévention de cette affection. L’objectif est d’éviter la survenue des trois facteurs de risque. Si l’un de ces trois composants est supprimé, il est possible d’éviter une OMPT. Si deux facteurs sont écartés, il y a de fortes chances qu’une OMPT ne se développe pas. Si les trois composants sont prévenus, le risque d’OMPT devient nul [1].

La contamination et la création d’un environnement favorable au développement bactérien entrent en jeu lors d’une intervention chirurgicale ou en présence d’une blessure. Une gestion de plaie rigoureuse et une technique chirurgicale éprouvée sont nécessaires. Elles incluent :

- une bonne asepsie ;

- une antibioprophylaxie adéquate ;

- des incisions nettes ;

- une hémostase soignée ;

- une manipulation précautionneuse et la plus atraumatique possible des tissus ;

- le retrait des corps étrangers, des tissus fibrosés et nécrosés ;

- des décisions peropératoires judicieuses (retirer un fragment osseux dévascularisé pour éviter tout risque d’infection ou le garder afin de stabiliser la réparation osseuse) ;

- une stabilisation ferme des segments osseux impliqués ;

- une fermeture anatomique en limitant les espaces morts.

Une antibioprophylaxie doit être instaurée lors de toute chirurgie orthopédique qui implique la mise en place d’implants ou lorsque l’intervention chirurgicale dure plus de deux heures. La concentration tissulaire maximale en antibiotique doit être atteinte et maintenue durant toute l’intervention chirurgicale. Ainsi, une injection intraveineuse d’antibiotique est réalisée vingt minutes avant le début de l’opération chirurgicale, puis toutes les deux heures au cours de l’intervention. Il convient d’arrêter l’administration d’antibiotique dans les vingt-quatre heures qui suivent l’intervention, à moins d’être en présence d’une fracture ouverte.

La mise en place de SLLM d’antibiotique présente également une efficacité prophylactique prouvée [7]. Elle peut être une excellente option lors de situations à risque (fracture ouverte de type II ou III) ou lorsque la survenue d’une infection serait dramatique (prothèse totale de hanche). Toutefois, la disponibilité de ces systèmes est actuellement limitée.

La compréhension du processus pathogénique des ostéomyélites post-traumatiques a beaucoup progressé. Les mécanismes de persistance et de protection bactérienne, notamment par la formation d’un biofilm, sont maintenant connus et étudiés. Des approches thérapeutiques qui utilisent ces nouvelles connaissances sont développées, comme l’antibiothérapie locale par SLLM ou l’instauration d’une antibiothérapie systémique qui prend en compte la concentration minimale d’éradication dans un biofilm. Ces approches, couplées à un débridement chirurgical agressif et ciblé, devraient permettre d’améliorer les taux de succès dans le traitement des cas d’OMPT les plus réfractaires.

En savoir plus

- Beraud R, Huneault L. Les systèmes à libération locale contrôlée d'antibiotiques chez le chien et le chat. Point Vét. 2005;36(261):12-13.

Points forts

L’ostéomyélite post-traumatique est la plus fréquente des ostéomyélites.

Les ostéomyélites post-traumatiques chroniques sont presque exclusivement d’origine bactérienne et Staphylococcus spp. est l’agent majoritairement retrouvé.

L’existence d’une plaie contaminée par plus de 105 CFU bactéries, la présence d’un corps étranger et d’un environnement favorable à la croissance bactérienne sont les trois facteurs d’apparition d’une ostéomyélite post-traumatique. Si l’un ou deux de ces facteurs sont éliminés, le risque de développer une ostéomyélite est diminué. Si les trois sont prévenus, le risque devient nul.

La mise en place de systèmes à libération locale maîtrisée d’antibiotique présente une efficacité prophylactique et thérapeutique prouvée.

La qualité du débridement est le facteur essentiel du traitement chirurgical.

  • 1 - Braden TD. Posttraumatic osteomyelitis. Vet. Clin. North Am.-Small Anim. Pract. 1991;21(4):781-811.
  • 3 - Bubenik LJ, Smith MM. Orthopaedic infections. In : Textbook of small animal surgery. WB Saunders, Philadelphia. 2003:1862-1874.
  • 6 - Dernell WS. Treatment of severe orthopedic infections. Vet. Clin. North Am.-Small Anim. Pract. 1999 ; 29(5):1261-1272.
  • 8 - Johnson KA. Osteomyelitis in dogs and cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1994;205(12):1882-1887.
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