Comment la France vaccine une minorité d’oiseaux - Le Point Vétérinaire n° 264 du 01/04/2006
Le Point Vétérinaire n° 264 du 01/04/2006

VACCINATION PRÉVENTIVE CONTRE LE VIRUS H5N1 HAUTEMENT PATHOGÈNE

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville
44470 Carquefou

En Europe, la vaccination contre la grippe aviaire est en principe interdite, sauf en France ou aux Pays-Bas où elle est obligatoire pour quelques oiseaux non confinés.

La vaccination contre l’influenza aviaire (H5N1 HP) est présentée par la Commission européenne comme un « complément efficace des mesures d’hygiène » qui permet « d’éviter l’abattage massif d’oiseaux ». Cela justifie la constitution de stocks européens et nationaux de vaccins (voir l’ENCADRÉ “Les critères d’un vaccin vis-à-vis du virus H5N1” et le TABLEAU complémentaire sur Planete-vet “Principales caractéristiques des vaccins bénéficiant d’une autorisation temporaire d’utilisation en France”).La vaccination diminue en effet la réceptivité des volailles au virus et réduit l’excrétion virale lors d’infection. Elle contribue donc à prévenir et/ou à réduire la diffusion du virus en cas de contamination.

La vaccination préventive en France et aux Pays-Bas

La France et les Pays-Bas sont les deux seuls pays de l’Union européenne qui sont autorisés à vacciner préventivement certaines de leurs volailles domestiques non confinées en raison du risque d’introduction du virus par les oiseaux sauvages.

Aux Pays-Bas, la vaccination préventive contre l’influenza aviaire du type H5N1 est autorisée pour les volailles de basse-cour non confinées (entre un et trois millions d’oiseaux) et les pondeuses de l’élevage biologique ou en libre parcours (environ cinq millions de poules élevées en plein air). Cette vaccination remplace alors l’obligation d’enfermer les oiseaux.

Les palmipèdes vaccinés de 373 communes

En France, la vaccination est devenue obligatoire pour les oies et les canards non confinés de 373 communes situées dans des zones humides à risque des départements des Landes (125 communes), de Loire-Atlantique (120 communes) et de Vendée (128 communes). Ces villes sont listées dans l’annexe 3 de l’arrêté du 24 octobre 2005 modifié. Toutefois, dans ces localités, les exploitations de moins de 100 volatiles ne peuvent pas déroger à l’obligation du confinement. Cette vaccination devait concerner environ 900 000 oiseaux avant le 1er avril 2006, principalement des canards prêts à gaver (PAG). Mais, à l’exception des Landes, la plupart des éleveurs ont préféré confiner leurs oiseaux dans des bâtiments, même si ces derniers ne leur étaient pas nécessairement destinés initialement, afin d’éviter les pertes de marché à l’exportation liées à cette vaccination.

La vaccination est effectuée sous la responsabilité d’un vétérinaire sanitaire et l’État y participe financièrement. La commande, l’approvisionnement et la distribution des vaccins sont effectués sous l’égide des directions des services vétérinaires (DSV) des trois départements qui enregistrent les noms des vétérinaires destinataires, les quantités délivrées, les élevages concernés et leurs effectifs. Le praticien, qui a autorité sur les équipes de vaccinateurs, transmet à la DSV un rapport dans lequel figurent les élevages concernés, le nombre d’oiseaux vaccinés (et non vaccinés) et la date de vaccination. Les doses de vaccins non utilisées sont détruites par le vétérinaire.

Les oiseaux sentinelles associés à des critères d’alerte

Dans chaque exploitation, selon les effectifs, entre 10 et 100 oiseaux sentinelles ne sont pas vaccinés pour permettre de détecter une éventuelle circulation du virus. Les élevages vaccinés font l’objet d’une surveillance clinique quotidienne par l’éleveur et mensuelle par le vétérinaire. Des critères d’alerte d’influenza sont fixés : par exemple, une diminution de 50 % ou plus de la consommation d’aliments ou d’eau en un jour, ou une mortalité de plus de 2 % de l’effectif en un jour. Le vétérinaire effectue les prélèvements virologiques si un critère d’alerte est atteint et les envoie à l’un des six laboratoires vétérinaires départementaux (LVD) : LDA 01 (Bourg-en-Bresse), LDA 21 (Dijon), LDA 22 (Ploufragan), Laboratoire de Touraine (Tours), LD 40 (Mont-de-Marsan) et IDAC 44 (Nantes).

Pour les oiseaux sentinelles, l’éleveur est tenu de déclarer les morts qui surviennent au vétérinaire sanitaire et de conserver les cadavres au réfrigérateur en vue des analyses virologiques. Celles-ci sont réalisées si aucune cause évidente de mortalité n’est diagnostiquée à l’autopsie. En outre, des prélèvements virologiques sont effectués chez ces oiseaux sentinelles dans la semaine qui précède le départ des canards pour l’atelier de gavage ou selon un rythme mensuel dans les autres élevages de plus de 500 têtes.

Un contrôle avant l’abattage

Les déplacements d’oiseaux vivants issus d’exploitations qui hébergent des oiseaux vaccinés vers d’autres structures d’élevage (par exemple de gavage) ou vers des abattoirs ne sont autorisés qu’en France et seulement si la surveillance atteste de l’absence de circulation virale. L’exploitation de destination doit permettre de séparer les volailles non vaccinées (hormis les sentinelles) de celles qui le sont. Une visite vétérinaire doit être réalisée dans les 48 heures qui précèdent l’abattage. Les exportations d’oiseaux vivants vaccinés et des œufs ou des oisillons d’un jour qui en sont issus sont interdites.

Pour tous les autres élevages français qui ne pratiquent pas la vaccination, les exportations doivent désormais s’accompagner d’un certificat sanitaire qui porte la mention : « Lot constitué de volailles vivantes/ de poussins d’un jour/d’œufs à couver, provenant d’élevages dans lesquels aucune vaccination n’a été pratiquée contre l’influenza aviaire. »

La vaccination des oiseaux de zoo

La Commission européenne demande depuis le 21 octobre 2005 aux États membres de « prendre les mesures concrètes appropriées pour limiter la transmission de l’influenza aviaire aux oiseaux sensibles détenus dans les jardins zoologiques » et, éventuellement, « de recourir à la vaccination des oiseaux des jardins zoologiques ».

« Le plus tôt possible »

Cette vaccination est obligatoire depuis le 25 février sur tout le territoire français et à réaliser « le plus tôt possible » pour toutes les espèces d’oiseaux détenus dans les parcs zoologiques qui présentent au public des volatiles (les zoos ambulants et les élevages non ouverts au public sont exclus). Elle ne l’est pas si tous les oiseaux sont confinés en permanence (le responsable du parc doit en informer la DSV). En revanche, elle est obligatoire chez tous les oiseaux du parc dès lors qu’une partie seulement n’est pas confinée. À titre exceptionnel, si quelques oiseaux de zoo ne peuvent pas être capturés, il est toléré qu’ils ne soient pas vaccinés.

Rôle du vétérinaire sanitaire du parc

Le vétérinaire sanitaire du parc doit soumettre à la DSV un plan de vaccination en mentionnant la liste des oiseaux concernés par espèce (nom scientifique) et leurs effectifs. La DSV approuve ce planet le transmet à la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Cette dernière ordonne alors à Intervet de livrer au vétérinaire sanitaire la quantité nécessaire du vaccin Nobilis® Influenza H5N2, le seul autorisé chez les oiseaux de zoo.

Le vétérinaire sanitaire atteste de l’emploi du vaccin, de son stockage et de la destruction des doses non utilisées.

Les oiseaux sont identifiés individuellement (et non par lot). Toutes les procédures sont enregistrées dans des documents à conserver dix ans. L’ensemble des opérations doit être réalisé dans le délai le plus court possible (n’excédant pas 96 heures). Le vétérinaire sanitaire retourne à la DSV un rapport détaillé en indiquant les numéros d’identification des oiseaux vaccinés. La direction « contrôle régulièrement » ces parcs zoologiques.

La surveillance du parc

Le responsable du parc zoologique est tenu de signaler tout événement pathologique et toute mortalité au vétérinaire. Les oiseaux sauvages ou du parc retrouvés morts sont systématiquement autopsiés par le vétérinaire sanitaire ou le LVD. Si la cause de la mort n’est pas évidente, les prélèvements virologiques sont réalisés et envoyés à l’un des six laboratoires départementaux déjà listés. S’il s’agit d’un oiseau du parc qui a échappé à la vaccination, les analyses sont obligatoires, quelles que soient les conclusions de l’autopsie. Toutes ces informations (pathologie, mortalité, autopsie, analyses) sont enregistrées.

Une visite mensuelle du vétérinaire sanitaire est en outre obligatoire dans les parcs zoologiques situés dans les communes des zones humides à risque des 69 départements listés en annexe 2 de l’arrêté du 24 octobre 2005 modifié.

Les oiseaux vaccinés ne doivent être ni commercialisés ni déplacés (sauf accord préalable de la DSV et de l’État de destination en cas d’exportation). Les oiseaux de zoo vaccinés (et leurs produits) ne peuvent en aucun cas être destinés à la consommation humaine.

La vaccination en urgence en dernier recours

La vaccination d’urgence (ou en anneau) peut être décidée si un foyer se déclare dans l’État membre concerné ou dans un pays proche. Selon l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), le recours en France à la vaccination en urgence des volailles domestiques n’est envisagé seulement si des foyers apparaissent dans des zones de forte densité avicole et que les seules mesures sanitaires se révèlent insuffisantes pour éviter leur multiplication dans le temps et dans l’espace. Le nombre minimal de foyers qui déclencherait cette vaccination « nécessite alors une étude coût/bénéfice globale intégrant les conséquences économiques de la vaccination », précise l’Afssa.

La vaccination d’urgence en anneau autour du foyer devrait alors avoir le souci prioritaire de préserver les lignées génétiques des élevages de sélection, les volailles « sensibles et/ou à durée de vie longue et/ou à haute valeur économique », c’est-à-dire les élevages reproducteurs et multiplicateurs des espèces poule, dinde, canard, les élevages de pondeuses, et, éventuellement, de dindes de chair. Il n’est pas prévu d’inclure les élevages de poulets de chair dans cette vaccination d’urgence.

Toutes les autres vaccinations d’oiseau ou de n’importe quel autre animal (chat) sont évidemment interdites.

Les critères d’un vaccin vis-à-vis du virus H5N1

Les vaccins contre les virus H5N1 hautement pathogènes (HP) “asiatiques” actuels doivent répondre aux critères fixés par l’Afssa.

• Vaccin inactivé ou recombinant fowlpox.

• Souche faiblement pathogène (FP), avec un sous-type différent de N1 pour permettre la distinction des oiseaux vaccinés de ceux qui sont infectés.

• Vaccin monovalent H5.

• Critères d’efficacité par épreuve virulente (≥ 103,5 DIE50 par une souche H5N1 HP) et avec au moins 10 individus par groupe.

- Groupe vacciné : protection de 100 % contre les signes cliniques.

- Groupe témoin : mortalité dans au moins 80 % des cas (poulets) ou au moins 60 % des cas (canards).

- Durée de protection : si possible 10 semaines (canards) à 16 semaines (poules).

Quatre à cinq vaccins ont été approuvés pour le moment par l’Agence nationale du médicament sous forme d’ATU (autorisations temporaires d’utilisation) :

(1) Nobilis® Influenza H5N2 (Inter­vet), vaccin inactivé en adjuvant huileux et multi-espèces (poule, canards et oiseaux de zoo) ;

(2) Poulvac® Flubend H5N3 RG (Fort Dodge), vaccin inactivé (poule et canard) en adjuvant huileux issu de la génétique inverse ;

(3) Trovac®-AIV H5 (Merial), vaccin recombinant (fowlpox) vivant lyophilisé pour les poussins d’un jour (non indiqué chez les palmipèdes) ;

(4) Gallimune® Flu H5N9 (Merial), vaccin inactivé en adjuvant huileux (espèce poule) et Bio® Flu H5N9 (Merial) (ATU approuvée en cours de notification fin mars).

Seuls les deux premiers ont répondu aux appels d’offre du ministère de l’agriculture concernant un vaccin “canard” d’une part, et “multi-espèces” d’autre part. D’autres ATU de vaccins sont en cours d’évaluation.

En savoir plus

- Afssa. Avis du 3 novembre 2005 relatif à l’opportunité du recours à la vaccination des volailles domestiques et des oiseaux captifs des parcs zoologiques contre l’influenza aviaire hautement pathogène.

- Liste des avis de l’Afssa sur l’influenza aviaire : http://www.afssa.fr/Object.asp?IdObj=32046

- Liste des vaccins ayant obtenu une ATU en France. http://www.anmv.afssa.fr/(rubrique ATU)

- Arrêté du 24 octobre 2005 (modifié en dernier lieu par l’arrêté du 3 mars 2006) relatif à des mesures de protection des oiseaux vis-à-vis de l’influenza aviaire.

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