Purevax® mise sur l’innocuité et sur deux souches inactivées - Le Point Vétérinaire n° 263 du 01/03/2006
Le Point Vétérinaire n° 263 du 01/03/2006

NOUVELLE GAMME DE VACCINS FÉLINS SANS ADJUVANT

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville
44470 Carquefou

La gamme de vaccins félins Purevax® veut diminuer deux risques : celui du fibrosarcome et celui de certaines formes de calicivirose.

L'an dernier, l’Agence européenne du médicam e n t ( E M E A ) a approuvé une nouvelle gamme de vaccins félins (Purevax®) développée par Merial. Celle-ci comporte les cinq valences habituelles de la vaccination des chats, à l’exception de la rage : la rhinotrachéite à herpès virus (R), la calicivirose (C), les deux valences RC étant indissociables, la chlamydiose à Chlamydophila felis (Ch), la panleucopénie ou typhus félin (P) et le FeLV (voir sur planete-vet le TABLEAU “Principales caractéristiques de la gamme de vaccins félins Purevax®”). Six combinaisons différentes sont disponibles, dont un vaccin “complet” pentavalent (Purevax® RCPCh FeLV).

Les libellés des indications des vaccins sont les suivants :

- rhinotrachéite : « réduction des signes cliniques » ;

- calicivirose : « réduction des signes cliniques et de l’excrétion » ;

- chlamydiose (ou chlamydophilose) : « réduction des signes cliniques » ;

- panleucopénie : « prévention de la mortalité et des signes cliniques » (pendant trois ans) ;

- FeLV : « prévention de la virémie et des signes cliniques » (sur la base du dossier plus ancien Eurifel® FeLV, désormais rebaptisé Purevax® FeLV).

Cette nouvelle gamme apporte-t-elle de réelles nouveautés par rapport aux quatre ou cinq autres gammes de vaccins félins déjà disponibles ou est-ce une simple évolution, une “mise à jour” de l’ancienne gamme de vaccins félins de Merial issue pour l’essentiel de Rhône-Mérieux ou, plus anciennement encore, de l’Iffa Mérieux ?

Trois atouts

Dans ses rapports, l’Agence européenne du médicament souligne à plusieurs reprises trois points majeurs :

(1) l’absence d’adjuvant, « la réaction inflammatoire au site d’injection est ainsi limitée » ;

(2) la nouvelle valence calicivirus inactivée e t sans adjuvant ;

(3) la diversité de la gamme pour éviter « la survaccination ». Les nombreuses combinaisons permettent ainsi « d’adapter le programme à l’environnement du chat, d’accroître la flexibilité et d’éviter la survaccination ». Selon l’EMEA, « cela contribue à une meilleure innocuité de la vaccination chez le chat ». Le terme de “fibrosarcome postvaccinal” n’est pas employé par l’Agence européenne (voir l’ENCADRÉ “Les fibrosarcomes chez le chat : est-il possible d’en diminuer le risque ?”). Toutefois, sur ce dernier point, d’autres laboratoires présentent aussi de larges gammes de vaccins qui permettent la même “flexibilité”.

La dérive antigénique des souches atténués

La nouvelle valence calicivirose inactivée et non adjuvée est composée de deux souches (431 et G1). « Les souches de calicivirus des vaccins vivants atténués peuvent potentiellement retourner à la virulence », admettent désormais les experts. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, des publications anglo-saxonnes s’interrogent sur la dérive antigénique des souches pathogènes actuelles à partir de souches vaccinales. Certaines souches isolées dans les collectivités de chats pourraient dériver des souches vaccinales vivantes atténuées actuelles, notamment de la souche F9. La pression immunitaire vaccinale semble donc avoir induit une dérive antigénique des souches pathogènes. La variabilité des souches de calicivirus félins est grande : « ces souches mutent rapidement et facilement », soulignent les experts.

Calicivirus hypervirulents

Chez le chat, les calicivirus ne sont pas seulement des agents du coryza. Ils jouent aussi un rôle dans la pathogénie des stomatites, voire du complexe gingivostomatite félin. Des formes hypervirulentes de calicivirose ont été décrites chez le chat, notamment aux États-Unis. En France, des cas ponctuels de calicivirose systémique et hypervirulente sont aussi diagnostiqués depuis quelques années, en raison du recours plus fréquent au diagnostic laboratoire, mais ils n’ont pas encore été publiés. Dans d’autres espèces, les Calicivirus sont connus pour provoquer ce type de maladie hypervirulente, comme la VHD du lapin (maladie hémorragique virale) qui est apparue brusquement en France et en Europe dans le début des années quatre-vingt-dix.

Les vaccins inactivés ne peuvent pas être suspectés d’entraîner un éventuel retour à la virulence et une diffusion. L’originalité de la nouvelle valence vaccinale qui associe deux souches inactivées de calicivirus vient aussi du fait qu’elle est formulée sans adjuvant. La durée d’immunité, mesurée par des essais en challenge hétérologue, est d ’ a u moins un a n . Un challenge réalisé 13,5 mois après la primovaccination confirme une protection clinique suffisante. 

Un risque de fibrosarcome diminué

La seconde nouveauté majeure de cette vaccination est l’absence d’adjuvant pour toutes les valences. Dans les vaccins inactivés, l’objectif de l’adjuvant est d’exacerber la réponse immunitaire par la stimulation d’une réaction inflammatoire. L’absence d’adjuvant contribue donc à la tolérance locale et générale postvaccinale. Le risque de fibrosarcome après l’injection chez les félins est-il pour autant réduit avec des vaccins sans adjuvant ? Très probablement, bien qu’aucune étude dans le dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM) ne permette de l’établir formellement.

Les résumés officiels des caractéristiques des produits (RCP) de tous les vaccins de la gamme signalent néanmoins une réaction locale transitoire (douleur à la palpation, léger oedème) pendant une à deux semaines, ce qui correspond aussi aux conclusions des essais de terrain sur 115 chats et 78 chatons âgés de 6 à 12 semaines.

Le retour de la chlamydiose

Les autres valences, toutes atténuées, ne sont pas aussi innovantes. Merial propose à nouveau en combinaison une valence chlamydiose, chlamydophilose selon la nouvelle nomenclature, à partir d’une souche atténuée de Chlamydophila felis (ex-Chlamydia psittaci var. felis) déjà enregistrée et utilisée aux États-Unis (souche 905).

Le typhus tous les trois ans

La souche utilisée pour la valence panleucopénie est proche de celle déjà employée dans le vaccin Feliniffa® qui est toujours commercialisé. Par rapport à ce dernier, la souche est un peu plus atténuée et dite “basses protéines”, ce qui limite le risque de choc.

Dans cette gamme, les durées d’immunité, trois ans pour la panleucopénie, un an pour les autres valences, et les délais d’apparition d’immunité, de deux semaines pour la panleucopénie, la chlamydophilose et le FeLV, à quatre semaines pour l’herpèsvirose ou la calicivirose, sont justifiés par des essais expérimentaux avec épreuve virulente.

La combinaison avec la vaccination antirabique

La recommandation du résumé officiel du produit des vaccins Purevax® de « ne pas administrer d’autres vaccins dans les 14 jours précédant ou suivant la vaccination en l’absence de données » est évidemment très contestable et non applicable dans la pratique courante pour ce qui concerne l’association avec la vaccination antirabique.

Une précaution abusive et non étayée

Cette recommandation n’est d’ailleurs étayée dans le rapport d’évaluation de l’Agence européenne par aucune donnée, ni même par une suspicion d’interaction négative entre la vaccination antirabique et les autres valences. L’augmentation, sans doute excessive dans ce cas, des exigences des dossiers d’AMM récents est à l’origine de ce type de mention abusive. Évidemment, pour le moment, la valence antirabique n’est disponible que dans des vaccins inactivés et adjuvés, ce qui va à l’encontre de l’objectif poursuivi ici de diminuer le risque de réaction locale et de fibrosarcome par l’absence d’adjuvant. Chez Merial, le vaccin rage inactivé Rabisin® est adjuvé à l’hydroxyde d’alumine. Quadricat® (RCP + rage) reste aussi commercialisé en adjuvant huileux.

À notre connaissance, aucune donnée ne permet d’étayer une contre-indication des vaccins Purevax® avec d’autres vaccins, antirabiques notamment, si ce n’est justement l’absence de données.

Les fibrosarcomes chez le chat : est-il possible d'en diminuer le risque ?

L’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) a diffusé « une communication sur les fibrosarcomes chez le chat et la vaccination » de la Commission de pharmacovigilance datée du 9 décembre 2003. Cette communication française(1) reprend presque dans les mêmes termes les recommandations déjà publiées quelques mois plus tôt par l’Agence européenne du médicament(2). L’Agence européenne du médicament rapporte une incidence de 0,21 cas de fibrosarcome pour 100 000 doses vaccinales à partir de données collectées au Royaume-Uni.

La Commission de pharmacovigilance rapporte une étude américaine et canadienne sur trois ans sur 31 671 chats (61 472 doses vaccinales). Deux cas de fibrosarcome sont apparus, soit une incidence de 6,3 cas pour 100 000 chats vaccinés (ou 3,2 cas pour 100 000 doses de vaccins). La même agence signale aussi que les données sont « contradictoires sur les facteurs de risque liés aux vaccins euxmêmes : vaccins vivants ou inactivés, adjuvés ou non, la présence d’alumine comme adjuvant, vaccins monovalents ou multivalents […] ».

Une étude américaine(3) sur 1 600 cas de tumeurs, dont 662 fibrosarcomes postvaccinaux, ne met pas non plus en évidence de facteur de risque lié au type de vaccin, à la présence ou non d’adjuvant, à une marque commerciale particulière, etc. Dans cette étude, 84 % des 662 sarcomes postvaccinaux sont localisés dans la région interscapulaire (cou inclus). Cet essai rapporte aussi que deux médicaments injectables (une pénicilline longue action et un corticoïde retard) sont plus fréquemment retrouvés dans les cas de tumeurs non liés à une vaccination. « D’autres préparations injectables peuvent être concernées dans la survenue des fibrosarcomes », soulignent aussi les agences françaises et européennes du médicament.

Les deux agences rappellent que « la vaccination représente le seul moyen efficace et sûr de protéger les chats contre des maladies infectieuses importantes. Cependant, les vétérinaires doivent se livrer avec les propriétaires des animaux à une analyse bénéfice/ risque de la vaccination à entreprendre. »

Pour prévenir la survenue des fibrosarcomes postvaccinaux, il est recommandé de limiter les réactions d’intolérance locale, notamment en injectant des produits à température ambiante (et non des vaccins froids qui sortent du réfrigérateur) et en utilisant pour l’injection souscutanée une aiguille neuve et stérile, différente de celle employée pour la ponction du flacon. Le massage de la zone d’injection et une excellente contention du chat sont aussi conseillés. La zone interscapulaire est toujours à éviter.

La grande majorité des réactions locales postvaccinales ou des nodules postvaccinaux ne sont pas des fibrosarcomes. La taille maximale du nodule postvaccinal bénin est alors atteinte en trois semaines et régresse spontanément en moins de trois mois. Si la taille de ce nodule continue à augmenter un mois après l’injection ou s’il persiste après trois mois, il convient d’effectuer son exérèse chirurgicale, la plus précoce et la plus large possible (après un bilan d’extension), accompagnée d’un examen histologique complet.

L’espacement des rappels, aujourd’hui le plus souvent annuels, permettrait aussi de réduire le risque de fibrosarcome postinjection.

  • (1) Afssa-ANMV. Communication de la Commission nationale de pharmacovigilance du 9 décembre 2003 sur les fibrosarcomes chez le chat et la vaccination.

  • (2) EMEA-CVMP. Advisory notice to surgeons regarding the development of fibrosarcomas at sites of injection of veterinary medicinal products in cats. Document EMEA/CVMP/205/03 FINAL rapporté dans le Point Vét. 2003;237:8-9.

  • (3) Kass Philip H, Barnes WG, Splanger WL et coll. Multicenter case-control study of risk factors associated with development of vaccine-associated sarcomas in cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2003;223(9):1283-1292.

En savoir plus

- EMEA. Rapport d’évaluation de l’Agence européenne du médicament (Purevax®). http;://www.emea.eu.int/vetdocs/vets/Epar/purevaxrcpchfelv/purevaxr cpchfelv.htm.

- Hurley KE, Pesavento PA, Pedersen NC et coll. An outbreak of virulent systemic feline calicivirus disease. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2004;224(2):241-249.

- Pedersen NC, Elliott JB, Glasgow A et coll. An isolated epizootic of hemorrhagic-like fever in cats caused by a novel and highly virulent strain of feline calicivirus. Vet. Microbiol. 2000;73(4):281-300.

- Pedersen NC, Hawkins KF. Mechanisms for persistence of acute and chronic feline calicivirus infections in the face of vaccination. Vet. Microbiol. 1995;47(1-2):141-156.

- Pesavento PA, McLachlan NJ, Dillard-Telm L et coll. Pathologic, immunohistochemical, and electron microscopic findings in naturally occurring virulent systemic feline calicivirus infection in cats. Vet. Pathol. 2004;41(3):257-263.

- Radford AD, Sommerville L, Ryvar R et coll. Endemic infection of a cat colony with a feline calicivirus closely related to an isolate used in live attenuated vaccines. Vaccine. 2001;19(31):4358-4362.

- Radford AD, Bennett M, McArdle F et coll. Comparison of serological and sequence-based methods for typing feline calcivirus isolates from vaccine failures. Vet. Rec. 2000;146(5):117-123.

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