Prise en charge de l’abdomen aigu - Le Point Vétérinaire n° 262 du 01/01/2006
Le Point Vétérinaire n° 262 du 01/01/2006

URGENCES CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT

Se former

COURS

Auteur(s) : Stéphane Bureau*, Marc Doucet**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire
8, bd Godard
33300 Bordeaux
**Clinique vétérinaire
8, bd Godard
33300 Bordeaux

Lors d’“abdomen aigu”, le traitement de l’état de choc est prioritaire. La démarche diagnostique, menée rigoureusement une fois l’animal stabilisé, oriente vers un traitement médical ou chirurgical.

La gestion d’un animal présenté avec un syndrome abdominal aigu constitue un défi : il s’agit d’une situation urgente, fréquente, difficile à explorer, aux origines diverses (voir le TABLEAU “Affections qui peuvent être à l’origine d’un syndrome abdominal aigu”). Il est par conséquent nécessaire de suivre une démarche raisonnée dont l’objectif est triple [7, 9, 14, 25] :

- identifier l’affection causale ;

- mettre rapidement en place un traitement de stabilisation médicale dont la base est le maintien d’une perfusion et d’une oxygénation tissulaire adéquates ;

- déterminer si le traitement doit être médical ou chirurgical et quel est le moment opportun pour intervenir. Certaines situations nécessitent une intervention chirurgicale rapide (ex. : torsion d’organe, hernie étranglée, intussusception, etc.), d’autres demandent une réanimation médicale intensive immédiate (ex. : pancréatite, thrombose aortique, etc.), et dans certains cas, la chirurgie peut être différée (ex. : tumeur). Comme chez l’homme, il existe une corrélation positive entre le temps écoulé avant la mise en place d’une thérapie efficace et les taux de morbidité et de mortalité [24]. La survie de l’animal dépend donc en grande partie des décisions du praticien.

Cet article aborde la gestion pratique du syndrome abdominal aigu : prise en charge de l’animal, réanimation, démarche diagnostique et support nutritionnel. Les informations présentées sont la synthèse d’une étude des publications récentes sur le sujet et de l’expérience personnelle des auteurs.

Prise en charge

La démarche diagnostique s’intègre dans un schéma en trois étapes [7].

• L’examen clinique s’accompagne de l’évaluation des priorités : fonction respiratoire, fonction cardiovasculaire (choc, hémorragie, etc.), état neurologique, lésions du thorax, de l’abdomen, des muscles, etc.

• Cette étape est suivie immédiatement par la mise en œuvre d’une réanimation : ventilation assistée, thérapeutique liquidienne, etc. ;

• L’examen approfondi, avec la réalisation éventuelle d’examens complémentaires, est destiné à établir un diagnostic et un pronostic à court et moyen termes, et à envisager un protocole thérapeutique.

1. Recueil des commémoratifs

Le recueil des commémoratifs ne doit jamais être négligé car il peut être riche d’enseignement. Il est effectué concomitamment aux premières mesures de réanimation ou juste après [5, 7, 9, 16, 19] :

- épidémiologie : par exemple, l’intussusception est plus fréquente chez les jeunes, notamment chez le berger allemand [1] ;

- passé de l’animal : statut vaccinal, affections antérieures, administration de traitements, intervention chirurgicale préalable, etc. ;

- contexte de vie de l’animal : possibilité de traumatisme, d’accès à des toxiques, etc. ;

- signes observés par le propriétaire : posture adoptée, vomissements, nature de ceux-ci, perte de poids, modification de l’abreuvement, de l’alimentation, etc.

2. Examen clinique

L’examen de l’animal doit être adapté à son état lors de l’admission et à l’urgence de la situation. L’idée majeure est d’éviter de “se précipiter sur la palpation abdominale”. D’une part, des étapes préalables indispensables peuvent être omises, avec le risque de négliger certains éléments intéressants pour l’établissement du diagnostic. D’autre part, la douleur lors de cette palpation peut générer une réaction de l’animal qui perturbe la suite de l’examen [16, 19].

L’abattement brutal ou la dégradation soudaine de l’état général sont généralement la cause de la consultation ; la douleur est en revanche rarement le signe d’alerte [14]. Les signes cliniques sont variables selon l’affection [9, 15, 24] : anorexie, vomissements, diarrhée, polyuropolydipsie, hématurie, déshydratation, hyper- ou hypothermie, tachycardie, etc. L’examen est le plus complet possible. Les informations sont notées car l’examen est renouvelé afin de juger de l’évolution de l’animal et d’affiner le pronostic [7, 9, 11, 14, 16, 18, 19, 25, 29] :

- inspection de l’animal : déplacements, posture, taille et symétrie de l’abdomen, tirage costal, etc. ;

- statut d’hydratation : pli de peau, enfoncement des globes oculaires, etc. ;

- température rectale ;

- paramètres cardiovasculaires : temps de recoloration capillaire, auscultation cardiaque (fréquence cardiaque, pouls, etc.) ;

- état neurologique : état de conscience, déficit proprioceptif, douleur rachidienne, etc. ;

- recherche de plaie, de poils souillés, d’hématome ;

- auscultation abdominale : les borborygmes sont augmentés lors d’entérite, de gastrite, d’obstruction intestinale récente ; ils sont diminués lors d’épanchement, de péritonite avancée, d’iléus, d’obstruction chronique ;

- percussion abdominale : signe du flot, tympanisme ;

- palpation abdominale : elle doit être douce et progressive, effectuée avec des pressions variées, et parfois renouvelée. L’objectif est de déterminer la zone abdominale sensible, des variations de taille d’organe, la présence de masses anormales, etc. ;

- toucher rectal : palpation de la prostate, inspection de la filière pelvienne, aspect des selles sur le gant.

Réanimation et stabilisation

1. Analyses sanguines et urinaires

Du sang et de l’urine sont prélevés dès l’admission avant la mise en place de la perfusion [19]. L’hématocrite et les protéines totales sont interprétées simultanément, la glycémie et l’urémie sont mesurées en première intention [12, 25]. Une hypoglycémie évoque, par exemple, un sepsis, une pancréatite, une tumeur hépatique ou une insuffisance surrénalienne [9, 12, 15]. L’interprétation d’une urémie nécessite de déterminer la densité urinaire par réfractométrie.

Une numération-formule sanguine peut aider à caractériser une anémie, une inflammation ou une infection [15]. Une thrombocytopénie évoque une séquestration des plaquettes par le foie ou la rate, une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), une hémorragie, une chute de la production plaquettaire ou le développement d’un choc septique [9, 16].

L’exploration de la fonction pancréatique en urgence est la plus délicate : il convient de confronter les résultats biologiques à la clinique et à l’échographie [7].

Ces quelques éléments ne constituent pas une liste exhaustive. Selon les cas, il peut également être intéressant de doser les électrolytes, de mesurer les temps de coagulation, etc.

2. Fluidothérapie et transfusion

Le traitement est fondé en première intention sur la réanimation médicale :

- correction des pertes liquidiennes ;

- lutte contre les phénomènes septiques ;

- lutte contre le choc ;

Dans un second temps, il est adapté en fonction des éléments cliniques et des résultats d’analyse.

Principes

Un syndrome abdominal aigu est fréquemment accompagné d’un état de choc, soit hypovolémique (volume circulant inadéquat : hémorragie, perte liquidienne massive, création d’un troisième secteur, obstacle à la circulation de retour), soit septique (volume circulant normal mais anomalie de distribution) [10, 25].

L’hypovolémie nécessite une correction rapide par un apport massif de solutés, alors que le traitement de la déshydratation est la restauration progressive du volume hydrique de l’organisme [25]. Le remplissage est d’autant plus volumineux et rapide que le déficit est massif et brutal [10, 19]. Les déficits inférieurs à 15 % ont peu de retentissement clinique, le choc est marqué au-delà de 30 %.

La déshydratation estimée doit être corrigée en douze à vingt-quatre heures. Le volume à perfuser (millilitres) est égal au poids en kg x % de déshydratation x 1 000 [19].

Néanmoins, la simple administration d’une dose de x ml/kg n’est pas suffisante. La perfusion est un phénomène dynamique, notamment en raison des échanges entre les différents compartiments hydriques de l’organisme. Il convient donc de perfuser et d’évaluer régulièrement l’animal pour adapter le soluté (hématocrite ; taux de protéines sériques ; fréquence cardiaque ; qualité du pouls) [25, 30].

Transfusion et administration de dérivés sanguins

Lors d’hémorragie aiguë, les mécanismes compensateurs ne sont pas immédiatement efficaces. La transfusion peut être indiquée alors même que l’hémoglobinémie et l’hématocrite ne sont pas encore modifiés. Les troubles de l’hémostase (thrombopénie, déficit en facteurs de coagulation) sont des indications de transfusion. Celle-ci est en revanche peu indiquée pour le remplissage vasculaire [10].

Après vingt-quatre heures de stockage, le nombre de plaquettes diminue et une baisse d’activité de certains facteurs de coagulation se produit. Les solutions de remplacement, telles qu’Oxyglobin®, ont une action oncotique qui maintient le volume vasculaire. Oxyglobin® peut être administré à raison de 15 à 30 ml/kg chez le chien et de 5 ml/kg chez le chat. Sa demi-vie est de 30 à 40 heures, sa métabolisation et son excrétion s’effectuent en cinq à sept jours [26].

Lors d’hémo-abdomen, une autotransfusion est envisageable si l’hémorragie date de moins de 45 minutes (au-delà, le contact avec la membrane péritonéale provoque une destruction des plaquettes et une défibrination). Il convient au préalable de vérifier l’absence de contamination et d’ajouter un anticoagulant : héparine 30 à 50 UI/60 ml ou citrate 1 ml/7 ml. Le sang autotransfusé est pauvre en plaquettes et en facteurs de coagulation. Il convient d’utiliser un filtre et l’administration complémentaire d’une faible dose d’héparine par voie sous-cutanée (100 UI/kg toutes les huit heures) aide à prévenir la CIVD. Les complications potentielles sont la micro-embolisation, la dénaturation des lipoprotéines et la micro-agrégation cellulaire qui peuvent entraîner une CIVD et un œdème pulmonaire aigu [26].

Solutés cristalloïdes isotoniques

Le NaCl à 0,9 % et le lactate de Ringer se répartissent après leur administration dans le secteur extracellulaire : seulement 25 % de leur volume demeurent dans le plasma [10]. En cas de déshydratation extracellulaire globale, cette répartition est intéressante. En revanche, lors d’hémorragie ou d’hypovolémie relative, elle expose à une surcharge hydrique du secteur interstitiel non déficitaire, risque majoré par la baisse de pression oncotique secondaire à l’hémodilution.

En pratique, les risques d’œdème sont moindres. Au niveau pulmonaire, le risque est faible, sauf si la membrane alvéolo-capillaire est lésée, mais, dans ce cas, tout soluté peut engendrer un œdème [10].

Le lactate de Ringer est souvent préférable au NaCl 0,9 % en raison de ses effets alcalinisants dans un contexte où l’acidose est de règle. Son pH est en effet moins acide (6,7 contre 5 pour le NaCl). Le faible apport en chlore prévient l’acidose hyperchlorémique. Le lactate fourni est métabolisé en bicarbonates [10, 30].

Les solutés cristalloïdes sont administrés lors d’hypovolémie sévère, à raison de 60 à 90 ml/kg chez le chien et de 45 à 60 ml/kg chez le chat, répartis sur une heure environ [10, 17, 25]. Le quart de la dose est administré rapidement, puis l’état général de l’animal est réévalué et cette perfusion massive et rapide est adaptée [17].

Le glucose 5 %

Sous l’action de l’insuline, le glucose est rapidement métabolisé. Ce soluté se comporte donc comme de l’eau pure et se répartit dans l’ensemble des secteurs hydriques de l’organisme. Il n’est donc pas indiqué dans le remplissage vasculaire [10].

Les solutés cristalloïdes hypertoniques

Le NaCl à 7,5 % est administré en bolus lent à raison de 4 à 7 ml/kg chez le chien et de 2 à 6 ml/kg chez le chat [10, 25]. Il crée un appel d’eau qui permet une restauration rapide de la pression vasculaire en diminuant les risques d’œdème, mais son effet est court (moins de trente minutes) et doit être prolongé par un cristalloïde isotonique [30]. Il est contre-indiqué lors d’hémorragie non contrôlée, car l’élévation de la pression artérielle aggrave le saignement et la mortalité est augmentée [10, 25].

Les solutés colloïdes

L’efficacité des solutés colloïdes, comme les dextrans, est fondée sur leur pouvoir oncotique [10]. Les molécules colloïdes ne franchissent pas l’endothélium vasculaire sain (pouvoir d’expansion volémique voisin de 100 %). Les colloïdes ont un effet de plusieurs heures [10, 30]. Ils sont intéressants lors d’hypoprotéinémie [22, 25]. Les risques potentiels liés à l’utilisation d’un colloïde sont les allergies décrites chez l’homme mais jamais rapportées chez les animaux, ainsi que des troubles de l’hémostase (agrégation plaquettaire) [10, 22].

3. Substances médicamenteuses

Corticoïdes

L’efficacité des corticoïdes dans le traitement du choc hypovolémique est extrapolée d’études expérimentales, mais très peu d’études cliniques ont été menées. Les études qui rapportent une amélioration du taux de survie sont discutables : pas de lot contrôle, essais à court terme, modèles critiquables car anesthésiés, non traumatisés mais simplement saignés, administrations avant l’hypovolémie pour certaines, etc. [24, 27, 30].

Les effets bénéfiques attribués aux stéroïdes (méthylprednisolone 15 à 30 mg/kg ; dexaméthasone 4 à 6 mg/kg) sont [15, 27] :

- l’inhibition de la production des médiateurs inflammatoires cellulaires (en particulier les prostaglandines, les leucotriènes et le myocardial depressant factor produit par le pancréas) ;

- l’amélioration de la circulation sanguine périphérique (maintien de l’intégrité de l’endothélium vasculaire, effet inotrope positif, amélioration du tonus vasculaire) ;

- la diminution de la formation d’œdème par leur effet anti-inflammatoire ;

- l’augmentation de l’efficacité des catécholamines et des antibiotiques.

Les effets négatifs liés à leur usage sont les ulcérations gastriques, les hyperglycémies, les retards de consolidation et les dépressions immunitaires [27].

L’utilisation systématique des corticoïdes à des doses variables pour traiter les chocs en pratique est discutable.

Antibiotiques

Les animaux présentés avec un syndrome abdominal aigu sont des animaux à risque septique majoré : ils sont atteints d’altérations immunitaires, d’un dérèglement des équilibres en cytokines, d’hypotension et ils portent des cathéters, des sondes, etc. L’idéal est d’adapter l’antibiothérapie aux résultats des cultures, ce qui est rarement possible en urgence. Connaître les flores résidentes habituelles du lieu supposé d’infection aide à raisonner le choix de l’antibiotique. Les germes le plus fréquemment trouvés dans la cavité abdominale sont E. Coli, Clostridium, Staphylococcus, Streptococcus [20, 23]. L’administration d’antibiotiques dans la cavité abdominale en cours d’intervention chirurgicale n’est pas nécessaire. La majorité des antibiotiques actifs utilisés par voie parentérale atteignent des concentrations dans la cavité péritonéale voisines des concentrations sériques [15]. Un large spectre d’action est obtenu avec, par exemple, une pénicilline associée à une quinolone, ou une céphalosporine de seconde génération, éventuellement couplée à du métronidazole [4, 17, 19, 20, 24, 30]. La voie intraveineuse est préférable [24].

Examens complémentaires

Les examens complémentaires sont choisis de manière à confirmer ou à infirmer les hypothèses émises. Leur choix dépend du cas, de l’équipement, de l’expérience du praticien, des possibilités financières et de la motivation du propriétaire.

1. Radiographie

La radiographie est indiquée lorsque les résultats fournis par l’examen clinique sont peu précis, lors de suspicion de traumatisme, d’arrêt du transit et, éventuellement, lors de suspicion d’épanchement [13]. Le praticien recherche [7, 16] :

- une distension ou le déplacement d’un organe : tumeur, torsion, hématome, etc. ;

- une obstruction ou une occlusion (PHOTOS 1A et 1B) ;

- la présence de liquide ou de gaz : traumatisme, intervention chirurgicale récente, perforation digestive, cystite emphysémateuse, abcès hépatobiliaire rompu, etc. ;

- des corps étrangers, des calculs ;

- la perte d’intégrité du diaphragme.

Les clichés sont réalisés avant toute ponction susceptible d’introduire de l’air et d’aboutir à un diagnostic erroné [25]. Deux clichés selon deux incidences perpendiculaires sont recommandés sans omettre l’examen des structures périphériques : vertèbres, poumons [2, 7].

• Lors de fuite urinaire siégeant aux niveaux rénal et/ou urétral, le signe radiologique le plus observé est une perte de contraste dans l’espace rétro-péritonéal [2, 9]. Les fuites traumatiques affectent le plus souvent la vessie. Une perte de l’image vésicale et du contraste abdominal est alors observée [18]. Néanmoins, la présence d’une image vésicale et de mictions ne permet pas d’exclure une rupture vésicale [2, 18].

• Les dilatations hépatiques localisées font penser à des kystes, à des abcès, à des nodules d’hyperplasie bénigne ou à des hématomes. La présence de gaz traduit une cholécystite, une cholangite ou un abcès [2].

• Les éléments radiographiques en faveur d’une pancréatite sont [16] :

- une perte de contraste dans le cadran crânial droit ;

- du gaz dans le duodénum ;

- une augmentation de densité ;

- un angle gastroduodénal augmenté avec déplacement du pylore vers la gauche et du duodénum vers la droite.

• Les critères radiologiques de péritonite sont tardifs [15]. Les clichés montrent alors une accumulation de gaz et de liquides, avec une perte du contraste abdominal [24].

2. Échographie

L’échographie est un acte rapide, sensible et précis, mais qui demande de l’expérience et un investissement non négligeable. Ses principales indications sont la recherche d’un foyer infectieux, d’une inflammation, d’un épanchement, d’une torsion, d’une masse ; elle est également d’une grande aide lors de paracentèse [5, 7, 24]. Elle constitue donc un complément idéal de la radiographie. Elle devient même un examen de première intention lors de masse et d’épanchement (PHOTO 2) [13].

• L’hépatomégalie est délicate à évaluer. L’aspect d’un abcès est variable et dépend de son ancienneté et de son contenu plus ou moins nécrotique.

• Une cholécystite se traduit par un épaississement de la paroi de la vésicule. La cholangiohépatite entraîne une diminution de l’échogénicité hépatique avec une visualisation accrue de la veine porte. La dilatation de la vésicule et des canaux biliaires est bien visualisée [8].

• Les signes de pancréatite sont un épanchement, un iléus intestinal, une graisse mésentérique hyperéchogène et irrégulière, un pancréas hypo-échogène, dilaté et irrégulier. Une duodénite et une obstruction des voies biliaires extra-hépatiques peuvent également être observées [8].

• La visualisation d’un corps étranger intestinal dépend de sa nature. Lors d’intussusception, la superposition des différentes couches échographiques des deux parois intestinales imbriquées est visualisée, soit sous la forme d’une alternance de plusieurs couches parallèles hyper- et hypo-échogènes de longueur variable si le plan de coupe est longitudinal, soit sous celle d’anneaux plus ou moins concentriques hyper- et hypo-échogènes si le plan de coupe est transversal à l’invagination. Le centre de l’invagination peut apparaître rempli de liquide ou à contenu hyperéchogène si du mésentère a été entraîné dans l’invagination.

• Une inflammation colique se traduit par un iléus généralisé, une accumulation de liquide dans l’anse concernée, une augmentation d’épaisseur de la paroi mais avec conservation des couches.

• L’échographie aide à visualiser au niveau rénal les structures liquidiennes (kystes, abcès), les structures tissulaires (masse tumorale) et les calculs. La vessie est aisément identifiable. L’échographie est également essentielle dans le diagnostic des affections utérines et prostatiques.

• L’échographie est plus sensible que la radiographie pour détecter les épanchements. Chez un animal en position debout, il convient de rechercher des épanchements autour de la vessie, en particulier le long de sa face ventrale, au niveau du foie en face diaphragmatique et autour de la vésicule biliaire. Chez un animal couché, les épanchements sont retrouvés plus difficilement (entre le rein droit et le lobe caudé du foie) car ils se déplacent vers la voûte lombaire et sont donc plus éloignés de la sonde d’échographie.

Une graisse mésentérique irrégulière et extrêmement hyperéchogène est fréquemment observée lors de péritonite [8].

3. Ponction abdominale

La ponction abdominale est une technique diagnostique simple, rapide, peu dangereuse et utile. Elle est notamment conseillée lors de contraste abdominal diminué, de traumatisme, de développement d’un état de choc sans suspicion diagnostique et lors de suspicion de déhiscence de plaie [13, 16]. Elle peut également permettre de dépister une affection avant sa manifestation clinique. Après un traumatisme hépatique ou splénique, par exemple, le délai d’installation d’un état de choc est d’environ trois heures ; lors de péritonite biliaire, plusieurs jours s’écoulent avant que les symptômes ne se manifestent [28].

L’interprétation de l’analyse du liquide de ponction doit être réalisée avec prudence lors de la recherche de lésions gastro-intestinales et urinaires. La présence d’une faible quantité de liquide abdominal est ainsi à l’origine de 52,7 % de faux négatifs [9, 25]. La méthode devient plus fiable lorsque la quantité de liquide présente dans l’abdomen est plus élevée, lorsque la ponction est échoguidée, ainsi que lors de la réalisation, non plus d’une simple ponction, mais d’un lavage abdominal (détection des anomalies dès 1 ml/kg d’épanchement) [5, 7, 16, 25, 26, 28].

L’animal est placé en décubitus latéral et une ponction est réalisée à l’aiguille (bleue ou verte) au niveau de l’ombilic sans seringue afin de voir si du liquide s’écoule. La rotation de l’aiguille autour de son axe peut favoriser l’écoulement. Si aucun liquide ne s’écoule, une seringue de 2,5 ou de 5 ml est placée pour aspiration (PHOTO 3). La ponction peut être réalisée dans les quatre cadrans autour de l’ombilic. En cas d’échec, un lavage péritonéal est réalisé. Le lavage a une sensibilité de l’ordre de 90 % [16, 26]. Il est réalisé en décubitus dorsal, la vessie ayant été préalablement vidée [24]. Dix à 20 ml/kg de NaCl 0,9 % ou de lactate de Ringer tiédis sont administrés en deux à cinq minutes, l’animal est déplacé délicatement pour favoriser la répartition du soluté, puis le liquide est récupéré par gravité ou aspiration après environ cinq minutes. La récupération complète du soluté administré est rarement possible [9, 16, 24, 26, 28].

Le liquide obtenu avec ou sans lavage est placé dans un tube sec et un tube EDTA [6]. Il est observé macroscopiquement : couleur, turbidité, odeur [6]. Cet épanchement peut être classé en transsudat, transsudat modifié, exsudat, tumoral, inflammatoire, hémorragique, septique [28]. Il est soumis à différentes analyses [5, 9, 13, 24, 25, 26, 28] :

- analyse cytologique : lors de péritonite, le liquide contient une grande quantité de neutrophiles et de macrophages, avec des bactéries libres et phagocytées, sans qu’il n’existe de rapport entre le nombre de globules blancs observés et la sévérité de l’affection. Le degré de dégénérescence des neutrophiles dépend en revanche de la quantité et de la virulence des toxines présentes dans l’exsudat [6, 24]. L’examen cytologique réalisé sur le liquide d’épanchement a une sensibilité de 67 à 87 % pour le diagnostic de péritonite septique. La meilleure méthode est la mise en culture à partir de l’épanchement mais c’est une technique longue [3]. Sur trente cas d’épanchement, la cytologie permet d’identifier 86 % des cas d’épanchement septique et 100 % des épanchements non septiques. La bactérie la plus fréquemment isolée est E. coli. Tous les animaux avec un épanchement non septique ont un nombre de cellules nucléées par microlitre inférieur à 13 000. Un comptage supérieur indique l’existence d’un sepsis chez le chien avec une sensibilité de 86 % et une spécificité de 100 %. Chez le chat, cela traduit un épanchement septique avec une sensibilité et une spécificité de 100 % [3] ;

- une valeur de l’hématocrite supérieure de 5 % à la valeur systémique est évocatrice d’un saignement : rupture organique (foie, rate), coagulopathie, intoxication [6, 25, 28]. Le diagnostic différentiel avec un prélèvement réalisé dans la rate ou un vaisseau est fondé sur le fait que l’épanchement ne coagule pas (PHOTO 4) [5, 7, 24] ;

- analyse biochimique : dosage des amylases, des lipases, du glucose, de l’urée, de la créatinine, de la bilirubine, du potassium, etc. Lors de suspicion d’épanchement d’origine urinaire, l’examen le plus recommandé est le dosage de la créatinine. L’urée peut également être mesurée, mais cette molécule plus petite diffuse rapidement et les concentrations s’équilibrent avec le plasma [6, 18, 25]. Il est également possible de doser le potassium : une valeur égale ou supérieure à 1,4 fois la valeur plasmatique est en faveur d’un épanchement d’origine urinaire [6]. Lors de pancréatite, il convient de doser la lipase et l’amylase qui sont plus spécifiques que dans le plasma [6]. Lors de rupture des voies biliaires, le liquide d’épanchement contient des pigments brun verdâtre (PHOTO 5) et le taux de bilirubine est élevé [6, 24]. La concentration en glucose est globalement inférieure dans les épanchements septiques par rapport aux épanchements non septiques (médiane de 57 g/l contre 136,7 g/l). Néanmoins, la différence de concentration en glucose de l’épanchement par rapport au sang est plus fiable pour le diagnostic de péritonite septique (sensibilité de 100 % contre 57 %) que la mesure de la concentration en glucose de l’épanchement seul : une différence de plus de 20 mg/dl révèle, chez le chien, un épanchement septique avec une sensibilité et une spécificité de 100 % et, chez le chat, un épanchement septique avec une sensibilité de 86 % et une spécificité de 100 % [3].

La ponction peut être à l’origine de la pénétration d’air dans l’abdomen et le lavage y introduit du liquide : les radiographies et les échographies sont donc réalisées préalablement [24, 28]. La ponction est contre-indiquée lors de suspicion de pyomètre (plus généralement lors de dilatation d’un organe creux) et de coagulopathie avérée [24, 28].

Les complications associées à la ponction abdominale sont [9, 28] :

- l’introduction de germes dans la cavité abdominale ;

- l’extension d’une infection à partir d’une source précise comme un abcès ou un pyomètre ;

- la lacération d’un organe ou d’un vaisseau.

La sensibilité du diagnostic par lavage péritonéal fait de cet examen un facteur clé de la décision chirurgicale. Les faux négatifs se rencontrent préférentiellement lors d’atteinte rétropéritonéale et de hernie diaphragmatique [13, 28].

Support nutritionnel

Les besoins nutritionnels de l’animal atteint d’abdomen aigu sont généralement augmentés de 25 à 30 %, notamment lors de processus septique. Une hypoglycémie traduit l’incapacité de l’organisme à faire face à la demande : les stocks hépatiques en glycogène sont généralement épuisés en 24 heures [4]. La néoglucogenèse est effectuée à partir du lactate, du glycérol et des acides aminés, mais la destruction des protéines endogènes ne permet pas la fourniture suffisante d’acides aminés pour fabriquer les immunoglobulines et les facteurs de coagulation.

Le but du soutien nutritionnel est de minimiser le catabolisme et la perte pondérale. Les besoins peuvent être calculés selon la formule [30] :

Besoin métabolique de base (Cal) = poids en kg x 70 + 30.

Il convient d’éviter l’alimentation forcée et de préférer la prise spontanée d’une alimentation appétente et tiédie, afin de ne pas induire d’aversion alimentaire. Si la situation se prolonge, la pose d’une sonde d’alimentation, par exemple nasogastrique, est conseillée [4].

Une réanimation inefficace accompagnée d’une dégradation de l’état général de l’animal conduit à une mort rapide ou à l’euthanasie. Sans réanimation médicale préalable, l’intervention chirurgicale est vouée à l’échec. Une amélioration de l’état général de l’animal et sa stabilisation permettent de lever l’état d’urgence, et ainsi de poursuivre les examens, d’établir un diagnostic précis, et de prescrire le traitement médical ou chirurgical adéquat [13]. La décision d’une intervention chirurgicale ne repose sur aucun facteur prédictif réel. Les éléments essentiels restent la complémentarité entre thérapeutiques médicale et chirurgicale, la rapidité de la prise en charge et le bien-fondé des choix en fonction des éléments cliniques et diagnostiques.

Attention

L’échographie est plus sensible que la radiographie pour détecter les épanchements. Chez un animal en position debout, il convient de rechercher des épanchements autour de la vessie, en particulier le long de sa face ventrale, au niveau du foie en face diaphragmatique. Chez un animal couché, les épanchements sont retrouvés plus difficilement (entre le rein droit et le lobe caudé du foie) car ils se déplacent vers la voûte lombaire et sont donc plus éloignés de la sonde d’échographie.

Points forts

La palpation abdominale doit être douce et progressive, effectuée avec des pressions variées et parfois renouvelées. L’objectif est de déterminer la zone abdominale sensible, des variations de taille d’organe et la présence de masses anormales.

Du sang et de l’urine sont prélevés dès l’admission, avant la mise en place de la perfusion.

L’échographie est plus sensible que la radiographie pour détecter les épanchements.

Une différence de concentration en glucose de l’épanchement par rapport au sang de plus de 0,2 g/l caractérise un épanchement septique avec une sensibilité et une spécificité de 100 % chez le chien et une sensibilité de 86 % et une spécificité de 100 % chez le chat.

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