L’émodepside : un nématocide actif contre les larves L3 - Le Point Vétérinaire n° 262 du 01/01/2006
Le Point Vétérinaire n° 262 du 01/01/2006

LE PREMIER SPOT-ON NÉMATOCIDE ET CESTODICIDE POUR CHATS

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville
44470 Carquefou

Le praziquantel et l’émodepside, un nouveau nématocide, sont associés dans un spot-on vermifuge à large spectre chez le chat.

L’Agence européenne du médicament a approuvé durant l’été 2005 le premier spot-on à la fois nématocide et cestodicide. Destiné aux chats, il combine deux principes actifs et deux innovations.

Praziquantel + émodepside

Le praziquantel, développé il y a tout juste trente ans par Bayer, reste le cestodicide de référence dans toutes les espèces animales. Ce n’est donc pas cette molécule qui fait l’innovation. Toutefois, avec cette formulation en spot-on, c’est la première fois, en France, que le praziquantel devient réellement facile d’emploi. Des formulations spot-on étaient déjà disponibles dans d’autres pays européens.

La nouvelle famille des depsipeptides

L’émodepside est le premier (et le seul) représentant d’une nouvelle famille d’anthelminthique nématocide : les depsipeptides. Depuis vingt-cinq ans, aucune nouvelle famille de composés nématocides n’avait été découverte. La dernière innovation date du lancement historique en 1981 chez les bovins de la famille des macrolides antiparasitaires (ou lactones macrocycliques ou endectocides).

L’émodepside présente quelques caractéristiques communes avec les lactones macrocycliques. Il s’agit d’un dérivé semi-synthétique isolé d’un champignon, Mycelia sterilia, de la microflore des camélias japonais, alors que les avermectines sont des dérivés de semi-synthèse d’autres champignons (Streptomyces avermitilis) isolés d’un terrain de golf… japonais. Commeles endectocides, l’émodepside présente une structure macrocyclique et une forte lipophilie ce qui lui permet de traverser facilement la barrière cutanée. Il s’accumule en outre dans la graisse qui joue un effet réservoir. Mais les structures chimiques des depsipeptides sont très différentes de celles des avermectines ou des milbémycines.

Une alternative à l’apparition des résistances

Comme la plupart des anthelminthiques, l’émodepside est neurotoxique pour les nématodes cibles. Le mode d’action est toutefois original. Il agit au niveau présynaptique des jonctions neuromusculaires sur les récepteurs à la latrophiline. Il provoque chez les nématodes une paralysie flasque, notamment du pharynx. Les nématodes meurent en raison de leur incapacité à se mouvoir et à se nourrir.

Dans les essais de recherche, l’emodepside s’est révélé efficace vis-à-vis de nématodes résistants aux benzimidazoles, au lévamisole ou à l’ivermectine. Il s’agissait de parasites des ovins, et plus rarement des bovins : Hæmonchus, Ostertagia, Trichostrongylus, Nematodirus, Cooperia. Toutefois, en France, la fréquence des résistances aux avermectines/milbémycines reste faible chez les ruminants.

Actif sur les ascaris au stade larvaire L3

Profender® est le premier spot-on vermifuge félin à large spectre à la fois nématocide, contre Toxocara cati, Toxascaris leonina et Ancylostoma tubaeforme, et cestodicide, contre Dipylidium caninum, Tænia taeniaeformis et Echinococcus multilocularis. Son coût est de l’ordre de 4 à 10 € TTC par pipette (prix public approximatif) selon le dosage et le conditionnement (en deux ou vingt pipettes).

L’émodepside est indiqué contre les stades adultes matures et immatures, les larves L4 des nématodes et lors de larva migrans L3 de Toxocara cati.

Pour valider officiellement cette indication vis-à-vis des larva migrans L3 de Toxocara cati, l’Agence européenne du médicament a exigé une étude qui a conclu à une activité de 97 % de l’émodepside contre les larves L3 selon un protocole expérimental spécifique. C’est sur cette base que ce spot-on mentionne les larves L3 de Toxocara cati dans le spectre antiparasitaire du résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP).

Vingt-deux autres études après infestation expérimentale et, le plus souvent, autopsie des animaux pour vérifier l’absence de parasites dans le groupe traité par rapport au groupe témoin, ont été nécessaires pour faire valider l’efficacité de ce spot-on à la dose recommandée contre chacun des stades parasitaires et pour chaque parasite visé (voir le TABLEAU “Synthèse des études d’efficacité en infestations”).

Étude terrain comparative

Une étude terrain multicentrique sur 146 chats a comparé l’efficacité et la tolérance de ce nouveau spot-on à celles du spot-on de sélamectine (Stronghold®). Ce dernier n’est pas actif contre les cestodes. Seulement 5 % des chats présentent une co-infestation mixte de cestodes et de nématodes.

L’efficacité anthelminthique repose sur le passage transcutané du praziquantel et de l’émodepside lipophiles depuis le point d’application du spot-on (voir la FIGURE “Concentrations plasmatiques d’émodepside et de praziquantel”). Les variations interindividuelles de biodisponibilité de ce type de formulation sont élevées. Pour l’émodepside, les graisses jouent certainement un effet réservoir à partir duquel un relargage est observé après quelques jours (d’où un second pic de concentration plasmatique). Les deux molécules lipophiles sont éliminées lentement, principalement sous une forme inchangée dans les fèces pour l’émodepside, ou de métabolites majoritairement par voie rénale pour le praziquantel.

À partir de huit semaines ou de 500 g

Les applications sous la forme de spot-on conduisent à appliquer des doses d’emploi pouvant aller jusqu’à cinq fois les doses minimales recommandées (15 mg/kg pour l’émodepside, et 60 mg/kg pour le praziquantel) pour le traitement d’un chaton de 500 g avec la pipette la plus faiblement dosée, adaptée aux individus pesant jusqu’à 2,5 kg. Les deux autres dosages s’appliquent aux chats moyens (jusqu’à 5 kg) ou grands (jusqu’à 8 kg).

Attention au léchage

Le profil de tolérance de l’émodepside et du spot-on semble bon à la lecture du résumé des caractéristiques du produit (RCP) et du rapport d’évaluation de l’Agence européenne du médicament. Les doses toxiques aiguës (DL50) sont bien supérieures au g/kg pour les deux composés seuls ou en mélange. Aucun signe de toxicité n’est observé lors de l’application topique de dix fois la dose recommandée à de jeunes chats adultes, de cinq fois la dose à des chatons de sept semaines (pesant plus de 500 g), soit jusqu’à 75 mg/kg d’émodepside et 300 mg/kg de praziquantel, ou de trois fois la dose chez des chattes gestantes ou allaitantes. Le seul effet indésirable observé dans de nombreux essais est, lors de léchage du point d’application, une salivation et parfois des vomissements qui régressent spontanément sans traitement. Ces effets sont aussi observés lors d’administration orale de la solution spot-on. Ils sont principalement liés au caractère irritant de l’excipient, non adapté à la voie orale. Il est donc conseillé de bien appliquer le spot-on à la base dorsale du crâne, à un endroit où le léchage, un comportement de toilettage normal chez le chat, n’est pas facile.

Interaction avec la glycoprotéine P

L’émodepside, comme une vingtaine d’autres médicaments (l’ivermectine et les autres macrolides antiparasitaires, les corticoïdes, le lopéramide, la ciclosporine, l’érythromycine, etc.) interagit avec la glycoprotéine P. Cette glycoprotéine P (codé par le gène MDR 1) protège le système nerveux central en empêchant le passage de certains médicaments à travers la barrière hématoméningée. Pour les avermectines (ivermectine surtout), cette interaction avec la glycoprotéine P conduit à observer une neurotoxicité centrale chez certains chiens porteurs homozygotes du gène mutant MDR-1 dans les races où ce gène mutant a été introduit (principalement les colleys et les races apparentées). Selon l’Agence européenne du médicament, les « données suggèrent que l’émodepside ne traversera pas la barrière hématoméningée » car, à la différence de l’ivermectine, l’émodepside ne sature pas et n’inhibe pas la glycoprotéine P. Cependant, pour tenir compte de cette action potentielle sur la glycoprotéine P, des « traitements simultanés avec certains médicaments [les exemples cités ci-dessus] pourraient conduire à des interactions sur la pharmacocinétique de ces molécules  » indique l’Agence. « Les conséquences cliniques potentielles n’ont pas été évaluées » conclut-elle. Au cours des études cliniques, des chats ont parfois été traités concomitamment avec des endectocides (le spot-on Advocate® contenant la moxidectine entre autres) sans interaction négative.

Le nouveau spot-on lancé quasi simultanément dans la plupart des pays européens présente donc des caractéristiques d’efficacité, de facilité d’emploi et de prix qui devraient en faire un des outils les plus répandus de la vermifugation des chats.

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