Les anémies hémolytiques à médiation immune - Le Point Vétérinaire n° 261 du 01/12/2005
Le Point Vétérinaire n° 261 du 01/12/2005

MALADIES IMMUNITAIRES DU CHIEN ET DU CHAT

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EN QUESTIONS-RÉPONSES

Auteur(s) : Anne Thébault

Fonctions : “Brécihan;”,
35290 Saint-Onen-la-Chapelle

Affections hémolytiques relativement fréquentes chez le chien et le chat, les anémies hémolytiques à médiation immune ont un pronostic sombre, malgré la mise en place précoce du traitement.

L'anémie est un syndrome qui se définit comme une diminution de la concentration sanguine d’hémoglobine fonctionnelle circulante. Une anémie hémolytique s’explique par une destruction excessive des globules rouges. Les anémies hémolytiques à médiation immune (AHMI) sont liées à la présence, à la surface des hématies et parfois dans le sérum, d’anticorps dirigés contre des déterminants antigéniques présents sur la membrane des propres hématies de l’animal malade. Les AHMI primaires sont le plus souvent rencontrées, peut-être parce que les AHMI secondaires ne sont que rarement isolées de la maladie causale. Cet article se propose d’aborder les AHMI de façon pratique sans détailler les techniques de diagnostic immunologique.

Quels sont les facteurs favorisant les AHMI ?

• Les AHMI affectent plus particulièrement certaines races de chiens, comme les cockers, les english-springer-spaniel, les colleys, les caniches, les pinschers nains, les spitzs finlandais, les bobtails et les bichons, sans que cela soit clairement expliqué [18]. Chez les english-springer-spaniel, l’AHMI est à différencier du déficit en phosphofructokinase, maladie génétique autosomale récessive qui provoque des crises hémolytiques et des myopathies d’exercice [25]. L’âge des animaux atteints est de deux à douze ans (sept ans en moyenne). Le sex-ratio est en faveur des femelles (jusqu’à 70 % des cas) [18, 22].

• Les chats de race sont plus sensibles que les chats croisés. Les jeunes chats mâles sont plus souvent atteints [14].

• Certains auteurs ont pu mettre en évidence une certaine saisonnalité des AHMI, plus nombreuses en mai et en juin. Il existerait alors une association entre l’AHMI et un épisode de babésiose dans le mois précédent. Cette observation est vérifiée dans les zones très infestées par Babesia canis [7]. D’autres études montrent l’existence de lignées familiales prédisposées [5].

Quelle est l’origine d’une AHMI ?

• Les AHMI primaires regroupent 60 à 75 % des cas chez le chien et 30 à 50 % des cas chez le chat [19]. Le système immunitaire ne reconnaît plus les érythrocytes, ou plus exactement certains composants de leur membrane, comme faisant partie de l’organisme, sans qu’aucune cause ne puisse être identifiée. Les AHMI primaires sont toutes des anémies hémolytiques auto-immunes [5], qui peuvent être elles-mêmes associées à d’autres affections auto-immunes (lupus érythémateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde).

• Dans les autres cas, les AHMI sont secondaires. L’anticorps se fixe sur un érythrocyte dont la membrane exprime un antigène nouveau (fixé ou démasqué). L’apparition de cet antigène peut être provoquée par des facteurs chimiques, infectieux, parasitaires ou médicamenteux. L’organisme développe alors, de façon normale, des anticorps qui reconnaissent les antigènes étrangers et provoquent la destruction des érythrocytes. Il s’agit alors d’anémies hémolytiques à médiation immune strictes [5].

L’origine des principaux antigènes responsables de cette destruction est variée.

Chez le chien, il s’agit principalement [14, 19] :

- d’une maladie infectieuse bactérienne (ehrlichiose) ou parasitaire (dirofilariose, babésiose, ankylostomose) ;

- d’une sensibilisation médicamenteuse (pénicilline, céfazédone(1), sulfadiazine, etc.) ;

- d’une néoplasie (lymphosarcome ou hémangiosarcome) ;

- d’une vaccination : l’administration d’un vaccin vivant modifié depuis moins d’un mois a parfois été associée au développement d’une AHMI chez le chien [6] ;

- du passage d’anticorps maternels dirigés contre les hématies du nouveau-né dans le colostrum ou lors d’une transfusion sanguine [3].

Chez le chat, il s’agit le plus souvent d’une maladie infectieuse (hémobartonellose, FIV ou FeLV), d’une intoxication (anémie à corps de Heinz ou méthémoglobinémie) ou d’une atteinte métabolique (lipidose hépatique ou hypophosphatémie) [4].

Quelle est la physio­pathogénie des AHMI ?

Les AHMI se caractérisent par la fixation d’anticorps (IgG principalement ou IgM), et éventuellement du complément, à la surface des hématies (réaction immunitaire de type II) [14]. Cette fixation entraîne leur destruction aux niveaux extravasculaire et intravasculaire [14, 19].

1. Que se passe-t-il au niveau extravasculaire ?

Dans le compartiment extravasculaire, la reconnaissance du complexe “érythrocytes + anticorps +/- complément;” entraîne sa destruction par les macrophages du foie et par ceux de la rate.

• Au niveau de la rate : l’érythrophagocytose est IgG-dépendante. La molécule d’auto-anticorps IgG, liée au globule rouge par son site Fab, se fixe sur les récepteurs pour le fragment Fc présents à la surface de la membrane cytoplasmique des macrophages spléniques. L’action de ce récepteur peut être complétée par celle d’un récepteur pour la fraction C3b du complément.

• Au niveau du foie : l’érythocytose est complément-dépendante. Quand les hématies sont recouvertes par des IgM fixant le complément, la voie classique est activée de façon incomplète jusqu’au C3, qui recouvre la surface des hématies. Au niveau du foie, les cellules de Küpffer possèdent un récepteur pour le C3b, ce qui favorise l’adhérence puis la phagocytose.

2.. Que se passe-t-il au niveau intravasculaire ?

La destruction a plus rarement lieu au niveau intravasculaire. L’activation complète du complément par la voie classique de C1 à C9 à la surface des hématies entraîne la destruction de la membrane érythrocytaire (action lytique du complément). Ce phénomène s’observe avec des anticorps (IgG ou IgM) qui fixent le complément et ont une activité hémolytique marquée.

3. Quelles sont les conséquences au niveau de l’organisme ?

Si l’hématocrite devient trop bas (< 22,5 %), l’organisme s’adapte en provoquant une augmentation de la fréquence cardiaque et une redistribution préférentielle du sang aux organes vitaux (cœur et cerveau), d’où une hypoxie des autres organes (reins, foie, rate, intestins, etc.) [15].

Au niveau tissulaire, l’anémie est à l’origine, de façon directe, de lésions de nécrose hépatique centrolobulaire, d’hépatite chronique et d’hyperplasie des canaux biliaires. Si la première lésion est quasi systématique, les deux dernières sont plus ou moins marquées selon l’intensité et la durée de l’hypoxie tissulaire. D’autres organes (rate, reins, poumons et intestins) sont également atteints par des lésions nécrotiques liées à l’hypoxie et à des infarctus secondaires à des thrombo-embolies [15].

Quels sont les symptômes des AHMI ?

• Les animaux sont présentés en consultation pour des symptômes qui évoluent souvent depuis plusieurs semaines : apathie, fatigabilité, anorexie, polypnée, ictère, douleur abdominale, etc. Quelques cas sont d’apparition brutale, en un à trois jours [5]. Une tachycardie, un pouls faible et des extrémités froides signent une anémie grave associée à un état de choc [9].

• L’examen clinique met en évidence l’anémie. Les principaux signes sont une pâleur des muqueuses, un souffle cardiaque systolique (lié à la baisse de la viscosité du sang), une tachycardie et une tachypnée. Ces signes peuvent être accompagnés d’un ictère et/ou d’une coloration anormale des urines [15].

La couleur des urines varie selon plusieurs critères : vitesse d’installation, intensité et lieu de destruction des érythrocytes. Elles sont très jaunes en cas de destruction extravasculaire (présence d’urobiline), et jaune foncé, marron ou noires dans le cas de destruction intravasculaire (présence respective de bilirubine, d’hémosidérine ou d’hémoglobine). Plus les urines sont foncées et plus l’hémolyse est intense [9]. Une hyperthermie est présente dans environ la moitié des cas.

Une palpation abdominale soignée permet parfois de mettre en évidence une augmentation du volume de la rate et/ou du foie.

Le diagnostic repose sur des examens complémentaires, spécifiques ou non des AHMI.

Quels sont les examens non spécifiques à effectuer ?

1. Quelles informations apportent l’hémogramme et le frottis sanguin ?

• La numération de formule et le frottis sanguin (étude des érythrocytes) permettent de quantifier l’anémie. Une anémie est caractérisée par un taux d’hémoglobine inférieur à 12 g/100 ml chez le chien et à 8 g/100 ml chez le chat. Ces taux peuvent être très bas en cas d’AHMI.

• Ces deux examens permettent également de qualifier l’anémie. Les AHMI sont normocytaires (volume globulaire moyen normal) et normochromes (concentration corpusculaire moyenne et teneur globulaire moyenne en hémoglobine normale) [9].

• Ils permettent également d’estimer le caractère régénératif ou non, par le comptage des réticulocytes(2) (érythrocytes immatures, nucléés, qui traduisent une érythropoïèse active). Le taux de réticulocytes est augmenté de 2 à 10 % (valeur usuelle : 0 à 1 %) [a].

Les AHMI sont souvent régénératives, mais si leur installation est très rapide, la production de réticulocytes demande trois à quatre jours. Pendant ce laps de temps, le nombre de réticulocytes circulants est faible. Dans 33 à 58 % des cas, elles ont un caractère faiblement régénératif et correspondent à une consommation immune des précurseurs médullaires des hématies [14].

• Ces examens permettent en outre de mettre en évidence le caractère immun de l’anémie :

- par la sphérocytose : la présence de sphérocytes (voir l’ENCADRÉ “Les sphérocytes”) est un argument majeur, mais non spécifique, de l’AHMI chez le chien, lorsque les sphérocytes représentent 30 à 50 % des globules rouges (PHOTO 1). La sphérocytose est présente dans 60 à 75 % des cas d’AHMI [1]. Chez le chat, les hématies étant de petite taille, les sphérocytes sont plus difficiles à mettre en évidence [a] ;

- par l’auto-agglutination spontanée des hématies, qui révèle la présence anormale d’anticorps à la surface des hématies. Elle s’observe à l’œil nu, ou entre lame et lamelle, sans coloration, et persiste après dilution dans un soluté salé isotonique. Ce phénomène d’auto-agglutination peut fausser le résultat donné par les automates d’hématologie, qui ne prennent pas en compte les hématies agglutinées (valeur diminuée de l’hématocrite). Attention à ne pas confondre l’agglutination (globules rouges regroupés en grappe de raisin) avec la présence de “rouleaux;” d’hématies (globules rouges alignés), fréquents lors d’inflammation ou d’hyperprotidémie ; les rouleaux disparaissent si une goutte de sérum physiologique est ajoutée sur la lame [9].

• Le frottis permet de mettre en évidence des parasites de type Babesia.

• L’étude des leucocytes permet de mettre en évidence une leucocytose par neutrophilie, modérée à sévère, due à une hausse de la production médullaire, à une augmentation de la quantité de neutrophiles circulants et à une baisse de la migration tissulaire (surtout dans les zones nécrosées) [14].

• L’étude des thrombocytes montre une thrombopénie (moins de 200 000 plaquettes par ml) dans 60 % des cas, liée d’une part à l’expression de cytokines inflammatoires à effet prothrombotique, d’où une consommation excessive de plaquettes, et d’autre part à la destruction des plaquettes au niveau du foie ou de la rate [13, 14].

2. Quelles informations apportent les examens biochimiques et le bilan de coagulation ?

• Le taux de bilirubine sanguin est augmenté dans 20 à 75 % des cas d’AHMI, en liaison avec l’intensité de l’hémolyse et sa vitesse d’installation [15, 20].

• La protéinémie permet de différencier l’hémolyse aiguë (protéinémie normale) de l’hémorragie aiguë (protéinémie diminuée).

• Lors du bilan de coagulation, le temps de prothrombine est augmenté dans un quart des cas d’AHMI. Les produits de dégradation du fibrinogène sont augmentés dans 60 % des cas [24].

Quelles sont les examens spécifiques des AHMI ?

• Les tests de Coombs sont des examens immunologiques qui mettent en évidence la présence d’anticorps (Ig) et/ou de complément fixés sur les hématies. Ils permettent d’objectiver le caractère auto-immun de l’affection, en particulier dans les cas où une agglutination spontanée sur lame n’est pas observée [17].

• Le sang est prélevé sur tube EDTA et acheminé rapidement, sans centrifugation et à température ambiante au laboratoire d’analyses. Il est préférable d’effectuer le prélèvement avant tout traitement corticoïde [17]. Le résultat est généralement disponible le jour de la réception du prélèvement. Différents laboratoires en France proposent le test de Coombs direct aux vétérinaires : laboratoire d’immunopathologie de l’ENVN (35 €), Vet-France (15 €), Céri (22 €), etc.

• Le test de Coombs direct (voir la FIGURE “Principe du test de Coombs direct”) a une bonne spécificité, mais une sensibilité comprise seulement entre 60 et 70 %. Il n’apporte pas de diagnostic de certitude [9]. Il ne permet pas de distinguer l’origine, primaire ou secondaire, de la maladie [17].

Les faux négatifs s’expliquent par [17] :

- des érythrocytes faiblement sensibilisés (peu d’anticorps fixés sur les hématies) ;

- un rapport antiglobuline/anticorps fixés insuffisant ;

- un “phénomène de zone;” : l’excès en anticorps ou en hématies sensibilisées empêche l’agglutination ;

- une corticothérapie préalable pendant plus d’une semaine ;

- un mauvais choix de la température et de l’antisérum utilisé (réactif humain pour une espèce animale).

Inversement, les faux positifs (plus rares) s’expliquent par [17] :

- une transfusion sanguine (trois jours à trois semaines avant le test) ;

- des anticorps adsorbés de façon non spécifique sur des érythrocytes endommagés (au cours de la coagulation intravasculaire disséminée, par exemple, ou si le prélèvement a été mal conservé) ;

- le choix de l’anticoagulant : le prélèvement doit être réalisé sur EDTA ;

- l’existence de néoplasies, de maladies inflammatoires ou autres affections à médiation immune, responsables d’un excès d’anticorps sur les hématies, mais non d’AHMI.

• Le test de Coombs indirect est utilisé en médecine humaine pour déterminer la présence d’anticorps circulants dans le plasma. En médecine vétérinaire, ce test est peu utilisable en raison de sa mauvaise sensibilité [17]. Il ne détecte que 40 % des anémies hémolytiques auto-immunes et encore moins d’AHMI secondaires [19].

Quel est l’apport de la ponction de moelle osseuse ?

Chez le chien, il n’est pas nécessaire de réaliser de façon systématique une ponction de moelle osseuse. Elle n’est intéressante que dans le cas d’une anémie arégénérative, car elle confirme alors un blocage dans la maturation des cellules médullaires [14].

En revanche, la ponction de moelle osseuse est fortement recommandée chez le chat, car il existe beaucoup de cas d’anémie non régénérative due soit à une hypoplasie soit à une aplasie des cellules rouges qu’il convient de diagnostiquer précocement et de distinguer des anémies auto-immunes.

Quels autres examens peuvent être réalisés ?

D’autres examens permettent de préciser l’origine de l’AHMI. Des radiographies, échographies, endoscopies et biopsies peuvent ainsi mettre en évidence un foyer infectieux, inflammatoire ou tumoral. La réalisation d’une coproscopie peut démontrer une cause parasitaire.

Quels sont les critères diagnostiques d’une AHMI ?

• La confirmation de la suspicion d’une AHMI est difficile à obtenir. Elle repose, une fois le diagnostic d’anémie hémolytique établi par l’examen hématologique, sur trois critères principaux [10, 24] :

- la présence de sphérocytes sur le frottis sanguin ;

- l’agglutination sur lame ;

- la mise en évidence des anticorps présents à la surface des globules rouges (test de Coombs direct positif).

Aucun de ces critères à lui seul ne peut confirmer ou infirmer le diagnostic d’AHMI. L’interprétation des résultats doit tenir compte des éléments cliniques.

• Les AHMI doivent être différenciées des autres types d’anémie (voir le TABLEAU “Classification étiopathogénique des némies”).

Comment traiter une AHMI ?

1. Quelles molécules peuvent être administrées ?

Le traitement médical vise à maintenir l’oxygénation tissulaire et à arrêter la destruction des hématies.

• Le traitement de première intention, lorsque aucun facteur étiologique n’a été mis en évidence, consiste en l’administration de glucocorticoïdes, sur une période plus ou moins longue selon la vitesse de récupération de l’animal (un à six mois, voire à vie en cas de rechutes répétées). La molécule de choix est la prednisone, à la dose de 2 à 4 mg/kg en une ou deux prises quotidiennes. La posologie dépend de l’importance de l’anémie. La méthylprednisolone (Solumédrol®) peut également être utilisée en première intention.

La plupart des animaux traités répondent à la corticothérapie dans un délai de huit à dix jours ; les doses sont ensuite diminuées très progressivement lorsque l’hématocrite remonte. Une diminution brutale est à l’origine de rechutes qui, souvent, ne répondent plus à la corticothérapie [a].

La dexaméthasone peut également être utilisée (1 à 2 mg/kg/j en une seule fois). Le choix de la molécule est fonction de la tolérance de l’animal à l’administration de médicaments par voie orale et de la préférence du praticien [14, 16].

Les différentes études réalisées sur la survie des animaux atteints en fonction du traitement montrent que la corticothérapie seule est associée à une durée de vie supérieure, avec une qualité de vie meilleure.

• En cas de non-réponse au traitement par les glucocorticoïdes, ou s’il existe une contre-indication pour l’utilisation de ceux-ci (maladie de Cushing, diabète, etc.), des substances immunomodulatrices sont utilisées, seules ou en association avec la prednisone. Le principal inconvénient de ces traitements est leur coût, relativement élevé sur une longue période, pour des résultats qui ne sont pas toujours probants [11].

• L’azathioprine(1) (Imurel®) (antimétabolite analogue purique) diminue les fonctions des lymphocytes T. Il est utilisé à la dose de 1 à 2 mg/kg/j par voie orale, en association avec les corticoïdes pour les AHMI qui ne répondent pas à la corticothérapie seule [13]. Il présente une myélotoxicité qui entraîne des leucopénies marquées. Le traitement par l’azathioprine(1) nécessite une surveillance hématologique rigoureuse [16]. La dose utilisable chez le chat est beaucoup plus faible (0,3 mg/kg/j) [14].

• Le cyclophosphamide(1) (Endoxan®) (agent alkylant) possède une action cytotoxique utilisée pour réduire la production des anticorps. Saposologieestde50 à 90 mg/m2/j par voie orale, en une prise quotidienne, un jour sur deux, ou quatre jours consécutifs par semaine, selon les protocoles. Il présente l’inconvénient d’entraîner des cystites hémorragiques, une diminution de la réticulocytose et une thrombopénie [14]. Selon certaines études, l’association cyclophosphamide(1) + prednisone ne serait pas plus efficace que la prednisone seule dans le traitement des AHMI aiguës idiopathiques [1]. Certains auteurs démontrent même un taux de mortalité plus élevé avec le cyclophosphamide(1) qu’avec les autres protocoles [11, 16].

• Le danazol(1) (Danatrol®) (androgène de synthèse) diminue la production des IgG, la quantité d’IgG fixée sur les cellules et celle de complément fixée sur les membranes cellulaires. Il semblerait qu’il diminue également le nombre de récepteurs sur le fragment Fc des Ig à la surface des macrophages. La dose est de 3 à 12 mg/kg/12 h par voie orale. Son effet étant long à s’installer, il est nécessaire de l’associer aux corticoïdes au début du traitement (quinze jours à trois mois) [14]. Un traitement par le danazol(1) à long terme (plus de six mois) entraîne une augmentation des masses musculaires [19].

• La cyclosporine (peptide cyclique) entraîne une diminution durable de l’activation de la prolifération lymphocytaire. Sa posologie est de 10 mg/kg/j par voie orale, en une ou deux prises. Il est recommandé de doser le taux sanguin de cyclosporine une ou deux fois par mois (concentration souhaitée : 100 à 300 ng/ml). Le traitement est prolongé pendant au moins deux semaines après la rémission [14]. Contrairement aux autres immunodépresseurs, elle n’agit pas sur les cellules en division. Elle est particulièrement déconseillée chez les animaux qui présentent une insuffisance hépatique.

• Les immunoglobulines humaines, utilisées en médecine humaine mais encore au stade expérimental chez le chien, permettraient de bloquer les récepteurs macrophagiques, donc de diminuer la fixation des complexes anticorps-hématies sensibilisées du chien. Ce traitement apporte des résultats positifs à court terme chez certains chiens qui ne répondent pas au traitement classique immunosuppresseur, mais n’a aucune influence sur la survie à long terme [11, 23]. Ce traitement, non disponible en France, est coûteux et présente des risques de réaction transfusionnelle [14].

L’efficacité des traitements immunodépresseurs n’est souvent détectable qu’après plusieurs jours (de sept jours pour les corticoïdes à trois semaines pour les autres). Il convient donc d’instaurer un traitement de support en attendant.

• Une nouvelle molécule est également en cours d’évaluation dans le traitement de l’AHMI : le léflunomide(1) (inhibiteur de la prolifération des cellules B et T par inhibition de la tyrosine kinase), déjà utilisé pour prévenir les rejets de greffe chez le chien et les maladies auto-immunes chez l’homme.

2. Doit-on avoir recours à la transfusion sanguine ?

La transfusion sanguine doit être envisagée si le taux d’hémoglobine descend sous le seuil des 5 g/100 ml, ce qui met la vie de l’animal en danger à court terme. Il est toutefois préférable d’éviter d’y avoir recours car elle ralentit la régénération érythrocytaire par stimulation médullaire.

La stimulation du système immunitaire du receveur entraîne en outre une destruction rapide des hématies du donneur, avec des conséquences sur le foie et le rein. Les effets bénéfiques de la transfusion sont trop passagers par rapport à ses inconvénients [a, 3, 4].

L’utilisation d’hémoglobine bovine (Oxyglobin®) comme transporteur d’oxygène peut être une solution alternative intéressante car elle ne présente pas les effets néfastes d’une transfusion classique. Ce médicament est destiné à traiter les anémies canines, quelle qu’en soit l’origine, sans nécessiter de test de compatibilité préalable. Malheureusement, son coût rend difficile son utilisation : 250 € HT la poche de 125 ml, à raison de 10 à 30 ml/kg [26].

3. Quel est l’apport d’un traitement par anticoagulants ?

L’utilisation d’héparine(1) ou de warfarine(1) (Coumadin®) permettrait de limiter les risques de formation de thrombi. Ce traitement nécessite le contrôle strict du temps de coagulation. Les protocoles généralement proposés sont les suivants [] :

- héparine(1) : une dose initiale de 200 UI/kg par voie intraveineuse, puis des injections par voie sous-cutanée à la dose de 100 à 200 UI/kg toutes les six heures, ou une perfusion en continu de 15 à 20 UI/kg/h ;

- warfarine(1) : 0,2 mg/kg par voie orale pour initier le traitement, puis 0,05 à 0,1 mg/kg/j.

4. Un traitement chirurgical est-il envisageable ?

La splénectomie permet de supprimer l’organe producteur d’anticorps circulants, donc d’auto-anticorps. Elle est envisagée en dernier recours, et seulement pour les AHMI à IgM. Les quelques cas rapportés dans la littérature ont donné des résultats bénéfiques [8].

5. Quels sont les traitements adjuvants à instaurer ?

Comme pour toutes les anémies, les animaux malades doivent être mis au repos et à la chaleur, et perfusés par voie intraveineuse bien que certains auteurs considèrent que la mise en place d’un cathéter augmente les risques de formation de thrombi.

Un complément en fer peut être administré (sulfate ferreux : 60 à 300 mg/j). S’il existe une maladie concomitante à l’AHMI, elle est également traitée (antibiotique, traitement anticancéreux, etc.).

L’AHMI augmentant le risque de formation d’ulcères gastriques, l’administration d’un pansement peut être indiquée [14].

Comment organiser le suivi des animaux malades ?

La réponse au traitement s’évalue par l’examen clinique, la diminution de la quantité de sphérocytes et la mesure de l’hématocrite. La quantité d’auto-anticorps, évaluée par méthode immuno-enzymatique, évolue de façon parallèle à l’hémoglobinémie. La réalisation de nouveaux tests de Coombs après le début du traitement est inutile, en raison d’interactions avec le protocole thérapeutique.

Quel est le pronostic d’une AHMI ?

• Le pronostic à court terme est bon si l’animal répond correctement au traitement par les corticoïdes et/ou au traitement immunomodulateur (amélioration clinique dans 65 à 85 % des cas) [19]. Le pronostic est meilleur si l’AHMI évolue sur un mode chronique (et non aigu). Cependant, près de 30 % des chiens guéris après un premier traitement rechutent à l’arrêt de celui-ci.

• Le pronostic à long terme doit être plus réservé, car les AHMI entraînent souvent des complications (anémie sévère, septicémie, thrombo-embolies pulmonaires, coagulation intravasculaire disséminée, autres maladies à médiation immune, etc.) [23]. Le pronostic à long terme des AHMI secondaires dépend aussi de la cause initiale : une AHMI d’origine médicamenteuse rétrocède à l’arrêt du traitement, alors qu’une AHMI d’origine cancéreuse nécessite un traitement plus lourd.

• Le taux de mortalité des AHMI est globalement de 29 à 50 %, voire 70 % selon les auteurs. La plupart des morts surviennent dans les trois premières semaines du traitement [16]. Les statistiques n’ont pas évolué depuis vingt ans [14]. Le pronostic à long terme est meilleur si le chien survit au moins quinze jours après l’apparition des symptômes [1, 21].

• Certains éléments semblent corrélés à un pronostic plus sombre [1, 2, 13, b] :

- une anémie marquée, non régénérative et intravasculaire ;

- une auto-agglutination sur lame persistante ;

- une augmentation de la bilirubinémie ;

- une augmentation du temps de prothrombine, qui traduit le risque d’une thrombo-embolie, notamment pulmonaire.

Les anémies hémolytiques à médiation immune sont des affections sévères, qui ont un taux de mortalité élevé. Le développement des nouvelles molécules destinées à traiter les AHMI n’a pas été suivi d’une augmentation de la durée de vie des animaux traités. Des études sont actuellement en cours pour juger de l’efficacité des différents traitements : associations entre les corticoïdes et les différentes substances immunomodulatrices (azathioprine(1), cyclosporine(1), danazol(1), etc.). L’efficacité du léflunomide(1) reste également à évaluer.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Le comptage est réalisable au laboratoire, à l’aide de la coloration “ vitale ” au bleu de crésyl brillant qui se fixe sur l’ARN, ou en clinique par observation d’une polychromatophilie et d’une anisocytose sur le frottis sanguin (coloration de May-Grünwald-Giemsa) [14]. Chez le chat, seuls les réticulocytes réticulés sont à prendre en compte [24].

Les sphérocytes

Les sphérocytes sont des globules rouges de petite taille, très denses et de coloration homogène (absence de pâleur au centre). Ils correspondent à ce qui reste des hématies après phagocytose partielle par les macrophages.

La présence de sphérocytes n’est pas spécifique des AHMI ; elle peut aussi révéler une anémie à corps de Heinz, une anémie post-transfusionnelle ou une coagulation intravasculaire disséminée, une hypophosphatémie, une intoxication par le zinc, etc.

D’après [9, 22].

Points forts

Quelle que soit la cause de l’AHMI, les symptômes sont les mêmes : fatigabilité, apathie, tachypnée et éventuellement anorexie, qui évoluent le plus souvent sur un mode chronique.

Les globules rouges sont, soit lysés au niveau intravasculaire, soit phagocytés par des macrophages au niveau extravasculaire.

Les AHMI sont normo­chromes, normocytaires, régénératives ou non.

Le traitement repose sur l’utilisation de substances immunomodulatrices et sur un traitement étiologique si l’origine de l’affection a pu être déterminée.

La transfusion sanguine doit être envisagée si le taux d’hémoglobine descend sous le seuil des 5 g/100 ml, ce qui met la vie de l’animal en danger à court terme.

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