Consultation et dominantes pathologiques du rat - Le Point Vétérinaire n° 260 du 01/11/2005
Le Point Vétérinaire n° 260 du 01/11/2005

NOUVEAUX ANIMAUX DE COMPAGNIE

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COURS

Auteur(s) : Sandrine Raymond

Fonctions : 13, rue Mercière
69002 Lyon

Le rat est de plus en plus fréquemment rencontré en consultation. Il est le plus souvent présenté pour une affection respiratoire, une dermatose ou des tumeurs mammaires.

Le rat a de nombreuses caractéristiques spécifiques. Les connaissances sur le chien et le chat, ou même sur les autres rongeurs, ne lui sont pas toujours transposables [15].

La prise en charge du rat reste délicate. Sa petite taille, le manque de matériel adapté et les contraintes économiques du propriétaire, contribuent souvent à interrompre la démarche diagnostique. En outre, il n’est pas facile de détecter précocement une affection chez le rat car l’animal présente souvent une symptomatologie fruste. Il est également difficile de le traiter car le pronostic est souvent réservé au moment de la consultation [14]. Il convient donc de connaître les signes non spécifiques de maladies et les dominantes pathologiques, de façon à intervenir rapidement. Grâce à une contention correcte et à une connaissance des valeurs physiologiques de base, il est possible de réaliser un examen clinique sommaire. Les examens complémentaires sont en revanche plus difficiles à mettre en œuvre. Les motifs de consultation sont toutefois relativement peu nombreux et le spectre des affections développées par le rat de compagnie est nettement plus étroit que celui des rats de laboratoire [25].

Si les rats sont fréquemment présentés en consultation après avoir développé une maladie infectieuse ou parasitaire, la cause initiale réside souvent dans un mauvais entretien. Tant que les conditions de vie de l’animal ne sont pas modifiées, la maladie persiste ou récidive. L’environnement de l’animal est donc un élément à prendre en compte dans la démarche diagnostique et thérapeutique, chez cette espèce pour laquelle toute forme de stress peut contribuer au développement d’une affection sous-jacente [f].

La consultation

Il est préférable de demander au propriétaire de présenter le rat dans sa propre cage, si la taille de celle-ci le permet, sans l’avoir nettoyée au préalable, afin de juger des conditions de vie de l’animal [9]. Le déroulement de la consultation du rat est le même que pour les chiens et les chats. Il débute par un recueil des commémoratifs et de l’anamnèse, pendant lequel il est possible de commencer un examen à distance. L’examen clinique proprement dit nécessite une contention adéquate.

1. Contention

La contention doit être réalisée dans le calme, en douceur. Quelle que soit la méthode choisie, la manipulation doit être de courte durée car les rats ne restent pas statiques trop longtemps.

La contention doit permettre d’assurer la sécurité du praticien, en prévenant tout risque de morsure, et celle de l’animal en l’empêchant de s’enfuir ou de chuter. La plupart du temps, les rats peuvent être simplement tenus par le corps, avec une main [13]. Il est également possible de tenir l’animal par la peau du cou, juste derrière les oreilles, ou plus largement jusqu’au thorax [1, 14], mais certains rats ne supportent pas cette méthode qui semble relativement stressante [21].

2. Examen clinique

L’examen clinique général vise à déterminer les paramètres physiologiques, ce qui n’est pas toujours aisé (voir le TABLEAU “Paramètres biologiques et physiologiques, valeurs hématologiques et biochimiques du rat”).

• Il est utile de commencer par peser l’animal, afin de pouvoir suivre l’évolution du poids au cours de la maladie et de calculer la posologie des traitements à administrer. Ce temps permet en outre d’estimer le tempérament de l’animal avant de passer à l’examen clinique proprement dit.

• La mesure de la température corporelle peut être effectuée à l’aide d’un thermomètre classique à petit embout [7]. La valeur obtenue est toutefois discutable, puisque le stress de l’examen peut provoquer une augmentation de température corporelle de 0,5 à 1 °C. Il semble que la température normale puisse varier de 36 à 37,7 °C.

• La fréquence respiratoire est rapide, mais elle peut être mesurée, à l’inverse de la fréquence cardiaque, souvent élevée. L’auscultation permet en outre de noter les bruits respiratoires.

• Les nœuds lymphatiques peuvent être observés et palpés et le degré de déshydratation peut être estimé de la même manière que chez le chien et le chat.

• La palpation abdominale apporte généralement peu d’informations, car son interprétation est délicate chez un animal d’aussi petite taille. Elle peut toutefois permettre de déceler une douleur, une masse ou la présence de gaz dans les anses digestives.

• L’examen de la cavité buccale à l’otoscope doit être systématique car le rat est prédisposé aux affections dentaires (malocclusions, caries, abcès dento-alvéolaires). La bouche est maintenue ouverte en exerçant une pression légère sur chaque commissure, et la lumière de l’otoscope est utilisée pour visualiser plus facilement les dents. Les mâchoires peuvent également être maintenues ouvertes à l’aide de petits écarteurs à arthrotomie [5].

• L’examen des yeux est également réalisé : observation du globe oculaire et de ses annexes, présence d’écoulements, de chromodacryorrhée, etc.

• En raison de la fréquence des tumeurs mammaires dans cette espèce, il est utile de réaliser une observation et une palpation du tissu mammaire [9, 24].

3. Examens complémentaires

La réalisation d’examens complémentaires est parfois difficile à mettre en œuvre, en raison de la taille de l’animal et du manque de matériel adapté. Cependant, comme chez d’autres espèces, ils peuvent apporter des éléments intéressants pour le diagnostic.

• Bien que la présence de parasites digestifs soit rarement pathogène chez le rat, il est parfois utile de réaliser un examen coprologique.

• La réalisation de clichés radiographiques est possible, mais il est souvent nécessaire de recourir à l’anesthésie de l’animal. Les meilleurs résultats sont obtenus avec des films à mammographie. L’interprétation des clichés ne présente pas de particularités par rapport aux autres espèces, mais le contraste est souvent peu marqué chez le rat.

• Les prélèvements sanguins sont difficiles à réaliser et sont donc rarement pratiqués. Ils présentent pourtant un intérêt dans de nombreux cas. La veine latérale de la queue est la plus abordable, même si la technique nécessite une certaine habitude. La ponction du sinus veineux orbital et la ponction cardiaque, très utilisées en laboratoire, sont toutefois peu employées en clientèle car, outre le fait qu’elles requièrent une anesthésie générale, elles présentent des risques pour l’animal (voir l’ENCADRÉ “Prélèvements sanguins chez le rat”) [3, 23].

Signes d’appel de maladie

La maladie est fréquemment reflétée par l’apparence externe de l’animal. La fourrure est hirsute par le manque de toilettage, le rat adopte une posture voussée, la tête est portée basse et les yeux peuvent être mi-clos. La respiration peut être plus prononcée et rapide. L’activité diminue progressivement jusqu’à la léthargie. Une perte de poids rapide accompagne presque systématiquement ce tableau clinique et le rat malade peut également être déshydraté.

Une chromodacryorrhée peut être observée [19]. Il s’agit de larmes teintées de rouge par des porphyrines (pigments lipidiques) sécrétées par la glande de Harder située en arrière du globe oculaire. Ces larmes rouges sont habituellement réparties sur le pelage à l’occasion du toilettage. Lors de stress ou de maladie, ces larmes s’accumulent aux coins des yeux et des narines par surproduction ou par défaut de toilettage. En séchant, les larmes forment des croûtes de couleur rouge brique, fréquemment confondues avec du sang séché (PHOTO 2). La différence peut être faite sous une lampe de Wood, puisque les porphyrines sont fluorescentes aux rayons ultraviolets [3, 21].

Les maladies respiratoires chroniques

Les maladies respiratoires chroniques sont les affections les plus fréquentes et constituent l’une des premières causes de mort du rat. Ces affections peuvent demeurer asymptomatiques durant toute la vie de l’animal et les manifestations cliniques se développent à la faveur de nombreux facteurs.

• Des prédispositions anatomiques, comme l’étroitesse des voies respiratoires, peuvent favoriser l’apparition de symptômes. Le stress sous toutes ses formes constitue également un facteur de risque : surpopulation, alimentation inadaptée, transports répétés, variations de température extérieure, hygrométrie trop faible qui assèche les voies respiratoires, ou trop élevée qui favorise la prolifération bactérienne, etc. La présence dans l’environnement de poussières, d’une litière de copeaux de cèdre (qui irritent les voies respiratoires) ou d’un fort taux d’ammoniac issu de l’urine, participent également au déclenchement de la maladie.

• Les maladies respiratoires chroniques constituent une entité complexe dont l’étiologie est variée et souvent plurifactorielle. Mycoplasma pulmonis est le plus souvent incriminé. Il peut agir seul, ou en synergie avec d’autres germes tels que Streptococcus pneumoniae, Pasteurella pneumotropica ou, dans une moindre mesure, Bordetella bronchiseptica, Corynebacterium kutscheri et le virus Sendai.

• Quels que soient les agents pathogènes en cause, les symptômes sont similaires. Il s’agit essentiellement de râles respiratoires et d’un catarrhe nasal. Lors d’atteinte de l’appareil respiratoire profond, la dyspnée peut être marquée (périodes d’orthopnée). Une épistaxis peut également être observée (PHOTO 3) et les images radiographiques montrent souvent une densification marquée des poumons (PHOTO 4). Si l’infection gagne l’oreille moyenne, puis l’oreille interne, l’animal peut présenter une posture anormale de la tête, des pertes d’équilibre liées à un syndrome vestibulaire, et un marcher en cercle. Parfois, une atteinte génitale peut être associée (infertilité, avortements, mortalité néonatale, etc.) [9, 14, 15, 16, 21].

• Le traitement des maladies respiratoires chroniques conduit à la suppression des symptômes et au ralentissement de l’évolution, davantage qu’à une guérison. Il repose sur l’administration d’antibiotiques par voie générale pendant une durée d’une à six semaines : tétracyclines, doxycycline ou quinolones notamment (voir l’ENCADRÉ “Thérapeutique chez le rat” et le TABLEAU “Posologies et modes d’administration des principaux médicaments utilisables chez le rat”). En pratique, l’association de deux molécules est recommandée. Le traitement local, lorsqu’il est possible, peut être intéressant car les nébulisations facilitent la fonction respiratoire et améliorent le confort de l’animal, mais leur intérêt est discuté (biphédrine aqueuse, Goménol®, trypsine injectable). Deux séances de quinze minutes par jour pendant dix jours sont prescrites.

• Des mesures sanitaires (isolement du rat malade, élimination de toute forme de stress, changement quotidien de la litière, utilisation de litière dépoussiérée et sans copeaux de cèdre, etc.) doivent être prises pour éliminer les facteurs favorisants. L’administration de corticoïdes sur une courte période permet également d’améliorer le confort de l’animal [8, 9, 11, 14, 15, 16, 21, c].

Les tumeurs mammaires

Les tumeurs mammaires constituent l’un des principaux motifs de consultation chez le rat. Elles affectent 50 à 90 % des femelles adultes et environ 15 % des mâles. Ces tumeurs apparaissent le plus souvent entre l’âge de douze à vingt-quatre mois et l’incidence augmente à partir de l’âge de dix-huit mois. Les individus obèses sont davantage susceptibles de développer des tumeurs.

• Le tissu mammaire a une répartition très large dans cette espèce : il s’étend ventralement, depuis la zone cervicale jusqu’à la région inguinale, et remonte latéralement sur les flancs et jusqu’au niveau des épaules. Une tumeur peut donc être retrouvée n’importe où le long de cette répartition.

• Il s’agit dans 90 % des cas de fibro-adénomes mammaires (PHOTO 5). Ce sont des tumeurs bénignes, ovoïdes ou discoïdes, fermes et bien encapsulées. Leur vitesse de croissance peut être très rapide et la tumeur peut atteindre une taille élevée, jusqu’à gêner la locomotion du rat.

• Le traitement est l’exérèse chirurgicale de la tumeur, qui est de bon pronostic dans le cas des fibro-adénomes. Les récidives sont en revanche fréquentes. Ces tumeurs étant œstrogénodépendantes, la stérilisation est vivement conseillée [9, 16, 19, 20, 21, c].

• Moins de 10 % des tumeurs mammaires sont des adénocarcinomes. Les masses sont alors ulcératives, hémorragiques et nécrotiques. Ces tumeurs malignes sont infiltrantes et ont un fort potentiel métastatique. Les métastases sont préférentiellement pulmonaires, cutanées ou vertébrales [16].

Affections dermatologiques

1. La gale notoédrique

Les rats sont fréquemment atteints de gale notoédrique due à Notoedres muris. Plus rarement, le rat peut être infesté par Myocoptes musculinus, Myobia sp., Radfordia ensifera, etc.

L’affection peut rester inapparente durant plusieurs mois et se développer à la faveur d’un stress ou d’une immunodépression.

• La gale à Notoedres muris affecte les zones glabres du corps : essentiellement les oreilles, la queue et le nez (PHOTO 6). Les lésions auriculaires typiques sont des croûtes jaunâtres dites “en chou-fleur”, les lésions de la queue et du nez sont érythémateuses et vésiculo-papuleuses. Cette affection est très prurigineuse.

• Les gales sont diagnostiquées par un raclage cutané.

• Le traitement, simple et efficace, associe une prise en charge locale et générale. Les lésions peuvent être désinfectées avec de la polyvidone iodée. Les griffes des membres postérieurs doivent être coupées pour éviter les lésions dues au prurit. Le traitement systémique comprend :

- deux injections d’ivermectine à dix à quinze jours d’intervalle ;

- ou le dépôt d’une goutte d’ivermectine en spot-on ;

- ou deux dépôts de sélamectine entre les scapulas à quinze jours d’intervalle.

Le traitement doit concerner toutes les espèces hôtes possibles. L’environnement de l’animal (cage, accessoires) est traité chaque semaine avec de la pyréthrine ou du carbaryl [10, 16, 19, 22, e, f].

2. Infestation par les puces

Comme chez les autres espèces animales, les infestations par les puces existent chez le rat. L’espèce de puces parasite du rat est Xenopsylla cheopis, mais Ctenocephalides felis est retrouvée plus souvent chez les rats domestiques. La transmission s’effectue aisément à partir des autres animaux, chiens ou chats, présents dans la même habitation.

La pulicose provoque généralement peu de lésions et un prurit léger est souvent le seul signe observé. Lors de fortes infestations cependant, des zones dépilées peuvent être observées, ainsi que des squames et des croûtes. Ces lésions dues au grattage peuvent se surinfecter.

Le traitement doit concerner tous les animaux susceptibles d’être infestés. Le carbaryl en poudre appliqué trois fois à une semaine d’intervalle, ou la sélamectine à la dose de 15 mg/kg en dépôt cutané, sont efficaces [6, 15, 19, 21].

3. Les dermatophytoses

Le portage asymptomatique de dermatophytes est relativement fréquent chez le rat. En revanche, la forme clinique ne se développe qu’à la faveur d’une forte exposition au parasite et d’une faible résistance des animaux (individus jeunes ou âgés, femelles gestantes, stress, ectoparasitisme, etc.).

Chez le rat, les dermatophytes les plus fréquemment isolés sont Trichophyton mentagrophytes, et parfois Microsporum canis, dont l’incidence semble croissante.

Quand les symptômes sont présents, il s’agit de lésions alopéciques nummulaires d’évolution centrifuge, le plus souvent érythémateuses, qui siègent sur la face, le cou, le dos et la base de la queue.

Le diagnostic est établi grâce à un trichogramme et à une culture fongique.

Le traitement nécessite l’application de topiques fongicides, à l’aide de bains d’énilconazole deux fois par semaine. Le traitement systémique repose sur l’administration de griséofulvine ou de kétoconazole. Le traitement doit concerner tous les animaux en contact.

L’éradication du dermatophyte nécessite en outre un traitement de l’environnement deux fois par semaine, à l’aide de pulvérisations d’énilconazole [2, 16, 19].

4. Les dermatites bactériennes

La dermatite ulcérative est une affection bactérienne, due le plus souvent à Staphylococcus aureus, fréquente chez la souris et plus rare chez le rat.

• Elle se développe à la suite d’un traumatisme cutané comme une morsure, une griffure ou une lésion de grattage. Toutes les causes de prurit, les grillages ou les litières trop abrasifs, ainsi que les facteurs qui maintiennent la peau humide (conjonctivite, ptyalisme, diarrhée, incontinence urinaire, litière sale, etc.), favorisent le développement de la maladie.

• Les lésions vont de l’érythème superficiel à la suppuration et à l’ulcération profonde. Elles concernent surtout la tête, l’avant du corps, la queue, la région périnéale et la partie ventrale du corps. Le diagnostic est établi par calque cutané.

• Le traitement comprend la tonte des poils périlésionnels, le nettoyage des zones infectées (chlorhexidine, polyvidone iodée), et l’application d’un topique antibiotique. L’antibiothérapie systémique n’est généralement pas nécessaire, en raison de la résistance des rats à S. aureus. La coupe des griffes est essentielle pour empêcher les lésions d’automutilation qui entretiennent l’infection. Les facteurs favorisants doivent être identifiés et corrigés.

• La pododermatite, dont l’étiologie est la même, existe chez le rat sous la forme d’une pododermatite granulomateuse extrêmement difficile à traiter [2, 16, 19, a, e, f].

Autres affections

1. Paralysie postérieure progressive ou radiculopathie dégénérative

Les rats âgés peuvent développer une paralysie postérieure progressive. Il s’agit d’une dégénérescence des racines nerveuses spinales ventrales, à l’origine de symptômes parétiques, puis paralytiques.

Le rat se déplace de plus en plus difficilement et ses membres finissent par traîner sur le sol. Ils sont alors sujets au développement de cals, d’ulcères et de dermatite dans les zones en contact avec l’urine et les excréments.

L’étiologie de cette affection est inconnue (probablement une myélopathie dégénérative) et il n’existe aucun traitement curatif. L’administration de corticoïdes peut toutefois améliorer l’état de l’animal.

Le rat doit être gardé sur une litière propre et douce pour éviter les lésions par frottement. L’euthanasie est envisagée lorsque des ulcères se développent, ou lorsque le rat ne parvient plus à atteindre l’eau et la nourriture [19, 21].

Des symptômes similaires peuvent exister lors de développement de métastases vertébrales provenant d’adénocarcinome mammaire.

2. Malocclusion dentaire

Le rat peut occasionnellement être atteint de malocclusion dentaire. Seules les incisives ont une croissance continue dans cette espèce : la malocclusion ne concerne donc jamais les molaires.

Cette affection survient lors de mauvaise implantation des dents, de fracture d’une dent ou de la mâchoire, d’abcès dentaires, d’absence d’éléments durs à ronger, de perte d’une dent ou d’anorexie prolongée. Outre la croissance excessive des dents, l’animal peut être présenté en consultation pour anorexie, amaigrissement ou ptyalisme. Le ptyalisme n’est cependant pas un symptôme systématique chez le rat. La salivation prédispose à l’apparition de dermatite ulcérative sur l’avant du corps. Les dents trop longues peuvent également occasionner des lésions buccales, jugales et linguales.

Le traitement consiste à restaurer la taille normale des dents sous anesthésie. Une pince coupante est généralement utilisée, mais il existe un risque de provoquer une fissure longitudinale de la dent, ce qui occasionne de la douleur et prédispose aux infections. L’idéal est d’utiliser une fraise dentaire ou un disque abrasif.

Il convient de rechercher la cause de la malocclusion afin de prévenir les récidives, mais il s’agit souvent d’une affection récurrente. La coupe des dents doit donc être réalisée régulièrement, une fois par mois ou toutes les six semaines. L’extraction de la ou des dent(s) concernée(s) et de la ou des dent(s) opposée(s) permet de résoudre définitivement la malocclusion [2, 5, 9, 11, 14, 15, 16, 19, b, d].

3. Pathologie digestive

Contrairement aux autres rongeurs, le rat n’est pas très sensible aux affections digestives. Lorsqu’un syndrome “diarrhée” survient, il s’agit le plus souvent d’un trouble non spécifique, provoqué par une perturbation de la flore digestive (stress, changement alimentaire sans transition, alimentation inadaptée, sevrage mal conduit, défaut d’abreuvement, etc.). Cependant, la diarrhée peut occasionnellement être due à une affection spécifique (rotavirus chez le jeune rat, salmonellose, maladie de Tyzzer, colibacillose, parasites, etc.). Ces affections sont toutefois rarement rencontrées chez le rat de compagnie.

Les endoparasites sont rarement responsables de troubles digestifs, sauf en cas d’infestation massive, notamment par des oxyures.

Si aucune cause spécifique n’a pu être mise en évidence, le traitement est alors symptomatique, à base d’adsorbants et d’anti-diarrhéiques. L’animal est réhydraté, par voie orale ou intrapéritonéale. L’administration de ferments lactiques permet de rééquilibrer la flore digestive [14, 16, f].

4. Sialodacryo-adénite

La sialodacryo-adénite est une affection virale due à un coronavirus appelé SDAV. Cette maladie peut affecter toutes les classes d’âge, mais les jeunes âgés de deux à quatre semaines sont plus sensibles.

L’affection est caractérisée par une inflammation des glandes salivaires, des glandes lacrymales et des nœuds lymphatiques de la région cervicale. Les symptômes sont une rhinite suivie d’un blépharospasme, d’une chromodacryorrhée, d’une exophtalmie, d’une photophobie et d’une conjonctivite. Un gonflement de la région cervicale, dû à un œdème cervical ainsi qu’à une hypertrophie des nœuds lymphatiques de la région et des glandes salivaires enflammées et nécrotiques, apparaît ensuite. L’exophtalmie est provoquée par l’inflammation et l’engorgement des glandes lacrymales.

Les symptômes perdurent plus d’une semaine. Au cours de l’infection, les rats restent actifs et s’alimentent en général normalement.

La guérison intervient spontanément en deux à quatre semaines. Il n’existe pas de traitement spécifique. Il convient d’instaurer un traitement de soutien, notamment des soins locaux lors d’atteinte oculaire. L’administration d’un traitement antibiotique permet d’éviter les surinfections bactériennes [2, 8, 16, 18, 19].

5. Salmonellose

Les rats peuvent être atteints de salmonellose à Salmonella enteritidis dont il existe de nombreux sérotypes. La transmission est orofécale, souvent par le biais d’une alimentation souillée par des animaux atteints.

L’expression de la maladie chez le rat est fréquemment subclinique. L’animal peut parfois présenter des symptômes non spécifiques (dépérissement chronique, anorexie, perte de poids, léthargie, dyspnée, larmoiements, poil piqué), et parfois des selles molles.

Le diagnostic est notamment réalisé par culture à partir des fèces.

La salmonellose est une zoonose qui provoque chez l’homme un syndrome fébrile et une gastro-entérite parfois sévère chez les enfants et les personnes âgées. En raison de ce risque zoonotique, l’euthanasie est préconisée lorsque la salmonellose est diagnostiquée chez le rat. Le traitement antibiotique permet en effet d’éliminer les symptômes mais non d’éradiquer la maladie. Le rat traité continuerait à excréter la bactérie. La cage et le matériel doivent être nettoyés et désinfectés et la litière est détruite [15, 16, 19, 21, d].

6. Leptospirose

La leptospirose est une maladie due à Leptospira interrogans, une bactérie spirochète qui peut affecter de nombreuses espèces de mammifères, dont l’homme. Les rongeurs sauvages constituent le réservoir de la maladie.

Chez le rat, l’expression de l’infection par L. interrogans est le plus souvent inapparente et les individus restent porteurs sains généralement toute leur vie. Les rats porteurs excrètent les spirochètes et peuvent ainsi être responsables d’une contamination.

Si des symptômes sont observés chez le propriétaire d’un rat (syndrome grippal, insuffisance rénale aiguë, ictère, augmentation de l’urémie, pétéchies, hémorragies digestives, etc.), la sérologie sur sang ou sur urine est indiquée pour établir le diagnostic chez le rat. Si le rat est porteur, l’euthanasie de l’animal est recommandée.

La leptospirose est principalement une zoonose professionnelle (égoutiers, éboueurs, pisciculteurs, etc.) et de loisirs (suite à des activités en eau douce) qui affecte des individus en contact avec des populations de rats sauvages. Les rats de compagnie sont rarement impliqués, sauf s’ils ont des contacts avec des individus sauvages [2, 19, 21, 22].

Le développement des affections respiratoires et cutanées est influencé par les conditions de vie du rat, notamment son habitat et son alimentation, et il est donc essentiel de prodiguer aux propriétaires des conseils sur l’entretien de leur animal. Lorsque les dominantes pathologiques et les particularités du rat sont connues, la petite taille de l’animal n’est plus un obstacle au diagnostic et au traitement.

Prélèvements sanguins chez le rat

La ponction de la veine latérale de la queue est une technique qui peut être réalisée sans anesthésie. Elle peut toutefois être douloureuse et une contention correcte est nécessaire. Les veines latérales de la queue se trouvent de chaque côté de celle-ci et sont relativement superficielles. Chez les jeunes rats et chez les albinos, elles sont facilement visibles. Chez les autres individus, leur visualisation est améliorée en favorisant leur vasodilatation, en plongeant la queue cinq à dix minutes dans de l’eau à 30 à 35°C, ou en plaçant l’animal à 25 à 30 cm d’une lampe chauffante. Un garrot peut être placé à la base de la queue, et la ponction est effectuée avec une aiguille de faible diamètre (26 Gauge) montée sur une seringue à insuline. L’aiguille est insérée au niveau du tiers proximal de la queue, avec un angle d’environ 30°. Il est possible de prélever jusqu’à 0,5ml de sang par cette méthode [3].

La même technique peut être employée pour réaliser une injection intraveineuse (PHOTO 1).

La ponction du sinus veineux orbital est une technique rapide et facile, mais qui nécessite une anesthésie générale. Un tube à microhématocrite est inséré à travers la conjonctive, le long du canthus médial de l’œil, selon une orientation caudale et médiale. Une légère rotation du tube est exercée selon son grand axe. Le sang monte alors librement le long du tube. Les paupières sont ensuite maintenues fermées manuellement jusqu’à ce que l’hémostase soit effectuée [3, 17].

Thérapeutique chez le rat

Contrairement aux autres espèces de rongeurs, le rat est peu sensible à la toxicité indirecte, par modification de la flore digestive, de certains antibiotiques.

Certaines molécules ont en revanche une toxicité directe chez cette espèce. Il s’agit de la streptomycine, de la dihydrostreptomycine, de l’érythromycine, de la clindamycine, de la lincomycine, et de la bacitracine, dont l’utilisation doit être proscrite.

Les molécules sûres et efficaces dans la plupart des cas sont la marbofloxacine, l’enrofloxacine, l’association triméthoprime-sulfamides et la tétracycline. Ces antibiotiques sont ceux qu’il convient d’utiliser pour une antibiothérapie en première intention [14, 16, a].

La thérapeutique analgésique est fondamentale car le stress (douleur) peut ralentir la guérison des rats malades ou opérés. Les opioïdes (notamment la morphine(1) et la buprénorphine(1) sont utilisables lors de douleur majeure ou d’intervention chirurgicale.

• Lors de douleur plus modérée, les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont suffisants. Ils sont bien tolérés et sont peu toxiques, mais une toxicité digestive peut toutefois se manifester par de la diarrhée, une dysorexie, du méléna. Pour pallier ce risque, un pansement gastrique (pectine ou hydroxyde d’aluminium) et un anti-acide (cimétidine(1)) peuvent être associés.

• Les anti-inflammatoires stéroïdiens sont utilisables chez le rat, mais leur marge de sécurité est étroite et leur seuil de toxicité létale est bas. Ils peuvent être à l’origine d’un syndrome respiratoire aigu ou d’une entéropathie. Il est donc préférable de réserver leur utilisation à la traumatologie, et au traitement de certaines affections inflammatoires aiguës.

  • (1) Médicament à usage humain; D'après [2, a].

Points forts

Il est préférable de demander au propriétaire d’amener le rat dans sa propre cage, sans l’avoir nettoyée au préalable.

Les maladies respiratoires chroniques sont les affections les plus fréquentes chez le rat. Elles se manifestent à la faveur de facteurs qui diminuent la résistance de l’organisme.

Les tumeurs mammaires affectent 50 à 90 % des femelles adultes. Le plus souvent, il s’agit de fibro-adénomes bénins, qu’il est possible de retirer chirurgicalement. Les récidives sont fréquentes.

La gale notoédrique provoque l’apparition de lésions pseudoverruqueuses et croûteuses, très prurigineuses, sur les oreilles, sur le nez et sur la queue.

Lors d’affection dermatologique prurigineuse, la coupe des griffes est essentielle pour empêcher les lésions d’automutilation qui entretiennent l’infection.

Remerciements à Marie-Pierre Callait-Cardinal, service de parasitologie, ENVL et Didier Boussarie, clinique Frégis, Arcueil.

Congrès

a - Boussarie D. Utilisation des anti-infectieux chez les nouveaux animaux de compagnie. Proceedings Congrès annuel CNVSP. Lyon, 6-8 décembre 1996 : 282-285.

b - Boussarie D. Rongeurs et lagomorphes : castrations mâles et femelles, soins dentaires, prélèvements sanguins. Proceedings Congrès annuel CNVSPA (eds). Lyon, 6 décembre 1996 : 140-143.

c - Quesenberry K. Small pet rodents. In : Internal Medicine : Small Companion animals, Proceedings 306, 15-19 juin 1998, Post Graduate Foundation in Veterinary Science, Sydney. 1998 : 53-72.

À lire également

d - Burke JT. Animaux de petit format. Guide du vétérinaire pour les rongeurs et les lapins. Waltham international focus. 1992 ; 2(3) : 17-23.

e - Guaguère E. Dermatologie du lapin, de la souris et du rat. Act. Vét. 1998 ; 1453 : 28-30.

f - Haffar A et coll. Les rongeurs, animaux de compagnie : dominantes pathologiques. Dépêche Techn. (suppl. techn. 40). 1994 : 23 pages.

  • 2 - Andreu de Lapierre E. Le rat. Dans : Dictionnaire pratique de médecine des nouveaux animaux de compagnie. Editions Med’com, Paris. 2001 : 47-53.
  • 3 - Bauck L, Bihun C. Basic anatomy, physiology, husbandry and clinical techniques. In : Ferrets, rabbits and rodents, clinical medicine and surgery. Hillyer EV, Quesenberry KE, WB Saunders eds, Philadelphia. 1997 : 291-307.
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